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La Nuit rêvée de... Philippe Sollers (rediffusion)

France Culture, 25 mai 2014 - Manuel de contre-folie.

D 31 juillet 2023     A par Albert Gauvin - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Que faire la nuit ? Dormir, rêver peut-être ? Ou, en cas d’insomnie, écouter la radio ? Le 3 août 2023, Les Nuits de France Culture rediffuse des extraits de « La Nuit rêvée de Philippe Sollers » diffusée la première fois le 25 mai 2014... apparemment sans les entretiens que Sollers avaient alors accordés à Christine Goémé, mais avec en supplément un entretien qu’il avait donné le 16 février 1988 lors d’une émission sur Venise que nous avions mis en ligne en 2009 [1]. Certains extraits choisis par Sollers (avec les voix de Breton, Bataille, Malraux), sont désormais « indisponibles », mais vous pourrez les écouter ici dans la version intégrale de la première édition présentée par Christine Goémé et, bien entendu, Sollers, un Sollers au mieux de sa forme, vif, précis, ironique, combatif et drôle.
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La Nuit rêvée de... Philippe Sollers

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Philippe Sollers avec Christine Goémé

Pour Philippe Sollers, vivre, c’est pratiquer la langue sous toutes ses formes : parler, écouter, lire et écrire, plus quelques autres plaisirs connexes, comme boire un bloody Mary en fumant une cigarette...

Sollers, un grand lecteur qui aime les écrivains
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Sollers occupe une place singulière dans la littérature française contemporaine : romancier et essayiste, fondateur et directeur de Revues littéraires importantes, il est aussi un grand lecteur qui aime les écrivains. Il remet dans le circuit des écrivains oubliés ou mal compris, auxquels il redonne toute leur place dans la conversation et la pensée vivantes (Saint Simon, Casanova, Lautréamont.....)

Egalement éditeur, il publie des écrivains émergents ou très atypiques qu’il s’attache à faire découvrir avec une belle générosité.

Son œuvre (plus d’une soixantaine de livres) passionne par sa multiplicité foisonnante... et ses curiosités très hétérogènes (romans, certes, mais aussi essais sur les livres, sur la peinture, ou la musique....)

Car Sollers à l’évidence aime la diversité.

Ses rencontres avec Breton et Malraux, Bataille et Mauriac
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Dans cette "Nuit Rêvée", il affirme ses goûts («  je reconnais un écrivain en quelques lignes »), ses affections (son amour des femmes intelligentes et belles : «  les sorcières ne m’aiment pas »), ses raisons de vivre (la lecture de Bataille...), et il crée des relations inédites entre des oeuvres apparemment hétérogènes : littéraires, musicales, et picturales....

Il nous fait partager ses rencontres avec André Breton ou André Malraux... ou encore avec François Mauriac...

Il nous rend attentif aux voix (celle d’Artaud...), à la musique (Bach interprété par Glenn Gould...), aux sons et aux souffles (James Joyce, Louis-Ferdinand Céline...).

Il nous fait écouter Marcelin Pleynet et nous parle de son amitié littéraire indéfectible pour le poète et complice dans l’aventure de Tel quel, puis de la revue l’Infini.

Julia Kristeva, l’Île de Ré et un voyage à Venise...
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Il nous fait pénétrer dans son intimité heureuse avec deux femmes, qui écrivent elles aussi : il nous parle de sa maison de l’Ile de Ré — où il séjourne souvent avec l’épouse : la psychanalyste, linguiste, et romancière Julia Kristeva, et leur fils David...

Ou encore de Venise longtemps partagée avec la belle écrivain raffinée : Dominique Rolin (disparue en 2012) et à qui il dédia son Dictionnaire amoureux de Venise...

La radio se prête parfaitement au plaisir de ses confidences sur les archives... pour qui veut passer une nuit à rêver en compagnie de Philippe Sollers.

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1. 00:00 - 00:30

Entretien avec Philippe Sollers 1/3

Par Christine Goémé
Réalisation Virginie Mourthé
1ère diffusion : 25/05/2014

Présentation. Les voix d’écrivains
(avec quelques savoureuses imitations).

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2. 00:30 - 00:55

Entretiens avec André Breton 3/16

En 1952, le poète, écrivain et critique André Breton donnait seize entretiens à André Parinaud pour la Chaîne Nationale. Dans le troisième il se remémorait les années 1920, quand les mouvements Dada et Surréaliste émergèrent et qu’il côtoyait Apollinaire, Aragon, Reverdy, Soupault, Valéry et Gide.

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Par André Parinaud
Entretiens avec André Breton, Gallimard, 1952
1ère diffusion : 06/03/1952

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En 1952, André Parinaud entreprend une série d’entretiens radiophoniques avec des personnalités du monde de la culture, notamment avec l’écrivain, poète et critique André Breton, surnommé le "Pape du Surréalisme". Dans le troisième épisode d’une série qui en compte seize, André Breton revient sur toute la période après la Première Guerre mondiale qui a vu la naissance du Surréalisme. Il évoque la création de la revue "Littérature" en 1919, il se souvient de ses rencontres avec Philippe Soupault, Louis Aragon, Guillaume Apollinaire et André Gide, Pierre Reverdy : "C’est à partir de mars 1919, avec Soupault et Aragon, que réside l’amorce de l’activité qui devait opérer ses premières reconnaissances dans Littérature, puis très vite faire explosion dans Dada, et aboutir au Surréalisme."

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3. 00:55 - 01:40

Pour en finir avec le jugement de Dieu

"Pour en finir avec le jugement de dieu", est une création radiophonique du poète Antonin Artaud, enregistrée en novembre 1947, avec Maria Casarès, Roger Blin, Paule Thévenin et l’auteur lui-même. Une création censurée en 1948 par le directeur de la radio publique Wladimir Porché.

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D’Antonin Artaud
Avec Antonin Artaud
1ère diffusion : 02/02/1948.

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VOIR SUR PILEFACE

Écrit et enregistré en 1947 par Antonin Artaud, Pour en finir avec le jugement de Dieu, est sans doute, jusqu’à maintenant encore, l’évènement radiophonique le plus extrême jamais conçu. Une entreprise rythmique abyssale, un texte magnifique écrit pour une voix en irruption. Cette oeuvre hors du commun a été interdite quelque temps, mais le pire des outrages que l’on pouvait lui faire subir était l’oubli. Cependant, grâce aux éditions sonores André Dimanche les enregistrements radiophoniques d’Antonin Artaud ont été sauvés de l’oubli. L’écoute de Pour en finir avec le jugement de Dieu est précédée d’une présentation d’Antonin Artaud par Roger Vitrac.

Une œuvre censurée en 1948
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Antonin Artaud, né le 4 septembre 1896 à Marseille et mort le 4 mars 1948 à Ivry-sur-Seine, est un théoricien du théâtre, acteur, écrivain, essayiste, dessinateur et poète français. Pour en finir avec le jugement de Dieu est une création radiophonique commandée par la RDF (Radio diffusion française), elle fut censurée la veille de sa première diffusion, le 1er février 1948, par le directeur de la RDF, Wladimir Porché.

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4. 01:40 - 02:15

Qui êtes-vous ? - Georges Bataille

En 1951, l’écrivain Georges Bataille est invité de l’émission "Qui êtes-vous ?" dont le principe est le suivant, un portrait de l’invité à travers une série de questions sur son enfance, sa vision du bonheur, sa nature, ses humeurs...

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Par André Gillois
Avec Emmanuel Berl, Maurice Clavel, Jean Guyot et Georges Bataille
Réalisation Jacques Guinchard
1ère diffusion : 15/07/1951

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Dans l’émission "Qui êtes-vous ?" en 1951, la personnalité de l’écrivain Georges Bataille est passée au crible de plusieurs invités, Catherine Gris, Emmanuel Berl, Maurice Clavel, Maurice et Jean Guyot. Georges Bataille répond à un questionnaire-test. Parmi les questions posées : A-t-il réalisé ses rêves de jeunesse ? S’est-il amélioré depuis cette époque ? A-t-il une tendance à l’introspection ? Est-il de nature optimiste ? Qu’aurait-il fait si il n’avait pas été écrivain ?

Questionné sur ses jeux et ses goûts d’enfant, il répond : "J’étais très bagarreur, j’étais le plus petit de la classe, je me bagarrais tout le temps et j’étais très souvent battu. Je me rappelle que je lisais beaucoup Buffalo Bill et j’aurais voulu être Sioux ou quelque chose de ce genre." Puis il explique pourquoi il écrit : "Je n’écris jamais que pour supprimer le but". Il commente les propos d’Emmanuel Berl qui le définit comme "mystique constitutionnel". Il analyse son mysticisme, il parle de Dieu, du Bouddhisme. Il évoque l’image de son père, aveugle et paralytique. Il fait référence à son ouvrage Histoire de l’œil.

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5. 02:15 - 03:05

Impromptu de vacances - François Mauriac

L’écrivain François Mauriac, prix Nobel de littérature en 1952, s’exprime dans l’émission "Impromptu de vacances" en 1965. Une thématique qui lui va comme un gant puisqu’il explique que les grandes vacances de son enfance ont nourri et inspiré son œuvre romanesque.

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Par Harold Portnoy
1ère diffusion : 23/08/1965
Lectures Bernard Jousset

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En 1965, l’écrivain François Mauriac s’exprime au micro d’Harold Portnoy dans l’émission "Impromptu de Vacances". D’emblée il explique : "Mon oeuvre romanesque a pris ses racines dans les campagnes de mes grandes vacances. Je dois tout à mes grandes vacances. De mon temps on bougeait très peu. Les familles qui avaient une campagne passait leur vacances dans ces campagnes. Nous avions des propriétés. Il n’était pas question d’aller ailleurs que dans ces propriétés. Ce qui comptait pour nous c’était Les Landes, la grande lande girondine."

"Mon pays natal, c’était un pays vraiment sauvage du temps de mon enfance"
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François Mauriac, né en 1885 à Bordeaux, mort en 1970 à Paris, est un écrivain français qui a été fortement marqué par sa terre natale, près de Bordeaux. Il y a Gradignan où se trouve le Château-Lange qui appartient à sa grand-mère, il y a Les Landes de Gascogne autour de Langon, Verdelais et surtout l’été à Saint-Symphorien. Ces endroits sont dominés par la bourgeoisie viticole dans laquelle il trouve les thèmes de la plupart de ses romans. Mauriac est Lauréat du Grand prix du roman de l’Académie française en 1926, membre de l’Académie française, il reçoit le prix Nobel de littérature en 1952.

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6. 03:05 - 03:40

Entretien avec Philippe Sollers 2/3

Par Christine Goémé
Réalisation Virginie Mourthé
1ère diffusion : 25/05/2014

Bach, Mozart (Bataille), Gould. Stendhal, Céline, De Gaulle, Malraux (« c’est très simple : il m’a sauvé la vie »), Mao, Pleynet, Rollin, Kristeva, etc.

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7. 03:40 - 04:10

Entretiens avec André Malraux

Quelques mois avant mai 68, André Malraux, qui était alors Ministre d’État chargé des Affaires culturelles, dissertait longuement sur le concept de révolution, à l’occasion de la publication de ses "Antimémoires".


Parties 1 et 2/3
Par Pierre de Boisdeffre
1ère diffusion : 27 et 28/09/1967

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Cet entretien avec André Malraux, homme de lettres et homme politique, fait partie d’une série dont les deux premiers épisodes ont été diffusés les 27 et 28 septembre 1967 par la radio publique. Au micro de Pierre de Boisdeffre André Malraux définit le terme d’antimémoires, qui entre en résonance avec l’ouvrage de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe. L’écrivain (qui était alors Ministre d’État chargé des Affaires culturelles) fait ensuite part de ses réflexions sur la révolution et réagit à cette phrase qu’il prête au Général de Gaulle dans son livre : "Ne vous y trompez pas, la France ne veut plus la Révolution, l’heure est passée."

Malraux explicite : "La Révolution pour les Français est essentiellement une révolution morale […] En définitive c’est parce que la condition du prolétariat est injuste que la révolution est souhaitable."

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Plus loin il évoque la Révolution culturelle chinoise et ses conversations avec Mao Zedong dont il dit : "Mao est la plus grande figure historique de notre époque dans le sens où l’Histoire implique une accumulation de choses. Mao, c’est le Général de Gaulle qui serait Clemenceau, c’est Staline qui serait Lénine…"

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8. 04:10 - 04:35

Démarches - Fragments du choeur

Comment faire passer dans le langage poétique un évènement historique sans pour autant faire de la poésie engagée ? Cette question a guidé l’écriture de Marcelin Pleynet pour "Fragments du chœur", son recueil de poésie paru en 1984, dans lequel il fait référence au régime militaire en Pologne.


Par Gérard-Julien Salvy
Avec Marcelin Pleynet
1ère diffusion : 21/04/1984

Poète, romancier et critique d’art, Marcelin Pleynet est également connu en tant que directeur de la rédaction de la revue L’Infini, chez Gallimard. Il a par ailleurs occupé durant dix ans la chaire d’esthétique à l’Ecole Nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. En 1984, Marcelin Pleynet est invité à venir évoquer Fragments du chœur, le recueil de poèmes en vers et proses qu’il vient de publier chez Denoël, dans l’émission "Démarches" de Gérard-Julien Salvy.


Marcelin Pleynet, Fragments du choeur, 1984.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Parler de l’Histoire en poésie sans faire de la "poésie engagée"
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Dans ce recueil, constitué d’une série de 36 poèmes, Marcelin Pleynet fait référence à l’État de siège en Pologne de 1981 à 1983. A l’origine, il y a l’émotion ressentie, déterminée par cet évènement politique et historique : "J’ai voulu faire passer dans le langage poétique cet évènement, sans pour autant faire de la poésie engagée". Il s’interroge : "Comment faire aujourd’hui une poésie qui soit claire, qui parle explicitement d’un évènement historique donné sans que cette poésie soit strictement liée à cet évènement et rabâche des lieux communs sur celui-ci ?"

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9. 04:35 - 05:25

Dans la bibliothèque de Dominique Rolin

En 1994, la romancière Dominique Rolin nous fait visiter sa bibliothèque et ses rêves dont elle venait de publier le récit sous le titre "Train de rêves". Parmi ses auteurs préférés elle cite Virginia Woolf, Emily Brontë, Herman Melville, Hemingway, Marcel Proust, Baudelaire et Philippe Sollers.


Par Alain Veinstein
Réalisation Bernard Treton
Avec Dominique Rolin
1ère diffusion : 02/04/1994

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La romancière Dominique Rolin écrivit son premier livre alors qu’elle était bibliothécaire à l’Université Libre de Bruxelles, en 1933. Auteure de très nombreux romans, elle dit d’elle-même : "Très tôt, j’ai dit que je serais écrivain, je le sentais obscurément j’ai l’impression d’être environnée de mots" ou encore "Ecrire est à la fois un certain rire et un certain cri." Grande lectrice, Dominique Rolin faisait découvrir sa bibliothèque à Alain Veinstein en 1994 dans l’émission "Du jour au lendemain". Cette année-là, elle publiait simultanément un roman, Le Jardin d’agrément, et Train de rêves, un recueil de récits de ses rêves.

"J’ai des livres dans ma mémoire qui me suivent tout au long de ma vie"
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"J’ai énormément lu dans ma vie, surtout des romans, mais je n’ai pas de liens organiques avec les livres. (...) Il y a beaucoup trop de livres, on est inondé, c’est comme dans une pièce de Ionesco. Il faut faire un peu le ménage chez soi. Trop de livres, cela enferme. J’ai beaucoup lu avec passion, j’ai des livres dans ma mémoire, ils me suivent tout au long de ma vie."

Dominique Rolin évoque son ancien métier de vendeuse en librairie et celui de bibliothécaire. A cette époque, elle avait développé une passion pour la littérature anglo-saxonne, Virginia Woolf, Emily Brontë, Herman Melville, William Faulkner, Ernest Hemingway. Elle cite également Marcel Proust : "Chaque fois que je lis Proust, je suis bouleversée. On pleurerait tout le temps si on s’écoutait, tellement c’est gorgé de choses inouïes."
Dominique Rolin conclut ce voyage dans sa bibliothèque sur ces mots : "Ce que je demande à un livre c’est de m’ensorceler".

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10. 05:25 - 06:20

24 h dans la vie de - Julia Kristeva à l’Ile de Ré

"Julia Kristeva à l’Ile de Ré", en 2010 c’est sur son île que Colette Fellous est allée à la rencontre de la linguiste, psychanalyste et écrivaine. Dans ce dialogue, le lieu est un point de départ pour Julia Kristeva qui livre les secrets de sa réflexion, et se souvient de son parcours.


Par Colette Fellous
Avec Julia Kristeva
Réalisation Vincent Decque
1ère diffusion : 31/07/2010

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Julia Kristeva est linguiste, psychanalyste, écrivaine. Elle est la première à avoir reçu en 2004 le prix Holberg pour l’ensemble de son œuvre. Née en Bulgarie, elle vit en France depuis 1965. Le croisement des disciplines est son credo. Sa trilogie sur le génie féminin, Le Génie féminin : la vie, la folie, les mots, sur Melanie Klein, Hannah Arendt et Colette reste l’une de ses belles créations, autant que ses livres sur Proust ou Thérèse d’Avila. Julia Kristeva partage son temps entre Paris et sa maison de l’île de Ré où elle se rend régulièrement avec son mari, Philippe Sollers et leur fils, David. "C’est un endroit magique, on à l’impression de ne pas être sur terre, c’est comme un bateau. L’eau doit être mon élément car j’ai l’impression de ne jamais le quitter, cet endroit".

"Je me reconnais dans la philosophie taoïste. C’est ce qui me convient et j’essaie de le pratiquer"
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Elle confie : "Quand on sort d’un régime communiste, avec toutes les violences, que cela suppose et en même temps on survit, c’est comme si on avait traversé la mort menaçante. Et aussi d’avoir vécu l’exil, le changement de langue, c’est une coupure et en même temps un ré-enracinement. Dans l’île il y a des vagues, je fais mon propre mouvement dedans. J’ai travaillé récemment sur Sainte Thérèse d’Avila, qui disait que l’eau était son élément. J’ai l’impression de brasser des manières sans m’adapter ni me positionner. Je me reconnais dans la philosophie taoïste. C’est ce qui me convient et j’essaie de le pratiquer. Dans ces systèmes politiques oppressifs, il y a aussi un entraînement à survivre. C’est marche ou crève. Je crois beaucoup au hasard et à la nécessité".

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11. 06:20 - 06:29

Entretien avec Philippe Sollers 3/3

Par Christine Goémé
Réalisation Virginie Mourthé

Lecture d’un extrait du « Manuel de contre-folie » dans Médium, Gallimard, 2014, p. 45-48

 
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MANUEL DE CONTRE-FOLIE


Vous êtes fou, c’est entendu, mais vous n’avez aucune raison de préférer la folie des autres à la vôtre. Celle des autres, vous la connaissez depuis l’enfance, elle est lourde, elle vous suit partout, elle essaye, par tous les moyens, de briser la vôtre, que vous avez la folie (c’est le mot) de trouver enchantée, légère.


Vous avez l’intention d’être clair, précis. Il faut que ce Manuel puisse vous servir en toutes circonstances, dans les situations les plus imprévues. La folie est un tourbillon continu, la contre-folie doit être un contre-tourbillon constant. Poison ? Contre-poison. Blessures ? Cicatrices, Cauchemars ? Extases programmées. Mauvaise humeur ? Rires. Problèmes d’argent ? Augmentez les dépenses.


La folie vous guette ? Vous la devinez. Elle s’exprime ? Vous faites le mort. Elle augmente son bruit ? Montez la musique. Elle rentre chez vous comme si elle était chez elle ? Sortez, disparaissez, revenez. Inutile d’opposer à la folie la raison, le bon sens, la décence, la compassion, le respect, le souci de l’humanité ou de l’autre. Par définition, même avec des discours « humains », la folie est furieuse. Elle n’en a pas l’air, mais ça va venir. Cet orage vous surprend ? Cette agression vous gêne ? Vous avez des progrès à faire, c’est urgent.


Plus vous vous sentez à l’aise avec votre folie, plus la folie générale est désorientée par votre existence. À l’aide de votre contre-folie, vous lisez dans les pensées des fous qui se croient normaux. Ils se répètent, vous divaguez. Ils insistent, vous changez de sujet. Ils vous accablent de clichés, vous leur récitez des poèmes.


Le silence réprobateur des fous vous fatigue. Vous en rajoutez donc dans la gratuité, la désinvolture, le narcissisme épanoui. Vous blasphémez allègrement les poncifs moraux, vous dites du mal de toutes les religions et des plus grands philosophes. Avec les folles, pas d’efforts à faire : elles parlent tout le temps, c’est commode. Vous ponctuez de temps en temps, tout en pensant intensément à tel détail de tableau ou de paysage. Vous faites semblant d’être là, vous êtes dehors, et vous oubliez instantanément ce qu’elles viennent de dire. Supposons que vous soyez écrivain : vous avez une phrase à finir, c’est le moment, en plongée, d’écouter mieux sa cadence. Malgré le bruit, ça s’écrit. Comme elles ne lisent rien, vous êtes tranquille.


La folie fait du cinéma, votre contre-folie est astrophysique. La matière noire vous émeut, la découverte du boson vous comble, le néant marche avec vous dans la rue. Vous aimez les enfants, dont la contre-folie est évidente. On tente sans arrêt de les rendre fous, mais ils multiplient les incartades, les jeux de mots idiots, les maladies, les chagrins rentables. Ils sont là pour aggraver la folie de leurs parents, des éducateurs, des maniaques sociaux. Ces emmerdeurs-nés enfantins sont coriaces. Vous êtes comme eux, mais, vous, vous allez le rester contre vents et marées. Ils grandissent, vous rapetissez, ça y est, vous êtes maintenant un atome invisible. Pas besoin de dissimuler, vous êtes caché.


Vous êtes récusé, gardez-vous d’accuser. Vous savourez ce rejet, cet hommage. Plus la folie vous oublie, plus elle s’inquiète de son oubli. Elle sent que son temps est compté, pesé, divisé, alors que vous avez atteint la durée. La folie a besoin de se renouveler pour se répéter, la contre-folie, au contraire, est immuable, comme les mathématiques ou les pyramides sur lesquelles passe soudain un vent frais. Vous êtes dans le désert, servi par des anges. Votre retraite est introuvable, les oiseaux et les papillons vous aiment. La lune, toutes les nuits, vous sourit.


Encore des factures, des rappels à l’ordre, des chèques à remplir, des prélèvements en tous genres ? Vous payez selon votre contrat avec la folie. Après tout, c’est votre employée. Ne soyez pas grossier ni méprisant avec elle, le mépris est un mauvais placement, une faiblesse qu’il faut éviter. Vous ne méprisez personne, vous comprenez. Vous payez vos impôts, vos dettes, vous êtes un citoyen irréprochable, un virtuose de duplicité. Vous ne mentez pas, vous omettez. La vérité est un manteau sombre, une déesse que vous avez rencontrée. Dans votre vie, au fond très simple, les calculs se font d’eux-mêmes, les chiffres se débrouillent seuls, l’ordre règne sans avoir à se prononcer. Vous avez faim ? Vous mangez. Soif ? Vous buvez. Sommeil ? Vous dormez.

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Philippe Sollers : "Venise est un amplificateur. Si vous êtes heureux, à Venise vous le serez dix fois plus"


La place saint Marc.
Photo A.G., 20 juin 2014. ZOOM : cliquer sur l’image.
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"J’ai fait tomber les valises devant le choc de voir la place Saint-Marc"... En 1988, l’écrivain Philippe Sollers est l’invité d’Olivier Germain-Thomas pour un numéro de l’émission "Agora" consacrée à la ville de Venise.

Avec Philippe Sollers

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"J’ai décidé ce jour-là que Venise serait ma ville". Philippe Sollers est invité en 1988 dans l’émission "Agora" à évoquer la ville de Venise. Une émission spéciale consacrée à une ville spéciale, racontée par l’un de ses amoureux fous, l’écrivain et éditeur Philippe Sollers à qui l’on doit d’ailleurs un Dictionnaire amoureux de Venise. Écoutons-le raconter sa "première fois" à Venise : "La première image qui me revient, c’est la première fois que j’ai vu Venise. En 1963, j’arrive par le train avec une amie, je porte deux lourdes valises, je me retrouve place Saint-Marc. J’ai fait tomber les valises devant le choc de voir cette place ! Alors j’ai décidé que c’était maintenant ma ville."

"J’ai fait tomber les valises devant le choc de voir la place Saint-Marc"
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Dans cet entretien, Philippe Sollers raconte comment il a pu assister (sans être invité) à un concert donné à Venise pour le Pape. Il se confie sur son sommeil, très particulier dans cette ville, et de mille autres souvenirs : "Je dors à Venise d’une façon tout à fait particulière. J’ai des sommeils absolument merveilleux à Venise, d’une plénitude aérée. Je dors très bien dans mon île de Ré et je dors très bien à Venise. J’ai besoin d’être dans le silence et la légèreté de l’eau... toutes ces métamorphoses subtiles qui font que j’ai une sorte de béatitude."

Par Olivier Germain-Thomas
Réalisation : André Mathieu
Agora - "Spécial Venise" (1ère diffusion : 16/02/1988) Avec Philippe Sollers [2]
Edition web : Documentation de Radio France
Archive Ina-Radio France


La Calcina. Au 3ème étage, en haut, à gauche, la chambre au trois fenêtres.
Il y a encore des Vénitiens qui travaillent à Venise.

Photo A.G, 17 juin 2022. ZOOM : cliquer sur l’image
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Philippe Sollers et Dominique Rolin ont désormais leur plaque dans la nouvelle entrée de La Calcina.


Dans l’entrée de La Calcina.
Photo A.G, 17 juin 2022. ZOOM : cliquer sur l’image
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Crédit France Culture (2014)
Crédit France Culture (2023)

Portfolio


[2A noter que cette émission a été rediffusée dans La nuit rêvée de Catherine Cusset le 21 décembre 2014.

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1 Messages

  • Thelonious | 1er août 2023 - 18:30 1

    Et voici un extrait d’un autre manuel de contre-folie, Petit éloge de la joie par Mathieu Terence, auteur publié par Sollers.
    "Donner un ciel où voler à l’oiseau rare, c’est déjouer l’époque et la mélancolie de Grand Deuil. C’est ensuite échapper aux conditionnements physiologiques, familiaux, biographiques qui font croire chacun à son malheur et à son bonheur."