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Au bar des Folies Françaises

D 21 avril 2006     A par D. Brouttelande - Albert Gauvin - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



Dans Les Folies Françaises, Philippe Sollers évoque notamment Manet, ses dernières fleurs, dans des vases ou des verres... et surtout Un bar aux Folies-Bergère...


Manet, Un bar aux Folies Bergère, 1881-1882.
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Manet... Manet et manebit...il reste et il restera... Voilà le latin révélateur du véritable sens d’un nom, de son affirmation dans le temps, c’était inscrit... Sans compter qu’à l’oreille, la formule en langue « morte » trouve un sens tout singulier, et, en cela peut-être, inouï...

Un nom qui fait sens en latin... Sollers...

En 4ème de couverture du livre, en édition de poche Folio, Philippe Sollers interroge : « Quelle est la signification du chef-d’oeuvre tardif de Manet Un bar au Folies-Bergère ? ».

Réponse :

— Pourquoi toutes les autres fleurs peintes, à côté, ont-elles l’air mortes ?
— Parce qu’elles ne sont pas passées par la mort.
— Le mal ?
— Non. Le bien profond de la mort. Son velours. Au couteau simple. Au ciseau de luxe. A l’indifférence vibrante. Fleurs à boire.
— Le bar ?
— Au champagne. Deux roses, une jaune et une rose. C’est la consommation que sert le tableau. Le reste est illusion, tournoiement gai de fantômes. Suzon est décolletée en alpha et rejoint le lustre et les hublots de lumière, oméga. Tu vois une toile en miroir, les Folies sont au-delà du miroir. A-t-elle des boucles d’oreilles ? Un chignon ? Sa table de marbre n’est-elle pas un étal de morgue ?

— Elle est triste ?
— Même pas. Perdue. Regard perdu. Ni gaie ni triste. Magnifique. Manchettes et collerettes de dentelles, eucharistie, sainte-table. Elle officie dans le vague. Bien calée sur ses mains, offrant ses poignets, son pouls.
— Elle est rousse ?
— Blond vénitien. Fleur blonde et noire, avec feuillage. La foule, elle, est noyée. Naufrage enjoué. Paquebot. Trapèze. Je vais même jusqu’à compter les boutons de sa redingote. Huit.
— Pile ou face ?
— Les deux, les deux. C’est le prix du rêve. Vous voulez quoi ? La taille ? Le cul ? Non, le verre et les fleurs, toujours. Tu sais, quand on rêve qu’on ramène une fleur du pays enchanté. La gauche ? La droite ? Es-tu ici ? Là-bas ? Partout ? Nulle part ? De quel côté ? D’où ?
— Mieux que Nana ?

— Le miroir de Nana ne reflètera jamais rien. [...] ... Et il va perdre une jambe... Il rentre dans le néant sur un pied, comme un danseur. Une seule réalité : les Folies-Bergères. Tous en scène ! Dissous ! Rien que le bar !

(pages 96-97)

Que se passe-t-il dans ce livre ?

« On fait entendre, on fait voir ce que plus personne, semble-t-il, ne peut plus, ou ne veut plus, ni entendre ni voir. Comme si l’intimité entre un père et une fille était désormais le lieu secret de la plus grande ouverture. Un film d’émotion parlée — sons, volumes, couleurs. Si la France m’était contée ?... ».

Film, cinéma, Paris... Versailles...
Dans Des Merveilles, livre posthume réunissant la plupart des textes d’une série d’émissions radiophoniques intitulée Cent merveilles, Sacha Guitry prévient au premier chapitre : « ...je me demande si ce que vos yeux regardent est en accord avec ce que vos oreilles ont le bonheur d’entendre... ». L’oeil écoute... « On fait entendre, on fait voir... »

Et dans un chapitre intitulé « Si l’on pouvait choisir... », S. Guitry rapporte l’anecdote suivante :

Il y a quarante ans, tout à fait au début de cette vive amitié qui nous avait liés, les frères Bernheim et moi, j’avais eu l’occasion de voir et d’admirer chez eux, à leur maison de commerce, ce merveilleux tableau de Manet intitulé : le Bar des Folies-Bergère — tableau célèbre s’il en fût. Je m’étais mis à genoux devant lui, d’autant qu’il se trouvait au sol — et je m’étais extasié comme il se doit devant cette splendeur.
Quelle ne fut pas ma surprise, rentrant chez moi deux heures plus tard, de trouver le tableau accroché au mur de mon bureau.
C’est un tableau d’une mesure inaccoutumée. Il a peut-être bien deux mètres de longueur et un mètre cinquante de hauteur. [1] Il est d’ailleurs si grand et si précieux que l’on a cru devoir encastrer dans son cadre un niveau d’eau et un thermomètre, pour qu’il ne soit jamais de travers - et pour qu’il n’ait jamais ni trop chaud ni trop froid ! Et il était là, chez moi !
Je n’en croyais pas mes yeux, vous le pensez bien, et, vite, je téléphonai à mes amis pour leur demander ce que cela signifiait.
Ils me répondirent :
— Nous avons vu à quel point vous raffoliez de ce tableau et nous vous le prêtons pendant une quinzaine de jours.
Je vous laisse à penser ce que furent pour moi ces deux semaines ! Je ne sortais plus - c’est bien simple - je ne sortais plus que pour aller jouer le soir !
Les quinze jours étant écoulés, ils vinrent dîner chez moi, et il fut convenu que le lendemain matin, ils le feraient reprendre.(...)
Et le Bar de Manet, le lendemain vers onze heures, disparut à jamais de chez moi...

S. Guitry in Cinquante ans d’occupations, pp 1147-1149, Omnibus.




Les Regardeurs

France Culture, Les Regardeurs, 28-02-15.
par Jean de Loisy, Sandra Adam-Couralet

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Jean-Marie Bustamante

Invité : l’artiste Jean-Marc Bustamante

Aujourd’hui, nous regardons un célèbre tableau : il s’agit de « Un bar aux Folies Bergére » peint par Manet en 1881-1882 Huile sur toile -96 x 130 cm- aujourd’hui conservé é l’Institut Courtauld é Londres (The Courtauld Institute of Art).

Il s’agit de la derniére oeuvre majeure de Manet réalisée avant sa mort.

Trés souvent commenté, ce tableau, célèbre à la fois le XIXe siècle par son sujet, lié au Paris nocturne celui des cafés-concerts et des théâtres qui attirèrent alors tant de peintres d’avant-garde, Degas, puis Toulouse-Lautrec et les nabis. Lieu de convivialité sociale ou temple des plaisirs illusoires, le café était pour les artistes le prétexte à peindre des scènes galantes ou des personnages confrontés à la solitude de l’alcool comme en témoignent les héroènes mélancoliques de L’Absinthe (1876) de Degas.

Dans Le peintre de la vie moderne (1863), Baudelaire exaltait déjà « la représentation de la vie bourgeoise et les spectacles de la mode » dans laquelle il voyait une beauté nouvelle. Selon lui, l’artiste moderne devait être en phase avec son époque, siècle des courtisanes et des dandys, et se mêler à la foule des noctambules.

«  Il existe à Paris un endroit bizarre, exquis, fort peu orthodoxe, moitié café, moitié théâtre, parisien au possible, fort recherché par les provinciaux et les étrangers... » écrit (Zola, 1882). Dans ses Croquis parisiens (1886), Huysmans enfin décrit les Folies Bergère comme « le seul endroit de Paris qui pue aussi délicieusement le maquillage des tendresses payées et les abois des corruptions qui se lassent ».

Mais par son jeu de miroirs, le « Bar aux Folies bergére » de Manet se constitue également en une énigme moderne, mal compris par les critiques de l’époque, mais défendu par les amis de Manet comme Zola par exemple.

Dans Bel Ami de Maupassant, on pourrait d’ailleurs penser que le tableau de Manet qui met en abime de manière incroyablement inédite la question du regard, du voir et du caché, est en quelque sorte rejoué dans la description du personnage de Madeleine Forestier, que décrit Duroy dans le roman.

Lecture de textes de Huysman, Bataille, Foucault...

Crédit FC

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[1en réalité : 96 x 130

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