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Désir, roman. Le Philosophe Inconnu

Le nouveau roman de Sollers (parution le 5 mars)

D 27 février 2020     A par Albert Gauvin - C 10 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Philippe Sollers : DÉSIR, roman
un film de G.K.Galabov et Sophie Zhang

(CXXXII, 2020)

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Musique : Joseph Haydn
Symphonie n°22 en mi-bémol majeur « Le Philosophe », Antal Doráti, Philharmonia Hungarica.
Sonate pour piano n°62 en mi-bémol majeur, Hob.XVI.52, Glenn Gould.
Cinéma : Alfred Hitchcok, Fenêtre sur cour (1954), (le désir selon) Grace Kelly, James Stewart.

Extrait d’Apostrophes (1989) : Kirk Douglas et les Femmes (montage).
Peinture : Fragonard, La Rêverie ou L’Abandonnée (1790-1791), La Surprise, La Poursuite, La Lettre d’amour ou La Déclaration, L’Amant couronné (1771-1773) - Warhol, Mao (1972) - Manet, Le déjeuner dans l’atelier (1868) - Shitao, Clair de lune sous la falaise (1707).
Hegel, Phénoménologie de l’Esprit (1807) - Heidegger, Méditation (1938-1939).
Rimbaud, « Génie », Illuminations (1873).
Lieu : île de Ré, l’océan (le voilier).

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Le nouveau roman de Philippe Sollers, intitulé Désir, paraît le 5 mars prochain. Un extrait a été publié dans le numéro 145 de la revue L’Infini. L’écrivain aux Identités Rapprochées Multiples (IRM), « passionnément rationnel » et qui aime s’avancer masqué, nous y fait découvrir Louis-Claude de Saint-Martin, le « Philosophe Inconnu », et plus précisément, deux de ses livres essentiels L’Homme de désir, « claire déclaration révolutionnaire de l’illuminisme », publié « dans l’explosion de la Révolution française », en 1790, à Paris (« notez bien le lieu et la date », précise Sollers) et Le Ministère de l’Homme-Esprit paru en 1802. « Certains, contre toute évidence, prétendent qu’il n’est pas mort, et qu’il continue ses singulières activités révolutionnaires. Il aurait ainsi rencontré Rimbaud, et peut-être aussi, mais restons prudents, le narrateur de ce livre. » Le philosophe revient sous le masque du romancier, décidément à contre-courant.


L’Infini 145, automne 2019 [1].
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Feuilletez la revue


L’Infini 145, automne 2019, page 3.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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LE PHILOSOPHE INCONNU

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TRACES

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La confiance est la clé. Sans elle, rien ne serait possible, le geste que je tente n’aurait pas lieu, mon bras se perdrait loin de moi, je ne trouverais pas les mots que je cherche. Heureusement, les voici.

La confiance est le chemin sûr. Elle ouvre la voie, elle fleurit, elle parle. L’être humain a le choix entre trois chemins. Le premier est vide, obscur et impraticable. Il conduit vers le troisième, celui de la foule qui vit dans le va-et-vient de l’erreur. Seul le deuxième, pour celui qui maintient un violent désir de liberté, conduit à la vérité. Combien d’aventuriers inspirés sont passés par là ? On l’ignore. Ils ont mis toute leur confiance dans cette direction qui les appelait. Elle n’est répertoriée sur aucune carte. Seul un désir très spécial la crée.

En 1790, à Paris (notez bien le lieu et la date), Louis-Claude de Saint-Martin, plus connu sous le nom de « Philosophe Inconnu », publie L’Homme de désir, claire déclaration révolutionnaire de l’illuminisme :
« Sois bénie, lumière brillante, splendeur visible de la lumière éternelle, d’où ma pensée a reçu l’existence.
Si ma pensée n’était pas une de tes étincelles, je n’aurais pas le pouvoir de te contempler. »

Il commence très fort, en disant que les merveilles du Seigneur semblent jetées sans ordre et sans dessein dans le champ de l’immensité, et qu’elles brillent, éparses, comme ces fleurs innombrables dont le printemps émaille les prairies. « Tous les êtres tiennent à toi. C’est leur liaison secrète avec toi qui fait leur valeur, quels que soient la place et le rang qu’ils occupent. » Tout ce qu’il faut, donc, pour passer à la guillotine quatre ans plus tard. Justement, non. L’Histoire est plus mystérieuse qu’on croit.

Saint-Martin est né en 1743 à Amboise, et mort à Aulnay-sous-Bois en 1803. Un an avant sa mort, en 1802, il publie son grand livre, Le Ministère de l’Homme-Esprit, très proche du Mysterium Magnum de Jakob Böhme (1575-1624). L’Esprit souffle où il veut, quand il veut. Il vient de se faire entendre contre ma fenêtre.

Je vais demander à Laurence, mon amie avocate de Bordeaux, de faire des recherches sur la présence spirituelle du Philosophe Inconnu dans cette ville. Elle a sûrement les relations qu’il faut.

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CONTRE-DÉSIR

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Laurence, en tant qu’avocate, récolte beaucoup de renseignements sur le chemin de la foule menant au contre-désir. Là règnent la défiance, les passions négatives, les opinions changeantes, l’erreur. Le désir doit être contredit sans cesse, rien de sa vérité ne doit arriver. Les réseaux de Laurence sont ceux du Barreau, redoublés par son appartenance maçonnique. Bien entendu, elle ne parle jamais de sa société secrète, juste un signal, de temps en temps.

Elle est gaie, très intelligente, déjeuner avec elle est une fête du vocabulaire. La méchanceté humaine est son élément. Divorces, héritages, fraudes, diffamations, dénonciations calomnieuses affluent vers son étude, rue Esprit-des-Lois, à Bordeaux. En deux heures de TGV, elle est à Paris, au Palais de justice. Je la rejoins là, et elle est très chic dans sa robe d’avocate qui fait ressortir sa désinvolture. Je la laisse parler, elle croule sous des dossiers et des anecdotes. Sa vie est un roman permanent.

Le grand sujet, désormais, est la violence sexuelle, les agressions multiples et les viols, révélés par la libération de la parole des femmes. Ça a commencé aux États-Unis dans le cinéma, mais l’explosion est vite devenue générale, avec les slogans sur Internet, « balance ton porc » et « me too ». Les plaintes évoquent parfois des faits très anciens, et crépitent dans tous les sens. La chasse aux porcs masculins est ouverte dans les entreprises, les services publics, les milieux politiques, les producteurs de films. Une journaliste porte plainte, vingt ans après, pour agression sexuelle, contre une célébrité mâle, qui, lors d’une interview, a mis sa main sur sa cuisse. Le concept de cuisse résonne partout.

Les abus de faiblesse ne se comptent plus. En réalité, les femmes ont été harcelées, agressées et violées depuis la plus haute Antiquité, mais pourquoi parlent-elles maintenant  ? Effondrement du patriarcat ? Mise en place de la reproduction technique ? Découverte plus que tardive de la différence sexuelle ? Sans doute, sans doute. En tout cas, un monde nouveau surgit, celui du contre-désir. Le désir était brutal et absurde, le contre-désir ramène la sécurité. Les hommes étaient ridicules de poursuivre les femmes de leurs fantasmes. Ça va continuer, mais le truc est crevé.

Regardez l’homme du contre-désir : il est très agité, son seul pôle est l’emploi qu’il occupe. Il veut monter de plus en plus haut dans l’ascenseur social, sa tête est pleine de chiffres, c’est un manager for ever. La femme de contre-désir est pareille, meilleure encore en termes de marketing. Si ces deux-là s’accouplent, d’une manière ou d’une autre, c’est juste pour vérifier la répulsion que son partenaire lui inspire. Elle l’ennuie, il la choque. Ils se parlent le moins possible, et toujours d’argent. Leurs enfants sont idiots et insatiables. Il faut sans cesse leur acheter autre chose, changer les téléphones portables et les ordinateurs, les emmener en vacances, les empêcher de consulter des sites porno, débrancher la télévision devant laquelle ils s’abrutissent pendant des heures, tenter de contrôler leurs contacts sur le net. Horreur : ils communiquent en prenant des pseudos, en jouant à être adultes, alors qu’ils ne sont même pas des ados.

Au moindre signe de vrai désir, la répression s’organise. Cette fille est bizarre, elle préfère jouer du piano classique et délaisse son ordinateur. Elle se passionne pour des vieilleries et des virtuoses de l’ancien temps, semble mépriser tout ce qui est rock ou pop. Elle ne va pas en boîte, et reste dans sa chambre en lisant des philosophes déconseillés par les professeurs. Il faut la marier, et lui faire passer des masters. Le garçon, lui, est rêveur, n’arrête pas de lire des poèmes, et s’emballe pour des auteurs d’autrefois répertoriés comme machos par l’Alliance Féministe Universelle. Le plus anormal est qu’il ne paraît avoir aucune tendance homo. Il faudra lui prévoir un stage dans une entreprise. Une banque peut le sauver, s’il n’est pas trop tard.

Grâce aux tornades de dénonciations, l’humanité prend enfin conscience que 80 % des femmes n’ont aucun intérêt pour la sexualité, et sont en général obligées d’y souscrire pour des raisons de pouvoir ou d’emprise. On peut répartir les 20 % qui restent en 10 % de spécialistes de l’auto-érotisme, et 10 % d’homosexuelles plus ou moins installées ou mariées entre elles. Inutile de dire que les hommes, à part le réseau gay en extension fulgurante, ne sont pas au courant de ces 20 %. Ces hétéros primaires foncent dans le tas, gros bêtas. Même s’ils tournent homos, ils restent les employés organiques de leurs mères.

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PHILOSOPHE

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Je reprends la voie du grand désir, et je tombe là, tout de suite, sur le beau jardin de Laurence, à Bordeaux. On a 15 ans, elle m’invite de temps en temps chez elle, ses parents sont absents. On est assis côte à côte sur le banc vert, à côté du laurier en fleur. Elle vient de poser sa tête sur mon épaule gauche. On va sûrement s’embrasser. Qui va décider ? Elle.

On s’est donc beaucoup embrassés, ce printemps-là, avant mon départ pour Paris. Elle a continué son droit à Bordeaux, on est restés amis, avec une couleur spéciale. J’aime sa lucidité et son insolence. Sa voix est nette et rapide. Si j’avais un problème juridique, elle me défendrait très bien. Elle pense que j’aurais pu faire un excellent avocat, et ne comprend pas que je passe mon temps à m’occuper de littérature. Je suis son Philosophe Inconnu. Ce surnom l’amuse, mais elle n’a pas vraiment envie d’en savoir davantage. Selon elle, il y a au moins une loge maçonnique, à Bordeaux, où les Hauts Grades entretiennent le souvenir de Louis-Claude de Saint-Martin. Loge plutôt spiritualiste, donc, issue du camp girondin pendant la Révolution française, et restée très « anglaise », au sens traditionnel du mot.

Le Philosophe Inconnu semble avoir abandonné assez vite les rituels maçonniques, puisqu’il a prétendu avoir bénéficié d’une illumination particulière de la part de l’Être Infini, qui n’a pas grand-chose à voir avec l’Être Suprême de Robespierre. Après tout L’Homme de désir paraît en 1790, année où Mozart est encore vivant. Personne ne se risque à dire que Mozart aura été un franc-maçon comme un autre. Il n’en reste pas moins que l’influence des « Illuminés de Bavière » se propage très vite, à l’époque, dans l’Europe entière, mais surtout en France, grâce au Philosophe Inconnu.

L’homme de désir est d’abord un homme de l’instant. Il vit, s’il le veut, à la seconde près, ce qui a parfois des inconvénients au milieu du bruit des sociétés modernes. Il y a eu, au cours du XVIIIe siècle, des sociétés discrètes, dont l’une, La Société du Moment, peut faire longuement rêver. Le Philosophe Inconnu l’a-t-il fréquentée ? C’est probable, mais pas longtemps non plus, si on relève sa réserve instinctive à l’égard du mot « Société ».

On ne sait presque rien sur sa vie. Il a sûrement lu le Mysterium Magnum de Jakob Böhme, mais ses activités, pendant la Révolution, restent obscures. Il est quand même plus qu’étrange qu’il ait été chargé de faire l’inventaire des livres de la religion catholique en cours de liquidation. Pas un mot là-dessus, pas un mot non plus sur les projets d’une nouvelle religion nationale. Le Philosophe reste philosophe, il n’aspire à aucun pouvoir spectaculaire. Un esprit curieux s’étonnera peut-être de la coïncidence suivante. En 1764, le musicien Joseph Haydn, alors âgé de 32 ans, compose, à Vienne, une symphonie éclatante en mi-bémol majeur, la 22e de son œuvre, et l’appelle Le Philosophe. Saint-Martin a 21 ans à ce moment-là. Il paraît exclu qu’il y ait eu le moindre contact direct entre Haydn et le jeune et étrange illuministe. Tout n’est pas démontrable, mais ce rapprochement musical attire l’attention.

L’Homme-Esprit est né, il est à l’attaque, mais presque personne ne s’en rend compte (sauf Hegel, en 1806). Peu à peu, à travers des événements gigantesques, l’homme courant devient l’Homme-Atome, à la recherche de ses identités perdues. Il court en poursuivant ses incarnations flottantes, se transforme en sac de molécules, disponible pour servir une intelligence supérieure transhumaine. Son corps polysexuel n’a plus besoin de penser ni de désirer. Le Philosophe Inconnu, sauf métamorphose secrète, est donc porté disparu.

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PRINCIPES

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Il est pourtant là, dans un coin de Paris, le Philosophe, à l’écart de l’indiscrétion générale. Peu importe son identité provisoire, ce sont des principes qui l’animent, pas des apparences ou des opinions.
Principe n° 1 : rappeler sans cesse l’illumination primitive.
Principe n° 2 : capter et chasser à chaque instant les nuages toxiques de l’Histoire.
Principe n° 3 : vivre aussi tranquillement que possible avec les habitants du lieu.

Cette dernière activité n’est pas difficile. Vous adoptez les coutumes, les croyances majoritaires, les réflexes conditionnés. Vous faites très attention à votre attitude envers les femmes : il faut qu’elles soignent votre réputation. Vous évitez toute manifestation de désaccord avec le parti dominant ou avec le parti contraire, bref vous existez le moins possible dans le repérage policier. Naturellement, vous pouvez donner le change en étant très connu, et même célèbre. L’important est que vous ne soyez jamais deviné comme étant le Philosophe Inconnu.

Vous êtes né, autrefois, dans l’explosion de la Révolution française, tellement oubliée en France que ce pays vous convient pour poursuivre votre pénétration. Cette révolution, unique au monde, vous permet d’être partout chez vous. Rien de ce qui a lieu sous le Ciel ne vous est étranger. Vous parlez les langues les plus diverses, puisque vous les améliorez en français. Vous êtes porteur d’une information considérable, impossible à divulguer, et, en somme, d’une relique beaucoup plus efficace que la Couronne d’épines du Christ, sauvée in extremis dans l’incendie récent de Notre-Dame de Paris. C’est un billet griffonné sur un coin de table, signé Robespierre. Il vous ouvre toutes les portes, même les plus verrouillées.

Ce billet nucléaire, qui exprime l’ultime pensée, avant sa mort, du grand terroriste, porte sur sa conversion à la religion catholique et à l’autorité spirituelle du pape. Par son écriture tremblée, il peut évoquer le Mémorial de Pascal, mais le feu qui l’anime est quand même de la main d’un grand et mystérieux criminel. Ce message explique, selon vous, l’étrange silence de Saint-Just, lors du dernier discours sacrificiel du dictateur suprême. Force est de constater que le Philosophe Inconnu était là.

Le Philosophe sait que son témoignage ne peut être publié nulle part. Le Vatican y est violemment opposé, même s’il y a encore des Jésuites pour assurer la sécurité de ce personnage exceptionnel. Les Hauts-Grades maçonniques, du moins en France, le considèrent comme un Initié de première grandeur, auquel, de temps en temps, ils demandent conseil. Rien ne filtre de ces rencontres très brèves, où le Philosophe assure, chaque fois, que la Révolution initiale continue de plus belle, alors que tout le monde prétend le contraire. Le chaos s’oriente, malgré des kilotonnes de contradictions. Comme en alchimie, le Ministère de l’Homme-Esprit se poursuit.

Quelques femmes, très singulières, ont bien connu ou connaissent encore le Philosophe. Inutile de les interroger, elles ne diront rien, sauf, parfois, que, contrairement aux philosophes barbants de tous les temps, c’était un homme séduisant et très drôle. On peut les considérer comme des saintes spéciales, d’un athéisme lumineux et charmant. En étudiant leurs vies, on arriverait vite à la conclusion qu’elles ont toutes été, ou continuent d’être, révolutionnaires.

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INCORRUPTIBLE

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Comme vous ne trouvez jamais le Philosophe dans l’Université, ses moyens de subsistance restent inexpliqués. Il ne manque jamais de rien, mène une vie très confortable, transforme peut-être, en douce, le plomb en or. Il n’est pas devenu psychanalyste comme il en avait les capacités, mais il doit donner des cours particuliers. Où, quand, comment, et à qui ? Difficile à dire ses vrais amis sont inconnus. Visiteur du soir de Robespierre, on reconnaît sa marque dans le surnom de ce dernier, « l’Incorruptible ». Quel rêve ! Dans une corruption de plus en plus généralisée, on ose à peine penser à une telle possibilité humaine. Et pourtant, elle a eu lieu, et elle continue d’avoir lieu.

Le Philosophe est incorruptible. S’il choisit de s’exprimer à travers tel ou tel écrivain, on le reconnaît immédiatement à son style : net, contradictoire, énergique et fluide. Qu’il ait eu plusieurs signatures n’a pas d’importance. On ouvre un livre en français, et on sait, au bout de trois lignes, que c’est lui. La Révolution est là, aucun doute. C’est tranchant, percutant, limpide, répétant sans fin que le Bien absolu ignore absolument le Mal. Le ton est parfois un peu forcé, comme dans cette déclaration à l’emporte-pièce :
« En son nom personnel, malgré elle, je viens renier, avec une volonté indomptable et une ténacité de fer, le passé hideux de l’humanité pleurarde. »

Compte tenu de sa persistance dans le temps (plus de deux siècles), on a pu voir le Philosophe avec des femmes très différentes. En 1763, quand il est en garnison à Bordeaux, il n’a que l’embarras du choix parmi les femmes brunes de la région. Pendant la Révolution, tous les lits sont ouverts, et il a de la peine à se rappeler tous les prénoms de cette époque unique en son genre. Manon, Olympe, voilà des femmes inoubliables, et on ne retrouvera Olympe que beaucoup plus tard, sous les traits d’Olympia. Entre-temps, il aura fallu s’ennuyer beaucoup en province, avec deux ou trois Emma. Enfin le cinéma s’occupe de tout, et le Philosophe pourra intervenir, mais sans succès, auprès des grandes mélancoliques, Greta, Marilyn, Ava. À Paris, en mai 1968, il est partout et nulle part, et pourtant des slogans comme « Ne travaillez jamais » ou « Soyez réalistes, demandez l’impossible », sont clairement dans son style. De nos jours, on déchiffre son action plutôt en Chine qu’en France. Qui irait contester son empreinte sur l’étrange développement chinois ?
Plus la corruption augmente, plus l’Incorruptible se porte bien. C’est l’antidote absolu au poison violent du naufrage. Dans un monde déboussolé seule sa boussole est sûre. Il vient de la consulter, et, comme il le pensait, malgré une actualité massacrante, tout va bien, et de mieux en mieux. Il garde cette information pour lui, il a l’habitude. Santé d’abord, et bonsoir.

La source lumineuse persiste, s’approfondit, et se manifeste maintenant par une prolifération de détails. Les détails, voilà l’essentiel. Le Diable s’y tient caché, et c’est un allié impeccable. Il veut la perte de ses possédés, il montre du doigt un fil presqu’imperceptible. La fraude apparaît, le délit s’avoue, la vérité surgit des détails.

Une anecdote révélatrice raconte que quelqu’un a demandé un jour au Philosophe Inconnu s’il était « croyant ». Il aurait répondu froidement : « Je ne crois qu’aux détails. »

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TRANSMISSION

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Le Philosophe se souvient de ses controverses de jeunesse avec des rabbins, des théologiens, des imams, des prêtres et des philosophes. Les rabbins lui reprochaient son kabbalisme obstiné, les théologiens son peu d’empressement à se mettre à l’école de saint Thomas d’Aquin en s’en tenant strictement à l’ésotérisme de Dante, les imams ne supportaient pas son mépris du Coran et de Mahomet, les prêtres, les pasteurs et les popes étaient révoltés par sa vie licencieuse et son indifférence à la communauté chrétienne, les philosophes, enfin, dénonçaient ses compromissions révolutionnaires et ses rencontres très libres avec Hegel, Nietzsche ou Heidegger.

Quand Heidegger, à la fin de sa vie, déclare que « seul un dieu pourrait aujourd’hui nous sauver », il semble penser au Philosophe Inconnu. De même Nietzsche, dans plusieurs passages de L’Antéchrist. Ces hommes de grand désir ont échoué, parce qu’ils n’ont pas su se taire. Toute l’expérience du Philosophe Inconnu porte sur le silence. Comme il n’est pas mystique, mais passionnément rationnel, il reste à imaginer son but.

Un fragment nous met sur la voie :
« Dehors la tempête fait rage. J’ouvre la porte, je rentre, et, aussitôt, la grande vérité du merveilleux silence est là [2]. » Cette indication, pourtant très claire, a complètement échappé à la critique littéraire, de même qu’un autre signal consistant à citer les Principes du calcul infinitésimal de l’ésotériste René Guénon [3]. Cette référence n’aurait pas surpris, en revanche, l’ancien directeur de la NRF, Jean Paulhan, martiniste discret et allusif, chez qui, rue des Arènes, à Paris, le jeune auteur dont nous parlons venait lire des livres très rares.

La « grande vérité » résonne comme un autre titre chinois de René Guénon, La Grande Triade, que Paulhan me donnait à lire, pendant qu’il travaillait à une autre table en écoutant bizarrement la radio. Il y avait aussi un Laozi dans une traduction ancienne approximative. Le comportement de Paulhan était très chinois, toujours indirect, évanescent, ironique. Est-ce lui qui m’a mis entre les mains Le Ministère de l’Homme-Esprit ? C’est probable. Je le regardais, en douce, faire son courrier, petites cartes pour inquiéter les destinataires, belle écriture ronde vocale. C’est quand même pour ce type-là, grand lecteur de Sade, qu’une femme a écrit le meilleur livre érotique féminin, Histoire d’O.
Histoire d’O paraît en 1954, l’année de la mort de Colette (sacré décalage). Gide, mort en 1951, n’a pas eu le temps de voir surgir une telle monstruosité féminine. Quant à Paulhan, qui savoure en secret cette bombe, il pousse la provocation jusqu’à se faire élire à l’Académie française.

Dominique Aury s’appelait en réalité Anne Desclos, mais elle a signé Histoire d’O du nom de Pauline Réage, où il n’est pas difficile d’entendre « Egérie Paulhan ». Elle a réagi aux inclinations de son amant seigneur et maître (Sir Stephen), non sans rage. Le préfacier du livre, Paulhan lui-même, s’amuse en démontrant que Sade était masochiste. Il faut préciser que O n’arrive à un spasme libérateur qu’en se faisant attacher et fouetter.

Stendhal prétendait que le modèle de la marquise de Merteuil, dans Les Liaisons dangereuses, lui avait offert des bonbons, lorsqu’il était un jeune garçon. J’ai vu, près de moi, au Comité de lecture des Éditions Gallimard, la vieille et charmante Dominique Aury, O. elle-même, s’endormir peu à peu, après avoir nettement parlé, dans le soir tombant. C’était émouvant.

LE PHILOSOPHE INCONNU pdf

Philippe Sollers

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Qui est Louis-Claude de Saint-Martin ?

Biographie de Saint Martin
Portrait historique et philosophique de M. de Saint-Martin
Portrait historique et philosophique de M. de Saint-Martin fait par lui-même (Oeuvres posthumes, Volume 17, 1807)

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Les oeuvres de Louis-Claude de Saint-Martin
L’Homme de désir. Table analytique composée par Robert Amadou
L’Homme de désir. Édition de J. Sulpice Grabit (1790)
Lettre à un ami ou, Considérations politiques, philosophiques, et religieuses sur la Révolution française (1795) Le texte.
Le Crocodile ou la guerre du bien et du mal (1799)
Le Ministère de l’Homme-Esprit (édition de 1802)
Le Ministère de l’Homme-Esprit (version numérique)
Des Nombres

« Le livre universitaire sérieux sur le sujet » (Ph. S) :

Il est aujourd’hui reconnu que le Siècle des Lumières fut aussi celui de l’Illuminisme, et que Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), « le Philosophe Inconnu », fut l’un des plus importants représentants français de ces "théosophes" auxquels Diderot consacra un article de l’Encyclopédie. On tente ici une analyse de ses théories, de l’imaginaire qui s’y exprime, de ses conceptions de la nature et du devenir de l’homme dans le monde, de sa réaction à l’événement révolutionnaire. On veut surtout tenter de comprendre la relation particulière qui, dans ses textes, se noue — ni opposition absolue ni adhésion — avec les obsessions et les idéaux des Lumières. Enfin, c’est une philosophie autre, une réflexion originale sur les signes, et une poétique dont les échos s’entendront au-delà même du Romantisme, que l’on se propose ici d’étudier.

Voici un ouvrage sur l’un des plus importants de ces « théosophes » du 18e siècle auxquels Diderot consacra un article dans I’Encyclopédie. L’auteure se livre ici moins à une biographie de celui qui aimait à se désigner sous le nom de « philosophe inconnu » qu’à une étude fine et précise de sa pensée, dont elle démêle la complexité. Influencé par le grand théosophe allemand du 16e siècle Jacob Boehme et par la tradition de la kabbale, Saint-Martin s’inscrit à la fois dans un mouvement intellectuel issu de la Renaissance pour lequel l’univers est une combinatoire secrète de signes, et dans les débats du siècle des Lumières sur l’anthropologie, l’histoire et la naissance du langage. L’œuvre de Saint-Martin puise donc à des sources multiples et contradictoires, mystiques et matérialistes, poétiques et scientifiques. Elle se fonde sur un système globalisant d’interprétation du monde dans lequel le langage et le Verbe, au sens religieux du terme, jouent un rôle central car ils sont les moyens pour l’homme de réordonner le chaos du monde après la chute. Loin de considérer la relation à Dieu comme passive, Saint-Martin lui donne au contraire une dimension pédagogique : c’est dans cette relation que l’homme accède à la « connaissance vraie » du monde et de la nature et apprend à trouver en lui-même la voie de l’action. Saint-Martin se refuse par ailleurs à toute forme d’ésotérisme. Il ne s’adresse pas à des adeptes mais tente d’écrire pour le grand public et participe aux débats philosophiques du temps tel celui qui l’oppose à Garat, professeur à l’Ecole Normale de l’an III. L’auteure souligne ainsi les éléments les plus novateurs d’une oeuvre qui exercera une influence profonde sur des écrivains comme Senancour et sur des penseurs utopistes s’inspirant d’un christianisme diffus comme Saint-Simon ou même Fourier. Elle évoque enfin l’écriture particulière de Saint-Martin et son recours à des métaphores souvent fulgurantes qui servent sa vision poétique et inspirée.

Lise Andriès.

VOIR AUSSI :
Diderot, Les Théosophes
Saint-Martin et ses lecteurs : calendrier perpétuel
Mieczyslawa SEKRECKA, Louis-Claude de Saint-Martin. Le philosophe inconnu, l’homme et l’oeuvre. (1968)
Portrait historique et philosophique de M. de St Martin, par Robert Amadou (1961)
Le citoyen Louis Claude de Saint-Martin, théosophe révolutionnaire

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L’Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint Martin avec Jean-Marc Vivenza

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L’église invisible pour Louis-Claude de Saint-Martin

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Louis-Claude de Saint-Martin, une menace pour la religion ?

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PLUS ICI

Joseph de Maistre écrit dans Les Soirées de Saint-Pétersbourg :

« J’ai eu l’occasion de me convaincre, il y a plus de trente ans, dans une grande ville de France, qu’une certaine classe de ces illuminés avait des grades supérieurs inconnus aux initiés admis à leurs assemblées ordinaires ; qu’ils avaient même un culte et des prêtres qu’ils nommaient du nom hébreu cohen.
Ce n’est pas au reste qu’il ne puisse y avoir et qu’il n’y ait réellement dans leurs ouvrages des choses vraies, raisonnables et touchantes, mais qui sont trop rachetées par ce qu’ils y on mêlé de faux et de dangereux, surtout à cause de leur aversion pour toute autorité et hiérarchie sacerdotales.
Ce caractère est général parmi eux : jamais je n’y ai rencontré d’exception parfaite parmi les nombreux adeptes que j’ai connus.
Le plus instruit, le plus sage et le plus élégant des théosophes modernes, Saint-Martin, dont les ouvrages furent le code des hommes dont je parle, participait cependant à ce caractère général. Il est mort sans avoir voulu recevoir un prêtre ; et ses ouvrages présentent la preuve la plus claire qu’il ne croyait point à la légitimité du sacerdoce chrétien. » (« Onzième entretien »)
*

« Un esprit curieux s’étonnera peut-être de la coïncidence suivante. En 1764, le musicien Joseph Haydn, alors âgé de 32 ans, compose, à Vienne, une symphonie éclatante en mi-bémol majeur, la 22e de son œuvre, et l’appelle Le Philosophe. Saint-Martin a 21 ans à ce moment-là. Il paraît exclu qu’il y ait eu le moindre contact direct entre Haydn et le jeune et étrange illuministe. Tout n’est pas démontrable, mais ce rapprochement musical attire l’attention. »

Si vous êtes cet « esprit curieux », écoutez.

Joseph Haydn, « Le Philosophe »

Symphonie n°22 en mi-bémol majeur (1764).

Filmé au Haydnsaal Schloss Esterházy, Eisenstadt, Autriche, 2015
Ensemble italien de musique de chambre Il Giardino Armonico sous la direction de Giovanni Antonini.

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« En 1764, naissait sous la plume de Haydn une œuvre tout à fait atypique, la Symphonie en mi bémol majeur Hob. I.22. Transmise sous le surnom apocryphe, mais qui circulait visiblement déjà du vivant du compositeur, « Le Philosophe », sa distribution se distingue par l’emploi de deux cors anglais en lieu et place des hautbois, ce qui ne se reproduira jamais par la suite. Elle débute par un Adagio qui expose d’emblée la mélodie de choral de dix notes – quatre aux cors, six aux cors anglais – qui va lui servir d’élément structurant. Après cette marche progressant au rythme tranquille de croches régulières dans une atmosphère de gravité adoucie par l’emploi des cordes avec sourdines dans la nuance piano, l’éclairage change du tout au tout avec un Presto énergique, parfois haletant, puis un Menuetto bien rythmé qui fait son miel, dans le Trio, des sonorités des cors et cors anglais, en vedette également dans le Finale, lui aussi noté Presto et concluant dans une ambiance de chasse une partition qui avait pourtant commencé de façon plutôt sérieuse. » (Jean-Christophe Pucek)

En 1764, l’année où Haydn compose sa symphonie Le Philosophe, comme c’est étrange, Fragonard, dont Sollers montre plusieurs toiles du cycle "Progrès de l’amour" dans le film Désir, Frago, donc, peint un tableau appelé Le philosophe ou Le philosophe lisant. Le Philosophe Inconnu est décidément partout où une révolution est en jeu.


Fragonard, Le Philosophe, 1764.
Kunsthalle de Hambourg. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Dans le film de G.K.Galabov et Sophie Zhang, Philippe Sollers a choisi la version interprétée par le Philharmonia Hungarica dirigé par Antal Doráti. Doráti a été le premier à enregistrer l’intégrale des 104 symphonies de Haydn entre 1969 et 1973 : « il prend d’ailleurs le parti, pour ces pièces, de s’éloigner du grand orchestre romantique, pour le plus grand bien de Haydn » (note du 28 février 2020).

I. Adagio, II. Presto, III. Menuet - Trio, IV. Finale : Presto.

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LIRE : Antal Doráti pour la gloire de Joseph Haydn

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FRAGO/RIMBAUD

L’Amant couronné

C’est le dernier tableau de Fragonard que l’on peut voir dans le film de G.K.Galabov et Sophie Zhang, avant la longue séquence du baiser de Grace Kelly dans Fenêtre sur cour, le film d’Hitchcock. Ce tableau, comme La Lettre d’amour, La Poursuite et La Surprise fait partie du cycle « Les progrès de l’amour dans le coeur d’une jeune fille » commandé par Madame du Barry, maîtresse de Louis XV, pour son pavillon de Louveciennes, qui finalement le refusa. Fragonard entreposa ses tableaux dans son atelier du Louvre pendant dix huit ans avant de les utiliser pour l’hôtel particulier de son cousin, Alexandre Maubert, à Grasse.


Fragonard, L’amant couronné, 1771-1773.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Rimbaud, lecteur de Fragonard ?

À une raison

Un coup de ton doigt sur le tambour décharge tous les sons et commence la nouvelle harmonie [4].

Un pas de toi, c’est la levée des nouveaux hommes et leur en-marche.

Ta tête se détourne : le nouvel amour !
Ta tête se retourne, — le nouvel amour !

« Change nos lots, crible les fléaux, à commencer par le temps », te chantent ces enfants. « Élève n’importe où la substance de nos fortunes et de nos vœux » on t’en prie.

Arrivée de toujours, qui t’en iras partout.

Arthur RIMBAUD, Illuminations.


[1Le texte de Bernard Sichère (décédé en 2019), Apologie du Joueur, a été publié dans L’Infini n°11, Été 1985. C’est une analyse du roman de Sollers Portrait du Joueur.

[2Dernière phrase du roman de Sollers Le Nouveau. A.G.

[3Dernier chapitre de Beauté. A.G.

[4Je découvre ce jour que Sollers a mis cette phrase en exergue de son roman. A.G., le 5 mars 2020.

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10 Messages

  • Albert Gauvin | 29 mars 2021 - 21:03 1

    En rédigeant mon article sur Désir, j’avais découvert l’existence d’une toile de Fragonard intitulée Le Philosophe qui se trouve au Kunsthalle de Hambourg composée la même année que la symphonie de Haydn Le Philosophe, c’est-à-dire en 1764. Il semble qu’on ait découvert par hasard un nouveau portrait de Fragonard Le Philosophe lisant qui serait de 1768-1770. C’est ce qu’affirme France Info dans un article du 25 mars. Il s’agit du même portrait peint sous un angle différent. Bizarrement, ni l’article, ni les experts ne font le rapprochement entre les deux tableaux.

    Découverte d’un portrait de Fragonard disparu depuis 200 ans

    Accrochée au mur d’un salon, l’oeuvre "Philosophe lisant" a été retrouvée par un commissaire-priseur. Le portrait sera mis aux enchères le 26 juin avec une estimation de 1,5 à 2 millions d’euros.

    Un chef d’oeuvre de Fragonard, représentant un "Philosophe lisant" a été retrouvé à l’occasion d’un inventaire de succession, ont annoncé jeudi 25 mars la maison de ventes Enchères-Champagne et le cabinet d’experts Turquin à Paris qui l’a authentifié.


    "Un philosophe lisant", de Jean-Honoré Fragonard, toile ovale d’origine 45.8 x 57 cm.
    (Christian Baraja / Artcento). ZOOM : cliquer sur l’image.
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    "Philosophe lisant"

    C’est un commissaire-priseur, Antoine Petit, venu faire un inventaire dans un appartement, qui a eu le regard attiré par un tableau ovale suspendu très haut sur un mur du salon et auquel la famille ne prêtait aucune attention depuis des générations.

    Il remarque une inscription ancienne à peine lisible, au revers du cadre en bois doré : Fragonard. Le Cabinet Turquin, spécialisé dans l’expertise des tableaux anciens, a confirmé l’attribution. Ce tableau, disparu depuis plus de 200 ans, sera mis aux enchères le 26 juin par cette maison d’Epernay avec une estimation de 1,5 à 2 millions d’euros.

    Cette toile de Fragonard (1732-1806) date des années 1768-1770, période au cours de laquelle il osera libérer son style pour exalter le plaisir de la peinture. Loin des sujets féminins et libertins qui ont fait sa renommée, il choisit le thème de la lecture. Il réalisera pas moins de neuf portraits d’hommes mûrs, auxquels vient s’ajouter Philosophe lisant.

    Un virtuose à l’épreuve du temps

    "Malgré la poussière accumulée et le vernis jauni, la force de sa peinture reste parfaitement reconnaissable", souligne l’expert Stéphane Pinta. "L’artiste est arrivé au sommet de son art. Affranchis de l’extrême minutie du style rococo, ses coups de pinceaux sont rapides, sûrs et très expressifs", relève l’expert.

    Le tableau a manifestement été réalisé rapidement : virtuosité que les frères Goncourt qualifieront de "balayure furibonde" : "la peinture semble ici modelée, sculptée dans la matière, parfois même directement avec le doigt", note Stéphane Pinta.

    Libéré de l’influence de ses premiers maîtres, Chardin et Boucher, Fragonard s’intéresse à la figure de l’homme mûr, barbu, dans la lignée des portraits pittoresques de vieillards appréciés des peintres hollandais du XVIIe siècle et en premier lieu de Rembrandt. "La thématique du savoir, de l’étude des textes et de la Bible sont autant de thèmes ramadanesques auxquels Fragonard souhaitait rendre hommage", poursuit l’expert.

    france info


  • Albert Gauvin | 10 septembre 2020 - 18:51 2

    De passage à Grasse le 25 août, j’ai pu visiter la Villa du cousin de Fragonard et admiré in situ la copie du cycle Les progrès de l’amour dans le coeur d’une jeune fille (1771-1773) commandé à Fragonard par Madame du Barry, maîtresse de Louis XV, pour son pavillon de Louveciennes, qui finalement le refusa. Après avoir entreposé ses tableaux dans son atelier du Louvre pendant dix huit ans, Fragonard les utilisa pour l’hôtel particulier de son cousin, Alexandre Maubert. Les originaux sont aujourd’hui à la Frick Collection de New York.


    La Villa.
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    La lettre d’amour.
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    L’Amant couronné.
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    La Poursuite.
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    La Surprise ou la Rencontre.
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    Fragonard, Les trois grâces.
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    Le fauteuil de Fragonard.
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  • Albert Gauvin | 27 mars 2020 - 11:47 3

    Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), dit « le Philosophe inconnu », voyait la Révolution française comme une « amorce » du jugement dernier. Partant, et toujours selon ce mystique français, auteur notamment de L’Homme de Désir (1790), la structure sociale est vouée à périr si elle ne s’attache pas à suivre les lois divines reflétées en l’homme. Le « pays natal » de ce curieux philosophe né à Amboise, c’est une « révélation lumineuse ». On l’écoute : « Le propre de l’être est d’être, numériquement, une continuelle multiplication spirituelle. » Louis-Claude de Saint-Martin n’est pas mort, il s’est « réintégré en éclair ». Il est aujourd’hui écrivain, il vit à Paris, où la Révolution française se poursuit sous la forme d’une révolution féministe. Il publie un roman. Titre ? Désir. Nom d’auteur ? Philippe Sollers. Le Philosophe inconnu s’est spirituellement multiplié. Il continue de traquer, dans le temps, dans ses vies ultérieures, le contre-désir. Il insiste sur un point capital : la Révolution française est la seule révolution, c’est-à-dire spirituelle, donc éternelle. Elle seule « brise » le temps. Les autres révolutions ne furent, en somme, pour notre philosophe, que des prises de pouvoir. Sollers-Saint-Martin, de plus en plus inconnu mais de plus en plus révolutionnaire, nous parle : « La pensée est un geste, plus ou moins entravé par les entourages et les habitudes. » Ici, à n’en pas douter, notre « illuministe » a voulu dire que, dans les conditions actuelles de température et de pression, la pensée est un geste plus ou moins censuré.

    Le philosophe, on l’a compris, varie ses identités mais « garde le même esprit ». Ainsi, « le cœur peut s’arrêter, la pensée vivra ». Comment ? Mais oui, puisque le désir illumine et que « l’illumination écrase le temps ». Les Lumières n’en ont jamais fini de livrer leur « mystère révolutionnaire ». Et c’est bien l’objet de ce roman très incarné ! Sollers, longtemps après Machiavel, est heureux lui aussi puisqu’il a « rencontré la qualité des temps ». Il l’avait dit autrement : « Le désir est un réel joyeux. »

    Vincent Roy, L’Humanité Dimanche du 26 mars au 1er avril 2020.


  • Albert Gauvin | 27 mars 2020 - 11:37 4

    ESSAI – La parution d’un nouvel ouvrage de Philippe Sollers est toujours considérée comme un événement, au moins pour ses fidèles admirateurs. Du haut de ses 83 ans, l’écrivain continue de nous surprendre dans une langue toujours aussi acerbe et pointilleuse qui vaut aussi pour un franc avertissement aux «  doux ignorants  », ceux-là mêmes tant redoutés, qu’il sait tenir à l’écart à l’aide d’une plume qui n’a rien de pulsionnel, mais qui sait au contraire s’adapter à l’air du temps avec une adresse verbale pour le moins incomparable quand elle n’est pas proprement visionnaire.

    J’ai, quant à moi, abordé pour la première fois l’œuvre de cet écrivain majeur, et je préfère le dire, afin de ne point céder à quelque fautive inclinaison, lors de ma dix-neuvième année alors que je cherchais auprès des avant-gardes de l’époque une porte de sortie à ma pensée tourmentée, mais surtout mal-fagotée en quête de l’inestimable grandeur verbale à l’approche d’une certaine, mais naïve, «  vérité  » intellectuelle.

    Ainsi ai-je découvert ce drôle de personnage épique et fascinant, habilement orchestré par Claude Mauriac et Louis Aragon, à la suite d’autres trublions de la littérature contemporaine pour ne citer que Pierre Guyotat, Jean-Edern Hallier, Guy Scarpetta, Jacques Henric, Marcelin Pleynet, Denis Roche, Maurice Roche, Guy Debord et bien évidemment Julia Kristeva, avec lesquels j’ai d’abord appris à me taire, puis à me révolter contre la moisissure ambiante.

    Mais c’est surtout à Sollers que je dois d’avoir compris que les mots n’ont de sens que s’ils sont porteurs d’intimes et solides convictions capables de vous embarquer dans les conclusions les plus appropriées quant à la vocation de l’espèce humaine à perdurer dans l’erreur et plus encore la soumission. Certes je n’ai pas lu la totalité des ouvrages de cet auteur fétiche, il faudrait une bonne décennie pour décrypter l’intégralité de cette pensée complexe, mais je suppose en avoir capté quelques essentiels éléments sous réserve d’être moi-même un ignorant.

    D’ailleurs avec son dernier roman, simplement nommé Désir, l’écrivain indomptable nous surprend encore. Un livre puissant et presque inattendu dans un paysage littéraire surencombré par la nullité de certaines parutions et qui valent pour une sacrée perte de temps. Voilà enfin une vraie bouffée d’air  !

    «  Cher Philippe À ton retour de l’ile de Ré, tu m’as fait parvenir ton dernier ouvrage “Désir” que j’ai lu avec le même grand bonheur que les précédents. Le salut est dans l’esprit, puisque seule la pensée vivra dis-tu, et pour étayer ton propos tu fais appel à ce grand philosophe inconnu, Louis-Claude de Saint-Martin, lui-même relié à Joseph Haydn, à Mozart, à Rimbaud, jusqu’au narrateur. Ainsi s’affrontent le désir et le contre désir et donc l’espérance contre toute réduction matérielle  », lui écrit Antoine Gallimard, non sans quelque affection.

    Et c’est de cela en effet qu’il s’agit, le salut et l’espérance brisant au passage quelques tabous. Car chez Sollers, ces deux vocables prennent un sens particulier, car ils ne sont pas forcément inscrits dans l’histoire matérielle des hommes finalement devenus de «  bébêtes  » robots sans cervelle. L’élévation spirituelle pour l’ancien maoïste reconverti, peut prendre l’allure d’un spectacle universel en perpétuel devenir.

    Seigneur  ! Seigneur  ! Pourquoi m’as-tu appelé  ? Moi  !

    Preuve en est une fois de plus  ! Mais qui donc est ou semble être ce fameux Louis-Claude de Saint-Martin, plus connu sous le nom de «  philosophe inconnu  » né le 18 janvier 1743 à Amboise et disparu le 14 ou 15 octobre 1803 à Aulnay, à l’âge de soixante ans. Un inspiré  ? Un illuminé  ? Un génie peut-être  ?

    Lequel publia en 1790, un ouvrage édifiant, L’homme de désir composé de 301 chants, écrit à l’instigation du philosophe religieux, cosmopolite et illuministe, Carl Friedrich Thieman lors de ses voyages à Strasbourg et à Londres. «  Les merveilles du Seigneur semblent jetées sans ordre et sans dessein dans le champ de l’immensité. Elles brillent éparses comme ces fleurs innombrables dont le printemps émaille nos prairies. Ne cherchons pas un plan plus régulier pour les décrire. Principes des êtres tous tiennent à toi.  »

    Pas étonnant alors que Sollers se soit intéressé à ce philosophe qui a tout juste vingt-six ans au moment de la Révolution française et dont la profondeur de ton à contre-courant d’une époque décisive pour le peuple français vaut bien un livre  ; lui qui n’ignore rien de cette période tout de même assez cruelle. Et pour cause  ! L’auteur de Liberté du XVIIIe (extraits de la Guerre du goût, 2002, Gallimard) aime les révolutions, toutes les révolutions, mais surtout celle-ci  ! «  On est tenté de la comparer à une sorte de féérie et à une opération magique.  »

    Ne cite-t-il pas d’ailleurs Robespierre cet imbuvable sanguinaire au demeurant très patriote et grand tribun : «  "Le peuple français semble avoir devancé de deux mille ans le reste de l’espèce humaine, on serait même tenté de le regarder, au milieu d’elle, comme d’une espèce différente". Et si c’était vrai  », lequel pour récompense finira à son tour en 1794 sur l’échafaud. Triste fin pour un triste sire, avouons-le  !

    De Saint-Martin, Sollers souligne encore : «  Après s’être enthousiasmé pour Bonaparte, héros de la liberté, le philosophe mérite de plus en plus son nom d’inconnu, Il se retire des apparences humaines en 1803 et n’émettra plus que des signaux codés.  » Il trouvera cependant audience en Allemagne auprès de quelques rares, mais fervents disciples, se cachant le plus souvent en Italie, pour poursuivre sa mission en Asie, en Chine plus exactement. On perd sa trace pendant l’ère Mao.

    De ce point de vue, l’auteur souhaite-t-il prendre à son tour quelques revanches dont l’étrange combinaison laisse penser qu’il a des comptes à rendre. Ainsi ne ménage-t-il pas une certaine catégorie jugée facticement bien pensante — «  Les philosophes sont en général des terriens maniaques, on dirait qu’ils n’ont jamais vu l’océan ni le large, ils sont pour la plupart des boursiers laïcs d’origine modeste, rats de bibliothèque, vivant sur leur lopin.  » Une invective qui vaut son pesant d’or en effet  !

    Les femmes seront toujours fatales  !

    Désir et contre-désir constituent une autre approche de ce livre. Sollers ne démord pas de sa passion illimitée (illuminée) pour la gent féminine. Toujours, il est rivé à son destin pourrait-on dire érotique sans faire insulte à l’observance de principes bien ancrés, pas forcément modérés sur la question des femmes, mais toujours emprunt d’une vraie dignité. «  Le désir doit être contredit sans cesse, rien de sa vérité ne doit arriver  », rappelle-t-il  !

    Sauf que «  le corps est beaucoup plus complexe qu’on ne le dit. Le problème consiste à vérifier le peu d’utilisation que la plupart des gens font de leur corps. Ils restent à la surface de leur corps. Ils ne savent pas très bien employer ce qui se voit et mieux dans l’érotisme. Il y a en général un embarras, des inhibitions. Ce n’est pas vécu, disons, avec aisance. Cela dépend des périodes dans la civilisation. Il est certain qu’il y a des périodes plus ou moins fastes pour une certaine liberté  ».

    J’ai lu cela quelque part voici plusieurs années (Philippe Sollers. Entretien avec Irène Salas). Et il est vrai que le XVIIIe n’a rien moins de scandaleux que ces ébats furtifs et consommés dans une belle épopée aventureuse, où le désir exalte des passions souterraines, y compris à la cour de France. Ainsi les esclaves célèbrent-ils leur propre asservissement au nom d’une révolte impossible.

    Là où « le désir était brutal et absurde, le contre-désir ramène la sécurité  », au sein d’un progrès où la violence semble grandissante autant que passagère à laquelle Sollers, n’accorde d’ailleurs aucun crédit. «  S’il vous reste des doutes, allez vous purifier dans les sources, puis vous reviendrez unir votre voix à la mienne : et nous célèbrerons ensemble les joies de l’homme de désir.  » Mais pour quelle vérité  ? Celle de la fertilité peut-être  ? Ou du viol de l’intimité  ? Que l’on en juge par de récentes affaires où Sollers a dû se justifier  !

    Ainsi et comme l’écrit si bien Georges Steiner, dans Passions impunies : «  Saisir, être capable de transmettre à d’autres quelque modeste paraphrase de la beauté dans une équation de Fermat ou un canon de Bach, entendre le taïaut du chasseur après la vérité telle que l’entendit Platon, c’est donner une excuse à la vie. » Fin de citation  !

    Jean-Luc Favre - 27.03.2020


  • Albert Gauvin | 24 mars 2020 - 12:05 5

    La meilleure recension à ce jour.

    « Le Philosophe est incorruptible. S’il choisit de s’exprimer à travers tel ou tel écrivain, on le reconnaît immédiatement à son style : net, contradictoire, énergique et fluide. Qu’il ait eu plusieurs signatures n’a pas d’importance. On ouvre un livre en français, et on sait, au bout de trois lignes, que c’est lui ».

    Désir est le roman de Louis-Claude de Saint-Martin, connu, plus ou moins, sous le nom de Philosophe Inconnu, né en 1743 et mort en 1803 (1). On lui doit deux livres illuminés, L’Homme de Désir, et Le Ministère de l’Homme-Esprit, et Philippe Sollers, sens en éveil, s’en inspire, comme il s’est inspiré de Casanova, de Vivant Denon, ou encore de Mozart (2).

    Désir est un livre inspiré, animé d’un souffle et d’un élan divin – quoi de plus révolutionnaire que le divin ? –, un roman illuminé par un Illuministe (3), un homme de l’instant, qui vit, s’il le veut, à la seconde près. Désir est une machine littéraire à remonter le Temps, à se l’approprier. L’écrivain s’immerge dans la Révolution française sur les traces de cet Inconnu – « Quand on la contemple, cette révolution, dans son ensemble et dans la rapidité de son mouvement, on est tenté de la comparer à une sorte de féérie et à une opération magique ».

    Il est sensible à la langue enflammée du Philosophe, il le voit, comme il voit le Général Inconnu, qui savait lui aussi ce qu’écrire voulait dire, après son échec, en train d’errer, avec sa canne, sur la lande irlandaise… On dirait le vieux roi Lear perdu dans ses souvenirs. Le Philosophe fréquente des Sociétés secrètes, comme Mozart, mais sans s’y morfondre. Il saute les époques, change de peau, on le voit en Mai 68, au cœur d’une autre Révolution portée elle aussi par les mots et les corps. Comme son complice bordelais, il possède cet art particulier de passer d’un corps à un autre, d’un continent à l’autre, d’un écrivain à l’autre, et le Girondin incarné, le suit à Paris, en Egypte avec Bonaparte, en Chine, à Grenade, à Venise, où il ne porte pas de masque, les laissant au spectacle, mais il a une grande familiarité avec l’invisible depuis son enfance, où il se cachait sans arrêt pour rien. Ils sont nombreux à l’avoir connu, et notamment quelques femmes singulières. Désir, s’aventure dans le passé et se conjugue au présent, le présent qui ravage la langue comme la planète. Le Philosophe et ses doubles heureux échappent aux insultes, aux délires, aux folies, aux trafics des corps. Son remède essentiel et vertueux : des jardins et des fleurs, même si ce n’est pas le seul.

    « La nature est pleine de mouvements plus ou moins cachés, le plus souvent presque imperceptibles. Regardez ce rosier immobile : trois bourgeons, à peine visibles, donneront, dans trois jours, trois roses rouges admirables. Essayez d’entrer dans cette éclosion et sa discrétion nocturne. Ecoutez mieux son désir ».

    Philippe Sollers est un écrivain du Désir, les noms qu’il a donné à ses livres, le vérifient : Paradis évidemment, mais aussi Le Cœur absolu, La Fête à Venise, ou encore Passion Fixe, Une Vie divine, L’Eclaircie, et les Lettres à Dominique Rolin : – « Mon amour, Premier jour de calme, changement d’horloge : les huit mouettes sont là, sur la gauche. L’effacement du vent fait que l’on sent sa propre respiration ». – « Nous sommes deux enfants magiques ». – « Ce qui compte, c’est l’amour, l’amour, l’amour. Peu importe ce qu’on pense, ce qu’on rumine : l’amour. Démonstration sur la page : action » (4). Désir est le roman d’une sainte famille, de poètes, de musiciens, de révolutionnaires, de rois, de jardiniers – « Le Nôtre est charmant, plein d’esprit, et, surtout, honnête. C’est bien le seul personnage que le roi respecte ». Un roman où s’est glissé le Philosophe Inconnu, et ce n’est pas seulement sa vibration, ses pensées, son verbe, mais c’est aussi son corps, cette incarnation multiple, qui défie le temps et l’Histoire.

    L’art du roman est cette incarnation, cette vibration, ce désir d’absolu, et cette vision nette du contre-désir qui ne s’est jamais aussi bien porté, pour lui répondre, l’écrivain bordelais déclenche une illumination, où le désir reste désir.

    Philippe Chauché, La Cause Littéraire, 19.03.2020

    (1) Louis-Claude de Saint-Martin, le Philosophe Inconnu, Nicole Jacques-Lefèvre, Dervy, Bibliothèque de l’Hermétisme.
    (2) Casanova l’Admirable, Le Cavalier du Louvre, Mystérieux Mozart (Plon et repris dans la collection Folio Gallimard).
    (3) « L’illuminisme désigne un courant à la fois philosophique et religieux qui eut son apogée avec les théosophes du XVIIIe siècle… il est lié aux kabbalistes juifs et chrétiens, aux quiétistes vaudois, aux piétistes allemands, à la gnose éternelle, aux thèses de Mme Guyon, aux mystiques et alchimistes allemands du XVIe siècle », Encyclopédie Universalis.
    (4) Lettres à Dominique Rolin (1981-2008), Edition établie, présentée et annotée par Frans de Haes, Gallimard, 2019 (trois volumes à ce jour de lettres, deux venant de Philippe Sollers, et un de Dominique Rolin). Désir d’aimer, désir de vivre, désir d’écrire, une sainte trinité.


  • Albert Gauvin | 8 mars 2020 - 12:47 6

    Philippe Sollers, couvert de lauriers et auteur de plus d’une soixantaine de livres, publie aujourd’hui un roman : « Désir »/ Gallimard. Son mot d’ordre (ou de désordre ) ? Suivre son désir. Désirer l’intelligence. Soit le salut par l’esprit. Eclairage.


  • Viktor Kirtov | 28 février 2020 - 14:51 7

    Cher Philippe,

    À ton retour de l’île de Ré, tu m’as fait parvenir ton dernier ouvrage « Désir » que j’ai lu avec le même grand bonheur que les précédents. Le salut est dans l’esprit, puisque seule la pensée vivra, dis-tu, et pour étayer ton propos tu fais appel à ce grand philosophe inconnu, Louis-Claude de Saint-Martin, lui-même relié à Joseph Haydn, à Mozart, à Rimbaud jusqu’au narrateur. Ainsi s’affrontent le désir et le contre-désir, l’esprit et donc l’espérance contre toute réduction matérielle. J’ai aimé les analyses sarcastiques et lapidaires sur notre époque, la mélancolie sous-jacente (vivons puisqu’on est déjà mort) et la force que nous donnent la nature et la musique, les cerisiers au printemps (j’en ai planté un chez moi à la campagne), le silence dans la montagne. Cette approche nous permet d’échapper à la congélation d’ovocytes, à la procréation en dehors de la sexualité pour être bercé par les figures de l’illuminisme. Très heureux de te publier, cher Philippe ¬ ! Je t’embrasse - Antoine

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    Crédit : Philippe Sollers

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  • Inadvertance | 28 février 2020 - 11:16 8

    "Le concept de cuisse résonne partout."

    L’aphorisme saisissant de notre auteur, de toute son œuvre connue, la somme.


  • Albert Gauvin | 6 février 2020 - 14:35 9

    Philippe Sollers, Désir

    Collection Blanche, Gallimard
    Publication date : 05-03-2020

    « Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), dit « le Philosophe Inconnu », est un penseur français, figure centrale de l’Illuminisme européen. On lui doit deux livres principaux, publiés à des dates très significatives : L’Homme de Désir (1790) et Le Ministère de l’Homme-Esprit (1802). Certains, contre toute évidence, prétendent qu’il n’est pas mort, et qu’il continue ses singulières activités révolutionnaires. Il aurait ainsi rencontré Rimbaud, et peut-être aussi, mais restons prudents, le narrateur de ce livre. » — Philippe Sollers.


  • Anwen | 7 janvier 2020 - 14:01 10

    La Transmission : ק ב ל
    On sent que l’Infini est là, tout proche, que son existence est réelle et indéniable et qu’on n’est pas préparé pour le recevoir ; c’est l’étincelle de doute qui se trouve comme épreuve suprême au seuil de toutes les initiations, et qui faisait rejeter pour jamais les néophytes des portes du Temple du grand Sphinx, lorsqu’ils hésitaient à la question : « Acceptes-tu la Lumière, l’Espérance et la Vie ?.
    C’est la même émotion qui surprend l’Initié lorsqu’il aborde pour la première fois le troisième sens ou Remez de la Thorah, qui est le prélude de l’anagogie.
    Lien : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/histoire-des-israelites.html
    Cordialement.

    Voir en ligne : Livres de Femmes, Livres de Vérités