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D’André Malraux à Philippe Joyaux

D 4 novembre 2011     A par Viktor Kirtov - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Google nous le rappelle avec son logo du jour : 3 novembre 2011, ce serait le 110ème anniversaire de Malraux !

Quoi de commun ou différent entre André Malraux et Philippe Joyaux, alias Philippe Sollers ?
Ce nom de Joyaux peut-être qui sonne comme Malraux ?
Une dette de jeunesse ?
L’infini de Picasso ?
Leur intérêt pour l’art ?
...

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Ce nom de Joyaux

Ce nom de Joyaux a d’ailleurs été à la fois une merveille personnelle et une plaie sociale, dans la mesure où il m’a attiré (surtout à l’époque) une agressivité et des quolibets en tout genre. Jean Paulhan, qui a lu mes premiers essais transmis par Francis Ponge, trouvait que c’était « un nom de grand écrivain » : ironie, sans doute, de Malraux à Joyaux... J’ai donc passé mon enfance, à l’école, à entendre déformer ce « Joyaux » en « Noyau » ou « Boyau », sans parler des apostrophes lassantes des professeurs petits-bourgeois : « Ce Joyaux n’est pas une perle. » Ou bien : « Dites-moi, Joyaux, vous ne brillez pas de tous vos feux aujourd’hui !. »
Ph. Sollers
Un vrai roman

Une dette de jeunesse

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J’ai une dette de jeunesse et de vie à l’égard d’André Malraux. Brièvement : je ne veux à aucun prix faire la guerre d’Algérie, je croupis dans des hôpitaux militaires de l’est de la France, mon dossier médical, pourtant excellent, n’avance pas, ma réforme traîne, je commence une grève de la faim, je ne parle plus. Malraux, alerté, me fait libérer. Je suis donc renvoyé pour « terrain schizoïde aigu ». Je sors de tout ça passablement titubant, j’écris à Malraux pour le remercier, et il me répond, par retour du courrier, sur une petite carte de deuil : « C’est moi qui vous remercie, Monsieur, d’avoir eu l’occasion, au moins une fois, de rendre l’univers moins bête. »

Le Nouvel Observateur du 16 au 23 novembre 2006.
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L’Infini de Picasso

Quand Malraux s’interroge sur Picasso, dans les années soixante-dix, on sent qu’il est tard, très tard, et que Mai 1968 est passé par là. Des cérémonies officielles pour l’enterrement de Braque à l’après1968 subversif, il y a un monde, exactement comme il y en a un entre avant et après Les Demoiselles d’Avignon ; entre avant et après Guernica. Tous les trente ans, Picasso fait une révolution, c’est son rythme. Malraux s’en inquiète et il a raison. Or, la grande liberté sexuelle n’est pas son genre, pas plus, d’ailleurs, et pour les mêmes raisons, que l’humour. Tout juste remarque-t-il qu’il y a là des couples dont on se demande à quoi ils s’occupent. Cependant, et c’est déjà beaucoup, il perçoit « l’omniprésence ironique du signe grec de l’infini » [1]
.

Picasso, en effet, est infinitiste. Mathématiquement. Charnellement. Picturalement. Ses figures sont coiffées d’infini. C’est leur pli.
Ph. Sollers
Eloge de l’Infini - Picasso le héros, Folio, p. 145.

Sur le livre de Malraux, La tête d’obsidienne

[...] A New York, en allant voir et revoir les Demoiselles [2], j’étais en train d’écrire Paradis qui m’apprenait davantage à voir les tableaux que le livre de Malraux, La tête d’obsidienne (1974). Il me semblait que Malraux cherchait surtout à noyer le poisson. Pas une seule précision sexuelle. Le « musée imaginaire », oui, peut-être, mais pourquoi musée ? [...] Une obsolescence larvée, donc, comme si la machine à fabriquer de l’au-delà ne fonctionnait plus.
Ph. Sollers
Picasso le héros

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Encore in Picasso le héros...

Malraux, souvent spécialiste des questions absurdes, demande à Braque s’il continuerait à peindre s’il était sûr qu’on brûlerait ses tableaux. Braque lui répond que oui. Il poursuit donc une idée en dehors des formes, et Malraux l’approuve. Je suppose qu’à la même question Picasso aurait répondu qu’il prendrait d’abord les armes pour empêcher qu’on brûle ses tableaux, et qu’ensuite il se remettrait à peindre.
Ph. Sollers
Eloge de l’Infini - Picasso le héros, Folio, p. 165.

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Ce mois là, Malraux titube, Sartre s’en tire tout juste (« sois bref »), Aragon découvre qu’il a perdu son temps à Moscou la gâteuse. Des barricades resurgissent, la poésie est dans la rue, l’amour se libère. Et puis silence. On en est là.
Ph. Sollers
Eloge de l’Infini -Littérature et politique , Folio, p. 459.

La grande France

Ce n’est pas la politique qui va vous apprendre à méditer sur vos sensations. « Passer de Mao Tsé-toung à Fragonard est encore d’Ancien Régime ». me reproche un essayiste qui vient de faire le constat du désastre de sa vie amoureuse. Eh, mais Fragonard est d’une extrême actualité, cher confrère ! Vous y auriez puisé, à temps, des enseignements d’ironie ! Un vaccin de charme ! Contrairement à ceux qui croient que la « Grande France » est celle des cathédrales et de la Révolution (discours de Malraux en 1948), le dix-huitième a de nouveau tout à nous dire.
Ph. Sollers
Eloge de l’Infini - Le nouveau code amoureux, Folio, p. 711.

Sur Proust

Sophie Bertho : Donc Proust aurait été occulté pendant des années ?

Ph. Sollers : À partir de 1930, c’est comme si Proust n’existait plus. Il n’en est plus jamais question. Vous n’avez pas un mot, plus un mot dans la NRF, qui s’en désintéresse. Paulhan n’en parle jamais. Gide, cela va sans dire, Proust n’était pas sa tasse de thé ... Par la suite, les grands meneurs de l’avant-guerre et de l’après-guerre n’en parlent pas davantage. Vous n’avez pas un mot chez Breton qui le déteste, pas un mot chez Aragon qui croit qu’il suffit de dire qu’Albertine était Albert pour résoudre le problème, stupidité manifeste ; pas un mot chez Malraux, pas un mot chez Sartre, pas un mot chez Camus, pas un mot non plus par la suite. Ce n’est que très tard avec Barthes, et j’en suis témoin puisque nous en parlions, qu’on recommence à se demander s’il ne faut pas reconsidérer l’univers proustien, et là nous sommes déjà pratiquement à la fin des années 70.

S. B. : Au moment de Tel Quel, vous en parliez ?

Ph. S. : J’en ai parlé à beaucoup d’occasions, de toute façon je commence comme ça dans mon premier livre Une curieuse solitude [3]. Après je suis un autre parcours, oui j’en ai reparlé en maintes occasions mais un peu dans le désert. Le seul qui avait une attitude d’entière admiration pour Proust c’était Mauriac. Quand je le voyais, Mauriac n’arrêtait pas de me parler de Proust. On se voyait en somme pour parler en secret de Proust, pour moi c’était important de connaître quelqu’un qui avait dîné avec Proust, tard dans la nuit, Proust dans son lit, les taches d’encre sur les draps, poulet froid, champagne, tout ça.

Ph. Sollers
Eloge de l’Infini - Sur Proust, Folio, p. 754.

Apologie de la Marquise de Merteuil

Peut-être Laclos ne serait-il pas autrement surpris de voir ses Liaisons représentées au cinéma en anglais, et de déchiffrer sur les lèvres de la marquise de Merteuil glissée dans la belle, bleue, intelligente et un peu massive Glenn Close le mot war (entendez ouarr !) adressé à Valmont. On s’en souvient : il s’agit de la lettre 153. La marquise renvoie son ultimatum au vicomte avec cette seule annotation : Hé bien ! la guerre. Tout le livre est composé pour en arriver à ce Hé bien joyeux, mortel et intraduisible. [...]

On a beaucoup réfléchi sur Les Liaisons dangereuses, mais la plupart du temps avec gêne. Malraux, en 1939, semble vouloir dire qu’avec la Seconde Guerre mondiale, imminente, un monde s’achève, comme à la fin du dix-huitième siècle. Il souligne la grande nouveauté technique du livre, le fait que, pour la première fois, des personnages de fiction agissent en fonction de ce qu’ils pensent, d’où l’« érotisation de la volonté » qui les définit. Il a ce mot étonnant : « Le problème de Laclos reste entier, aussi intrigant peut-être que celui de Rimbaud. » Le poète visionnaire devenu un marchand consciencieux et soucieux d’économies en vue du mariage (Rimbaud), et le stratège littéraire de génie transformé en général conjugal rousseauiste (Laclos), voilà en effet de quoi nourrir une curiosité inlassable. Je m’en tiendrai à l’apologie du diable secret qui, s’il était compris, nous épargnerait sans doute bien des déchaînements diaboliques : la marquise de Merteuil. J’ai pour elle, je l’avoue, une passion fanatique. « Personnage féminin le plus volontaire de la littérature », dit Malraux, en remarquant, le premier, sa ressemblance quasiment mystique avec Loyola. Oui, les Liaisons sont des exercices spirituels, dans tous les sens de ce mot.

Ph. Sollers
La Guerre du Goût, Apologie de la marquise de Merteuil, Folio p. 323-324.

Plus sur pileface


[1Peut-être faut-il aussi penser à un cahier de dessin de l’année 1907, examiné par un professeur d’histoire de l’art de l’université de New York, qui s’est interrogé sur les inscriptions manuscrites qui occupent la moitié d’une page, présumant que ces inscriptions “déroutantes” seront un jour expliquées. Clair pour d’autres, que ces mots et ces lettres tracées d’une manière cursive ne sont pas autre chose qu’un jeu calligraphique, ainsi des trois “A” isolés privés de leur barre médiane, ainsi que du symbole mathématique infini répété par enchaînement. Comme souvent avec Picasso, on a voulu voir une énigme là ou il n’y en a pas, oubliant trop facilement qu’écrire c’est aussi dessiner. Ce professeur d’histoire de l’art se nomme Robert Rosenblum, ses réflexions ainsi que la page de carnet auxquelles elles se rapportent sont lisibles dans le gros ouvrage Je suis le cahier, traduit de l’américain, édition Bernard Grasset, Paris.
Crédit ; http://picassoanatomie.unblog.fr/

[2Les Demoiselles d’Avignon de Picasso

[3Son premier livre est écrit avec Proust comme modèle : « A la manière de ». C’est d’ailleurs pourquoi, un temps, Sollers, le retirera de sa bibliographie (note pileface)

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1 Messages

  • A.G. | 4 novembre 2011 - 16:20 1

    Malraux fait aujourd’hui l’objet de lectures controversées.
    _ D’un côté, Bernard-Henri Lévy, qui vient de faire, après sa guerre de Bosnie, sa guerre de Lybie avec pour modèle le Malraux de la guerre d’Espagne, n’a jamais caché son admiration. Lire, par exemple : Ce juif de Malraux ou Lire Malraux, a-t-il encore un sens ? .
    _ De l’autre, Stéphane Zagdanski, qui dresse de Malraux un portrait acide en Trissotin tressautant .
    _ Du côté de L’infini, plus que l’écrivain, c’est surtout le personnage historique qui est reconnu. Voir le livre d’Alexandre duval-Stalla, André Malraux / Charles de Gaulle . C’était déjà ce Malraux, «  détesté par l’extrême-droite, la droite affairiste, les Américains, la gauche et l’ultra-gauche », que rappelait Sollers dans Malraux le revenant ou Marcelin Pleynet dans Mao et la Chine.
    _ Question de génération ? Plutôt question de perspective historique et de sens de l’histoire.
    _ En ce qui me concerne, je n’oublierai pas que Mai 68, sur le "front culturel", a peut-être commencé en... février de la même année quand Malraux, alors ministre la culture, décida d’évincer Henri Langlois de la Cinémathèque française (ce ne fut pas son acte le plus perspicace ni le plus glorieux) avant de faire machine arrière sous la pression des manifestations et pétitions de nombreux intellectuels et cinéastes (j’y étais)...