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France, ton français fout le camp !

« l’apocalypse scolaire »

D 18 novembre 2023     A par Viktor Kirtov - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal fait état de « résultats inquiétants » des élèves de 4e en français et en mathématiques, promettant des « mesures fortes » sur le collège début décembre.
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Les élèves de 4e ont passé pour la première fois en septembre des évaluations nationales en français et en mathématiques et leurs résultats sont « plutôt inquiétants », selon le ministre de l’éducation nationale, Gabriel Attal, dans un entretien au Parisien, lundi 13 novembre. Depuis 2017, les élèves de CP, CE1 et 6e passent en début d’année des tests pour évaluer leurs acquis dans ces deux disciplines phares. Ces évaluations concernent depuis cette rentrée les élèves de CM1 et de 4e, et la Rue de Grenelle vient de rendre publics leurs résultats.
Près de la moitié des élèves de 4e ne possèdent pas, par exemple, le niveau attendu en fluence, la fluidité de lecture. Un quart ont même des scores inférieurs à ce qui est demandé à un élève de CM2. En mathématiques, plus de la moitié des collégiens n’ont pas un niveau satisfaisant en résolution de problèmes. « Le collège ne parvient pas à réduire les écarts constatés à l’entrée en 6e. Le risque, si on ne fait rien, c’est que notre collège tombe en panne » , juge Gabriel Attal.

C’était mieux avant
Était-ce vraiment mieux avant ? C’est une certitude. Une étude réalisée par le service statistique du ministère de l’Éducation nationale l’a confirmé une nouvelle fois en 2021, en proposant aux 7 000 élèves de CM2 une dictée de 67 mots, « sans difficulté particulière » selon le ministère. En moyenne, les enfants interrogés avaient fait 20 fautes. Des erreurs de grammaire essentiellement, liées aux accords entre le sujet et le verbe, entre un nom et son adjectif, ou encore du participe passé.

Ainsi, moins d’un élève sur deux écrit correctement le mot « demandaient » dans la phrase : « Papa et maman se demandaient. »

Jusque dans les années 1980, les collégiens avaient six heures de français par semaine. Aujourd’hui, ils n’en ont plus que quatre.
Michel Fayol, professeur émérite

Même chose au lycée, où l’étude de la langue française a disparu il y a bien longtemps du tronc commun de terminale. Résultat : en quarante ans, les élèves auraient ainsi perdu près de 600 heures de français entre le CP et la seconde.

Le collège unique
Le collège unique remonte à 1975. Avant cette date, quand les élèves sortaient de l’école primaire, ils entaient dans des classes de 6e qui étaient classées en trois groupes selon le niveau des enfants. Le groupe 1 correspondait à une voie longue qui mène au lycée ; le groupe 2 était une voie courte, avec comme objectif le brevet et le groupe 3 qui menait à l’apprentissage. En 1975, tout change avec la loi Haby, L’objectif est une démocratisation de l’enseignement pour que les classes sociales les plus modestes puissent avoir un socle comparable aux autres classes sociales. Dès cette époque, émergent des critiques contre cette réforme qui nivelle vers le bas, selon ses détracteurs.

Dans « Génération farniente » de Pascal Perri, l’auteur consacre 25 pages à l’école, présentée comme un élément essentiel de la préparation au travail. Le choix néfaste du collège unique en 1975, poursuivi par les gouvernements successifs de droite et de gauche, a abouti à un nivellement par le bas pour 90% d’une classe tout en préservant une élite très bien formée de 10%. La dévalorisation des savoirs fondamentaux, de l’effort et du travail, de la discipline et même du métier d’enseignant a produit « l’apocalypse scolaire », avec des conséquences négatives sur le futur rapport au travail.

Et puis vint en 1985, Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’éducation nationale qui fixa l’objectif d’ ‘Amener 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat"... Bonne intention si elle n’avait pas été dévoyée en baissant le niveau des exigences pour mieux coller à l’objectif. « Résultats du bac 2023 : 90,9 %, un taux de réussite stable qui cache des disparités pour la première session de l’examen réformé » titrait le Monde du 8 juillet 2023 !

L’enfer est pavé de bonnes intentions, et après près de 50 ans, depuis 1975, le bilan est malheureusement le constat du désastre scolaire mis en lumière par les dernières statistiques en matière d’acquisition du français, de la lecture, et des mathématiques de base.

V.K.

D’après Le Point et Le Monde des 14/11/2023, atlantico.fr du 17/11/2023

VOIR AUSSI La lecture et sa voixd’après Ph. Sollers


2PS : Le désastre scolaire s’étend aussi aux mathématiques de base, et le vivier des bacheliers scientifiques se réduit, ce qui inquiète les directeurs d’écoles d’ingénieurs. « L’économie française a besoin de former plus d’ingénieurs, affirme Emmanuel Duflos, président de la Conférence des directeurs des écoles d’ingénieurs (CDEFI) lors de la conférence annuelle de rentrée. Selon la CDEFI,

« 10 000 ingénieurs supplémentaires sont nécessaires par an et à très court terme afin de combler la pénurie de compétences rencontrée dans certains secteurs clés comme le nucléaire, le numérique et l’hydrogène ».

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2 Messages

  • Viktor Kirtov | 29 novembre 2023 - 14:45 1

    Pour relever le niveau des élèves, et avec lui la richesse de la nation, c’est tout le système éducatif qui doit être repensé
    Par Nicolas Baverez

    Les connaissances des jeunes entrant en quatrième en 2023 ont fait l’objet d’une évaluation nationale, portant sur 7 039 établissements et 795 000 collégiens, qui montre un effondrement sans précédent de leur niveau. Selon ses conclusions, 52,8 % des élèves ne maîtrisent pas les compétences élémentaires requises en français et 54,7 % en mathématiques. Dans les établissements classés en éducation prioritaire, 79,1 % des élèves ne comprennent pas la langue française et 83,5 % ignorent les bases du calcul. Seuls les établissements privés présentent des performances acceptables, largement supérieures à celles du secteur public hors éducation prioritaire.

    Le constat est sans appel. La France connaît une régression éducative inouïe, qui fait d’elle une nation d’illettrés. L’Éducation nationale est devenue une machine à stériliser notre capital humain, dans un temps où la connaissance détermine la richesse des nations, la compétitivité des entreprises et la cohésion des sociétés. Elle ne transmet plus de connaissances mais constitue un foyer de contagion de la violence, avec plus de 70 000 incidents graves par an, et désormais de radicalisation des mineurs. Sa faillite constitue la première explication de la chute des gains de productivité, de l’explosion des inégalités, du basculement de pans entiers de la population et du territoire français dans l’anomie.

    Renoncement moral. Le naufrage de l’éducation ne trouve pas son origine dans le manque de moyens puisque le budget s’élève à 64,2 milliards d’euros pour 12 millions d’écoliers et lycéens et que les dépenses éducatives atteignent près de 110 milliards d’euros, largement au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Il s’explique d’abord par une organisation figée et dysfonctionnelle, marquée par un centralisme paralysant, par l’absence d’autonomie des établissements, par une logique bureaucratique qui ne prend jamais en compte la qualité de l’enseignement. Il est indissociable du déclassement des professeurs – dont les rémunérations ont diminué de 28 % en termes réels depuis 1982 – et de leur sous-formation, qui débouchent sur une crise majeure de recrutement et sur le remplacement d’enseignants qualifiés au statut rigide par des contractuels peu compétents mais flexibles. Il découle aussi d’une dispersion des cours au détriment des enseignements fondamentaux, et notamment du français, qui conditionne l’accès à tous les autres savoirs.


    Leçon de choses.

    Surtout, l’éducation est victime d’un renoncement intellectuel et moral. Il se traduit par la rupture avec la transmission des connaissances et l’éthique du travail au profit de la mixité scolaire, de l’empathie envers les élèves et de la satisfaction des familles – avec pour symbole la dévalorisation du bac, qui affiche en 2023 un taux de réussite de 90,9 % sans que nombre de reçus sachent écrire et compter. Il s’accompagne d’une tolérance envers la violence et d’un abandon des valeurs de la République que même les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard n’ont pas remis en question.

    Rupture. La désintégration du système éducatif constitue l’une des pires menaces qui pèsent sur l’avenir de la France. L’éducation doit donc être érigée en grande cause nationale. L’interdiction des abayas et la lutte contre le harcèlement sont assurément indispensables, et il faut saluer la rupture avec de longues années de passivité face à l’islamisme et d’impunité pour les élèves harceleurs. Mais le cœur du défi est autrement plus difficile : il consiste à inverser la chute du niveau des élèves et des professeurs. Et ceci passe par des changements profonds dans les structures, mais plus encore dans les principes de l’éducation.

    Le système éducatif doit être repensé autour du primat de la connaissance et de la qualité de l’enseignement, qui constituent le meilleur moyen de lutter contre les inégalités. Et ce, autour de six axes. La maîtrise des savoirs fondamentaux, à commencer par le français, grâce à l’augmentation des heures qui leur sont consacrées. Le réinvestissement dans le primaire (sous-financé de 7 % par rapport à la moyenne de l’OCDE), qui se trouve à la racine de l’exclusion scolaire, et l’incitation aux apprentissages précoces. La réhabilitation matérielle et symbolique du métier de professeur ainsi que l’amélioration de leur mobilité et de leur formation, afin de répondre aux besoins de recrutement qui s’élèvent à 380 000 postes d’ici à 2030. La décentralisation du système auprès des régions, l’autonomie des établissements et leur débureaucratisation (250 000 agents exercent des missions étrangères à l’enseignement). L’égalité de traitement entre secteur public et privé, avec la suppression du plafond de 20 % des moyens financiers et humains affectés au privé. La systématisation et la transparence des évaluations pour les élèves comme pour les professeurs et les établissements.

    La clé de voûte de la réforme de l’éducation demeure un changement radical d’état d’esprit. Il faut casser le pacte pervers qui repose sur la distribution de diplômes dévalorisés à des élèves que des professeurs prolétarisés et déqualifiés font semblant de faire travailler

    Le Point n° 2677 du 23 novembre 2023.

    oOo


  • Viktor Kirtov | 20 novembre 2023 - 20:01 2

    Voici le parti-pris de Gabriel Perri sur LCI 24 H Pujadas du 16 novembre 2023 qui complète bien, nous semble-t-il, le propos de notre article « Ton français fout le camp ».
    Ce parti-pris répond notamment à la question « Comment en est-on arrivé là ? » C’est clair et percutant ! A vous de juger :

    Et aussi, ces propos de Gabriel Attal, en complément de ceux rapportés :
    C’était lors de la journée mondiale des enseignants, le 5 octobre : "la bataille de niveau". "C’est l’urgence de notre école", avait-il insisté avant d’égrener quelques statistiques : en un quart de siècle, les élèves français ont perdu l’équivalent d’un an en termes de niveau. Autrement dit, un élève de 4ème, en 2018, a le niveau d’un élève de 5ème en 1995. Les résultats de français et de mathématiques, matières fondamentales, sont les plus alarmants. Pour preuve, à l’entrée en 6ème, 1 élève sur 3 ne sait pas lire correctement, et seule la moitié d’entre eux trouve la bonne réponse à la question "Combien y a-t-il de quarts d’heures dans ¾ d’heure ?"
    Amandine Hirou
    L’Express du 19/11/2023