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"Le Nouveau" en version illustrée

Philippe Sollers écrivain en figure de proue et +...

D 29 mars 2019     A par Viktor Kirtov - Benoît Monneret - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Des dessins de Benoît Monneret pour une version illustrée du dernier livre de Sollers, "LE NOUVEAU"

01/04/2019 :Ajout section "Horatio et Céline"
08/04/2019 Ajout section "Hamlet et le spectre du père"

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Barque

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Benoît Monneret : « Une figure de proue, qui écrit ou harponne ».
benoit.monneret@gmail.com / ZOOM : cliquer l’image

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« la barque qui servait à mon grand-père, Louis, pour rejoindre son voilier, est longtemps restée, forme blanche, au fond du jardin. Elle a fini par pourrir, et son nom, gravé à l’arrière, n’a plus été lisible, sauf quelques lettres (…) non plus LE NOUVEAU , mais LE NO. »
Philippe Sollers
Le Nouveau
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« La main qui écrit, reste droite. Une phrase esquive, la suivante feinte, la troisième touche. Et ainsi de suite. La mer n’a pas de fin, l’écriture non plus. Pourquoi la vie en aurait une ? Le stylo du jeune Philippe prolonge les mouvements impétueux ou indolents des voiles de son arrière-grand-père Henri, les feintes et les touches de l’épée de son grand-père Louis. Précision, douceur, musique. »
Paul-Henri Moinet
Le Nouvel Economiste

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Mouette

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« Je fais confiance à ma main droite, elle connaît sa navigation. Je vais vite toucher un mot dans la masse, mon modèle est la mouette rieuse, vol plané, observation prolongée, piqué. C’est raté pour cette fois, mais il y aura des centaines de fois. Nous sommes seuls en mouvement, la mouette et moi, le vent d’ouest me gêne un peu, le soleil rouge se couche. »
Philippe Sollers
Le Nouveau
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Mouette posée sur le fleuret de Louis, « fils du marin légendaire, et escrimeur célèbre. ».
Marais du Fier, île de Ré, face à la maison du Martray de Sollers
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« En 1944, j’ai 8 ans, et nos maisons comme le grand jardin de Bordeaux sont encore occupés par les Allemands. Deux ans auparavant, ils rasent nos maisons du bord de l’océan qui gênaient, paraît-il, leur artillerie lourde. Ces crétins croyaient murer l’Atlantique. Ils n’ont pas réussi à s’emparer de la petite barque blanche du Nouveau . Les mouettes en rient encore au-dessus des plages.
Philippe Sollers
Le Nouveau

Aujourd’hui, Benoît Monneret peut dessiner une mouette perchée sur le fleuret de Louis contemplant la maison du Martray reconstruite.

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Globe

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Shakespeare avait son théâtre « le Globe », le mien est plus modeste.
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Shakespeare ne pardonne pas à sa femme la mort de son jeune fils. Il a plein de comptes à régler avec Dieu, le ciel, la terre et l’enfer. Il tient strictement les recettes du Globe , théâtre dont il est actionnaire. On ne retrouve aucun manuscrit de lui, les pièces sont transcrites après sa mort, par les comédiens dont il fait partie.

*

Shakespeare est un catholique en crise moléculaire. Un monde s’effondre, un autre surgit. C’est une grande tempête, dont les effets durent encore. […] Shakespeare est à Venise, à Rome, à Vérone, à Naples, à Mantoue. Il voit très loin, son horizon n’est pas à Hollywood, mais à Paris, ces jours-ci, sur la scène du Globe , transformé par la foudre en Nouveau .

*

Le soleil s’est enfin levé sur le globe, grâce à cet acteur de génie.

*

Léon X (Jean de Médicis) n’est pas moins prophétique, en condamnant le sombre Luther dans la bulle Exsurge Domine de 1520, et en signant un concordat avec François I er , le roi le plus présentable de France. On dirait que Shakespeare est déjà là, comme une aurore traînant la vraie nuit derrière elle. Le théâtre s’appelle Le Globe , comme par hasard.

*

Combien de naufrages évités grâce à un bon timonier ! Il y en a eu des dizaines de milliers sur toutes les mers et les océans du globe . Ici, je ne peux que penser à mon arrière-grand-père, Henri, que je vois , soudain, à bord du Nouveau balayé par l’écume. Pensait-il à sa belle Irlandaise, Edna, au milieu des hurlements du vent et des vagues ? Sûrement. Vivement le calme du retour à Bordeaux.

*

Philippe Sollers
LE NOUVEAU

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HORATIO ET CELINE

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« Qu’avait en tête le père du futur amiral Nelson en le prénommant Horatio ? Se prenait-il pour Hamlet ? Je n’ai jamais compris, l’automne où j’habitais New York, du côté de Greenwich Village, pourquoi mon adresse se trouvait dans Horatio Street. […] La rue du Spectre ! On se souvient que c’est lui qui va raconter à Hamlet la terrible vision nocturne de son père, en armes, errant dans la nuit. Ce père assassiné qui vient demander vengeance s’appelle aussi Hamlet, et Horatio, en le voyant, est « bouleversé d’effroi et de stupeur ». Voilà à quoi je pensais en rentrant chez moi, vers une heure du matin, un peu ivre. Horatio, l’ami fidèle, qui reste pour témoigner de la mort du Prince du Danemark :
[…]
La mère de Hamlet, incestueuse avec le frère assassin de son mari, s’appelle Gertrude. Elle avale la coupe empoisonnée par une perle destinée à tuer Hamlet. C’est le roi assassin, Claudius, qui a préparé cette boisson fatale, de même qu’il a fait enduire de poison l’épée de Laërte dans son duel avec Hamlet. Peu de sang, beaucoup de poison, versé par Claudius dans l’oreille du roi alors qu’il faisait sa sieste dans son jardin. Version officielle : il a été piqué par un serpent. En effet, et de quelle taille ! »


La version du 1er avril 2019 par benoit.monneret@gmail.com
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Horatio, après le drame, revient à Elseneur (Helsinger, en danois), où le château de Kronberg est toujours là, depuis le XVIe siècle. Il pousse ensuite jusqu’à Korsor, sur la mer Baltique, et, là, un autre spectre l’attend, qui, dans le froid, dans une chaumière insalubre, passe son temps à écrire. Il est français, il est maudit, il s’appelle Louis. Le Danemark, en refusant de le livrer à la France, est en train, malgré les manœuvres de Rosenkranz et de Guildenstern, de lui sauver la vie. En rentrant tout de suite à Paris, il aurait été promptement assassiné, alors que, plus tard, il finira ses jours, en pleine création effervescente, dans sa maison de Meudon, qui existe toujours.


"Tout ce qui touche à Céline résonne toujours intensément chez moi"
benoit.monneret@gmail.com / ZOOM : cliquer l’image
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Horatio sonne, Céline le reçoit sans bruit, c’est une rencontre d’ombres au bout de la nuit. Demain, Céline va mettre la dernière main à son dernier livre, Rigodon, qu’il a appelé d’abord Colin-Maillard . C’est un grand chef-d’œuvre, vécu sous les flammes de l’apocalypse allemande. Il est minuit, Horatio, témoin capital, le félicite et s’éclipse. Le lendemain, une fois le dernier trait tiré dans son manuscrit, Céline écrit à son éditeur, s’allonge, et meurt. Il est toujours maudit. Très peu de personnes assistent à son enterrement, et personne ne remarque, dans un coin, la présence spectrale de Shakespeare.

Philippe Sollers
LE NOUVEAU

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Hamlet et le spectre du père


Hamlet et le spectre du père par benoit.monneret@gmail.com
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Shakespeare : Hamlet dialogue avec le spectre de son Père [Hamlet Acte I, sc 4-5 [Dialogue avec un fantôme]

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CLAUDIUS, roi de Danemark.
HAMLET, fils du précédent roi, neveu du roi actuel.
POLONIUS, chambellan.
HORATIO, ami de HAMLET

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LE SPECTRE DU PERE D’HAMLET.

[Situation : Acte I Tandis que le Danemark, dont le roi est mort, est sous la menace d’une invasion norvégienne, le fantôme du roi révèle à son fils Hamlet le secret du crime dont il a été victime : le prince comprend alors que le nouveau roi Claudius, son oncle, qui vient d’épouser sa mère, la reine Gertrude, a tué son père. Le trouble où cette révélation jette Hamlet ne rassure pas le conseiller du roi, Polonius, qui le met sur le compte d’une passion trop violente pour sa fille Ophélie.]

LE SPECTRE.
- Je suis l’esprit de ton père, condamné pour un certain temps à errer la nuit, et, le jour, à jeûner dans une prison de flammes, jusqu’à ce que le feu m’ait purgé des crimes noirs commis aux jours de ma vie mortelle. S’il ne m’était pas interdit de dire les secrets de ma prison, je ferais un récit dont le moindre mot labourerait ton âme, glacerait ton jeune sang, ferait sortir de leurs sphères tes yeux comme deux étoiles, déferait le noeud de tes boucles tressées, et hérisserait chacun de tes cheveux sur ta tête comme des piquants sur un porc-épic furieux.
Mais ces descriptions du monde éternel ne sont pas faites pour des oreilles de chair et de sang. Ecoute, écoute ! Oh ! écoute ! Si tu as jamais aimé ton tendre père...

HAMLET. - ô ciel !

LE SPECTRE. - Venge-le d’un meurtre horrible et monstrueux.

HAMLET. - D’un meurtre ?.

LE SPECTRE. - Un meurtre horrible ! le plus excusable l’est ; mais celui-ci fut le plus horrible, le plus étrange, le plus monstrueux.

HAMLET. - Fais-le-moi vite connaître, pour qu’avec des ailes rapides comme l’idée ou les pensées d’amour, je vole à la vengeance !

LE SPECTRE. - Tu es prêt, je le vois. Tu serais plus inerte que la ronce qui s’engraisse et pourrit à l’aise sur la rive du Léthé, si tu n’étais pas excité par ceci. Maintenant, Hamlet, écoute ! On a fait croire que, tandis que je dormais dans mon jardin, un serpent m’avait piqué. Ainsi, toutes les oreilles du Danemark ont été grossièrement abusées par un récit forgé de ma mort. Mais sache-le, toi, noble jeune homme ! le serpent qui a mordu ton père mortellement porte aujourd’hui sa couronne.

HAMLET. - ô mon âme prophétique ! Mon oncle ?

LE SPECTRE. - Oui, ce monstre incestueux, adultère, par la magie de son esprit, par ses dons perfides (oh ! maudits soient l’esprit et les dons qui ont le pouvoir de séduire à ce point !), a fait céder à sa passion honteuse la volonté de ma reine [Gertrude, la mère de Hamlet], la plus vertueuse des femmes en apparence...
ô Hamlet, quelle chute ! De moi, en qui l’amour toujours digne marchait, la main dans la main, avec la foi conjugale, descendre à un misérable dont les dons naturels étaient si peu de chose auprès des miens ! Mais, ainsi que la vertu reste toujours inébranlable, même quand le vice la courtise sous une forme céleste ; de même la luxure, bien qu’accouplée à un ange rayonnant, aura beau s’assouvir sur un lit divin, elle n’aura pour proie que l’immondice.

Mais, doucement ! Il me semble que je respire la brise du matin. Abrégeons. Je dormais dans mon jardin, selon ma constante habitude, dans l’après-midi. A cette heure de pleine sécurité, ton oncle se glissa près de moi avec une fiole pleine du jus maudit de la jusquiame, et m’en versa dans le creux de l’oreille la liqueur lépreuse. L’effet en est funeste pour le sang de l’homme : rapide comme le vif-argent, elle s’élance à travers les portes et les allées naturelles du corps, et, par son action énergique, fait figer et cailler, comme une goutte d’acide fait du lait, le sang le plus limpide et le plus pur. C’est ce que j’éprouvai ; et tout à coup je sentis, pareil à Lazare, la lèpre couvrir partout d’une croûte infecte et hideuse la surface lisse de mon corps. Voilà comment dans mon sommeil la main d’un frère me ravit à la fois existence, couronne et reine. Arraché dans la floraison même de mes péchés, sans sacrements, sans préparation, sans viatique, sans m’être mis en règle, j’ai été envoyé devant mon juge, ayant toutes mes fautes sur ma tête. Oh ! horrible ! horrible ! Oh ! bien horrible ! Si tu n’es pas dénaturé, ne supporte pas cela : que le lit royal de Danemark ne soit pas la couche de la luxure et de l’inceste damné ! Mais, quelle que soit la manière dont tu poursuives cette action, que ton esprit reste pur, que ton âme s’abstienne de tout projet hostile à ta mère ! abandonne-la au ciel et à ces épines qui s’attachent à son sein pour la piquer et la déchirer. Adieu, une fois pour toutes ! Le ver luisant annonce que le matin est proche, et commence à pâlir ses feux impuissants. Adieu, adieu, Hamlet ! Souviens-toi de moi. (le spectre sort. )

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On n’a pas assez réfléchi, même pas Freud, sur le fait que le père assassiné de Hamlet s’appelle lui-même Hamlet. Le père, qui sort d’outre-tombe pour demander vengeance, a le même prénom que le fils qui doit le venger. Jamais père et fils n’ont été aussi unis dans la mort vivante.

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On se souvient que c’est lui [Horatio, son ami ]qui va raconter à Hamlet la terrible vision nocturne de son père, en armes, errant dans la nuit. Ce père assassiné qui vient demander vengeance s’appelle aussi Hamlet, et Horatio, en le voyant, est « bouleversé d’effroi et de stupeur ».

Philippe Sollers
LE NOUVEAU

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