4 5

  Sur et autour de Sollers
vous etes ici : Accueil » THEMATIQUES » Sollers et la musique » Philippe Sollers, classique et jazz (archives)
  • > Sollers et la musique
Philippe Sollers, classique et jazz (archives)

1974, 1986, 1997

D 5 septembre 2023     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Du lundi au vendredi à 12h30 sur France Musique

Chaque jour de la semaine, Françoise Monteil explore les pépites d’une chaîne qui fête en 2023 le 60ème anniversaire de son nom de baptême, « France Musique ». L’occasion, tout au long de la saison, de réentendre les grandes voix, grandes rencontres, grands moments qui ont jalonné son histoire.

"Comme de bien entendu" avec Philippe Sollers :
Une archive de 1997

I
JPEG - 51.3 ko
Philippe Sollers ©Getty - Jean Pimentel/Kipa/Sygma
Dans l’émission de Pierre Bouteiller, " Comme de bien entendu", l’écrivain et éditeur Philippe Sollers compose le programme musical de son choix, et salue la grande sincérité des interprètes...

France Musique, décembre 1997.
Rediffusion les 4 et 5 septembre 2003.

J’ai une intense admiration pour les musiciens, ce sont désormais les seuls êtres humains qui ne peuvent pas tricher. Ce sont des gens de vérité pour moi. »

Philippe Sollers commente les œuvres qu’il a choisi d’écouter, et confie son immense admiration pour les musiciens interprètes, les seuls êtres humains qui selon lui, ne trichent pas.

« L’Elégance, la science, la violence ! », une exclamation empruntée à Rimbaud guide les choix musicaux de Philippe Sollers.

Au programme du premier volet de cet entretien avec l’écrivain mélomane : Bach (Argerich), Stravinsky (Le sacre du printemps, Boulez), Beethoven (Sonate, Argerich, Kremer), Vivaldi (Fabio Bondi) et la chanteuse Barbara (Gottingen).

 

II
JPEG - 75.4 ko
Philippe Sollers ©Getty - Louis Monier/Gamma-Rapho

Seconde partie de l’émission de Pierre Bouteiller « Comme de bien entendu », qui avait pour invité l’écrivain et éditeur Philippe Sollers en décembre 1997.

Le piano c’est de la pensée pour moi...Entre Argerich et Monk, il y a communauté de génie..."

En mélomane averti et passionné, Philippe Sollers avait choisi son programme musical en prenant soin de sélectionner les interprètes des œuvres qu’il voulait entendre. Les interprètes pour lesquels Philippe Sollers vouait une intense admiration. Au programme, Haydn sous les doigts de la pianiste Catherine Collard (1947-1993) [1], Daniel Barenboïm dans les Variations Goldberg de Bach, Thelonious Monk, un extrait du Don Giovanni de Mozart, et pour conclure, la voix de Billie Holiday …

France Musique

III
JPEG - 54.4 ko
Bach et Philippe Sollers ©Getty - Eric Fougere

Propos sur Bach de Philippe Sollers (1974)

Au micro de Jacques Chancel, Sollers nous fait écouter Glenn Gould.

*

Propos sur Bach de Philippe Sollers (1986)

« On porte Bach en soi. On le sent. On le respire. Il va plus loin que votre mémoire, il est votre mémoire en action. Quelle est sa couleur la plus nette ? Le clavecin des nerfs ? Le violoncelle foncier ? Le violon vibrant ? Les chœurs ? Les voix ? Les Cuivres souverains ? Les bassons familiers ?

Jean-Sébastien Bach
Sonate en mi mineur BWV 1034
Mvt. 2 Andante
Michel Giboureau, hautbois
André Isoir, orgue
Orgue Grenzing de saint-Cyprien-en-Périgord
Disque : Calliope CAL 9747 (2006)

Lecture d’un passage de...

 

Triomphe de Bach

« D’où vient ce côté « sans âge » de la musique de Bach ? D’où vient qu’elle semble de plus en plus planer au-dessus du temps et du bruit, des millions d’enregistrements de toutes natures ? D’où lui vient cette fraîcheur séparée ? Cette paternité furieuse et joyeuse ? De Dieu. Du seul vrai Dieu. Qui tient le coup. Qui résiste à tout. Et qui parle.

Dieu n’est pas une idée, ni seulement une loi. C’est un événement musical. Un événement d’une telle simplicité et d’une telle complexité qu’on a l’infini devant soi pour en rendre compte. Un souffle, un rien, une allusion, un frémissement, un silence marqué. Ou, au contraire, une violence, une exubérance soudaine, trompette et tonnerre, grandes orgues et fugue des ailes de la durée fondant sur l’oreille. Mais surtout : une insistance, une persistance. Le rythme fondamental. On porte Bach en soi. On le sent. On le respire. Il va plus loin que votre mémoire, il est votre mémoire en action. Quelle est sa couleur la plus nette ? Le clavecin des nerfs ? Le violoncelle foncier ? Le violon vibrant ? Les choeurs ? Les voix ? Les cuivres souverains ? Les bassons familiers ? Oui, tout ça, emporté par l’ouverture de la Bible. Mais voici peut-être la signature la plus intime, celle qui, pour moi en tout cas, vaut comme une confidence directe de l’âme du musicien lui-même en train de passer dans son tableau impalpable : le hautbois, le hautbois d’amour. Ah !, ce hautbois de Bach !

« Je suis là, dit-il, sauvé, indirect, oblique. Je viens des profondeurs de la matière, mais je suis éclairé par le soleil vers lequel se dirigent toutes les notes de la création. Je suis le souffle à peine dégagé des pesanteurs minérales, je monte vers le sommet du crâne, je suis le nez de la mélodie. J’emmène toutes les femmes possibles avec moi, je les fais tourner sur mon axe, je les chauffe, je déploie, parallèlement à leur gorge, le tapis d’herbe dont elles ont besoin pour voler. J’ai tout mon temps, je reviendrai indéfiniment dans le temps, je suis le moyen du temps. Je suis l’auteur vivant de la partition et, voyez, je viens en personne chanter en elle. Réveillez-vous. Suivez-moi. Ne désespérez pas. Marchez avec moi de l’autre côté de la mort vaincue par la parole. Doucement. Fermement. Voilà. »

Radio-Bach : ici la vérité et la liberté. Le moindre éclat capté dans la nuit sur les routes, dans les avions au dessus de l’océan, et tout à coup le chaos s’ordonne, la verticale est présente, l’angoisse ou la terreur n’était rien, la résurrection a eu lieu, on l’avait oubliée, on l’oublie toujours. Bach se répétera autant de fois qu’il faudra. Fabuleuse répétition : encore et encore. Et encore. Et encore de nouveau. Et toujours. Le monde est ennuyeux, il se passera éternellement la même chose, intrigue et passion, complot et pulsion, si vous n’arrivez pas à prier sans fin de la même manière pour conjurer cet accablement, cette souffrance inlassable des phénomènes, cette plaie qu’est la vie, la vie de la mort, la jalousie recommencée de la mort en vie. Bach est, par excellence, le musicien que vous pouvez réécouter indéfiniment. Remettez-moi ce disque. Et puis, tiens, remettez-le moi une fois de plus. Bach du dimanche matin. Chaque fragment de Bach est dimanche. L’intraitable oui de la messe. La messe en si.

Que le christiannisme soit prouvé par Bach, c’est l’évidence. On a un peu honte pour ceux qui ne s’en sont pas encore aperçus. Le Credo médité par lui est le comble de la connaissance théologique. Le père, le Fils et le Saint-Esprit sont ici chez eux, ils le disent. Ce luthérien a célébré, comme aucun catholique, l’unam sanctam catholicam et apostolicam ecclesiam. Ecoutez-le jouer avec l’AM ! Message codé. Fleur secrète. Une syllabe modulée, l’essentiel. NAM ! CAM ! ZIAM ! Quelle certitude ! Quelle joie !

Bach plane, il descend, il se pose à peine, il repart, il s’élève, tonne, foudroie, chuchote, interpelle, souffre, jouit, s’en va. Il joue à être trois en un, dans les siècles des siècles. Il est dans la passion, il expire, il exulte, il condamne, il pardonne, il se repose, il est en lévitation, il respire encore au fond des neutrons, il se relève dans sa forme humaine, il monte au ciel, il revient donner une fête dans un château baroque, il endort les puissants, il sauve les humbles. "Deposuit potentes de sede et exaltavit humiles." Le cinquième Evangéliste ? Bien sûr. C’est comme ça. »

Philippe Sollers, Théorie des Exceptions (Folio 28, 1986).

 

ÉCOUTER AUSSI : Sollers ou le clavecin dans tous ses états

IV

On n’a jamais entendu traiter un piano comme ça, force et délicatesse, de biais, sur un pied, à l’envers, en boitant, en s’enfonçant, en s’affirmant, en se désaccordant du faux monde où on n’écoute rien, où on fait semblant. C’est l’appel, à travers le brouillage, d’un moine sphérique tranchant, fou, c’est-à-dire en pleine raison retrouvée par-delà le bruit permanent.

Thelonious Monk au Studio 104 de la Maison de la Radio le 23 février 1964.

Arrivée de Monk à Paris

VOIR SUR PILEFACE

S’il y a bien une révolution musicale dans le jazz, c’est celle du bebop ! Dans le contexte de l’époque, on peut même parler d’un coup d’état. Car avec Monk, Parker, Gillespie, Bud Powell ou Kenny Clarke, il y a un avant et un après. La modernité de Thelonious Monk demeure évidente, défie le temps, inspire de nombreux artistes contemporains et ne cesse de bouleverser les fondamentaux du jazz...

Thelonious Monk (piano)
Charlie Rouse (saxophone ténor)
Butch Warren (contrebasse)
Ben Riley (batterie)

Radio France

Monk à Paris, La Mutualité, le 18 mars 1966

L’un des rares documents filmés que nous possédions du passage de Monk à Paris. Monk interprète I Love You (Sweetheart Of All My Dreams). Vous pouvez écouter l’intégralité du concert ici.

Archive A.G.

LE VERTIGE MONK

Philippe Sollers

L’instrument principal du jazz, pour moi, c’est Ia contrebasse. « Doum-doum­ doum », c’est-à-dire Ia pulsation profonde. Qui n’entend pas Ia contrebasse n’entend pas ce qui vient broder. C’est l’instrument qui soutient l’orchestre.
Le pianiste, c’est aussi très important. Là, le vertige, ce fut Ia découverte de Thelonious Sphere Monk. Monk est bouleversant. On y trouve l’expérience des limites, du son, du corps humain avec la très grande souveraineté qui fait que ça dit quelque chose mais quoi ? Je crois que ça suffit pour éventuellement faire sentir que quelque chose s’est dit là, on peut appeler ça du jazz mais c’est plus difficile, plus profond qu’on ne croit, avec presque rien, une économie de moyens considérable. Pour moi, Webern et Monk, c’est pareil. Monk, c’est la folie maîtrisée, Ia destruction de l’instrument par l’intérieur, Ia vraie fausse note vraie. C’est comme dans le film Le Kid de Cincinnati : « Qu’est-ce que c’est que le grand poker ? C’est mal jouer au bon moment. » Ça, c’est prodigieux. Cela a un effet de vérité, pour le coup. Qui ne frôle pas l’effondrement n’est pas dans l’émotion qui se dégage de cette musique admirable qui sauve les États-Unis du néant.
Chez Monk, tout m’intrigue, et cela entre en résonance avec Stravinsky et Webern, que j’aime particulièrement. Monk ne traite pas le piano mélodiquement, en fonction de la voix humaine, mais comme un instrument de percussion. Monk vous transforme un piano en tout autre chose qu’un piano. Ce qui est intéressant, c’est quand l’instrument, que ce soit un saxophone ou une trompette, devient autre chose que l’instrument, c’est-à-dire le corps même qui se trouve dans l’instrument. Le jazz, c’est précisément une musique du corps. La preuve, c’est que cela peut se danser. Le jazz, c’est la respiration, le souffle, l’improvisation.

Propos recueillis par Franck Médioni, Improjazz n° 249 (novembre/décembre 2014).

MONK SUR PILEFACE

Un message, un commentaire ?

Ce forum est modéré. Votre contribution apparaîtra après validation par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
  • NOM (obligatoire)
  • EMAIL (souhaitable)
Titre

RACCOURCIS SPIP : {{{Titre}}} {{gras}}, {iitalique}, {{ {gras et italique} }}, [LIEN->URL]

Ajouter un document