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Fragments de Sollers, La chronique de Patrick Besson

« Vous comprenez, Besson : Mozart, Kant, Michel Drucker ! »

D 6 janvier 2024     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Philippe à Nice au printemps 2018 pour recevoir le prix de La Petite Maison. Chèque (7 000 euros) au nom de Sollers, ce qui excède l’écrivain : « Ils ne savent pas que je m’appelle Joyaux ? » Je lui demande comment il fait avec sa banque. L’aveu : « Je suis aux Chèques postaux. » Anthony Palou et moi, on se relaie pour le calmer. L’auteur de Paradis (1981) n’a-t-il pas encore compris que la littérature c’est l’enfer ? Le ciel niçois tourne au bleu marine. L’auteur est tendre comme un palmier. Il regarde le temps lui passer sous le nez. Nous baignons dans sa mélancolie comme dans une piscine pas olympique. Écrivant ces lignes, je cherche une bonne raison pour laquelle nous ne sommes pas assis à jamais – Philippe, Anthony, Emmanuelle, Josyane, Anne-Sophie, Jémia et moi – dans le restaurant de Nicole Rubi. Il aurait fallu pouvoir garder cette soirée dans nos mains comme un calice. Le calice du non-croyant a un joli nom : le sablier.

Vengeance littéraire. Les Éditions Gallimard rendent hommage à Sollers , (« NRF » 12 euros) qui de son vivant – 86 ans – n’eut droit ni à un « Quarto » ni à une « Pléiade ». Les Nobel de Le Clézio, de Modiano et d’Ernaux n’ont pas dû lui faire trop plaisir. Les bourgeois insultés attendent, dans le silence souriant de leur rancune, le bon moment pour punir leurs insulteurs. La vengeance littéraire est un plat qui se mange surgelé. La France moisie a laissé Sollers moisir rue Gaston-Gallimard. Il a payé au prix fort son maoïsme mondain et son catholicisme de La Closerie des Lilas. Les ultimes récompenses littéraires lui furent refusées dans une discrétion monacale. On fit comme s’il n’existait pas alors qu’à part lui presque personne n’existait. Sa biographie devrait être écrite sur le mode du châtiment. « L’Infini » s’arrêta au feu rouge de la bien-pensance. Qu’aurait espéré de mieux l’éditeur de Gabriel Matzneff ? Il passa toute une journée dans les locaux insalubres de la police française moisie. Philippe, à la fin de ses jours, rejoignait son meilleur ennemi Jean-Edern Hallier sur le banc des écrivains prévenus. L’acte d’accusation n’en finit pas et aucune plaidoirie ne sera tolérée.

Les soirées sombres à La Closerie des Lilas, où l’on ne pouvait que succomber au charme noir d’un écrivain assez grand. Il avait des fulgurances qui nous paraissaient comiques et qui ne l’étaient peut-être pas. « Vous comprenez, Besson : Mozart, Kant, Michel Drucker ! » Je ne savais pas ce qu’il y avait à comprendre mais je ne voulais pas le décevoir, alors je disais : « Michel Drucker, oui, mais pourquoi Mozart ? » Cet énorme intellectuel, ce lecteur parfait. C’était un Français léger de mœurs et lourd de sens. Nous ne l’avons pas assez aimé et il n’y a aucun moyen de lui présenter nos excuses


Philippe Sollers à La Closerie des Lilas, à Paris, en 1997
.ILLUSTRATION : DUSAULT POUR LE POINT - PHILIPPE MATSAS/OPALE.PHOTO.

Crédit : Le Point
N° 2683, 4 janvier 2024


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