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CD - Déroulement du Dao (I)

La Chine dans les romans de Philippe Sollers

D 19 octobre 2008     A par Viktor Kirtov - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Picasso est dans l’actualité artistique avec cette confrontation exceptionnelle au Grand Palais « Picasso et les maîtres ». Une vie déroulée du début à la fin. Le vieux Picasso, qui sur la fin de sa vie ne pouvant plus bander, se fait voyeur - il met un oeil dans l’interstice du rideau de fond du Baiser (24 octobre 1969-I) [1] - se fait vieillard lubrique pensent certains, tant cette période célèbre avec force le désir, la jouissance, l’érotisme, le sexe, ce qui nous vaut des tableaux éclatants de vérité, celle qu’il veut nous jeter à la face avant de mourir, son testament d’homme : là est la vérité de l’homme, et l’important. L’essentiel.

... L’essentiel de Sollers, il nous le « jette » aussi à la face ou à l’oreille avec ses dernières publications : Une vie divine, d’un certain Monsieur N., L’Evangile selon Nietzsche, Guerres secrètes et ce CD « le déroulement du Dao ». Le déroulement de la pensée chinoise dans ses livres : Lectures d’extraits et commentaires. Un enregistrement du 2 juin 2003, dans son bureau, publié, ce mois, chez Frémiaux.

L’extrait sonore

Réalisation du CD : Jean-Hugues-Larché

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Personne ne sait d’où il est éclos
(Extrait du Huainan zi) 2’20

Ce qui est dit dans ce qui suit c’est vraiment ce que je voulais faire avec Paradis :

« Quand on le déroule, ce livre remplit l’univers dans toutes ses directions, et,

quand on l’enroule, il se retire et s’enfouit dans son secret.

Sa saveur est inépuisable, tout y est réelle étude.

Le bon lecteur en l’explorant pour son plaisir y a accès ; Dès lors jusqu’à la fin de ses jours, il en fait usage,

sans jamais pouvoir en venir à bout. »

[...]

Maintenant, voici quelques phrases données comme étant l’ ?uvre d’un penseur du vingtième siècle* :

« L’émerveillement ouvre ce qui est fermé. »

« L’attente sereine est confiante. »

« Dans la pensée, toute chose devient solitaire et lente. »

« La pensée heureuse trouve sa voie. »

- Martin Heidegger (NdE)

Philippe Sollers,

JPEG - 28.5 ko
Crédit illustration : benoit.monneret@gmail.com

Le dos du CD

Le contenu du CD

1. Ballade de Wang Wei (L’Etoile des Amants) : 13’23

2. Personne ne sait d’où il est éclos (Extrait de Huainan zi) : 2’20

3. Au bord de la rivière Luo (Paradis) : 13’59

4. Le « saint » chinois (Extrait de Huainan zi) : 2’54

5. Art de la guerre (Le Secret et Studio) : 9’55

6. L’hexagramme Fong (Passion fixe) : 2’30

7. L’érotisme chinois (Passion fixe) : 9’31
- Les canards mandarins
- De la joie suprême
- La vie sexuelle dans la chine ancienne

8. Déroulement du Dao (Passion Fixe) : 2’01

9. De l’immobilité apparente (Passion Fixe) : 4’26

oOo

Voir aussi & écouter

« CD - Déroulement du Dao (II) »

« Tout tient dans ce mot, dao »

« Le génie de la Chine »

« Coup de Bible »

« Qui est Tchouang-tseu ? »

et, d’une manière générale, on déroule le Dao .

oOo

Crédit : Jean-Hugues Larché]

Jean-Hugues Larché est aussi un l’auteur d’un DVD avec Sollers sur Nietzsche, miracle français, notamment, et contributeur de la revue littéraire Sprezzatura.

Acheter : La librairie sonore


Le livret du CD

Philippe SOLLERS
Déroulement du Dao - La Chine dans les romans de Philippe Sollers

Extraits :

« Il habite le sans aspect,
il réside dans le sans lieu,
il se meut dans le sans forme,
il se tient en repos dans l’incorporel,
il existe comme s’il n’était pas, vit comme s’il était mort,
sort du sans intervalle et y pénètre. »

« Le Dao est si haut que rien ne lui est supérieur,
si profond que rien ne lui est inférieur,
il est plus plan que le niveau, plus droit que le cordeau,
ses cercles sont plus ronds que ceux des compas,
ses angles plus précis que ceux de l’équerre,
il embrasse l’espace temps, si bien que rien ne lui est intérieur ni extérieur,
il communique avec le ciel et la terre sans rencontrer d’obstacle.
Aussi celui qui fait corps avec lui n’éprouve-t-il ni peine ni joie
ne contient ni contentement ni colère,
il veille sans inquiétude et dort sans rêve,
quand les êtres apparaissent il les nomme
quand les événements se produisent il leur répond [2] »

Je répète : « Quand les êtres apparaissent il les nomme - Quand les évènements apparaissent il leur répond. » La réponse, la résonance.
Comme tout se répond et résonne, l’art de la guerre en Chine correspond à toutes les autres catégories médicales, poétiques, musicales, etc. Tout a lieu en même temps, en résonance, en corrélation.

Ce qui entraîne logiquement dans l’article 10 (De la topologie) cette remarque désa­gréable contre tout général vaincu : « Un général malheureux est toujours un général coupable » (Ou encore dans l’article 4, De la mesure dans la disposition des moyens : « On n’est jamais vaincu que par sa propre faute ; on n’est jamais victorieux que par la faute de l’ennemi. »). On peut, de même, rapprocher utilement, en se souvenant que « la victoire est le fruit des comparaisons », deux remarques capitales. Une de l’article 9, De la distribution des moyens : « Si vos espions disent qu’on parle bas dans le camp ennemi et d’une manière mystérieuse, allez à eux sans perdre de temps, ils veulent vous surprendre, surprenez-les vous-mêmes. Si vous apprenez au contraire qu’ils sont bruyants, fiers et hautains dans leurs discours, soyez certains qu’ils pensent à la retraite et qu’ils n’ont nullement envie d’en venir aux mains. » Et la deuxième à l’article 4 : « Une armée victorieuse remporte la victoire avant d’avoir cherché la bataille ; une armée vouée à la défaite, combat dans l ?espoir de gagner. » « La Doctrine fait naître l’unité de la pensée, elle nous inspire une même manière de vivre et de mourir, elle nous rend intrépides dans les malheurs et dans la mort. » On a vu, plus d’une fois des généraux qui, parce qu’il leur était indifférent de mourir, gagnaient une bataille, par une attaque désespérée, dans les « lieux de mort ». Ce n’est pas fréquent, mais cela arrive. On doit considérer ces généraux comme pleinement accomplis. Tout cela se poursuit dans une autre situation dans Studio. Cette fois nous sommes non plus avec Sun zi mais avec Les 36 stratagèmes. Ce sont des réflexions sur la guerre, mais aussi sur la façon de se comporter dans la vie ou dans la poésie, puisque la vie est une guerre et que la poésie est une guerre comme l’a dit Mandelstam qui savait de quoi il parlait : « Tromper consiste à tromper, puis à cesser de tromper. L’illusion croit et atteint son sommet pour laisser place à une attaque en force. Un coup faux, un coup faux, un coup vrai » ça me fait penser à un film où il y a une partie acharnée de poker. Le gagnant conclut ainsi : le grand poker c’est mal jouer au bon moment. Et encore : « quand le souffle de la discorde balaie l’autre camp, une seule pression de ma part suffirait à résoudre son unité. Se retirer et demeurer à distance c’est faire le lit du désordre. » Et encore : « Rien dans les mains, rien dans les poches, ruse des mauvais jours, ruse des ruses. » De la guerre on peut passer à l’amour, ce qui est évidemment la même chose.
Passion Fixe.

« En chinois, les canards mandarins, yuan yuang, sont réputés inséparables. L’expression est devenue le symbole du couple amoureux. Que font par ailleurs les amants ? Ils sont souvent à cheval (faire l’amour), ils descendent de cheval (jouir). Ils connaissent l’âme dissoute, xiao hun, c’est à dire ce que nous nommons en terme technique et réfrigérant d’orgasme. ça les détend. Il leur arrive de jouer de la flûte ou d’allumer le feu de l’autre coté de la montagne, ce qui se comprend sans peine. La branche fleurie désigne le sexe masculin, la chambre des fleurs ou la pivoine, le sexe féminin.

Pour tout ça il faut aller voir la bibliothèque chinoise qui est énorme. Voilà une question de jardin, nous surmontons notre nature mammifère. Une femme qui monte un homme est dite avaler et cracher, le libertinage, lang, est comparé à un flot d’écume, le printemps, cela va de soi, fait allusion à l’excitation. Tout cela fait partie du jeu des nuages et de la pluie, yun yu, rien de bien nouveau sous la lune. Le saule est l’arbre par excellence de cette région. Il évoque la taille féminine souple, et au pluriel, la formule « Fleurs et saules » indique les bordels, les lupanars ou, comme on disait autrefois les maisons closes. « Si l’Occident n’offre guère d’écrits sur la vie sexuelle en Chine, c’est en partie que les observateurs, vu cette carence, ont eu du mal à recueillir sur place des données pertinentes. Je n’ai pas trouvé, dans ce domaine de publication occidentale qui méritât une attention sérieuse ; quant aux choses de rebut, j’en ai rencontré d’incroyables quantités. » Van Gulick remarque enfin, et cela nous intéresse, que jusqu’au treizième siècle la séparation des sexes n’avait rien de rigoureux, et que l’on parlait et écrivait librement des relations sexuelles. Marco Polo, qui parlait turc et mongol mais pas chinois, a vu les choses « du dehors ». il a quand même entendu parler des courtisanes de la ville de « Kinsaï » (aujourd’hui Hangzhou, ancienne capitale de la Chine sous les Song du Sud, fameux jardins, Pagode des six harmonies datant de 970) : « Ces dames sont extrêmement compétentes et accomplies dans l’usage des charmes et des caresses, et savent les mots qui répondent convenablement à chaque sorte de personne ; en sorte que les étrangers qui en ont une fois joui ne se possèdent plus du tout, et sont à ce point captivés par leur douceur et leur charme qu’en rentrant chez eux, ils disent qu’ils ont été au « Kinsaï » c’est à dire dans la cité céleste, et c’est sans patience qu’ils attendent le moment où il leur sera donné d’y retourner. » Maintenant, voici quelques phrases données comme étant l’oeuvre d’un penseur du vingtième siècle [3] :

« L’émerveillement ouvre ce qui est fermé. »
« L’attente sereine est confiante. »
« Dans la pensée, toute chose devient solitaire et lente. »
« La pensée heureuse trouve sa voie. »

Ce qui est dit dans ce qui suit c’est vraiment ce que je voulais faire avec Paradis :
« Quand on le déroule, ce livre remplit l’univers dans toutes ses directions, et, quand on l’enroule, il se retire et s’enfouit dans son secret.
Sa saveur est inépuisable tout y est réelle étude.
Le bon lecteur en l’explorant pour son plaisir y a accès ;
Dès lors jusqu’à la fin de ses jours, il en fait usage,
sans jamais pouvoir en venir à bout. »

Philippe SOLLERS,
Enregistré par Jean-Hugues Larché
Paris, 2 juin 2003

Cet enregistrement est ponctué par des lectures d’extraits de romans de Philippe Sollers :
L’Étoile des Amants (© Éditions Gallimard)
Le Secret (© Éditions Gallimard)
Studio (© Éditions Gallimard)
Passion Fixe (© Éditions Gallimard)
Paradis (© Éditions du Seuil 1981)

Enregistré au bureau de Philippe Sollers, Paris, le 3 juin 2003.
Réalisation : Jean-Hugues Larché. / Remerciements : Laurène L’Allinec, Jean-Francis Sabourin, Caroline Larché.

Crédit : La Librairie sonore & l’éditeur Frémiaux & associés


[1Mougins, Collection Gilbert de Botton, Suisse

[2Extrait du Huainan zi, second volume des philosophes taoïstes, collection La Pléiade, 2003.

[3Martin Heidegger (NdE).

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1 Messages

  • A.G. | 20 octobre 2008 - 14:10 1

    Une passion fixe :

    « Il y avait dans son histoire (qui déplaisait à beaucoup) quelque chose de compliqué, d’incompréhensible. « Enfin, l’affaire communiste est criminelle et absurde ? - Oui. - Partout la même impasse catastrophique ? - Oui. - Mais alors pourquoi faire une exception pour la Chine ? » Silence, et, de nouveau, geste vers le siècle prochain. Accablant.

    Il n’a jamais voulu s’associer aux campagnes d’opinion qu’il jugeait racistes. Il avait ses raisons ; qu’il ne voulait pas formuler, quelque chose de vraiment profond, sa part d’ombre. Lui si maîtrisé d’habitude, comme il s’animait dès qu’il était question de la Chine ! »

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