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Un soir au Collège des Bernardins en compagnie de Sollers et Dante


Notes de conférence et commentaires

D 11 juillet 2009     A par Viktor Kirtov - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


C’était mardi soir 1er juillet 2009, Philippe Sollers donnait là une conférence intitulée « le catholicisme de Dante » introduite par le père Guggenheim, hôte de ces lieux dévolus à la réflexion théologique et au dialogue de l’Eglise avec la Société, depuis leur nouvelle affectation, après 5 ans de rénovation et aménagement fonctionnel.

Grand amphitéâtre 250 places, plein ...Sur un thème aussi médiatique et d’actualité que le catholicisme de Dante !
Sollers s’en étonnerait presque...

Le Collège des Bernardins

Le lieu est emblématique. Quasi inauguré, post rénovation, par Benoît XVI le 12 septembre 2008 par son discours aux gens de culture sur le thème « les origines de la théologie occidentale et des racines de la culture européenne ».

Ce collège, ancien lieu d’étude de l’élite monastique cistercienne retourne à sa fonction première de lieu d’étude et de réflexion de la pensée catholique. Les cisterciens fondateurs ouvraient leurs portes aux étudiants venant de l’Europe entière dans ce collège réputé, aujourd’hui les quelques cisterciens qui restent ouvrent leurs portes au monde, au public, et le public vient sans que les cloches n’aient besoin de sonner, sans mezzuin pour appeler les fidèles à la prière. Internet y pourvoit. [1]

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Collège des Bernardins, perle cistercienne
Le Hall qui a accueilli Benoît XVI, le 12 sept. 2008.

Les lieux ont-ils une âme ? Comment ne pas y être sensible dans ce lieu où Sollers nous conte « le catholicisme de Dante » ? L’architecture de la rosace gothique derrière le conférencier, lorsque l’écran sera levé, dit, dans la pierre la géométrie et la lumière, sa propre relation de la révélation expérimentée par Dante, par saint Paul et les grands mystiques. La rose blanche devant le micro de Sollers double le symbole de la rose céleste, la candida rosa du Paradis de Dante.

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Collège des Bernardins, Benoît XVI
Discours au monde de la culture devant 650 invités, le 12 sept. 2008

Et bien sûr, dominant les lieux, la figure de saint Bernard, celui qui conduira Dante à Dieu, et son successeur dans les lieux le père Guggenheim, qui introduit la conférence. Il ne fait pas semblant de connaître son Sollers, il l’a manifestement étudié avec attention. 49 ans, ingénieur des Mines avant d’opter ensuite pour la théologie et la vocation religieuse. Son rôle d’introducteur de Sollers était limité, mais il semble être de ces esprits fins que l’on aurait envie de connaître plus. Il est aujourd’hui Coordonateur du pôle de recherche et conseiller pour la programmation théologique du Collège des Bernardins après avoir été Président de la Faculté Notre-Dame de l’Ecole Cathédrale (2001-2007).

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Philippe Sollers, conférence "Le catholicisme de Dante", Collège des Bernardins, 1er juillet 2009
Double symbolisme de la rose blanche, la candida rosa et de la rosace gothique

Sollers remerciant le père Guggenheim de son introduction, notait, comme en aparté - fulgurance du moment - la sensation qu’il avait du renouveau de ce lieu, une vibration qui gonflait. Le sensitif Sollers "entend" ou "pressent" que ce lieu pourrait bien à nouveau nous étonner. Ce n’est pas dit, juste une impression, un mot lancé comme en aparté, en mode allusif immédiatement retenu par un point de suspension. Entende qui voudra, qui pourra ! N’ai retenu que l’air de la chanson, à défaut des paroles.
Sollers s’échauffe et teste son auditoire

Sollers et Dante, c’est une longue histoire. Et quand il dit Dante m’accompagne depuis longtemps, depuis toujours, il faut le prendre à la lettre. Bien que chaque fois que Sollers nous parle de quelqu’un d’mportant, Nietzche ou Vivant Denon ou Casanova pour ne parler que de ces trois personnages, nous entendons Sollers sous le masque de Nietzsche, de Vivant Denon ou Casanova, mais avec Dante c’est encore plus vrai. On touche, là aux strates profondes de l’homme et de son oeuvre. De la descente en enfer dans les hôpitaux militaires à l’illumination, expérience intérieure esthétique et mystique dans une chapelle de Florence, de Tel Quel à ses Mémoires : Un vrai Roman en passant par Paradis 1 et 2 et sa Divine Comédie - Entretiens avec Benoît Chantre, Dante est présent, on peut même aller jusqu’à dire consubstantiel à Sollers. La traversée des symboles de la Divine Comédie chez Sollers reste à écrire, même si abordée par bribes ça et là. Il y a là un gisement à l’origine de toute la dimension du sacré chez Sollers.

La conférence de ce soir laissera entrevoir quelques blocs épars du sommet de l’iceberg. Pour aller plus loin, prévoir une longue campagne d’exploration. Combinaison de plongée requise.


NOTES DE CONFERENCE

Quelques mots clé et bouts de phrases notés à la volée

Partie I - L’expérience de la descente en Enfer

(titrage pileface - en italique bleu les paroles de Sollers, en noir les commentaires de Pileface, en bleu normal extraits d’écrits de Sollers en rapport avec la conférence )

J’ai découvert Dante et La Divine Comédie, à quinze ans, dans une vieille édition des Classiques Garnier, achetée chez un bouquiniste [Fondées en 1833, ces Editions se sont éteintes en 1983]


Dante, c’est une expérience...


Il faut noter un peu les dates

Il [Dante] m’accompagne depuis longtemps, depuis toujours


Expérience violente
[la sienne]
pendant la guerre d’Algérie que l’on appelait alors un « maintien de l’ordre ». 3 mois d’Enfer dans les hôpitaux militaires [toutes proportions gardées, Sollers le souligne]

Mais il n’empêche que... grève de la faim... j’avais maigri de 25 kg

J’avais signé à l’époque un appel contre la guerre... Envoyé dans un régiment disciplinaire dans l’Est de la France.

C’était début des années 60, une expérience singulière que je n’oublierai jamais. [c’est nous qui soulignons]. Il ne fallait pas dire « la guerre ». J’avais à côté de moi des gens très handicapés pour ne pas dire atteints de folie [les soldats du contingent découvraient la guerre, l’horreur, la barbarie et devenaient barbares eux-mêmes, par ordre, par hasard et nécessité. Nombreux sont ceux qui en revinrent traumatisés ou devaient être rapatriés dans les hôpitaux militaires dont parle Sollers, l’insupportable se transmutait en folie].

Suite d’hôpitaux militaires : Paris, Monbelliard, Belfort. Réponse maudite tout à fait étrange [de l’autorité militaire face à son cas] : « droit à 2/% de décès. »

Réfractaire [il est, réfractaire il restera, quelles qu’en soient les conséquences. Il poursuivra sa grève de la faim ] qui a failli mal se terminer au fond d’une dépression grave.

Silence . [Il simulera la folie en restant cloîtré dans le silence]

Observation des sols. Silence et regard obstinément penché vers le sol

Il peut y avoir quelque chose de beau qui se passe dans ces moments [d’expérience des limites]... J’avais pour complice une écorce d’orange dans les toilettes
...la respirer, la toucher.
Dans mon pyjama, une lame de rasoir si [le cours des choses] devenait insupportable]

J’ai été confronté à la psychiatrie dans les armées. Ils me tutoyaient. C’était exorbitant. Un médecin militaire psychiatre m’a demandé de dessiner un homme et une femme. Il n’était pas très malin. On se repasse des petites choses dans ces hôpitaux (par exemple grincer des dents pendant la prise d’un encéphalogramme) [Le psychiatre sera réconforté dans son diagnostic. L’épreuve du dessin portera l’estocade.]

L’homme de mon dessin était bien un homme avec son sexe, mais sans bras.
La femme était bien une femme avec son sexe, mais sans bras...

- Il ne manque rien à votre dessin ?

- Je ne vois pas !

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Crédit illustration : benoit.monneret@gmail.com

Est-ce bien à une conférence sur Dante à laquelle nous assistons ?

Sollers a souvent fait allusion à cet épisode, notamment dans Vérités et Légendes, biographie par Gérard de Cortanze, dans des entretiens, mais jamais avec autant d’insistance. Simple complaisance ? Non, que non !
Tout est symbole et parabole dans son approche de Dante, ce soir :
Une parabole, n’est-ce pas un fait banal, un fait divers, mais qui a valeur d’exemple. Et n’oublions pas le mot-clé en ouverture de ce long monologue : expérience. Sollers nous décrit, là, sa propre expérience de descente en Enfer. Il a vécu cet événement, comme tel. Il ne l’oubliera jamais.
Il nous a même dit qu’il faut avoir souffert pour connaître le Paradis.
Soit, Sollers a eu sa descente en Enfer, il a souffert, mais est-ce bien suffisant pour chausser les bottes de Dante ?

Peut-être qu’à ce point d’interrogation on peut se souvenir que Dante a consacré le tiers de sa Comédie à la relation de son expérience en Enfer : 33(+1) chants sur les 100 du livre. Sollers a aussi le sens des nombres. Précis comme une horloge, la relation de son expérience en Enfer occupera 1/3 de son exposé. Et son passage dans les hôpitaux de l’Est de la France, pour commun qu’il soit, devient parabole en écho de la relation de Dante, la chute nécessaire dans l’entonnoir de l’Enfer avant d’accéder à l’ascension du purgatoire et la montée au Paradis.

On pourrait même ajouter, en contemporain de notre siècle, que les symboles se réfléchissent dans la parabole : la forêt noire allemande n’est pas loin des hôpitaux de l’Est. Et c’est dans la forêt obscure qu’a commencé l’Enfer de Dante. Sollers a passé 3 mois en Enfer, le chiffre 3 de la Comédie : 33 (+1) chants en Enfer constitués de tercets... Et puis en apothéose, la Trinité divine....
Quitte ou double ?

Partie II : La sortie de l’Enfer et l’ascension du Purgatoire


Double !
Est-ce bien raisonnable ? Où sont Virgile, Béatrice, saint Bernard... chez Sollers ? Où est l’illumination mystique, l’expérience intérieure que relate Dante ?

Sollers est un Joueur, ne l’oublions pas. Il connaît son échiquier (Il a découpé son livre Drame en 64 sections comme le nombre de cases de l’échiquier, comme aussi le nombre de signes du Yi-King chinois. Il aime les chiffres, las dates - comme Dante - nous y reviendrons. Sollers joueur avance ses pions, un à un, ne découvre pas son jeu, avance masqué.
Et sa Tour, celle qui veille, qui guide - son Virgile en somme - où est-elle ? Et sa Reine, quel Fou ou petit pion la cache ?

Sa Reine, sa Béatrice, son ange gardien, c’est Dominique Rolin, c’est elle qui le visite, l’assiste, intervient auprès de la communauté des Lettres. Le Fou du Roi, en la personne du Ministre de la Culture de l’époque, André Malraux est saisi.

Le Virgile de Sollers - celui qui tend une main secourable alors qu’il est perdu dans sa « forêt obscure » s’éveillant comme hébété en un monde parallèle, c’est Malraux . Il fait libérer le réfractaire : « reformé 2e catégorie, sans pension, pour terrain schizoïde aigu ». De son Purgatoire, où il se refait un début de santé, Sollers écrit à Malraux pour le remercier. Réponse de celui-ci :

« C’est moi qui vous remercie, Monsieur, d’avoir eu l’occasion, au moins une fois, de rendre l’univers moins bête. »


Dans un article du Nouvel Observateur du 16 au 23 nov. 2006, il précisait avoir reçu la réponse de Malraux par retour de courrier sur une petite carte de deuil.

Il écrit Drame, puis Nombres poursuivant cheminement en purgatoire. « Nombres est composé de 100 séquences relativement brèves. [100 , le nombre de chants de La Comédie]. Mais Sollers ne veut pas se contenter d’être un suiveur de Dante. Il veut aller au-delà de la valse à trois temps de la Divine Comédie avec ses 3 fois 33 chants (+1) composés de tercets. Nombres sera découpé en « vingt cinq groupes de quatre séquences - comme si un cycle de quatre séquences se trouvait tout au long du roman, vingt-cinq fois répété. Pour mettre en évidence le mouvement perpétuel de rotation et de répétition que le roman s’inflige à lui-même [2] ...(et au lecteur). Sollers qui a fréquenté la pensée chinoise réinvente la roue et la valse à quatre temps. Au modèle trinitaire se substitue, le modèle quaternaire qui l’englobe : 1, 2, 3, 4 et il notera même ses séquences selon ce tempo [3]
... (et au lecteur). il passe au modèle quaternaire, au carré, autant dire à la quadrature du cercle avec la martingale du Joueur Sollers :

1+2+3+4 =10 Bingo ! Et voilà les 10 ciels du Paradis de Dante qui sortent du carré de Sollers
10x10 = 100 ReBingo ! 10 ciels puissance 2, on dit encore au carré, c’est l’extase, la béatitude céleste.
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L’expérience intérieure mystique

... Super banco ?
- Pour voir !

Manque quand même au tableau, chez Sollers, l’expérience mystique que Dante relate, celle qui valide le tout, sans quoi La Comédie de Dante pourrait n’être qu’un roman d’amour à l’eau de rose. Manquent encore quelques pièces à conviction pour convaincre les gardiens de la rose Céleste que Sollers a aussi sa place à côté de Dante, que son cheminement est authentique.

Version 1978

dans son livre d’Entretiens avec Daniel Hayman, Vision à New York publié en même temps que Paradis 1 pour le commenter.

A ce point des entretiens, David Hayman et Philippe dialoguent au sujet de Finnegans Wake de Joyce, et association d’idée, Sollers parle de Dante, puis de ce moment particulier qu’il a vécu à Florence.

D. H. : [Finnegans Wake]...Un concert de quoi ? de voix ?

Ph. S. : Un concert de voix... Je dirais, plus exactement, de corps-voix, de gestes-voix... Tu sais que, tout de même, depuis très longtemps, je m’intéresse à Dante. Le premier texte que j’ai écrit sur Dante, qui date de 1965 - est en somme une curiosité dans l’ordre des intérêts intellectuels français. Il n’y a pas, à ma connaissance, d’écrivain français qui se soit intéressé à Dante comme moi.

D. H. : C’est-à-dire ?

Ph. S. : C’est-à-dire qu’il est pris très tôt, je ne dirais pas comme modèle, mais comme question fondamentale.
[...] J’aurais bien des choses à te dire sur Dante, bien des choses... Tout récemment, [4] je , suis retourné à Florence, avec une équipe de la radio, pour faire trois heures sur La Divine Comédie, pour donner ma propre interprétation de l’Enfer, du Purgatoire et du Paradis, et le faire sur place, comme un geste symbolique. Et je me suis répété : quand il y a eu une émission de télévision sur moi, on m’a demandé de faire un petit film, enfin, d’autoportrait ... j’ai été le réaliser avec une équipe de cinéma, à Florence, à un endroit très précis, - la chapelle des Pazzi construite par Filippo Brunelleschi. C’est un film de vingt minutes en couleurs, avec un montage particulier, et dont j’ai donné ici une copie à la New York University - ils l’auront en dépôt, mais je te le signale pour, que tu saches qu’elle est là, de telle façon que ce soit enregistré, que ce ne soit pas perdu. (Rires.)

Donc, quand je te dis des « corps-voix », [5] des corps-gestes-voix, eh bien, l’approximation, l’exposition de ce fonctionnement très particulier du langage est évidemment quelque chose que tu as indubitablement chez Dante à tout instant. je pense que Dante est encore à creuser en profondeur.

D. H. : Mais comment, creuser ?

Ph. S. : Eh bien, je crois qu’il faut le relire dans notre vision apocalyptique d’aujourd’hui. Je sais que Dante, vraiment, c’est difficile, parce que, mis à part les érudits, ça ne paraît préoccuper personne, ou presque. j’ai pas mal travaillé là-dessus. Rien de plus passionnant que les modes de déplacement dans La Comédie, l’expérience physique qui se déroule là en cadence. Freinages, détours, révélations, accélérations... La seule transformation du corps de Dante et de sa perception pendant son voyage dans l’au-delà (c’est-à-dire pendant qu’il écrit) est, en soi, un roman fabuleux... Et puis la rythmique ! Ces rouages, cet engrenage... En français, l’écrivain qui me paraît être allé le plus loin dans la science de la percussion, la technique spontanée du martèlement de la voix, c’est Artaud. J’écris à peu près simultanément des essais sur Dante et sur Artaud... [6] Et là, la rupture, pour moi, s’accomplit, et ne cesse de s’amplifier par la suite.

D’ailleurs, ça a transformé non seulement ma vie quotidienne - mes amitiés, mes fréquentations -, ma façon même de me repérer dans le temps... je te disais que cette expérience était tombée sur moi comme quelque chose de pas du tout littéraire, pas du tout intellectuel non plus, mais comme une expérience mystique, allons-y, employons ce mot quand même malgré les gênes et les contresens qu’il ne manque jamais de provoquer. Tant pis, c’est finalement moins grave que d’être pris pour un universitaire. Ce serait d’ailleurs une pudeur stupide de ne pas évoquer la très grande densité non réductible de cet événement. « Suis ton cours, laisse dire les gens », dit Dante. Il se trouve que ça prend des formes littéraires, des formes philosophiques, si l’on veut, mais que le moment subjectif est, en lui-même, quelque chose de très subi... Subit et subi, avec les deux orthographes... On le subit et c’est très subit, c’est une liquéfaction très soudaine. Voilà !

Sollers présente sobrement l’ultime événement qui va faire basculer son procès en béatification. Charlatan mystificateur ou authentique témoin d’une expérience mystique ? Tel est le stade du procès. Tout peut basculer d’un côté ou de l’autre.

Pointillisme des notes s’ajoutant aux ellipses de Sollers, le rendu en est très imparfait. C’est très court, (mais la version 1978, en regard est plus éclairante). Voici, toutefois ce bref témoignage :

Nous sommes en 1960 , nous dit Sollers, ce soir de 2009. C’est donc peu après sa sortie d’Enfer, alors qu’il est en Purgatoire. Quelques mots se détachent de sa déposition :

Italie

Florence

Baptistère San Giovanni, blanc . Là où a été baptisé Dante, Là où Paul VI, en 1963 a fait poser une plaque mentionnant cet événement. [ tardive reconnaissance de ce baptisé célèbre de son église, mais quand même reconnaissance officielle, de facto]

Eblouissement florentin à Santa Croce dans le cloître de la chapelle
Eblouissement d’architecture, de musique...

J’ai dormi dans la chapelle, il n’y avait personne. C’était très frais, agréable.
En compagnie des quatre évangélistes.
Dante était là

*

Dante ne quittera plus Sollers.

*
1965 : [long article de Sollers dans Tel Quel N°23] Dante et la traversée de l’écriture. Sollers nous a dit de faire attention aux dates.
- 1965 ?
- Vous ne voyez pas ? C’est le 700ème anniversaire de la naissance de Dante en 1265.
*

Après la ronde des Nombres, il y aura Paradis I, Paradis II. , La Divine Comédie par Philippe Sollers, Entretiens avec Benoît Chantre... Sollers lit la fin de Paradis II qui évoque le Purgatoire de Dante, dans le documentaire vidéo présenté lors de la conférence :


« ... comme si c’était toujours le même dimanche de pâques clair et froid le 10 avril 1300 par exemple pourquoi le 10 avril 1300 dit laurie penchée sur mon épaule en fin d’après midi vers sept heures comment tu ne sais pas ça le début du purgatoire voyons mais quel purgatoire celui de la comédie voyons oh toi toujours avec dante est ce qu’on n’est pas bien en 1986 ou 88 ou 90 ou 2086 on s’en fout non et toujours à me mordiller pour m’empêcher d’écrire ici même pour qu’on aille de nouveau s’embrasser sur le divan jaune au fond de la pièce déjà noire de plus en plus noire ]
lire la suite...

Sollers termine ainsi sa conférence par les derniers mots du Paradis de Dante

Une séquence de la vidéo qui nous a été présentée me revient à l’esprit : On voit le pape Jean Paul 2, au moment de l’élévation, l’hostie ronde, blanche au dessus de ses mains - le rite de la célébration du mystère de l’Eucharistie - et le montage vidéo l’entraîne dans une ronde sacrée, comme une roue qui tourne d’un mouvement régulier à l’image de l’harmonie du monde : « l’Amour qui meut le soleil et les autres étoiles. »

*

QUESTIONS

Béatrice [ dans l’hémicycle céleste], au niveau de dignité de Rachel, à côté d’elle, au rang2. Pourquoi selon-vous ?

Une façon de bien marquer la continuité [judéo-chrétienne, Bible(Torah)- Nouveau Testament]

Béatrice, Juive ?

Béatrice est née Portinari et Sollers le sait parfaitement mais de même que Dante place symboliquement Béatrice à côté de la Juive Rachel, Sollers répond dans le registre symbolique de la Divine Comédie. D’autant plus que la filiation juive est au centre du christianisme. Jésus était juif.

Le symbolisme, Sollers va même jusqu’à l’intégrer dans sa vie. En 1975, Philippe Sollers et Julia Kristeva ont un fils. Prénom : David. Un prénom juif.

"J’ai appelé mon fils David, en hommage aux Psaumes..."

Philippe Sollers (Tribune juive, fév. 2007).

...En continuité directe avec la Torah, (l’Ancien Testament des catholiques ). Le temps de Sollers enjambe les siècles et les millénaires [700 ans entre Dante et lui et il en s’en sent très proche. C’est dire aussi combien cet homme manipule le symbole naturellement, jusqu’à l’incarner.

_ A -t-on voulu dire qu’elle était juive ? C’est possible et même je le crois.
Ce n’est pas rien compte tenu de ce qui s’est passé ensuite.

[Autre explication de la présence de la jeune Béatrice - morte jeune - à côté de Rachel et de la vieille Sarah].
[Pour avoir les réponses à vos questions ] enfants vous vous adressez aux parents [qui ne répondent pas] puis aux grands parents qui vont vous révéler... [la clé]

Des droits existentiels, avec qui, une mère peut-elle dialoguer, sinon avec son propre enfant ? Les mères ne disent pas grand-chose à leur fils... Il faut alors déloger la place du père chez votre mère. Je sais de quoi je parle.

Sarah a eu un enfant très tardivement [bien au-delà de la période de fécondation des femmes. ]

Procréation [Et Sollers d’enchaîner sur la procréation artificielle]

*

Dans la vidéo, on montre un long plan tournant de Jean Paul II, au moment de l’élévation de l’hostie. Pourquoi cette insistance sur l’Eucharistie ?

L’Eucharistie [ La transformation du pain et du vin en corps et sang du Christ ]
La femme - le cercle [l’hostie !]
Vous comprenez qu’il ya là quelque chose de fondamental.

Et Sollers de nous conter la proposition qu’il fit un jour à un producteur de la TV française - dont il taira le nom - :

Un film de 50 mn sur l’Eucharistie. On aurait filmé des messes pauvres, clandestines ou pendant la Terreur, des messes aussi d’un luxe inouï. On montrerait simplement ce geste de l’élévation de l’hostie en Chine, au pôle nord... Je trouve que c’est une idée d’avant-garde.

... Il m’a regardé comme si j’étais fou.

1300, Année jubilaire !

C’est quoi, ça ?

Paradis Chant XXXI

où Dante venu de Florence, évoque, en quelques vers, son pèlerinage à Rome.

C’était lors de l’année jubilaire 1300,

celle justement du voyage imaginaire de la Divine Comédie !

C’est en 2000, autre année jubilaire, que Sollers publie sa Divine Comédie
Et va la remettre à Jean-Paul II, en audience privée
.
« Il faut faire attention aux dates » dit Sollers

Le premier Jubilé ordinaire fut convoqué en 1300 par le Pape Boniface VIII, L’occasion lointaine remonte au courant de spiritualité, de pardon, de fraternité qui se répandait alors dans toute la chrétienté, en opposition aux haines et aux violences qui prédominaient à cette époque. L’occasion immédiate est de se rallier à la rumeur, qui avait commencé à circuler en décembre 1299, selon laquelle, durant l’année du centenaire, les visiteurs de la Basilique Saint-Pierre recevraient une "rémission très complète de leurs péchés". L’énorme affluence des pèlerins à Rome amenèrent le Pape Boniface VIII à accorder l’indulgence pendant toute l’année 1300, et, à l’avenir, tous les cent ans. Parmi les pèlerins de ce premier Jubilé, il faut citer : Dante, Cimabue, Giotto, Charles de Valois frère du Roi de France, avec son épouse Catherine. Dante Alighieri en conserva un écho dans plusieurs vers du XXXI· Chant du Paradis, dans la "Divine Comédie

Crédit : Vatican

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Traversée sollersienne de la Divine Comédie
Petite chronologie et cartographie

La grande chronologie et cartographie reste à écrire. Quelques jalons parmi les plus significatifs dans la vie et l’oeuvre de Sollers, illustrant cette traversée de la Divine Comédie et de ses symboles :

Date Lieu Evénement
1951 Bordeaux
Talence
Ré...
Sollers 15 ans découvre Dante dans la collection Classiques Garnier
1960 (début des années) : Monbéliard

Belfort

Descente en Enfer de dans les hôpitaux militaires de l’Est de la France

Dominique Rolin est son ange gardien, sa Béatrice

André Malraux tend à Sollers une main secourable en le sortant de cet Enfer comme Virgile l’avait fait pour Dante

1960 Florence Expérience intérieure mystique. Eblouissement florentin à Santa Croce dans le cloître de la chapelle
Ravenne, visite du lieu de son tombeau
1965 Paris 700 ans après la naissance de Dante en 1265, Philippe Sollers s’en souvient : Tel Quel N° 23 : long article de fond : Dante et la traversée de l’écriture (p 12 à 33). Par Ph. Sollers. Ce numéro de Tel Quel contenait aussi en introduction un article de F.W.J. Schelling, Dante dans la perspective philosophique
1965 « C’est l’année où je publie Drame, où sa présence [celle de Dante] se fait sentir. » Ph. Sollers, Un Vrai roman, Plon, p.228.
1968 Logiques. Recueil d’essais où Sollers insère son article de Tel Quel : Dante et la traversée de l’écriture.

Republié dans une nouvelle édition de ses essais : L’Ecriture et l’expérience des limites

1966 Nombres : composé de 100 séquences comme les 100 chants de Paradis. Juste un clin d’ ?il, car Sollers adoptera sa propre métrique et rythmique. Passage du rythme ternaire des tercets de la Divine Comédie au rythme quaternaire.
1975 Naissance du fils (unique) de Philippe Sollers et Julia Kristeva. Prénom : David. Un prénom juif. Le prénom de l’auteur des Psaumes dans la Torah (l’Ancien Testament pour les catholiques). (Cf. Dante : Béatrice "chez les Juives", dans la rose céleste. A côté de Rachel...)
1977-1978
(vers)
Florence « Tout récemment, je suis retourné à Florence, avec une équipe de la radio, pour faire trois heures sur la Divine Comédie, pour donner ma propre interprétation de l’Enfer, du Purgatoire et du Paradis et le faire sur place, comme un geste symbolique[...] Quand il y a eu une émission de télévision sur moi, on m’a demandé de faire un petit film de vingt minutes en couleurs, avec un montage particulier, et dont j’ai donné ici une copie à la New York University.
1981 Paradis 1 - Nombreuses références à la Bible et à la Divine Comédie dont la publication avait commencé en 1974, dans le numéro 57 de Tel Quel. Par la suite chaque nouvelle livraison de Tel Quel s’ouvrira par un nouvel épisode de Paradis, jusqu’à sa publication intégrale de 1981
1981 New York Vision à New York- Entretiens avec David Hayman - Le commentaire, mode d’emploi de Paradis 1. Sollers y aborde les moments clés que furent son passage dans les hôpitaux militaires, la brève expérience intérieure mystique qui le submergea à Florence.
1986 Paradis 2 - A la fin de Paradis 2 est évoqué explicitement le voyage de Dante de la Comédie.
1987 Japon Le Coeur absolu - ...0ù le narrateur a un projet d’adaptation de La Divine Comédie pour une télévision japonaise.
1994 La Guerre du Goût - 9 entrées sur « Dante » dont une de 4 pages : « Dante au Paradis », + 7 entrées sur la « Divine Comédie »
2000 La Divine Comédie par Philippe Sollers. Entretiens avec Benoît Chantre, 700 ans après le voyage relaté par Dante commencé lors de la semaine pascale de l’année jubilaire 1300.
2000 (année jubilaire
comme en 1300)
Vatican Philippe Sollers va porter sa Divine Comédie au pape Jean-Paul 2 qui le reçoit en audience privée.
2006 De Tel Quel à l’Infini recueil d’Essais (Allapbed 2) de Philippe Forest, Gallimard/L’Infini : chapitre « D’un Paradis l’autre » (p. 151-175) qui établit un parallèle entre le Paradis de Dante et Paradis 1 et 2 de Sollers.
2006 Fleurs : la rose - grand symbole de la Divine Comédie avec la candida rosa - y a bien sûr sa place.
2007 Un vrai roman, Mémoires, Plon, p 227 à 237 : Sollers consacre un chapitre entier à la Divine Comédie
2009 Paris
Collège
des
Bernardins
Dans ce lieu emblématique, le 1er juillet, Ph. Sollers donne une conférence sur « Le catholicisme de Dante ». C’est saint Bernard qui dans le Paradis Céleste conduit Dante à Dieu. C’est ici que Benoît XVI a lu son discours au monde de la culture, le 12 septembre 2008, devant 650 invités.
2009 Florence
Rome
Venise
Documentaire vidéo « Vers Dante », inspiré par Sollers qui y lit des passages de la Divine Comédie et de son Paradis 2. Réalisation Georgi K. Galabov et Sophie Zhang.


A la fois introduction et synthèse du Paradis de Dante réputé le plus difficile des trois livres. Un très bon guide pour aborder ce voyage initiatique. Très clair et didactique.
Editions Parole et Silence, 2009, 152 pages
Mireille BEAUP, agrégée d’italien, docteur de l’Université Paris III. A animé un cycle sur la Divine Comédie de Dante dans le cadre de l’Ecole Cathédrale (sphère du Collège des Bernardins).

Sur amazon

Site du Collège des Bernardins

La référence ! Traduction de Jacqueline Risset, appréciée par beaucoup.
La structure du livre présente pour chaque chant : un sommaire du contenu, la traduction qui veut rester proche de l’expression poétique originale, complétée par un commentaire du chant en bas de page en langue courante du XXIe siècle, auxquels s’ajoutent des textes introductifs sur Botticelli, l’histoire du manuscrit... et en fin de livre des notes érudites.
Le livre vaut aussi par ses illustrations de Botticelli : encart dépliant double page pour chaque chant.
Un très beau livre d’art en même temps qu’un grand livre de la pensée poétique et de l’histoire humaine dans l’Occident judéo-chrétien.
Diane de Selliers Editeur, 1996, réédité en 2008.


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Voir sur pileface : La Divine Comédie

Voir aussi : Le catholicisme de Dante

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LA VIDEO DE LA CONFERENCE

La vidéo de la conférence du 1er juillet 2009, extraite des archives du Collège des Bernardins :

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Le catholicisme de Dante par Philippe Sollers par college-des-bernardins

"Rien n’est plus méconnu, surtout aujourd’hui, que le Paradis de Dante, c’est-à-dire un message suprêmement catholique de connaissance, d’amour, d’émerveillement et de joie."


(Philippe Sollers).

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Crédit : Collège des Bernardins


A PARAÎTRE, JUIN 2010

Philippe Sollers

Vers le Paradis
Sollers et Dante au Collège des Bernardins


Avant propos d’Antoine Guggenheim

Avec un film DVD de Georgi Galabov et Sophie Zhang.

aux Editions Desclée de Brouwer.

Depuis plusieurs décennies, l’oeuvre de Dante , « La divine comédie » croise et hante celle de Philippe Sollers.
L’écrivain l’avoue lui-même, « ce livre m’accompagne donc depuis fort longtemps, et toujours, parce que chaque fois que je le relis, il se passe toujours quelque chose de nouveau. La lecture et la vie qu’on peut mener, par ailleurs, si elles se rejoignent, sont un événement considérable. L’expérience est une expérience intérieure, qui doit révéler le chemin que nous menons en somme, de l’enfer qui n’est que trop évident, jusqu’au paradis que personne ne veut savoir. »
Mais à travers la rencontre avec Dante, c’est également toute une réflexion sur notre relation au temps, au monde, cette tension vers le Paradis qui se déploie. C’est aussi une belle manière de mesurer la richesse du catholicisme dans sa relation à l’art, son expression de la beauté, de Giotto à Monteverdi, de Michel Ange au Bernin.

Ce DVD-LIVRE a été réalisé à partir d’une conférence donnée par Philippe Sollers dans le cadre du Collège des Bernardins à Paris. Il s’enrichit d’un film DVD de Georgi Galabov et Sophie Zhang. Il comporte en annexes le chant XXXIII du Paradis de Dante et Gloria (journal de Paradis) de Sollers.

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EXTRAITS

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Plus sur le site de Philippe Sollers ICI ;

oOo

[2Philippe Forest, De Tel Quel à l’Infini

[3une notation qu’aucun documentaliste, aucun musicien, aucun Dante n’a jamais utilisé... :

1, 2, 3, 4 / 1.5, 2.6, 3.7, 4.8 / 1.9, 2.10, 3.11, 4.12 / ... / 1.97, 2.98, 3.99, 4.100

[4ces entretiens publiés en 1981, datent pour celui-ci de 1978 -nous l’apprendrons un peu plus loin

[5Dante et la traversée de l’écriture, (dans Logiques, Seuil, 1968)

[6 La Pensée émet des signes (ibid.).

[7fille de ton fils : figure appartenant à la tradition liturgique (cf. Auerbach).

[8Paradis XXXIII,91-93 : La forma universal di questo nodo / credo ch’i’ vidi, perché più di largo / dicendo questo, mi sento ch’i’godo.

[9Mireille BEAUP, ibid p . 114.

[10Paradis XXXIII, 85-87

[11Paradis XXXIII, 116-120 Ne la profonda e chiara sussistenza / de l’alto lume parvemi tre giri / di tre colori e l’un da l’altro come iri / parea reflesso, e’l terzo parea foco / che quinci e quindi igualmente si spiri.

[12Paradis XXXIII, 124-126 : O luce eterna che sola in te sidi, / sola t’intendi, e da te intelleta / e intendente te ami arridi !

[13Mireille BEAUP, Ibid, p. 135-136]

Après cette révélation sublime, la vision se transforme encore. Et Benoît XVI la commente ainsi dans son discours du 23 janvier 2006 :

« Encore plus bouleversante que cette révélation de Dieu en tant que cercle trinitaire de connaissance et d’amour, est la perception d’un visage humain - le visage de Jésus Christ - qui apparaît dans le cercle central de la Lumière.[...] Dieu a un visage humain »

Mireille Beaup : « Il [Dante] comprend qu’il lui est donné de contempler le plus grand des mystères : celui de la présence en Dieu de notre humanité en la personne du Verbe incarné. [...] » [[Mireille BEAUP, Ibid, p. 137

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2 Messages

  • A.G. | 14 juillet 2009 - 21:18 1

    La colère de Sollers à propos de la guerre d’Algérie

    Comme le souligne VK, lors de sa conférence, Sollers est revenu longuement sur l’expérience traumatique qu’il vécut dans les hôpitaux militaires de l’Est de la France afin et avant d’être réformé et sorti de l’enfer grâce à l’intervention d’André Malraux. Il en est question dans de nombreux romans. La guerre d’Algérie — qu’on a longtemps appelé "les événements" — fait partie de ces trois "placards dans les cadavres" qu’il rappelle souvent à des Français amnésiques (les deux autres étant Vichy et Mai 68).
    _ Le matin du 3 mai 2001, sur France Culture, Sollers était l’invité de Pierre Assouline en compagnie d’Hector Bianciotti. L’un et l’autre étaient là pour la sortie de leur livres — Éloge de l’infini et Une passion en toutes lettres — mais l’actualité voulut que le débat dépassât la question littéraire.
    _ Le 3 mai 2001 paraissait en effet, aux éditions Perrin, un ouvrage du général Aussaresses titré Services spéciaux : Algérie 1955-1957, dont le quotidien Le Monde publiait, le même jour, des extraits. Cette publication suscita beaucoup d’émoi au point que, dès le 4 mai, Jacques Chirac demanda qu’on retirât la Légion d’honneur à Aussaresses et que des sanctions disciplinaires fussent prises à son égard.
    _ On se souvient qu’au moment de la guerre d’Algérie le Garde des Sceaux du gouvernement Guy Mollet n’était autre que François Mitterrand, Mitterrand à qui, ce début mai 2001, venaient d’être consacrées une longue émission faites d’entretiens avec Jean-Pierre Elkabach (documentaire tourné entre avril 1993 et juin 1994).
    _ On se souvient aussi qu’à l’époque la situation en Algérie était plutôt tendue.
    _ A l’occasion de la "revue de presse" traditionnelle de France Culture, ce 3 mai 2001, Sollers livrait ses commentaires, revenait sur son attitude au moment de la guerre d’Algérie et laissait éclater sa révolte et sa colère.

    Les dates et les situations ont leur importance, insiste souvent Sollers. Nous avons donc gardé dans l’extrait ci-dessous la totalité de l’enregistrement relatif à cet épisode. La séquence dure 10 minutes.


    Pour démarrer l’écoute, cliquez sur la flèche verte


  • A.G. | 14 juillet 2009 - 13:16 2

    1965 : la Vie nouvelle ?

    La date de 1965 est par certains côtés décisive pour les raisons rappelées plus haut (voir la Lettre de Paul VI dans cette note). C’est aussi l’année où, après avoir publié Dante et la traversée de l’écriture, Sollers parle de l’oeuvre de Dante à la radio. C’est surtout la publication de Drame.

    A cette occasion, Roland Barthes publie un texte dans Critique, repris dans Théorie d’ensemble (coll. Tel Quel, Seuil, 1968), puis dans Sollers écrivain (Seuil, 1979). Ce texte s’appelle, de manière significative, Drame, poème, roman. Barthes, dès le début, évoque Dante :

    « S’il paraît encore aujourd’hui provocant d’appeler roman un livre sans anecdote (visible) et sans personnages (prénommés), c’est que nous sommes encore dans l’étonnement condescendant d’un traducteur de Dante, Delécluze (1841), qui voyait dans la Vie nouvelle « un ouvrage curieux parce qu’il est écrit sous trois formes (mémoires, roman poème) développées simultanément », et qui s’estimait devoir «  prévenir le lecteur de cette singularité... pour lui épargner la peine de débrouiller l’espèce de confusion d’images et d’idées que ce système de narration fait naître à une première lecture », après quoi le dit Delécluze passe à ce qui l’intéresse beaucoup plus, la « personne » de Béatrice. Dans Drame, nous n’avons même pas une Béatrice dont la « personne » nous soit donnée : nous sommes enfermés, d’une façon à la fois abstraite et sensuelle, dans l’énigme d’un roman tout pur, puisqu’il est citation du genre « roman ». » (p.14)

    Plus loin Barthes écrit : « faire du langage un sujet, et cela à travers le langage même, constitue un tabou très fort (dont l’écrivain serait le sorcier) : la société semble également limiter la parole sur le sexe et la parole sur la parole. »

    et il note (en bas de la p. 43) : « C’est ce tabou que Dante — entre autres — a secoué, lorsqu’il a fait de ses poèmes et de leur commentaire technique une seule oeuvre (la Vita Nova), et plus précisément encore lorsque dans ce livre, s’adressant à sa ballade (Ballade, va trouver Amour...), il repousse l’objection selon laquelle on ne saurait à qui il parle sous prétexte que « la ballade n’est rien d’autre que ce que j’en dis ». »

    Sur Sollers écrivain, voir ici.

    On pourrait aussi ajouter à la "petite chronologie" Le Coeur absolu où le narrateur a un projet d’adaptation de La Divine Comédie pour une télévision japonaise... Mais Sollers, lors de la conférence, a précisé que Dante était présent dans tous ses livres (de manière plus ou moins manifeste, il est vrai).