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De l’Affiche rouge au Panthéon

Missak Manouchian au Panthéon

D 18 juin 2023     A par Viktor Kirtov - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



In memoriam : le résistant Missak Manouchian au Panthéon ce 18 juin 2023


De "l’Affiche rouge" au Panthéon : Missak Manouchian, éternel symbole de la Résistance© AFP/Archives

L’Affiche rouge est une affiche de propagande allemande placardée massivement en France sous l’Occupation, dans le contexte de la condamnation à mort de 23 résistants de la région parisienne (groupe Manouchian) dont 10 sont représentés sur l’affiche, tous fusillés après leur arrestation le 21 février 1944.

Les objectifs de l’affiche :

1. Persuader que ces hommes sont des terroristes. Assimilés à des criminels étrangers à la solde des ennemis de la France (aujourd’hui on pourrait presque mettre Russie à la place de France, tant la rhétorique russe vise à vis de l’Ukraine et des Ukrainiens, ainsi que la manipulation de l’opinion publique s’en rapproche)

2. Dissuader ceux qui en auraient envie d’entrer dans la Résistance.

3. C’est un outil de manipulation de l’opinion publique : elle joue sur les ressorts psychologiques de la peur et de la xénophobie. L’Affiche rouge est devenue après-guerre un des symboles de la Résistance repris par Aragon et chanté par Léo Ferré.

Nul doute que Philippe Sollers qui a choisi d’être enterré près de la tombe d’autres étrangers morts pour la France aurait salué cette décision de faire entrer au Panthéon, Missak Manouchian pour honorer en même temps que lui, les membres de l’Affiche rouge et de son groupe.

Philippe Sollers repose au cimetière d’Ars-en-Ré :

« à côté du carré des corps non réclamés, des très jeunes pilotes et mitrailleurs australiens et néo-zélandais, tombés là, en 1942 (pendant que les Allemands rasaient nos maisons) »
(Philippe Sollers, Un vrai roman. Mémoires, 2007)

L’Affiche rouge par Louis Aragon et Léo Ferré

Le poème de Louis Aragon chanté par Léo Ferré

Le texte du poème de Louis Aragon (1897-1982)
Recueil : Le Roman inachevé (1956).

Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE

Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.

Louis Aragon.

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1 Messages

  • Albert Gauvin | 24 novembre 2023 - 13:51 1

    Tribune

    Si les résistants Missak et Mélinée Manouchian entreront au Panthéon le 24 février 2024, leurs 22 camarades du groupe FTP-MOI méritent eux aussi cet honneur, rappelle, dans une tribune au « Monde », un collectif constitué de descendants de ces martyrs et d’intellectuels, parmi lesquels Costa-Gavras, Delphine Horvilleur, Patrick Modiano, Edgar Morin ou encore Annette Wieviorka.

    Monsieur le Président de la République, nous vous écrivons cette lettre dans l’espoir d’empêcher une injustice. Vous avez annoncé le 18 juin votre choix de faire entrer au Panthéon les dépouilles de Missak Manouchian et de son épouse, Mélinée, en février 2024, à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire du martyre du groupe de résistance à l’occupation nazie et à ses collaborateurs français. Le 21 février 1944, vingt-deux hommes furent fusillés au Mont-Valérien. La seule femme de leur réseau fut décapitée à Stuttgart, le 10 mai 1944.

    Votre décision est une heureuse nouvelle qui nous a réjouis. Mettant fin à un trop long oubli, elle marque la reconnaissance de la contribution décisive des résistants internationalistes à la libération de la France et au rétablissement de la République. Manouchian et ses camarades appartenaient en effet aux Francs-tireurs et partisans - Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI), une unité de la Résistance communiste composée en grande part d’étrangers, de réfugiés et d’immigrés. « Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant », rappelait Louis Aragon en les célébrant dans son poème « L’Affiche rouge », où il évoquait leurs noms « difficiles à prononcer ».

    En nos temps ô combien incertains où de nouvelles ombres gagnent, où xénophobie, racisme, antisémitisme et toutes les formes de rejet de l’autre, de l’étranger et du différent menacent, cet hommage patriotique et républicain est un message de fraternité qui rappelle que la France a toujours été faite du monde, de la diversité de son peuple et de la pluralité de ses cultures grâce à l’apport de toutes ses communautés d’origine étrangère. C’est surtout un message universel qui souligne combien les idéaux d’égalité des droits, sans distinction de naissance, de croyance ou d’apparence, initialement proclamés par la Déclaration des droits de l’homme de 1789, pour lesquels Manouchian et ses camarades ont donné leurs vies, peuvent soulever le monde entier.

    Sans en oublier un seul

    Or, Monsieur le Président, c’est ce message que contredit le choix de faire entrer au Panthéon Missak et Mélinée Manouchian, et eux seuls. Eux-mêmes ne l’auraient sans doute ni compris ni souhaité. Isoler un seul nom, c’est rompre la fraternité de leur collectif militant. Distinguer une seule communauté, c’est blesser l’internationalisme qui les animait. Ce groupe de résistants communistes ne se résume pas à Manouchian qui, certes, en fut le responsable militaire avant que la propagande allemande ne le promeuve chef d’une bande criminelle. Et le symbole qu’il représente, à juste titre, pour nos compatriotes de la communauté arménienne est indissociable de toutes les autres nationalités et communautés qui ont partagé son combat et son sacrifice.

    Monsieur le Président, nous espérons vous avoir convaincu que Missak Manouchian ne saurait entrer seul au Panthéon, fût-ce en compagnie de son épouse. Ce sont les vingt-trois, tous ensemble, qui font l’épaisseur de cette histoire, la leur devenue la nôtre, celle de la France, hier comme aujourd’hui. Les vingt-trois, sans en oublier un seul : juifs polonais, républicains espagnols, antifascistes italiens, et bien d’autres encore.

    Nous vous demandons donc de faire en sorte qu’il soit accompagné par ses vingt-deux camarades : l’Arménien Armenak Arpen Manoukian, l’Espagnol Celestino Alfonso, les Italiens Rino Della Negra, Spartaco Fontanot, Cesare Luccarni, Antoine Salvadori et Amedeo Usseglio, les Français Georges Cloarec, Roger Rouxel et Robert Witchitz, les Hongrois Joseph Boczov, Thomas Elek et Emeric Glasz, les Polonais Maurice Füngercwaig, Jonas Geduldig, Léon Goldberg, Szlama Grzywacz, Stanislas Kubacki, Marcel Rajman, Willy Schapiro et Wolf Wajsbrot, et la Roumaine Olga Bancic.

    Ils étaient vingt-trois, «  vingt et trois qui criaient la France en s’abattant » – Aragon toujours –, vingt et trois qui disent notre patrie commune, sa richesse et sa force. Vingt et trois qui, à l’heure de la reconnaissance nationale, sont indissociables.

    Signataires : Juana Alfonso, petite fille de Celestino Alfonso ; Patrick Boucheron, historien, professeur au Collège de France ; Michel Broué, mathématicien ; Patrick Chamoiseau, écrivain ; Costa-Gavras, cinéaste, président de La Cinémathèque française ; Elise Couzens et Fabienne Meyer, cousines germaines de Marcel Rajman ; Michel, Patrice et Yves Della Negra, neveux de Rino Della Negra ; René Dzagoyan, écrivain ; Jean Estivil, neveu de Celestino Alfonso ; André Grimaldi, professeur émérite de médecine ; Anouk Grinberg, comédienne et artiste ; Jean-Claude Grumberg, écrivain et homme de théâtre ; Yannick Haenel, écrivain ; Delphine Horvilleur, rabbine et écrivaine ; Serge et Beate Klarsfeld, historiens ; Mosco Levi Boucault, réalisateur ; Patrick Modiano, écrivain, prix Nobel de littérature ; Edgar Morin, sociologue et philosophe ; Edwy Plenel, journaliste ; Anne Sinclair, journaliste ; Thomas Stern, neveu de Thomas Elek ; Annette Wieviorka, historienne, directrice de recherche au CNRS ; Ruth Zylberman, écrivaine et réalisatrice.

    Le Monde, 23 novembre 2023.