4 5

  Sur et autour de Sollers
vous etes ici : Accueil » SUR DES OEUVRES DE SOLLERS » « Mouvement », Critiques & Entretiens
  • > SUR DES OEUVRES DE SOLLERS
« Mouvement », Critiques & Entretiens

Le dernier livre de Sollers

D 7 mars 2016     A par Viktor Kirtov - C 14 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


JPEG - 9.6 ko
sur amazon.fr

MOUVEMENT
Gallimard
10 mars 2016

Présentation du livre ICI...
Extraits ICI...

GIF


Philippe Sollers se glisse dans le puits de Lascaux

Par Eléonore Sulser
(Le Temps - Suisse), 4 mars 2016


Lascaux
ZOOM... : Cliquez l’image.
GIF


« Le seul vrai roman est le mouvement de l’esprit et rien d’autre », écrit l’auteur de « La Fête à Venise ». Et il en fait, une fois de plus, la démonstration bondissante

D’abord un aveu – j’espère que les philosophes me pardonneront –, mais je dois dire que j’ai, hélas, beaucoup de peine à comprendre la pensée de Hegel. Je devine, j’essaie, j’admire, mais je serais bien en peine d’exposer clairement de quoi il retourne. La dialectique, bien sûr. Mais il paraît que thèse, antithèse, synthèse, que cette fameuse trilogie ne figure même pas dans l’œuvre du maître ! Alors que faire ? S’y pencher sérieusement, sans doute, sans se contenter de souvenirs d’écolier. Oui, c’est ce qu’il faudrait.

En attendant, Philippe Sollers est là. Embarquons donc dans son nouveau roman, baptisé Mouvement, et cheminons, avec lui, en compagnie du philosophe allemand. En personnage de Sollers, Hegel est, il faut le dire, beaucoup moins intimidant que dans ses écrits. Voici ses formules logiques transformées en autant de mantras poétiques : « Le mouvement est l’infini en tant qu’unité de ces deux opposés, le temps et l’espace. » Voici sa vie, de précepteur et d’universitaire, devenue aventureuse. Voici ses amours avec sa « logeuse » placées soudain sous le feu des projecteurs.

Futé

Et voilà même un destin posthume pour le philosophe ! Le romancier l’invite au XXe siècle. Il l’enjoint à sauter à pieds joints par-dessus la fin de l’histoire ; à rejoindre en musardant l’époque contemporaine pour y contempler ses merveilles et ses travers. « De temps en temps, Hegel regarde un match de tennis ou de foot. Il est fasciné, allez savoir pourquoi, par les duels sur gazon à Wimbledon. Il ne cache pas sa préférence, mais sans excès, pour l’équipe de foot d’Allemagne. En musique, il déteste Wagner et ne se lasse pas de Mozart. On lui a prêté une liaison furtive avec l’éblouissante Elisabeth Schwarzkopf, mais c’est peut-être une rumeur. » Voilà un Hegel qui n’est pas sans point commun avec l’auteur de Mouvement. Il y voit « quelqu’un d’expérience, fin et rusé, qui échappe à tous les pièges. Voilà : il est futé. »

Hegel, le génial futé, n’est pas seul en scène. Pascal ouvre les feux. Et puis les hommes de Lascaux arrivent : celui qui a peint les murs de la grotte, celui qui gît au fond du puits, avec un masque d’oiseau et un sexe dressé. Le « vieux Bach », la Bible, L’Iliade, L’Odyssée surgissent. Et pendant ce temps, où est le narrateur ? Il observe, se cache, fomente, se réjouit. Il fait analyser son ADN. Devinez quoi ? L’homme de Lascaux, c’était lui. « Les résultats viennent de me parvenir : aucun doute, j’étais à Lascaux, c’est bien moi qui peignais sur le roc, et ma main négative est enregistrée dans la grotte. Ô mon aïeul sublime ! »

Mouvement, c’est bien du roman, sinon Hegel ne serait pas ce personnage de génial futé, mais ce n’est pas non plus tout à fait du roman. Tout se passe, dans ce livre-ci encore, comme si Philippe Sollers partageait ses lectures, ses idées, ses interrogations du moment dans une série de très brefs essais. Le voici qui se souvient d’une lecture de Georges Bataille, évoquant les parois de Lascaux. Le voici qui contemple le mystère du puits, qui regarde, goguenard, le rhinocéros peint s’en aller encore et encore, toujours plus loin du bison et de l’homme morts, toujours plus loin de nous, les modernes. Le voilà convoquant l’astrophysique pour contempler, à l’image du rhinocéros, l’éloignement progressif des galaxies.

L’Empire du Milieu

Au milieu de tout cela, qu’y a-t-il ? L’Empire du Milieu, pardi ! La Chine, qui s’invite ici, sous forme d’anthologie poétique. Tour à tour l’auteur nous présente ses favoris, dont les mots font écho à ses propos : « J’en suis donc là, mais en compagnie de Zhou Dunyi (1017-1073). « On parle de choses lointaines d’il y a deux mille ans,/Et pourtant, sous mes yeux, elles existent, intactes ».

Il n’est pas interdit d’être pris de vertige face à tous ces jeux de références, de personnages, de mots. Ni de faire la moue devant cette désinvolture qui – un peu à la manière des Monthy Python – convoque la philosophie sur les terrains de foot. Mais en même temps, tout ce « mouvement » s’avère très vivant, buissonnier, souvent inattendu.

Butineur

C’est attachant, chez Philippe Sollers, ce côté irrévérencieux, emprunteur, butineur. Il se promène dans les livres, dans le champ des idées, cueille des citations, en fait son miel. Un miel sauvage, peut-être un peu léger, mais qu’il distille à sa manière, transfigurant le parfum des fleurs, l’adaptant à ses goûts personnels : liberté, clandestinité, retraites secrètes, bonheurs dont il faut jouir en cachette.

« Le seul vrai roman est le mouvement de l’esprit et rien d’autre », affirme-t-il. Si on le suit, Mouvement est donc bien, quoi qu’il en soit, un vrai roman.

GIF
*

Sollers et Hegel : le tempo et le mouvement

par Aliocha Wald Lasowski
La Règle du Jeu, N° 58/59, mars 2016

GIF

Le dernier livre de Philippe Sollers, "Mouvement", propose un voyage dans le temps, avec pour compagnons les écrivains et les philosophes, les livres et les idées, les lieux de culture et la dynamique des arts.

JPEG - 34.2 ko
Philippe Sollers

Qu’arriverait-il au mouvement de la pensée, s’il n’y avait personne pour l’entretenir, de quelque manière qu’on s’y prenne ? Vous pouvez répondre froidement : rien. Et vous en inquiéter. Seule solution alors : entreprendre tout de suite un voyage dans le temps, avec pour compagnons les écrivains et les philosophes, les livres et les idées, les lieux de culture, la dynamique des arts, avec pour guide du jour l’écrivain Philippe Sollers. Le voyage sera mouvementé ? Il ne s’agit pas de repos ! Mouvement, le dernier roman de Sollers, nous emporte. Embarquement immédiat. Ravissement.

« Le seul vrai roman est le roman de l’Esprit, rien d’autre », écrit le romancier, qui précise, quelques pages plus loin : « Dans le roman, comme dans la guerre, ce qui compte avant tout est le mouvement. » Le monde est une infinité de courbes, parfums, saveurs, rencontres. Tel est le roman selon Philippe Sollers.

« Je revois Georges Bataille, à la fin de sa vie, entrer et s’asseoir très calmement, en fin d’après-midi, dans le petit bureau d’une jeune revue d’avant-garde. Il se taisait beaucoup, et j’écoutais son silence. Il avait l’air heureux d’être là. » L’intimité se recrée, toujours nouvelle, la proximité sans cesse restaurée. La fréquentation que Sollers entretient depuis longtemps avec les écrivains et les artistes, les musiciens et les poètes, les philosophes et les mathématiciens est toujours une surprise. C’est plaisir, c’est merveille. Rarement ils nous ont été aussi proches, aussi vivants, aussi présents.

Dans Mouvement, vous croiserez Roberto Saviano, et son livre éblouissant Extra pure, lui qui, à 35 ans, est déjà condamné à mort par la Camorra napolitaine et vit jour et nuit sous protection policière ; vous traînerez un peu avec Wei Yingwu au cœur du VIIIe siècle ou vous suivrez Zhu Xi, qui vit de 1130 à 1200 et qui est un très bon connaisseur en peinture. Comme Isidore Ducasse, à l’affût, posté sous la coupole, vous écouterez Blaise Pascal qui, depuis son tombeau dans l’église Saint-Etienne-du-Mont, à deux pas du Panthéon, apostrophe Voltaire, quand la nuitest profonde ; vous retrouverez à nouveau Georges Bataille pour plonger avec lui dans les mille et une nuits de la grotte de Lascaux, à la poursuite des bisons furieux et tout à fait ithyphalliques, en pleine vie sauvage et gracieuse. Plus loin, c’est Dante et son chant 17 de L’Enfer que vous saluerez. « On se souvient que Dante, à la sortie de son éprouvante saison en enfer, est heureux de revoir les étoiles », écrit Sollers.

Il y en a encore d’autres, qui voyagent avec nous dans les étoiles de Mouvement, comètes éternelles comme Nietzsche, Claudel, Céline ou le Bernin, qui file avec eux, l’architecte de génie, entre Rome et Paris, où il se promène du 2 juin au 20 octobre 1665. Sûr : Sollers et lui se sont croisés et ont échangé quelques mots. On espère en savoir un peu plus ! Patience, répond Sollers. « J’attends de voir si mon éditeur me demande de développer ces portraits. D’autres figures pourraient se présenter », annonce-t-il. C’est qu’il y a encore dans Mouvement la présence d’Althusser, déjà mis en scène dans Femmes (1983), où il apparaît sous les traits du philosophe Laurent Lutz. Ici, Sollers se demande si Althusser a bien compris ce que signifie la négation de la négation, c’est-à-dire l’infini. « L’avenir dure longtemps », disait Althusser…

Lire se fait d’instants où d’immenses solitaires se penchent vers vous et vous glissent quelques mots à l’oreille. Grandes orgues ou petits voix, en brusques flambées ou à feu doux, les livres sont là. Tout près. Ils renaissent dès qu’on les aime, dès qu’on s’efforce de les déchiffrer un peu, tendrement, au plus près du secret.

« Si je me réveille brusquement à 5 heures », témoigne Sollers, « tout est différent. J’ai la tête philosophique, et une formule de Heidegger s’écrit distinctement sous mes yeux. » Ou bien, en plein sommeil, une nuit à 3h30, voilà un rêve extraordinaire, d’une netteté saisissante : Sollers a rendez-vous avec Lénine, à Paris, dans un splendide hôtel particulier. Il se présente à l’accueil, où un concierge l’accueille courtoisement. « J ’ai rendez-vous avec le camarade Lénine », lui dit Sollers, « il souhaite que nous parlions de Stendhal ». Bientôt les deux hommes se serrent la main. Sollers offre à Lénine un exemplaire des Privilèges, livre peu connu de Stendhal. « J’en profite pour féliciter Lénine de son esprit dialectique qui éclate dans ses Cahiers sur Hegel. Il semble touché de ce compliment, d’ailleurs sincère . » Voilà comme on prend langue.

Nous sommes toujours en Mouvement. D’une séquence de rêve à un dialogue imaginaire, donc plus réel que nature, de vertiges oniriques en voyages mystérieux, Paradis est toujours là, Femmes ne manque pas, grand large, virées de bord, Sollers navigue avec ses voiliers-livres. Quelle est sa méthode ? « Les idées se succèdent, la logique opère d’elle-même, la dialectique aussi. Ma grande bibliothèque, en bois d’acajou, me rejoint partout, je déménage avec elle. » De Montaigne à Gide, filiations assurées, avec la fête des sens, la sensualité de l’esprit, la verve de l’idée. « Je me pose doucement sur l’herbe, on doit être en mars, j’entends des merles moqueurs. Tiens, des vignes, tiens, un petit château. Je n’ai pas le temps de frapper à la porte, puisque je suis basculé dans des embouteillages monstres, à Londres ou ailleurs. »

Si le rêve est ce qu’il y a de plus réel, l’écriture aussi. « Dès que je ferme les yeux, je délire. Je les rouvre : quel est ce cheval chinois qui court sur le mur ? Il est pourtant immobile, mais je le sens tressaillir en moi, prendre son élan, grandir et bondir. » Hallucination vaut pour exaltation, effet d’accélération ou de ralentissement. Tempo-Sollers. Ecrire est une suspension spatio-temporelle, comme celle qu’il évoque au début du roman, à propos de la découverte de l’infiniment grand, la nouvelle déesse du cosmos, SuSy, Super-Symmetry, grâce au voyage de dix ans de la sonde Rosetta ou du robot Philae, mini-laboratoire de 100 kilos. Puis c’est la découverte de l’infiniment petit, le monde des particules, divisé en deux familles, les bosons et les fermions. L’éternité est immobile, immuable et invisible ? Son mouvement est un secret. Sollers l’a percé. « J’écoute sans fin le vieux Bach, il me conduit ». L’écrivain-musicien est à l’écoute du temps. Héros de Mouvement, Hegel aussi l’avait compris. On y revient. « Si vous supprimez la négation de la négation, vous dirait Hegel, vous allez supprimer l’infini. Ce qui n’est pas rien », souligne par ailleurs Sollers, dans un entretien sur Althusser, pour un autre ouvrage, Althusser et nous.

Dans Mouvement, cette fois, nous sommes avec Hegel en 1831. C’est la fin : Hegel a 61 ans ; alors en pleine gloire, il meurt du choléra à Berlin ; puis nous revenons aux temps de sa jeunesse lorsqu’à vingt ans, avec ses camarades de Tübingen, Hölderlin et Schelling, tous ardents partisans de la Révolution française, il la compare à un superbe lever de soleil. La vie intime de Hegel est globalement très peu connue. Sollers nous parle de sa vie amoureuse, « sa liaison, avant son mariage, avec sa logeuse de Francfort, dont il a eu tardivement un premier fils ». La décision est prise : Sollers emporte Hegel dans son mouvement, ils discuteront ensemble de logique, de langage et du néant : « Je décide d’entraîner Hegel dans les labyrinthes du nihilisme et de l’humour noir. Ce sera vite fait, et j’espère l’amuser. »

Sollers et Hegel se rendent au musée, à Berlin. Hegel veut lui montrer son tableau préféré, L’Embarquement pour Cythère de Watteau. Les deux compères discutent : pourquoi ne pas republier La Phénoménologie de l’esprit avec le tableau en couverture ? « Il ne faut pas interpréter Hegel, mais l’être. Ce qui a pensé à travers lui l’est. Thèse, antithèse, synthèse, vous y êtes, vous ne pouvez plus vous tromper. » Hegel, aussi, a un secret. Il a percé l’énigme du temps, dans le beau printemps sec de Berlin, quand le savoir brillait à travers les fenêtres. Un temps sans fin. L’Esprit, dit Hegel, est lent, avec des accélérations rapides puis freinées, mais, toujours, dans le temps, s’approfondit, multiplie les détours, revient, recommence. A travers les nations, les peuples ou les individus, l’Esprit peut connaître des reculs et même des époques de barbarie. Le XXe siècle a fait ses preuves, le XXIe siècle semble, hélas, suivre ses pas de honte et de sangs.

Mouvement est un livre personnel. Au-delà de l’intimité de Sollers avec les écrivains dont il parle, leur présence sur le papier est une présence réelle. Celle qui traverse les siècles, quand tout s’efface et s’éteint. « J’ai ma méthode. Je cible une partie de ma mémoire dont j’établis la carte. Je voyage en elle, je me pose là où je veux quand je veux. Comme j’ai toujours vécu au plus-que-présent, c’est facile. Je suspends le vol du temps, j’arrête le cours des heures propices, je sais l’art d’évoquer les minutes heureuses. » Qui ne serait heureux de faire avec Sollers ce voyage magique ?

Aliocha Wald Lasowski
La Règle du Jeu

*

Aliocha Wald Lasowski : Althusser et nous. Vingt conversations, Presses Universitaires de France, 4 mai 2016, 420 pages

*
GIF

Philippe Sollers, Hegel et le mouvement de l’esprit

Par Mathias Daval, 7 mars 2016

Fidèle à son approche kaléidoscopique de l’écriture, Philippe Sollers livre un énième roman qui n’en est pas un, et qu’il justifie par un aphorisme : « Le seul vrai roman mouvement de l’Esprit, rien d’autre ». Pirouette facétieuse ou véritable propos sur la littérature ?

En apparence, la ligne de « Mouvement », qui sort cette semaine chez Gallimard, se dessine autour de la figure d’Hegel vu par Sollers : voyageur achronique que l’on trouve ici lecteur de Rumî, vénèrant Sade, Nietzsche et Heidegger, dînant avec Lénine, mais se contrefoutant de Freud. Évidemment, ce vrai-faux personnage ressemble page après page de plus en plus à Sollers et de moins en moins au philosophe allemand !
C’est que « Mouvement », plus encore que le précédent « L’Ecole du mystère » (Gallimard, 2015), est une succession non linéaire de fragments tenant de l’essai plutôt que de la fiction. Fidèle à son esprit oblique, Sollers le néo-humaniste convoque des bribes de connaissances émanant de toutes les directions à la fois. Il mélange allègrement la biographie de Blaise Pascal, la glose de Georges Bataille sur les grottes de Lascaux, l’affliction devant une génération droguée aux téléphones portables, et la survivance des vieux philosophes chinois…
« Le mouvement est l’infini en tant qu’unité de ces deux opposés, le temps et l’espace », énonce Sollers en citant Hegel. Une fois de plus, l’auteur parle de lui-même, de son mouvement intérieur qui génère un espace-temps aussi jubilatoire que vaporeux. Si Sollers a toujours aimé manier le paradoxe, il semble avoir de moins en moins de peine à s’affirmer en « réac progressiste » qui attribue les bons et les mauvais points et dédouane son propre système : « Comment passer inaperçu dans un monde de surveillance généralisée ? (…) Si vous êtes écrivain, soyez médiatique, tout en accumulant vos propres livres sur votre bureau. Personne ne vous lira, ce qui n’a aucune importance ». Justification parfaite d’une omniprésence mondaine !
Sollers ne créé sans doute plus grand-chose depuis longtemps et se contente de ruminer ses antiennes de citation en citation, mais il faut lui reconnaître une certaine joie de l’écriture, un brassage d’idées hétéroclites dont la plus grande partie semble préférable à celles qui émaillent les fades romans de cette seconde rentrée littéraire. « L’humour est mort, puisque plus personne ne prend rien au sérieux » : l’ironie sollersienne est à prendre très au sérieux.

Mathias Daval
Toute la Culture,

·

Plein Sollers

Dionysios Dervis-Bournias
Chef d’orchestre, Directeur artistique

Le Huffington Post, 10/03/2016

Si, sous prétexte de parler de Mouvement de Philippe Sollers à paraître aujourd’hui, je ne faisais que parler de moi-même, cela passerait encore. Connaissez-vous un seul scriptographe aux ambitions de critique littéraire (l’acmé de sesambitions) qui parle d’autre chose que de lui-même ?

Après relecture de mon billet -au narcissisme après tout institutionnalisé-, c’est son arrière-goût de plagiat qui m’incommode. J’ai des défenses solides, je ne tarde pas à l’interpréter comme de la pudeur. Elle passera pour de la timidité maladroite.

Attaquons de front cette confession impudique : je n’ai jamais lu pour me cultiver, mes lacunes le prouvent. Henry Miller m’a sauvé lors de mes douze ans. Robert Musil, juste avant la trentaine. Dire merci est une prière, la seule que l’athée que je suis peut se permettre, quand même : cela fait vingt ans que je vis grâce à Sollers. Si vous percevez cette assertion comme un effet de style (de qualité médiocreévidemment), vous ne pouvez que me rendre service.

Mouvement provoquera bien des spasmes. Normal, le charabia, métaphysique ou athée (cherchez la différence) sert à masquer la cécité sur cette qualité musicale que possède tout bon portraitiste : quel portrait de joueur serait crédible s’il n’incluait pas un coup de dés sur la vie éternelle ? Un écrivain, qui est un peintre, qui prescrit la musique : ça bouge dans tous les sens.

Mes amis (de grands intellectuels, athées mais croyants comme des obscurantistes ayant besoin de Dieu pour éliminer les esprits supérieurs), m’ont expliqué que Sollers "est un écrivain secondaire". J’ai osé le comparer à Saint-Simon, affirmer qu’il est -bien évidemment- plus important que Proust... Face à la véhémence de leur réaction, j’ai instantanément fait marche arrière. Je sais courber l’échine. Si je fréquente des intellectuels, c’est parce qu’aucun milliardaire ne m’a jamais invité sur son yacht. Mouvementest un livre pour lequel j’aurais bien volontiers sacrifié un voilier. Celui en acajou de Plein Soleil ? Non ! Pour ce troc, j’ai bien mieux à offrir,Le Créole. Il appartenait à un armateur grec dans les années soixante. La légende raconte qu’un meurtre masqué en suicide eut lieu à bord. Timeo Danaos devrait suffire comme mise en garde, ils arrivent toujours avec des cadeaux ces gens-là.

"Les nihilistes ne peuvent pas penser le néant, ils y courent. Plutôt vouloir le rien que ne rien vouloir". Ph. Sollers

Personnel ce billet ? Évidemment ! Tel Salieri dans le film de Milos Forman, je sais reconnaître le génie mais, let’s cut the bullshit, cela me rend malade de ne pas en avoir. Ce sera ma toute-petite-petitesse-perso, le jour venu, pour rien au monde, je ne raterai les obsèques de Sollers. "Il Etait son auteur favori" : ce jour-là, plus mes obligations envers elle seront prégnantes, plus la "famille-profession-amis" pourra jouir de compassion.

Pleurer ? Et pourquoi pas lui offrir une boucle de mes cheveux, façon Achille aux obsèques de Patrocle ! Homosexualité latente moi j’veux bien, mais y a des limites, surtout quand il peut y avoir des arrangements : rire vers...

Pour ses contemporains, l’œuvre d’un grand écrivain est un douloureux coup de soleil. On se protège comme on peut et, après tout, la détestation reste la résolution la plus cohérente pour rappeler une -sacrément indécrottable- de ces rares vérités éternelles :Personne n’est prophète de son vivant !

Résultat des courses ? C’est sa mort qu’on attend tous. Une fois mort, alors là, vous verrez le soulagement, l’encensement généralisé, ce mouvement de passion fixe qui s’installera. Le vocable ’salope’ dans l’écriture Solersienne comme renversement de l’ordre patriarcal, voilà le thème de la table ronde pour la prochaine université d’hiver des Femen.

Évidemment, S est imprévisible. Pas moi. Presque trois décennies de différence jouent en ma faveur. Tout Gallimard sera présent. Cela fait dix ans que je suis sur un roman : Tom Ripley finit bien par s’approprier une identité et à duper tout le monde, girl friend et police comprises dans Plein soleil. S’il est arrêté à la fin, c’est uniquement à cause de Patricia Highsmith, écrivaine secondaire, ratée du divan...

Nooon ! Vous pensez à un plan genre La Septième fonction du langage ? Mais vous êtes so french ! Moi, I think global. S n’a jamais percé aux Stets, il a crupercer en Chine. C’est là où j’interviens.

Pluie fine parisienne, nécropole bondée, je dépose mon petit bouquet d’asphodèles. Une libatio risque d’être mal perçue, je garde le Bordeaux pour moi. Y aurajamais mort d’homme, Mouvement, rire vers l’Un.

Dionysios Dervis-Bournias
Le Huffington Post, 10/03/2016

Sollers : Hegel et moi

Par Jacques DRILLON
L’Obs du 10 mars 2016

Voir ici dans sa typographie originale

Rien de plus jouissif qu’un Sollers réussi. Il y a des gens qui pensent tout haut, lui écrit tout bas, pour soi-même et quelques autres (Dieu reconnaîtra les siens). Son soliloque est organisé cette fois autour de l’idée de mise à plat du temps et de l’espace : cela va de Lascaux aux nanotechnologies, de Ré à Pékin. Et c’est le sens du titre : « Le mouvement est l’infini en tant qu’unité de ces deux opposés, le temps et l’espace. » C’est de Hegel. Il faut dire que Hegel est le personnage principal de ce roman ; parfois Hegel se prend pour Sollers, et parfois c’est Sollers qui se prend pour Hegel.

Donc Sollers-Hegel considère d’un seul regard le monde tel qu’il était, tel qu’il est et deviendra. C’est l’éternel retour : « Il fait chaud, ou il pleut, ou il neige. Je suis sur des skis, une luge se renverse sur moi, mais non, le soleil brille, je suis sur une plage et je nage. » Pendant ce temps-là, « vous continuez vos petites affaires, tueries, assassinats, élections ». Un thème par chapitre : coke, lumière, Fronde... Il récrit des bouts de Bible, c’est hilarant, il raconte les dernières « découvertes » de la science, c’est terrifiant.

Hegel lui tient chaud. « Je demande à Hegel de relire les “Mémoires d’outre-tombe”. Ça a l’air de l’embêter, mais j’insiste. » Il rêve de Lénine, parle du pape, fait un portrait de Mao, un autre de Pascal, de Hugo, le « banquier de l’absolu ». Les formules sont parfois saisissantes. Du Christ (J.-C.) : « Il a gagné la bataille du calendrier. » Sollers n’a jamais écrit aussi légèrement et aussi cruellement à la fois. Aussi gravement, parfois. Son pèlerinage à La Mecque, où il rencontre Hegel, bien entendu, est un grand morceau : « Dieu est le souverain de l’intox. » Voilà de la pensée en mouvement. Il cite, il cite, parce que toute l’histoire, tous les livres, toutes les personnes, circulent dans les veines, en un mouvement continu.

(Les poètes chinois, on en a tout de même un peu soupé, à la fin.) Tout cela est brillant, tout cela éclate de rire, tout cela s’envole joyeusement. Parfois, « Victor Hugo, furieux, tambourine dans son cercueil », car les morts sont vivants, mais n’aiment pas toujours rigoler. Face au marketing, Sollers ne rit pas : « Pendant ce temps-là, le rhinocéros de Lascaux s’éloigne, impassible. » Car Sollers-Hegel est aussi l’homme de Lascaux dans sa grotte. A la fin, Hegel« prend du papier, et écrit le titre de son roman futur : Mouvement. Ce sera une révélation pour les générations à venir ».

Jacques DRILLON

L’Obs

Le Grand Journal

13 mars 2016 : Mouvement critique...


Le Grand Journal, 13-03-16.
PHILIPPE SOLLERS & CECILE LADIALI

LCP : La Cité du Livre

15 avril 2016

Sollers valse avec Hegel

LE MONDE DES LIVRES | 12.05.2016 | Par Vincent Roy

Mouvement, de Philippe Sollers, Gallimard, 240 p., 19€.

Le mouvement, en mécanique, est l’état d’un corps dont la distance, par rapport à un point fixe, change continuellement ; autrement dit, c’est le changement par lequel le corps est successivement présent endifférentes parties de l’espace. Changeons de discipline, passons à la philosophie : selon Hegel (1770-1831), le mouvement « est l’infini en tant qu’unité de ces deux opposés, le temps et l’espace ».

Maintenant, extrapolons : prenons le corps d’un écrivain contemporain français en mouvement, c’est-à-dire présent successivement dans différentes parties de l’espace et du temps. Ce corps écrit, par exemple, ceci : « J’ai ma méthode. Je cible une partie de ma mémoire dont j’ai établi la carte. Je voyage en elle, je me pose là où je veux quand je veux. Comme j’ai toujours vécu au plus-que-présent, c’est facile. Je suspends le vol du temps, j’arrête le cours des heures propices, je sais l’art d’évoquer les minutes heureuses, j’ai fait la magique étude du bonheur qu’aucun n’élude. » Philippe Sollers est ce voyageur de l’espace-temps, de l’infini, et son nouveau roman, dont le personnage central est Hegel, s’intitule Mouvement. Ce titre est justifié par son auteur : « Le seul vrai roman est le mouvement de l’Esprit, rien d’autre. » Doit-on rappeler ici un ancien titre de Sollers : Un vrai roman, Mémoires (Gallimard, 2007) ?

Et, justement, la carte de la mémoire de l’auteur de Trésor d’amour (2011) a sa nomenclature – laquelle fournit autant de petits chapitres au roman : « Ecoute », « Bible », « Physique », « Coke », « Pascal », « Insomnies », « Lascaux », « Hegel », « Enfer », « Filles », « Lénine », « ADN », « Chine », « Fronde », « Eternel retour »… Lisez plutôt : « Je décide, pour voir, depasser un jour dans L’Eternel Retour. Mes yeux s’ouvrent sur la précipitation des minutes, véritable Niagara qui emporte l’espace avec soi. »

Pages prodigieuses d’humour

Voici Sollers emporté du puits de Lascaux à la Chine, de Tautavel à la frontière franco-suisse, dans l’anneau du Cern. Dans Médium (2014), déjà, il voyageait son corps dans le temps, nous ne sommes plus avec lui à une péripétie près… Oui, mais voilà, la magie continue, nous le suivons d’un même mouvement, c’est galvanisant. Hegel le « contacte » pour lui redire que « l’infini est la négation de la négation ». Sollers remarque que le philosophe qui, par ailleurs, s’intéresse de près à la télévision, cet « empire des simulacres », ne veut pas s’étendre sur Freud car il pense que ce dernier n’a pas de destin historique. Qu’importe, ce qu’il veut, Hegel, c’est écrire un roman d’aventures qui aurait pour titre Mouvement, mais il abandonne ce projet. Pour l’heure, il rêve de sa logeuse de Francfort et « bande d’amour » : c’est sa déesse grecque couchée contre lui dans « le lit du temps » – les pages sur la vie intime de Hegel sont prodigieuses d’humour. Il emmène Sollers à Berlin pour voir son tableau préféré, L’Embarquement pour Cythère, de Watteau (vers 1718). Le voici extatique devant la toile : c’est qu’il donne en exemple, à son comparse, « la légèreté prodigieuse de ce présent ». Il est « futé » Hegel, question de « nature animale, humaine et quotidienne ».

Que veut nous dire au fond Sollers ? Que seule la pensée « agit ». Encore s’agit-il de la mettre en mouvement. Vous n’y croyez pas ? C’est que « votre raison est abîmée par la publicité permanente ». Contre celle-ci, il y a la littérature. Mouvement est jubilatoire. Rapicolant comme un grand cru de Bordeaux.

Vincent Roy

Crédit : http://www.lemonde.fr

*
oOo

Un message, un commentaire ?

Ce forum est modéré. Votre contribution apparaîtra après validation par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
  • NOM (obligatoire)
  • EMAIL (souhaitable)
Titre

RACCOURCIS SPIP : {{{Titre}}} {{gras}}, {iitalique}, {{ {gras et italique} }}, [LIEN->URL]

Ajouter un document


14 Messages

  • Viktor Kirtov | 22 avril 2018 - 20:52 1

    « En dépit d’atrocités innombrables, la Chine, à certains moments, ouvre sur l’essentiel : sur l’instant pur et interminable de quelques solitudes, toujours menacées de mort puisque tous les lettrés sont suspects. Je me demande si mon préféré n’est pas Lin Bu, un malin, celui-là (967-1028), qui a eu la chance, retiré volontaire, d’être pensionné par l’empereur sur une île du lac de l’Ouest. Là, il s’occupe exclusivement de poésie, de culture de pruniers et d’élevage de grues. »
    Dans Mouvement de Philippe Sollers.


    La page FB de Didier Ben Loulou


  • A.G. | 4 décembre 2017 - 21:33 2

    Le « roman » de Philippe Sollers

    par Georges Raillard

    On lira, on relira Mouvement, roman. On en sillonnera les courts chapitres, les moments ou les mouvements. Avec, parfois, le temps d’un café serré.

    Le thème de cet ouvrage est notre aujourd’hui, y compris cet avis imprimé en majuscules : « VERS LA DISPARITION DE L’ECRITURE. » Sollers, sur pièces, entreprend de nous persuader qu’il n’en est rien. Le fond de cet ouvrage pourrait passer pour commun, pour connu, dans cette « planète démente », dans la décomposition générale. L’ouvrage, entre humour et indignation, déborde ces banalités. Le titre et le sous-titre – dont la présence est récurrente – fournissent des points de cristallisation et de réflexion variés. Ainsi : «  Le seul vrai roman est le mouvement de l’Esprit, rien d’autre.  » Un des échos de l’exergue empruntée à Hegel « La vérité est le mouvement d’elle-même en elle-même. »

    L’auteur de la Phénoménologie de l’Esprit est ici omniprésent, mais ses avatars sont multiples. En passant, ceci : « Hegel dont le principal intérêt est le mouvement des dates, hoche la tête. » Hegel soumis aux manœuvres retorses, assassines du marxisme. (contrepoids, le récit d’un rêve de Lénine qui ne manque pas de piquant).

    L’homme privé : le fils naturel qu’il fait à sa logeuse. Sollers tisse l’histoire : une jeune fille, Gudrun, que ses camarades poursuivaient en l’accusant d’être la petite petite-fille d’un philosophe allemand depuis longtemps dépassé. Le temps à ce moment de l’Histoire est celui de la bande à Baader. Et Gudrun avait été une marxiste radicale. Le récit s’arrête à cet aphorisme : « Le mouvement est infini en tant que l’unité de ces deux opposés, le temps et l’espace. »

    Le narrateur dit : « Il fait très beau. J’avais besoin de café fort. »

    Des personnages et des livres, le champ du mouvement est vaste. Le roman s’étend de la Bible à l’Odyssée. On y rencontre des poètes chinois, La Divine Comédie, Pascal, Rimbaud, les Poésies de Lautréamont, Joyce, Céline… La mainmise sur la musique par l’écriture est plus difficile. Nous retenons les motets de Bach.

    Sollers s’approprie les œuvres qu’il aime. Il est reconnaissable dans la définition des peintres qu’il a commenté dans ses livres écrits sur eux : Le Paradis de Cézanne, les Passions de Francis Bacon, les Surprises de Fragonard, Watteau et les femmes. (Pour Picasso ou Cy Twombly, le témoignage d’admiration.)

    Une œuvre et un écrivain dont le nom est attaché à cet œuvre domine le roman de Sollers, Lascaux et Bataille. Georges Bataille est l’auteur d’un livre « admirable » sur la grotte et l’art : « Le grand roman millénaire de la caverne doit donc s’appeler Mouvement. »

    Dans la composition du paysage écrit par Sollers, se rencontre un pays commun avec Lascaux, la Dordogne, dont un grand-père de l’écrivain est originaire. La grotte est un puits pour la mémoire, une mémoire infinie : « J’ai compris puisque j’avais soudain 15 000 ans pourquoi la Dordogne en ces temps si anciens avait dû être le centre du monde. Bataille parle de “cet éclat merveilleux, de la richesse pour laquelle chacun se sent né”. »

    Au chapitre Lascaux du roman de Sollers, une biographie multiple. Sur Georges Bataille et Lascaux, et pas seulement : « Bataille à 22 ans, avant de plonger dans Sade et Nietzsche est déjà ce qu’il est et ce qu’il sera : un homme de Lascaux, un mouvement intérieur et sauvage. » Ou encore : « Bataille, en parlant du génie de l’homme de Lascaux, dans son déferlement animal, le définit comme animé par une “spontanéité insoumise” ». Il s’agit d’un mouvement extrême de liberté dans le mouvement du mouvant.

    Qui, dans ce mouvement infini, est le pseudonyme de qui ? La biographie pose la question sans la résoudre. Aucune réponse à aucun sujet, dans l’écriture, sauf dans le mouvement. Dans le roman de Sollers cette ouverture : « Il fait très beau ce matin à Berlin et Hegel m’a emmené voir […] ».

    Lisez, relisez ce roman.

    En attendant Nadeau


  • A.G. | 15 mars 2017 - 10:45 3

    Pour savoir comment un écrivain nihiliste de talent se métamorphose en causeur ressentimental, lire Le bon choix et le mauvais choix.


  • Viktor Kirtov | 15 mars 2017 - 10:03 4

    QUAND SOLLERS SE PREND POUR HEGEL…

    Une critique à charge de Roland Jaccard, une opinion, plus qu’une démonstration.
    R. Jaccard est cofondateur du magazine Causeur où il y tient une chronique mensuelle.

    Philippe Sollers a un don particulier pour débusquer les « barbouilleurs de littérature » et quand il les décrit, notamment dans son dernier opus magnum en date, Mouvement, il donne l’étrange impression de se dédoubler. Car ces « barbouilleurs » sentent que la poésie serait pour eux le salut. Mais la chose leur fuit entre les mains – quand elle ne devient pas de la merde. Peu importe, dans l’empire du Marketing, il faut que la pensée, tout comme la poésie, soient impossibles. « C’est la loi des marchés financiers », conclut Sollers qui, une fois encore, est persuadé d’avoir échappé à cette hydre grâce à Hegel et à la poésie chinoise. Certes, il reconnaît être très délabré. Mais indemne. Indemne de quoi ? On ne le saura jamais. Et d’ailleurs, il est douteux que quelqu’un s’intéresse à ce « barbouilleur de littérature », le seul à avoir compris que tous les interprètes de Hegel, y compris ses adversaires, se sont trompés. Car il ne faut pas l’interpréter, mais l’être. Et Sollers qui veut l’être, qui pense l’être, ne nous aura rien épargné dans ce pensum indigeste, rien, à l’exception de sa vanité.
    « Si la vérité est le mouvement d’elle-même en elle-même », comme le prétendait Hegel, ne prenez pas la peine de la chercher chez les barbouilleurs de littérature. Et moins encore chez Philippe Sollers qui, sans doute sous l’emprise des marchés financiers, a réussi l’exploit d’étaler sa culture en lui retirant toute saveur. La prétention pèse parfois plus que les marchés financiers, mais ce n’est quand même pas notre Hegel bordelais qui s’arrêtera à des détails aussi mesquins, tant il est imbu de son génie. Il est bon de savoir que de si nobles et vertueux esprits veillent sur la littérature française chez Gallimard. Ne serait-ce que pour cela, ils auront droit à notre indulgence et, chez les plus perfides, à quelques égards.

    Roland Jaccard
    sur son blog, avril 2016


  • A.G. | 7 juillet 2016 - 14:52 5

    La négation de la négation… avec Hegel

    Mouvement, de Philippe Sollers. Éditions Gallimard, 240 pages, 19 euros. Philippe Sollers poursuit son «  jeu  » à décrire la société de son temps de façon très critique.

    « Qu’arriverait-il à la pensée s’il n’y avait plus personne pour penser  ? » Rien, répond Philippe Sollers dans Mouvement. L’écrivain a pris cette fois-ci Hegel comme grand homme de compagnie, comme il avait pris Nietzsche dans Une vie divine (Gallimard, 2006). Hegel parce que celui-ci connaît à fond la Révolution française et l’esprit du christianisme… Heureusement, le narrateur a rendez-vous avec Lénine, dans un rêve extraordinaire, où le grand révolutionnaire – en grande forme – semble très au courant de toute l’histoire du XXe siècle, jusqu’à ces jours-ci, au XXIe siècle…

    Tout est humour chez Philippe Sollers

    Jeu. C’est ce que fait Sollers depuis toujours  ; en tout cas depuis qu’il écrit des livres – depuis 1958, très exactement, quand il a publié Une curieuse solitude, ce premier roman qui avait tant plu à Aragon (et à Mauriac  !). Aussi bizarre que cela puisse paraître, Philippe Sollers aurait même tendance à se dire « ermite » (c’est ce qu’il fait dans Un vrai roman. Mémoires, qu’il a publié en 2007, chez Plon). Dans Mouvement, il raconte qu’il a lu, très jeune, le livre absolument admirable de Georges Bataille  : Lascaux ou la naissance de l’art  ; et aussitôt, qu’il avait foncé vers la grotte enchantée… Il y est toujours  : au milieu des taureaux, des bisons, des vaches, des bouquetins, des chevaux, des rhinocéros, des cerfs, des blasons, dans le flamboiement des couleurs, où il a entendu un énorme son qui n’a jamais quitté sa mémoire, raconte-t-il… C’est le génie de l’homme de Lascaux, sa spontanéité insoumise, disait Bataille, dont Sollers a souvent dit que, de tous les personnages rencontrés, c’est lui, et de loin, qu’il admire le plus. Le dernier des écrivains heureux  : Roland Barthes avait dit ça à propos de Voltaire. Mais la fête chez Sollers continue. C’est le même programme  : décrire la société de son temps de façon très critique, en étant toujours ironique, mais jamais apocalyptique (ou alors, c’est que l’apocalypse est une énorme bouffonnerie, dit-il). Tout est humour chez Sollers. De cette façon, l’esprit n’en est pas à une épreuve près  : « Après avoir traversé l’océan du cinéma, il dépassera aisément le tourbillon du Web », annonce-t-il. C’est la dialectique qui veut ça. Entendez  : la négation de la négation, c’est-à-dire l’infini lui-même selon Hegel.

    Didier Pinaud, L’Humanité du 23 Juin, 2016.


  • V. Kirtov | 28 mai 2016 - 10:46 6

    Philippe Sollers et Amin Maalouf affirment leur filiation morale à l’histoire du monde

    Par Guylaine Massoutre, le 14 mai 2016 (ledevoir.com)

    Philippe Sollers pratique depuis longtemps l’écriture des genres mêlés. Essai, fiction, chronique, prose, sérieux ou non, il conjugue librement les tons. Mouvement, « roman », n’a rien de fictif ni de narratif, rien d’étonnant. C’est un livre d’écriture libre en fragments, aux paragraphes isolés par des blancs ou des chapitres, en succession ou par sujets inopinés. L’actualité, le lointain, tout cohabite selon l’humeur, rappelant de loin son ancien voisin, son « héros de lycée », Michel Eyquem de Montaigne.

    Plus ICI…


  • V. Kirtov | 12 mai 2016 - 11:44 7

    C’’est le titre de la critique de Vincent Roy dans Le Monde du 12 mai 2016, à propos du livre de Sollers « Mouvement ».
    A lire ICI… :


  • D.B. | 4 avril 2016 - 13:37 8

    Stéphane Guégan, dans le dernier article daté du 02/04/2016 de son blog : http://motsdits.blog.lemonde.fr/tag/stephane-guegan/


  • A.G. | 3 avril 2016 - 15:03 9

    La recension de Philippe Chauché est à lire dans La Cause littéraire.


  • Hélène Mackay | 1er avril 2016 - 21:20 10

    À nouveau merci Philippe Sollers. Vous êtes, avec C. Fleury et C. Bobin, mon dépanneur nécessaire. Et, écoutant Cécile Ladiali,, me reviennent ces paroles du grand Gilles Vigneault : ­La violence est un manque de vocabulaire. Mais... entendant cette majorité de chansons en globish sur les télé et radio françaises, au secours ! Elle semble encore plus menaçée qu’ici, au Québec ! Si lire c’est s’exercer à la gratitude, je vous exprime ma sincère gratitude. Hélène Mackay


  • A.G. | 28 mars 2016 - 11:41 11

    Sollers presse le mouvement

    par Bernard Pivot, Le JDD du 27 mars 2016


  • V. Kirtov | 21 mars 2016 - 17:52 12

    Visionnez la vidéo du Grand Journal récupérée par A.G. pour écouter Sollers mais aussi pour écouter Cécile Ladiali. Elle le vaut bien !


  • A.G. | 21 mars 2016 - 17:15 13

    Le Grand Journal du 13 mars 2016. Défense de la langue française ? Voir ici.


  • Albert Gauvin | 11 mars 2016 - 01:30 14


    L’OBS du 10 mars 2016.
    Zoom : cliquez l’image.
    GIF