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Toutes les libertés de Berthe Morisot

Exposition au Musée Marmottan Monet

D 22 octobre 2023     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



A gauche, « Au bal », huile sur toile peinte par Berthe Morisot en 1875.
A droite, « Jeune femme arrosant un arbuste » (1876).

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Par Aude de Bourbon Parme

Une jeune femme élégante, assise dans une salle de bal, des pompons de fleurs esquissés sur sa robe, tient fièrement son éventail. celui de l’artiste en réalité. Son regard est si mélancolique qu’il semble agir sur son environnement, légèrement flou Plus loin, une jeune femme arrose un arbuste sur la terrasse d’un immeuble parisien. Elle soulève sa robe d’un blanc éclatant composé d’un camaïeu de gris bleuté, formant ainsi un drapé digne des robes dessinées par Antoine Watteau. Les scènes peintes par Berthe Morisot témoignent de l’atmosphère qui règne à Paris au milieu du XIXe. Ou plus exactement dans laquelle l’artiste vit et qu’elle sait sublimer.

Issue d’une famille de la grande bourgeoisie, Berthe Morisot fréquente dès le plus jeune âge les artistes de son temps. Le peintre Camille Corot lui donne quelques leçons de peinture. Elle visite régulièrement le Louvre avec sa sœur, où elles copient avec ardeur les maitres. Plus tard, Mallarmé deviendra le tuteur de sa fille à la mort de son mari Eugène Manet, frère d’Édouard et lui-même artiste. Mais c’est surtout dans les intérieurs bourgeois que Berthe Morisot découvre les artistes qui vont influencer son art : les peintres du XVIIIe siècle dont les œuvres n’apparaissent pas encore sur les cimaises des musées. Ils se nomment Jean-Honoré Fragonard, Jean-Baptiste Perronneau, François Boucher, Antoine Watteau. La jeune femme s’approprie leur technique. leur utilisation du pastel. Elle s’inspire de la douceur de leurs portraits, de la sensualité des figures. de la légèreté de la vie qu’ils représentent.

Le musée Marmottan Monet expose ses œuvres aux côtés de celles de ces artistes. Ces rapprochements révèlent la capacité de Berthe Morisot à s’imprégner d’un art. Mais aussi à y ajouter son style plus contemporain qui se retrouve dans le choix des motifs peints et surtout dans sa touche vibrante, qui, s’éloigne du réalisme. On retrouve Berthe Morisot au côté de Claude Monet, son beau-frère, qui devint l’un des Chefs de file de l’impressionnisme. Elle poursuit dans cette esthétique, s’attache à retranscrire une impression fugitive, jamais sociale. Ici le moment est prétexte à expérimenter les diverses pratiques picturales qu’elle renouvelle autour de la peinture à I’huile, l’aquarelle le pastel des techniques qu’elle utilise en dehors des cadres académiques. Une liberté picturale dans laquelle l’imprécision devient éblouissante. Ou quand l’ébauche devient oeuvre d’art.



« Berthe Morisot et l’art du XVIIIe siècle » au musée Marmottan Monet (Paris), du 18 octobre 2023 au 3 mars 2024.
Marmottan.fr

La Tribune Dimanche

Avant propos

Par Érik Desmazières
Membre de l’Institut
Directeur du musée Marmottan Monet

Depuis plusieurs années, l’étoile de Berthe Morisot brille d’un éclat de plus en plus vif. Alors qu’elle n’avait vendu que très peu d’oeuvres de son vivant et que des artistes telles que Mary Cassatt jouissaient d’une réputation bien plus établie parmi les impressionnistes, son rôle dans le mouvement de renouveau de la peinture, son talent tout simplement mais aussi sa personnalité exceptionnelle font que, au fil des expositions qui lui sont consacrées, sa place apparaît lentement mais sûrement de plus en plus importante. À partir des années 2000, plusieurs expositions monographiques lui sont dédiées, d’abord à Lille et à Martigny en 2002, suivies par celles du musée Marmottan Monet en 2012, et plus récemment du musée d’Orsay en 2019. L’exposition consacrée à sa fille, Julie Manet, qui eut lieu dans nos murs en 2021 lui faisait logiquement la part belle, et elle était l’une des héroïnes de la manifestation « Close up », en 2021, où la Fondation Beyeler, à Bâle, s’intéressait à un certain nombre de femmes artistes qui comptent dans l’histoire de la peinture moderne, affirmant
ainsi son rôle de pionnière.

Pourtant, on ne vient jamais de nulle part et Berthe Morisot, résolument novatrice, avait un goût du passé – et particulièrement du XVIIIe siècle – que cette exposition vient mettre en lumière. Pour des raisons familiales d’abord : appartenant à une famille qui était liée aux fameux ébénistes Jacob-Desmalter, elle vivait somme toute au milieu d’un décor du XVIIIe siècle et a tout au long de sa vie évoqué son goût pour l’esthétique et les artistes de cette époque. Il y a d’abord Fragonard, dont une légende familiale – qu’aucun élément matériel ne vient malheureusement corroborer ! – disait qu’elle était parente, il y a Boucher, qu’elle a copié, Watteau, avec lequel elle partage la grâce dans les représentations féminines, Maurice Quentin Delatour et Jean‑Baptiste Perronneau, qui, comme elle, ont pratiqué le pastel. _C’est peut-être dans l’usage de cette technique qu’elle est le plus « XVIIIe », siècle qui fut aussi celui de grandes pastellistes femmes telles que Rosalba Carriera ou Élisabeth Vigée Le Brun, mais aussi dans le choix des sujets. Ce siècle fut notamment celui de la représentation de la gaîté, du sourire, des portraits qui irradient la jeunesse et la joie de vivre, et Berthe Morisot exprime cela à la perfection. Novatrice et exigeante, certes, elle le fut tout au long de sa vie – en témoigne le nombre très élevé de ses oeuvres qu’elle a détruites –, elle fut donc fidèle à ce passé proche.

L’exposition « Berthe Morisot et l’art du XVIIIe siècle » résulte d’un partenariat avec la Dulwich Picture Gallery à Londres, où vient de s’achever la première rétrospective consacrée au Royaume-Uni à cette artiste depuis plus de cinquante ans, et nous sommes reconnaissants à Jennifer Scott, sa directrice, d’avoir eu l’initiative de cette collaboration féconde et stimulante. Nous adressons nos remerciements les plus chaleureux à son équipe ainsi qu’aux commissaires, Marianne Mathieu et Dominique d’Arnoult, accompagnées de Claire Gooden, du musée Marmottan Monet, qui ont mené à bien ce projet, lequel n’aurait pu voir le jour sans le soutien généreux de prestigieuses institutions telles que le musée du Louvre, le musée d’Orsay, la Wallace Collection ou encore la Tate, qui ont consenti des prêts magnifiques. Espérons que cette manifestation contribuera à asseoir un peu plus la réputation de
cette grande artiste.


Berthe MORISOT, La Fable, 1883
Huile sur toile, 65 x 81 cm, Collection particulière, © Christian Baraja SLB.
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Berthe MORISOT, La Fable, 1883 Huile sur toile, 65 x 81 cm, Collection particulière, © Christian Baraja SLB.
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Le musée Marmottan Monet présente du 18 octobre 2023 au 3 mars 2024 une exposition inédite : « Berthe Morisot et l’art du XVIIIe siècle ». Le commissariat est assuré par les historiennes de l’art : Marianne Mathieu et Dominique d’Arnoult avec la participation de Claire Gooden, attachée de conservation du musée Marmottan Monet. Soixante-cinq oeuvres provenant de musées français et étrangers ainsi que de collections particulières sont réunies pour la première fois afin de mettre en lumière les liens qui unissent l’oeuvre de la première femme impressionniste, Berthe Morisot (1841-1895) à l’art d’Antoine Watteau (1684-1721), François Boucher (1703-1770), Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) ou encore Jean-Baptiste Perronneau (1715-1783).

S’appuyant sur une analyse de sources principalement inédites (correspondances, carnets de notes de Berthe Morisot et de son époux Eugène Manet et de leur entourage, coupures de presse) et sur une étude généalogique approfondie, l’exposition et son catalogue apportent un éclairage nouveau sur un sujet souvent évoqué par les historiens sans pour autant avoir fait l’objet d’une recherche dédiée et exhaustive. S’il est démontré que Berthe Morisot n’est pas l’arrière-petite-nièce de Fragonard et n’entretenait aucun lien de parenté avec ce dernier, l’exposition met l’accent sur les véritables fondements de ces affinités artistiques retraçant la chronologie de leurs développements ainsi que leurs principales caractéristiques.

L’exposition s’ouvre sur l’une des oeuvres les plus emblématiques de Berthe Morisot, Au bal (1875, musée Marmottan Monet) : figure en buste d’une parisienne en robe de bal, un éventail orné d’une scène galante déployé à la main. Deux éventails en soie du XVIIIe siècle dont celui représenté sur le tableau, tous deux ayant appartenu à Berthe Morisot, sont exposés pour la toute première fois et réunis pour l’occasion en regard du portrait. Illustration d’un « art de vivre à la française », ils témoignent d’un héritage du siècle des Lumières particulièrement prégnant dans le milieu de la Haute Bourgeoisie auquel Berthe Morisot appartient. La première section revient sur un cadre de vie où l’art du XVIIIe est encore bien présent et met en évidence ses aspects peu connus. Un portrait en pied du préfet Tiburce Morisot (1848, musée des beaux-arts Limoges), le père de l’artiste, posant devant une galerie de peintures rappelle son rôle dans la création des musées de Limoges, musée des beaux-arts où furent réunies des oeuvres du siècle précédent, et musée Adrien


Berthe MORISOT, Jeune Femme au divan, 1885,
Huile sur toile, 61 x 50,2 cm, Londres, Tate Gallery, © Londres, Tate

Dubouché. L’hôtel particulier aménagé à Paris par le peintre Léon Riesener (1808-1878), petit-fils de l’un des plus grands ébénistes du XVIIIe, Jean-Henri Riesener (1734-1806), où la jeune Berthe évolue recrée un décor XVIIIe. Un ensemble de toiles peintes par Rosalie Riesener permet de reconstituer cet intérieur orné de meubles estampillés, de lambris et de tapisseries d’après François Boucher. C’est dans ce cadre que Berthe Morisot pose pour le portrait monumental que lui dédie Adèle d’Affry, la duchesse Castiglione Colonna, connue sous le nom d’artiste, Marcello (1836-1879). Ainsi, la réhabilitation de la peinture du XVIIIe siècle qui est concomitante aux débuts de Morisot, l’organisation d’expositions temporaires dans les années 1860 puis l’entrée au musée du Louvre d’un ensemble historique connu sous le nom de legs La Caze, vient compléter une esthétique du quotidien et du beau monde. C’est la fusion de ces deux éléments qu’illustrent les oeuvres magistrales signées Morisot vers 1875-1880 : Jeune femme arrosant un arbuste (Richmond, Virginia Museum of Fine Arts) ; Femme en gris debout (collection particulière) présentées en regard de peintures et de dessins à la sanguine signées Watteau et Fragonard.

Vient ensuite la section dédiée à l’impressionnisme triomphant de Morisot (1879-1885), entièrement organisée autour d’un détail de : Vénus va demander ses armes à Vulcain, copie d’après François Boucher exécutée par Morisot au musée du Louvre dans le but d’orner le salon-atelier qu’elle aménage dans l’immeuble familial qu’elle fait construire avec son époux, rue de Villejust (actuelle rue Paul Valéry) à Paris. Le symbole est de taille puisqu’il s’agit de la seule oeuvre peinte par Morisot qu’elle accrocha dans son intérieur et avec laquelle elle vécut (ses autres peintures étant remisées). L’oeuvre dans ce contexte prend la force d’un manifeste. Associée à son esquisse en grisaille provenant du musée des arts décoratifs à Paris (le monumental tableau du musée du Louvre étant intransportable), elle est mise en relation avec les oeuvres les plus significatives de la maturité : Femme à sa toilette (Chicago, The Art Institute), Jeune femme en toilette de bal (Paris, musée d’Orsay), Jeune femme au divan (Londres, Tate), Jeune femme en gris étendue (collection particulière) ou encore Le jardin à Bougival (Paris, musée Marmottan Monet). Entre Boucher et les scènes de la vie parisienne de Morisot, se retrouvent une même appétence pour les couleurs claires ainsi qu’une conception de la beauté au féminin.


Berthe MORISOT ; Mlle Marie de Vaissière, 1887
Pastel sur papier ? 53 × 42 cm, Collection particulière, © Studio Christian Baraja SLB.
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La section suivante est dédiée à Fragonard qui se déploie autour d’une de ses toiles phares : La leçon de musique, exceptionnellement prêtée par le musée du Louvre. Plusieurs oeuvres majeures de l’impressionniste sont regroupées à faible distance : La dame au manchon (Dallas, Dallas Museum of Art) et l’Autoportrait de l’artiste (Paris, musée Marmottan Monet) sont les plus illustres. Ici c’est bien la liberté de facture, la touche visible qui domine plus encore que les tonalités bruns rosés. D’autres peintures, signées George Romney (1734-1802) (prêt exceptionnel de la Wallace collection), Thomas Gainsborough (1727-1788) et Jean-Baptiste Perronneau élargissent, pour mieux l’asseoir, le prisme de cette comparaison.

En 1885, la première exposition de la Société des Pastellistes français et son florilège de feuilles du XVIIIe siècle marquent un tournant dans la pratique de Morisot. Pénétrée de l’art de ses prédécesseurs, Morisot systématise le recours au pastel dans ses œuvres préparatoires pour établir ses harmonies colorées, révélant un lien très fort et visible avec ses peintures sur toile. C’est ce rapprochement qui est mis en évidence à travers la réunion de peintures et de pastels : Fillette à la mandoline (collection particulière), Enfants à la vasque (Paris, musée Marmottan Monet), Fillette au jersey bleu (Paris, musée Marmottan Monet) ou La Fable (collection particulière). Morisot a absorbé les manières de faire des peintres du XVIIIe siècle, leurs reflets colorés, leur goût de l’esquisse. Ses oeuvres nous apprennent à mieux regarder la peinture du XVIIIe siècle.

En deuil de son époux, en 1892, l’impressionniste se tourne une fois encore vers Boucher qu’elle copie lors d’un passage au musée de Tours : Apollon révélant sa divinité à la bergère Issé (Tours, musée des beaux-arts) de Boucher. Les toiles des deux artistes sont rapprochées à la suite de l’acquisition par le musée Marmottan Monet de : Nymphes s’enlaçant peint par Morisot. Il est clair qu’il ne s’agit pas d’une copie servile mais plutôt d’un dialogue. Ici, Morisot transpose Boucher dans son univers : lui impose une palette et une facture qui lui sont propres. Elle se place ainsi délibérément dans une filiation artistique qu’elle interprète à l’aune de son siècle et de son tempérament. Son Repos (collection particulière), la Jeune fille endormie de Boucher (Chaalis, musée de l’abbayeroyale) ou le Portrait de Mme Perronneau endormie (Paris, collection particulière) illustrent ce propos et clôturent l’exposition.


Berthe MORISOT, Portrait de Louise Riesener, 1888
Huile sur toile, 73,3 × 92 cm, Paris, musée d’Orsay, RF 1969 22, en dépôt à Limoges, musée des Beaux-Arts, © RMN-Grand Palais (musée d’Orsay) / Tony Querrec
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Jean-Honoré FRAGONARD, Jeune Femme debout, en pied, vue de dos, vers 1762-1765
Sanguine sur papier vergé, 37 x 25 cm, Orléans, Musée des Beaux-Arts © François Lauginie

Berthe MORISOT, Jeune Femme arrosant un arbuste,1876 Huile sur toile, 40,01 x 31,75 cm,
Richmond, Virginia Museum of Fine Arts © Photo Katherine Wetzel / Virginia Museum of Fine Arts

Parcours de l’exposition

Première femme impressionniste, Berthe Morisot (1841-1895) participe à sept des huit de leurs expositions et s’impose comme l’un de ses membres les plus fidèles. Refusant d’appliquer méthodes et formules et donc de faire école, les impressionnistes constituent un groupe au sein duquel chacun offre une réponse singulière à des préoccupations communes. Cette exposition, en explorant les liens qui unissent l’art de Berthe Morisot à celui du XVIIIe siècle, propose de mettre en évidence l’originalité de son oeuvre.

Le parcours, construit à l’appui de recherches inédites, met l’accent sur certains aspects méconnus de la vie de l’artiste. Il apparaît ainsi que Berthe Morisot évolue dès son plus jeune âge au sein d’une société dont le cadre de vie célèbre l’art du XVIIIe siècle au quotidien. Dans les années 1860 et 1870, elle découvre les Watteau, Boucher, Fragonard, Perronneau… dorénavant exposés en grand nombre dans les musées.

À la maturité, l’impressionnisme de Morisot fait l’éloge du bonheur et de la grâce et s’imprègne d’un certain esprit du XVIIIe siècle dans lequel elle se reconnaît. Ses contemporains identifient immédiatement ce lien, évoquant une filiation spirituelle puis une parenté rêvée avec Jean-Honoré Fragonard (1732-1806). L’histoire s’écrit parfois sur des mythes .

Voir aussi sur Pileface (sélection)

- Philippe Sollers, femmes de Manet / Berthe Morisot
- Berthe Morisot au musée d’Orsay, la rétrospective de 2019
- De "La Cage" de Berthe Morisot à La Cage de Giacometti

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