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Philippe Sollers, le cru et la cuisse par Mathieu Lindon

Suivi de "Sollers avait raison" par Frédéric Beigbeder

D 23 mars 2020     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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Lindon et Beigbeder s’expriment sur "Désir" de Sollers
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Philippe Sollers, le cru et la cuisse par Mathieu Lindon

L’air du temps est-il irrespirable, asphyxiant pour lui ? Toujours est-il que Philippe Sollers préfère partir de loin pour l’évoquer. Désir, son nouveau roman, a comme personnage principal, en plus de l’auteur lui-même qui en serait une réincarnation, Louis-Claude de Saint-Martin, « plus connu sous le nom du « "Philosophe Inconnu" » selon une sorte de paradoxe originel. Né en 1743 et mort en 1803, celui-ci publie en 1790 l’Homme de désir, « claire déclaration révolutionnaire de l’Illuminisme : /"Sois bénie, lumière brillante, splendeur visible de la lumière éternelle, d’où ma pensée a reçu l’existence. / Si ma pensée n’était pas une de tes étincelles, je n’aurais pas le pouvoir de te contempler." » Et c’est donc à partir de là que Philippe Sollers en vient rapidement au monde actuel et à ce qui n’a jamais cessé de l’y passionner, les femmes, le désir et le « contre-désir » à « la violence illimitée et burlesque ». « Une journaliste porte plainte, vingt ans après, pour agression sexuelle contre une célébrité mâle, qui, lors d’une interview, a mis sa main sur sa cuisse. Le concept de cuisse résonne partout. » Il ne faut toutefois pas croire, dans ce monde où « cuisse » est donc devenu un concept, que la guerre des sexes oppose, dans l’ironique univers sollersien, les gentils et les méchantes. « En tout cas, un nouveau monde surgit, celui du contre-désir. Le désir était brutal et absurde, le contre-désir ramène la sécurité. Les hommes étaient ridicules de poursuivre les femmes de leurs fantasmes. Ça va continuer, mais le truc est crevé. /Regardez l’homme du contre-désir : il est très agité, son seul pôle est l’emploi qu’il occupe. Il veut monter de plus en plus haut dans l’ascenseur social, sa tête est pleine de chiffres, c’est un manager for ever. La femme de contre-désir est pareille, meilleure encore en termes de marketing. Si ces deux-là s’accouplent, d’une manière ou d’une autre, c’est juste pour vérifier la répulsion que son partenaire lui inspire. »


Philippe Sollers en 2013. Photo Patrice Normand.Leextra. Leemage
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Désir et contre-désir seraient donc les éléments d’une époque révolutionnaire comparable à celle où le Philosophe Inconnu publia son texte majeur. Mais une révolution que Philippe Sollers saisit sans en être enthousiaste. Ce ne sont plus les vainqueurs qui écrivent l’Histoire, ce qui est un progrès, mais les victimes, ce qui ne lui sied guère non plus. « Le Système a réussi ce prodige : les esclaves célèbrent leur propre asservissement, au nom d’une révolte impossible. Le bilan de cette faillite est clair : les esclaves ont échoué parce qu’ils ont toujours eu raison. Le disque peut continuer à tourner sur le même air. » Le raisonnement n’est pas toujours facile à suivre mais voilà qui l’éclaire peut-être. « Aujourd’hui, le grand penseur à la mode s’appelle Novaleur. Ecoutez la rumeur : tout le monde, à droite, à gauche, au centre, vous parle de "nos valeurs". » « Me too » et « la propagande féministe » en seraient des vecteurs. « Tout homme qui n’apprécie pas Novaleur est un violeur virtuel. » Le monde est enfin informé grâce aux « tornades de dénonciations ». Et la domination féminine pourra s’appuyer sur les gays. « Elles sont prêtes à partager le pouvoir avec eux, puisque le mâle hétérosexuel blanc n’est plus qu’un souvenir pénible du passé en ruine. » « Si vous voulez connaître l’Histoire, tapez Clio. Si vous choisissez d’en connaître les dessous, croyez-moi, tapez Clito. » Une chose ne change pas chez Philippe Sollers : sa volonté d’être en désaccord avec l’air du temps quel qu’il soit.

La vie et l’œuvre de l’écrivain né en 1936 apparaissent cependant comme un envers du roman, présentes comme par effraction dans le monde contemporain. C’est « le jeune auteur » venant « lire des livres très rares » chez Jean Paulhan, ancien directeur de la NRF. C’est le Philosophe Inconnu apparaissant dans ses rêves pour l’informer qu’il en est « le descendant direct ». C’est « le Général Inconnu » faisant libérer le Philosophe Inconnu pendant la guerre d’Algérie puis un dialogue avec André Malraux. C’est une « réconciliation obscure » après « une polémique apparente » avec Simon Leys (le sinologue n’avait pas apprécié le maoïsme à tous crins de l’écrivain). C’est l’évocation des titres mêmes de romans de Philippe Sollers, comme la Fête à Venise, ou : « On ne peut être absolument moderne que lorsqu’on a un cœur classique absolu », la première partie de la phrase étant une référence à Rimbaud, déjà présent en épigraphe de Désir, la seconde en étant une à l’auteur lui-même puisque le Cœur absolu est un de ses romans. Et puis cet autoportrait fait pour agacer le monde : « On dirait qu’il passe son temps à jouer aux dés sans que les résultats lui importent. En général, il rit, il est gai, comme si sa devise insupportable était "Hasard et Gratuité". » On dirait qu’il voudrait qu’on dise : heureux homme, heureux écrivain.

Mathieu Lindon Philippe Sollers Désir Gallimard, 136 pp., 14,50 € (ebook : 10,99€).

Crédit : Libération , 20 mars 2020,


Sollers avait raison par Frédéric Beigbeder


Le Figaro Magazine , 20 mars 2020
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"Sollers avait raison" en format pdf

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