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Les Particules élémentaires, vingt-cinq ans après

+ Expérience avec ChatGPT appliqué aux Particules élémentaires

D 7 octobre 2023     A par Viktor Kirtov - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Nous vous présentons, aujourd’hui, un mini dossier Houllebecq composé de trois documents :

- « Les Particules élémentaires vingt-cinq ans après » par Sébastien Lapaque

suivi de deux documents qui de, prime abord, peuvent sembler insolites :


- Le premier : « Houellebecq et Les Particules élementaires au crible de ChatGPT ».

Nous souhaitions nous livrer à cette expérience avec ce logiciel d’Intelligence Artificielle qui a fait une entrée fracassante dans le domaine grand public en novembre 2022.
Objectif 1 : ChatGPT appliqué à la critique littéraire, le résultat aurait-il quelque pertinence ?
Objectif 2 ; Se familiariser avec l’utilisation et les limites d’un outil considéré comme aussi révolutionnaire que l’ont été l’ordinateur individuel - .le PC d’IBM en 1981 -, ou l’explosion de l’Internet, à partir de 1989, avec l’apparition du World Wide Web.

- Le deuxième : « Michel Houellebecq , notre dernier romantique » par
Laurent Wauquiez

C’est moins le sujet que son auteur qui peut sembler insolite. L’aurent Wauquiez, l’homme politique ? Mais oui ! Erreur de casting, contre-emploi ? Pas du tout, comme vous pourrez en juger. Laurent Wauquiez appartient à cette classe de grands fauves politiques français qui cultivent la fibre littéraire - à la fois énarque et normalien, aussi, accessoirement, agrégé d’Histoire -. Dans ce long texte, il se révèle un exégète pertinent de l’œuvre et de la psychologie de Houellebecq, en même temps que de son analyse sociétale. Laurent Wauquiez explique en quoi ses romans apportent un éclairage lucide et féroce sur la société française. Son œuvre littéraire vaut toutes les analyses politiques, affirme-t-il : elle reflète l’image de notre époque pétrie d’absurdités et de contradictions. Laurent Wauquiez n’oublie pas, malgré tout, qu’il est un homme politique et il fait son miel de l’analyse sociétale de Houellebecq avec des références à ses différents romans.

Les Particules élémentaires vingt-cinq ans après

Depuis la sortie des Particules élémentaires en 1998, Michel Houellebecq a acquis en France une place très particulière. Sébastien Lapaque, critique littéraire et écrivain, revient sur le phénomène littéraire.

Par Sébastien Lapaque
25, SEP 2023

Houellebecq écrit : « Selon le témoignage des rares personnes qui ont côtoyé Djerzinski en Irlande au cours des dernières semaines, une acceptation paraissait être descendue en lui. […] Le 27 mars 2009, en fin d’après-midi, il se rendit à la poste centrale de Galway. Il expédia un premier exemplaire de ses travaux à l’Académie des sciences de Paris, puis un second à la revue Nature, en Grande-Bretagne. Sur ce qu’il advint ensuite, on n’a aucune certitude. Le fait que sa voiture ait été retrouvée à proximité immédiate d’Aughrus Point devait naturellement faire penser au suicide… [1] » Quand il a rédigé les derniers chapitres des Particules élémentaires, Michel Houellebecq était manifestement pressé d’en finir. Un à un, il a tué tous les personnages principaux, avec une préférence pour le suicide, sans pouvoir assurer cependant à ses lecteurs que la mort la plus volontaire était la plus belle. Annick, la camarade de collège de Bruno qui « suçait rapidement, un peu trop fort », s’est jetée du septième étage de son immeuble parisien ; atteinte d’une nécrose des vertèbres coccygiennes, Christiane, qui avait été très jolie mais qui avait « la chatte d’une vieille femme », a projeté son fauteuil roulant dans les escaliers de son HLM de Noyon ; après trois avortements et un cancer de l’utérus, Annabelle, privée de l’enfant qu’elle rêvait d’avoir avec Michel, a avalé un tube de Rohypnol. « Elle avait vécu, elle avait pris de la coke, participé à des partouzes, dormi dans des hôtels de luxe », note l’écrivain. Elle n’a pas eu la vie qu’elle méritait. Son destin contrarié évoque celui de Véronique, l’ex-femme du narrateur d’Extension du domaine de la lutte, paru quatre années avant Les Particules élémentaires :

« Du point de vue amoureux Véronique appartenait, comme nous tous, à une génération sacrifiée. Elle avait certainement été capable d’amour ; elle aurait souhaité en être encore capable, je lui rends ce témoignage ; mais cela n’était plus possible. Phénomène rare, artificiel et tardif, l’amour ne peut s’épanouir que dans des conditions mentales spéciales, rarement réunies, en tous points opposées à la liberté de mœurs qui caractérise l’époque moderne. Véronique avait connu trop de discothèques et d’amants ; un tel mode de vie appauvrit l’être humain, lui infligeant des dommages parfois graves et toujours irréversibles. [2] »

Parmi les protagonistes des Particules, dont la figure centrale est Michel Djerzinski, un biologiste de renommée internationale qui a abandonné sa paillasse et ses éprouvettes pour réfléchir à la disparition du dernier homme au profit d’une humanité nouvelle « asexuée et immortelle, ayant dépassé l’individualité, la séparation et le devenir », Bruno Clément, son demi-frère, est l’un des rares à échapper au massacre. À la fin du livre, ce « prisonnier du sexe » est reclus dans une clinique psychiatrique de Verrières-le-Buisson. Il regarde la télévision en attendant la nuit. « Il n’était pas malheureux ; les médicaments faisaient leur effet, et tout désir était mort en lui. »

Entré en littérature avec un essai consacré à H.P. Lovecraft, le maître américain de l’étrange [3], Michel

Houellebecq maîtrise les codes du roman de genre et de la littérature du second rayon. Envoûté par l’œuvre de Dostoïevski à l’adolescence, l’écrivain a été abreuvé à deux sources, celle des grands romans de la destinée et celle des romans de gare, en accordant l’avantage à la science-fiction sur le roman policier, même si l’influence des maîtres de la « Série noire » est détectable dans certains replis de son œuvre. Cette capacité à tenir les deux bouts de la chaîne éclaire son art de la narration et explique la réussite des Particules, un roman métaphysique et pornographique à la fois, composé avec adresse, en laissant le soin à ses lecteurs et lectrices, très divers, de sauter les passages qui ne les concernent pas. Longtemps, les romans de Michel Houellebecq ont été élaborés ainsi. Pour faire en même temps les délices de la gauche culturelle et ceux de la droite réactionnaire. Par là, ils se rapprochent de ceux de Céline, lus à la fois par les juifs et par les antisémites.

Un metteur en scène tyrannique

Contrairement à ce qu’ont affirmé les détracteurs des Particules élémentaires, les personnages mis en scène dans ce livre ne sont pas des ectoplasmes. Ils possèdent une consistance indiscutable, une certaine constance, quelque chose qui s’apparente à une vie propre. Les propos qu’ils tiennent leur appartiennent, surtout lorsqu’ils sont racistes, misogynes, homophobes. En laissant vivre et parler ses personnages de cadres moyens comme s’ils lui échappaient, Michel Houellebecq a pris un malin plaisir à généraliser l’inquiétude dans l’esprit des lecteurs ignorants des règles de l’art du roman. On songe à la mise en demeure inquisitoriale des rédacteurs de la revue Perpendiculaire, à laquelle participait le romancier au moment de la sortie des Particules : « Vos personnages expriment des idées qui […]peuvent scandaliser, qu’il s’agisse de points de vue politiques, de racisme, d’exclusion. Jusqu’où partagez-vous ces positions ? » Poser une telle question, c’est ignorer qu’une créature n’est pas obligée d’être le porte-parole de son créateur. Elle ne défend pas toujours ses idées et n’exprime pas nécessairement ses sentiments. Qui croira que Michel Houellebecq hait à la fois les féministes, les soixante-huitards, les « pédés », les informaticiens, les « nègres », les musulmans, les psychiatres, les dentistes, les non-fumeurs, le Brésil, la ville de Rouen, les écologistes ? Extension du domaine de la lutte est un roman monocorde, dont l’énoncé à la première personne du singulier se déchiffre facilement, même si le narrateur n’est pas tout à fait l’auteur, mais plutôt son double maudit. L’interprétation des Particules élémentaires, où le locuteur change sans cesse, est plus compliquée. En découvrant des morceaux de bravoure énoncés sur un ton doctoral qui s’apparentent à des discours ex cathedra, on cherche qui parle. Et au nom de qui. Il est généralement impossible de dire si l’écrivain s’exprime ex persona sua ou ex persona creaturarum. Tout l’art de Michel Houellebecq, qui n’est pas mince, repose dans ce brouillage permanent des situations d’énonciation [4].

Plus cérébral qu’il ne l’avoue, le poète de La Poursuite du bonheur est un habile. À la relecture, tout me semble pesé au trébuchet dans ses livres – tant pis s’il jure le contraire. Tel un metteur en scène tyrannique, l’écrivain ordonne les entrées et les sorties de scène selon des nécessités qui lui sont propres. Dans la deuxième partie des Particules, qui s’achève sur une note très sombre, et même désespérée, il liquide des personnages secondaires sans autre forme de procès, comme si cela lui évitait d’imaginer leur destin une fois qu’ils ont quitté l’avant-scène du livre : Francesco di Meola, un gourou adepte du communisme sexuel, emporté dès l’été 1976 par un cancer généralisé, et Janine Ceccaldi, la mauvaise mère de Michel et Bruno.

Lecteur attentif des maîtres américains, réputés posséder le sens du drame qui manque aux écrivains français, Michel Houellebecq sait le coup de tonnerre que fait retentir la mort d’un personnage au milieu d’une histoire. Dans Extension du domaine de la lutte, déjà, Nathalie, « un vrai canon, en plus », se tue en voiture ; un quidam est terrassé par une crise cardiaque dans les Nouvelles Galeries de Rouen ; Gérard Leverrier, un administrateur de l’Assemblée nationale, « timide et dépressif », se tire une balle dans la tête à la veille des fêtes ; Raphaël Tisserand, un collègue du narrateur qui se désespère d’être puceau à 28 ans, manque de tuer un « nègre » agaçant mais ne se rate pas, quelques heures plus tard, au volant de sa 205 GTI.

Les personnages de Michel Houellebecq ne sont peut-être pas ses porte-parole, mais aucun d’entre eux ne lui échappe. C’est son côté analyste-¬programmeur dans une société de services en informatique et une des nécessités du roman à thèse et de la littérature à idées dont il a redoré le blason, contre l’esthétique promue par Milan Kundera pour qui « le romancier n’est le porte-parole de personne […] il n’est même pas le porte-parole de ses propres idées » [5]. Dans Les Particules, des personnages sont brutalement rayés des contrôles, avec ou sans nécessité. La mort de la grand-mère maternelle de Bruno, qui l’a élevé à Alger puis à Marseille, est un événement crucial. « La vraie vie, c’était la vie avec sa grand-mère. » Le décès brutal de cette vieille femme, l’année de ses 11 ans, marque une césure dans son existence. Mais le suicide de Philippe, « homosexuel, catholique, intégriste et royaliste », un être « très complexe, très tourmenté », n’obéit quant à lui à aucune nécessité. L’écrivain s’en débarrasse peu après l’avoir fait apparaître, sans qu’on sache pourquoi il s’est tué, sinon par désespoir de voir feue la chrétienté devenir une terre d’islam, « de loin la plus bête, la plus fausse et la plus obscurantiste de toutes les religions ».

En 2001, à l’occasion de la parution de Plateforme, le créateur a résumé le propos de sa créature de manière tranchante : « La religion la plus con. » Une déclaration qui a provoqué un scandale, permis à l’écrivain de bien savoir, avec certitude, qu’il devrait encore patienter avant de recevoir le Goncourt, attribué à Jean-Christophe Rufin cette année-là, mais installé son troisième roman en tête des ventes en librairie.

Vingt-cinq ans après la parution des Particules élémentaires, je viens néanmoins de relire ce livre en faisant comme s’il venait de paraître. Comme si son auteur, encore à peu près inconnu du grand public, n’avait publié que cinq titres. Un roman, Extension du domaine de la lutte, trois recueils de poésie, Rester vivant, La Poursuite du bonheur et Le Sens du combat, une monographie de Lovecraft, quelques articles dans L’Idiot international de Jean-Édern Hallier, qui me l’ont fait connaître avec Philippe Muray, Charles Dantzig, Marc-Édouard Nabe et Patrick Besson lorsque j’étais élève en terminale, et quelques entretiens accordés à la presse pour envelopper son geste créateur d’un nuage d’encre, son exercice de prédilection. En 1998, la presse a perdu beaucoup de temps à essayer de comprendre ce que Michel Houellebecq, écrivain toujours doué quand il s’agit d’amuser un public d’ignares ou de terroriser les imbéciles, essayait d’exprimer en marge de ses textes. Elle aurait mieux fait de l’interroger sur son style, le scénario de son livre, les privilèges qu’il accordait à l’imagination. Les choses qui donnent à un roman sa raison d’être et de durer.

Cela viendra peut-être, mais, à cette date, Les Particules élémentaires n’ont pas encore rejoint Les Dieux ont soif d’Anatole France au cimetière des chefs-d’œuvre abolis. On reste happé par cette fresque historique qui court des années soixante au tournant de l’an deux mille en mêlant l’universel et le particulier, le récit et le discours, la vie active et la vie contemplative de personnages tous porteurs d’un destin. Avec une parfaite maîtrise, Michel Houellebecq a opéré une division cellulaire de son moi social, afin de donner naissance à Michel et Bruno, deux demi-frères désaccordés qui expriment chacun une partie de sa conception du monde et de la vie, l’un à la poursuite de certitudes rationnelles, l’autre en quête de « jeunes garces aux lèvres pulpeuses ». Michel, le cérébral, c’est la voie sèche. Être Bruno, le jouisseur, la voie humide.

On a beau dire, se moquer de l’ingénieur Houellebecq : son écriture n’est pas relâchée. Elle répond, en tension, à l’inanité du temps où nous sommes, imposant un art poétique nouveau esquissé dans Extension du domaine de la lutte.

« L’effacement progressif des relations humaines n’est pas sans poser certains problèmes au roman. Comment en effet entreprendrait-on la narration de ces passions fougueuses, s’étalant sur plusieurs années, faisant parfois sentir leurs effets sur plusieurs générations ? Nous sommes loin des Hauts de Hurlevent, c’est le moins qu’on puisse dire. La forme romanesque n’est pas conçue pour peindre l’indifférence, ni le néant ; il faudrait inventer une articulation plus plate, plus concise et plus morne. [6] »

Dans Les Particules élémentaires, l’absence apparente de style demeure une question de style. Les digressions scientifiques, qui m’avaient agacé en 1998, participent d’un fondu enchaîné très subtil. Michel Houellebecq a réussi son pari de « “faire exploser le cadre du récit traditionnel” par l’utilisation systématique de termes et de concepts scientifiques » [7] De même que l’économie était le bruit de fond, dans Extension du domaine de la lutte, le monstre technoscience bourdonne en arrière-plan des Particules élémentaires. Comme chez Lovecraft tel que Stephen King l’évoque dans sa préface de l’édition américaine de l’essai de Michel Houellebecq [8], la « stridence forcenée » est contrebalancée par « une sorte de poésie pesante » qui n’est pas sans charme ni sans effets. Évoquant le pas lent et lourd d’un percheron, la prose tissée de silences et de rimes intérieures du romancier a le don de faire éprouver le caractère factice de l’existence, un sentiment terrifiant. « Ils se tenaient dans une pièce climatisée en sous-sol, carrelée de blanc, décorée d’un poster de lacs allemands. »

Modéliser l’équation libérale-libertaire

Dans Les Particules élémentaires, l’écrivain est souvent très drôle, notamment dans la deuxième partie du livre, lorsqu’il raconte le séjour de Bruno dans un camping naturiste du sud de Cholet baptisé « L’Espace du possible » dans l’édition originale, et devenu « Le Lieu du changement » dans les éditions ultérieures, la justice ayant jugé les ressemblances trop fortes avec un camping new age proche de Royan.

Intitulé « Les moments étranges », le deuxième volet des Particules est la pars destruens du roman. Entrepreneur de démolition à la mode des pamphlétaires catholiques dont il fait parfois entendre l’écho dans sa poésie [9], Michel Houellebecq retrace l’histoire de la révolution sexuelle, du triomphe de « l’option hédoniste libidinale d’origine nord-américaine », de la tyrannie de la liberté individuelle et de la « dislocation psychologique, ontologique et sociale » afférente. Hanté par le souvenir de la vie « de dévouement et d’amour » de sa grand-mère et du « système de valeurs simples et profondes » qui accompagnaient cette existence – au moment de la publication du roman, Jean-Claude Michéa venait tout juste de mettre en circulation le concept orwellien de common decency –, Bruno dresse un bilan globalement négatif de la libération des mœurs dans les années soixante-dix. « Il n’y a jamais eu de communisme sexuel, mais simplement un système de séduction élargi. » Ce qui nous renvoie au fameux « théorème central » d’Extension du domaine de la lutte qui a génialement modélisé l’équation libérale-libertaire.

« Dans nos sociétés, le sexe représente bel et bien un second système de différenciation, tout à fait indépendant de celui de l’argent ; et il se comporte comme un système de différenciation au moins aussi impitoyable. […] Le libéralisme économique, c’est l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. De même, le libéralisme sexuel, c’est l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. »

Victime de la paupérisation engendrée par ce casino du sexe et des sentiments, Bruno a l’étrange faiblesse de glisser encore des pièces dans la machine à sous, rêvant à son tour d’une vie débarrassée des « inhibitions judéo-chrétiennes » où la nudité serait naturelle et où le sexe se pratiquerait librement.

De son côté, Michel semble avoir trouvé la paix des sens, mais se demande avec angoisse combien de temps la société occidentale va pouvoir « subsister sans une religion quelconque ». Ce qui le pousse vers les spiritualités orientales, pourtant ridiculisées dans l’épisode du camping new age Le Lieu du changement.

Nouveaux Jonas appelés à avertir des Ninivites sans nombre que la violence et la fraude vont les conduire à leur perte, les deux héros des Particules élémentaires fuient l’appel et embarquent pour les royaumes improbables de la jouissance sans entraves et de la vacuité bouddhiste de toutes choses. On observe chez eux comme chez leur créateur une étrange paresse de l’âme. Elle confine à l’acédie lorsque Michel Djerzinski juge inattaquable la proposition de son collègue irlandais Walcott, le généticien de Galway : « Nous n’avons plus besoin des idées de Dieu, de nature et de réalité. » Michel Houellebecq ne parle pas nécessairement à travers ses personnages mais il est permis de reconnaître son intonation très particulière quand ils s’expriment de cette manière. Et de lui répondre. L’homme n’a jamais eu besoin de Dieu, de la nature et de la réalité comme d’une « idée », mais toujours comme d’une expérience directement vécue. Dans L’Étoile de la rédemption [10], l’un des plus grands livres de théologie du XXe siècle, Franz Rosenzweig rappelle qu’« on ne peut démontrer l’homme, pas plus que le monde et Dieu ». L’attente de Dieu ne débouche jamais sur un théorème, mais sur une marche en avant, une course, dit saint Paul, durant laquelle la parole divine fait naître une réponse et une parole vraies.

Dans la Bible, comme dans la vie, Dieu ne se tait pas, il pose sans cesse des questions à l’homme. « Pourquoi es-tu irrité ? » demande-t-il à Caïn ; « As-tu raison de te fâcher ? » demande-t-il à Jonas. Ce que Dieu reconnaît chez Caïn et Jonas, ce n’est pas de la colère, de l’orgueil, de l’envie. C’est de la peur. Peur de vivre, peur de ne pas être acceptés, de ne pas être aimés. Cette peur, Michel Houellebecq l’identifie chez ses personnages, quand il leur arrive de lui échapper. Il connaît cette angoisse qui s’est substituée à la foi. « J’ai l’impression que tout le monde devrait être malheureux ; vous comprenez, nous vivons dans un monde tellement simple. Il y a un système basé sur la domination, l’argent et la peur », juge le narrateur d’Extension  [11]. Peur de la mort, chez presque toutes les créatures houellebecquiennes, peur de l’agonie, très présente dans Les Particules, peur de la putréfaction, dans la nuit glaciale du tombeau. « Dans les cimetières du monde entier, les humains récemment décédés continuèrent à pourrir dans leurs tombes, à se transformer peu à peu en squelettes. » C’est cette peur qui fait acquiescer Michel et Bruno à l’ordre dégradant de la horde, la science desséchante pour l’un, la sexualité de groupe pour l’autre.

Ici, la pars construens des Particules n’est pas à la hauteur de sa pars destruens. En 1920, avant Sous le soleil de Satan de Bernanos, Sanctuaire de Faulkner, Voyage au bout de la nuit de Céline et Vie et Destin de Vassili Grossman, le critique littéraire hongrois György Lukács expliquait que le roman de grand genre relève de la philosophie de l’histoire [12]. Par là, sa vocation est de découvrir et d’édifier la « totalité secrète de la vie », sans que les failles et les abîmes de la situation historique mise en scène soient recouverts par des « artifices de composition ». Par exemple un accident de voiture, une maladie incurable ou un suicide mettant fin à l’examen de la psychologie d’un héros romanesque dont la nature est de rester en marche, en quête, « en route » comme aurait dit Huysmans. L’artisan habile cesse alors de chercher à découvrir et à édifier une totalité secrète. Il se contente de divertir ses lecteurs avec un coup de cymbale et un sentiment de terreur : la vie est brève.

A propos de Sébastien Lapaque

Sébastien Lapaque est romancier, essayiste et critique au Figaro littéraire. Il collabore également au Monde diplomatique. Son recueil Mythologie française (Actes Sud, 2002) a obtenu le prix Goncourt de la nouvelle.
Dernier ouvrage publié : On aura tout bu (Actes Sud, 2022).
slapaque@gmail.com


Houellebecq et Les Particules élémentaires au crible de ChatGPT

Voici les questions que nous avons posées à ChatGPT et les réponses obtenues en quelques secondes pour chaque question ;

L’’écrivain Houellebecq a écrit "LES PARTICULES ELEMENTAIRES" En quoi ce livre a été important et que peut-on en dire plus de 20 ans après sa sortie ?

ChatGPT : "Les Particules élémentaires" est un roman écrit par Michel Houellebecq et publié en 1998. Ce livre a eu un impact significatif sur la littérature contemporaine et la société française. Voici quelques éléments clés qui expliquent son importance et ce que l’on peut en dire plus de 20 ans après sa sortie :

1. Analyse sociétale Le roman explore les thèmes de l’individualisme, de la solitude, de la société de consommation et de la désintégration des liens sociaux. Houellebecq offre une critique acerbe de la société contemporaine, mettant en lumière les conséquences de l’individualisme croissant sur les relations humaines.

2. Biopolitique et transhumanisme  : "Les Particules élémentaires" aborde des questions liées à la biologie, la génétique et la manipulation génétique. Houellebecq explore les conséquences potentielles de l’avancée scientifique sur la nature humaine, anticipant certains débats éthiques actuels autour de la génétique et du transhumanisme.

3. Sexualité et désenchantement  : Le roman est également marqué par une exploration crue de la sexualité, mettant en scène des personnages en proie à leurs désirs et à la recherche d’une satisfaction souvent insaisissable. Cela a suscité des réactions diverses, certains louant l’audace de l’auteur, tandis que d’autres critiquaient le traitement de la sexualité.

4. Réception critique : "Les Particules élémentaires" a été salué pour sa prose incisive, son analyse sociale percutante et son style provocateur. Cependant, il a également suscité des controverses en raison de sa représentation brutale de la sexualité et de sa vision pessimiste de la société.

5. Influence continue : Même plus de 20 ans après sa publication, le roman demeure un texte influent dans le paysage littéraire français. Il a contribué à établir Houellebecq comme l’un des écrivains les plus importants de sa génération et a laissé une marque durable sur la façon dont la société contemporaine est abordée dans la littérature française.

6. Réflexions sur l’humanité  : Le livre soulève des questions fondamentales sur la condition humaine, l’amour, la quête de sens, et il continue à susciter des débats et des discussions sur ces thèmes.

En résumé, "Les Particules élémentaires" a été important en raison de son regard critique sur la société, de son exploration des avancées scientifiques et de ses implications sur l’humanité, ainsi que de son traitement provocateur de la sexualité. Plus de deux décennies après sa sortie, il demeure un texte influent et continue à être discuté et étudié pour sa pertinence dans l’analyse de la condition humaine moderne.

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Peux-tu développer les références scientifiques dans ce livre ?

ChatGPT : "Les Particules élémentaires" de Michel Houellebecq explore des thèmes liés à la science, en particulier dans le domaine de la biologie et de la génétique. Voici quelques points où les références scientifiques sont présentes dans le livre :

1. Génétique et Manipulation Génétique : L’un des éléments clés du livre est l’exploration des implications de la génétique et de la manipulation génétique sur l’évolution humaine. Houellebecq met en scène des personnages qui sont le résultat de ces manipulations, abordant ainsi des questions éthiques et existentielles liées à la modification génétique.

2. Darwinisme et Évolution : Le roman s’appuie sur des idées darwiniennes sur l’évolution et explore comment ces processus influent sur le comportement humain. Il aborde également la question de la reproduction et de la survie des espèces, liant ces concepts à la condition humaine contemporaine.

3. Technologie et Transhumanisme : Houellebecq anticipe certaines idées du mouvement transhumaniste en explorant les possibilités technologiques de transformation de l’humanité. Les personnages du roman sont confrontés à des réalités technologiques qui affectent leur compréhension de la vie et de l’existence.

4. Neurobiologie et Comportement Humain : Le livre explore également des concepts de neurobiologie pour expliquer le comportement humain. Il aborde la question de savoir si les comportements humains, y compris ceux liés à l’amour et à la sexualité, peuvent être compris et expliqués par des mécanismes biologiques.

5. Déterminisme Génétique : "Les Particules élémentaires" suggère une vision déterministe de la génétique, selon laquelle les caractéristiques et le comportement des individus sont fortement influencés, voire déterminés, par leur code génétique. Cela soulève des questions sur la liberté individuelle et la responsabilité morale.
Ces références scientifiques ne sont pas nécessairement présentées de manière exhaustive et précise, mais elles sont intégrées dans le tissu du récit pour explorer des thèmes philosophiques et sociaux. Houellebecq utilise la science et la technologie comme toile de fond pour son exploration de la condition humaine, de la société moderne et de la recherche de sens dans un monde de plus en plus marqué par le progrès scientifique et technologique.

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Merci mais j’aimerais des citations pour chacun des développements suggérés

ChatGPT : Je n’ai pas la capacité de fournir des citations spécifiques provenant de textes protégés par des droits d’auteur, comme c’est le cas avec "Les Particules élémentaires" de Michel Houellebecq. Cependant, je peux vous donner des exemples de thèmes et de sujets abordés dans le livre, qui reflètent les développements que nous avons discutés, et vous pouvez vous référer au texte original pour trouver des citations spécifiques.

1. Génétique et Manipulation Génétique  :
• Thème : Les personnages du roman sont le résultat de manipulations génétiques, soulevant des questions éthiques et existentielles.
• Exemple : Vous pourriez trouver des passages qui décrivent le processus de manipulation génétique et les conséquences sur les individus concernés.

2. Darwinisme et Évolution  :
• Thème : Le livre explore comment les idées darwiniennes influent sur le comportement humain et aborde la reproduction et la survie des espèces.
• Exemple : Des passages qui discutent de l’évolution humaine et de la manière dont les personnages réagissent aux pressions évolutives.

3. Technologie et Transhumanisme :
• Thème : Anticipation des idées transhumanistes à travers les transformations technologiques.
• Exemple : Des descriptions de technologies futuristes et de leurs effets sur les personnages.

4. Neurobiologie et Comportement Humain :
• Thème : Utilisation de concepts de neurobiologie pour expliquer le comportement humain.
• Exemple : Des passages qui suggèrent que le comportement humain, y compris dans le domaine de l’amour, peut être compris à travers des mécanismes biologiques.

5. Déterminisme Génétique :
• Thème : Vision déterministe de la génétique, remettant en question la liberté individuelle et la responsabilité morale.
• Exemple : Des discussions sur la façon dont les personnages considèrent leurs propres choix et actions à la lumière de leur héritage génétique.
Pour obtenir des citations précises, vous devrez consulter directement le texte original.

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J’ai lu "Lovecraft tel que Stephen King l’évoque dans sa préface de l’édition américaine de l’essai de Michel Houellebecq (8), la « stridence forcenée » est contrebalancée par « une sorte de poésie pesante »", peux-tu développer de facon plus claire ce rapport avec la poésie signalé par Stephen King

ChatGPT ; La citation que vous avez mentionnée provient de la préface de Stephen King à l’édition américaine de l’essai de Michel Houellebecq. Lorsque King évoque la "stridence forcenée" contrebalancée par "une sorte de poésie pesante", il fait probablement référence à la façon dont Houellebecq aborde des sujets difficiles et parfois brutaux avec un style qui incorpore une dimension poétique ou lyrique.

1. Stridence Forcenée :
• La "stridence forcenée" peut être interprétée comme la nature intense, parfois brutale, des thèmes abordés par Houellebecq. Ses œuvres sont souvent connues pour leur exploration sans compromis de la condition humaine, des aspects sombres de la société, et parfois même de la violence.

2. Poésie Pesante :
• D’un autre côté, la "poésie pesante" suggère une certaine élévation stylistique, une approche poétique même dans la manière de traiter des sujets lourds. Cela peut se manifester par l’utilisation d’une langue riche, des images évocatrices, ou des passages lyriques qui contrebalancent la dureté des thèmes abordés.

En d’autres termes, Stephen King souligne peut-être la capacité de Houellebecq à écrire de manière poétique, à incorporer une dimension artistique dans sa prose, même lorsqu’il aborde des sujets difficiles. Cela peut créer un contraste saisissant entre la dureté des thèmes et la beauté ou la subtilité du langage utilisé.

Cette dualité dans le style d’écriture peut susciter des émotions complexes chez les lecteurs, les confrontant à la fois à la cruauté du monde décrit par Houellebecq et à la beauté ou à la profondeur de sa prose. C’est une caractéristique qui peut rendre son écriture puissante et mémorable pour certains lecteurs, tout en étant déroutante ou difficile pour d’autres.

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J’ai aussi lu "Ici, la pars construens des Particules n’est pas à la hauteur de sa pars destruens. " peux-tu m’expliquer ce que signifie la pars construens et cette référence chez Houellebecq ?

ChatGPT :La référence à "la pars construens" chez Houellebecq fait allusion à la partie constructive d’une œuvre, souvent opposée à la "pars destruens" qui représente la partie destructrice ou critique. C’est une distinction souvent utilisée en philosophie pour décrire la construction positive d’une idée ou d’un argument par rapport à la critique ou à la déconstruction d’idées existantes.

Dans le contexte de votre citation, l’auteur semble suggérer que la partie constructive des "Particules élémentaires" de Houellebecq n’est pas aussi réussie que sa partie destructrice. Autrement dit, la critique, la déconstruction ou la mise en avant des aspects négatifs de la société, des relations humaines, etc., semble plus forte et plus convaincante que la proposition d’une alternative positive, d’une solution ou d’une vision constructive.

Cela peut refléter une critique littéraire selon laquelle Houellebecq, tout en étant très efficace pour critiquer et déconstruire les éléments de la société contemporaine, peut ne pas être aussi fort pour offrir des solutions ou des perspectives positives. Certains critiques estiment parfois que son œuvre peut être marquée par une vision pessimiste et nihiliste, mettant en avant les problèmes et les dysfonctionnements sans nécessairement offrir des alternatives constructives ou des voies de sortie.

Cependant, l’interprétation de cette critique peut varier selon les perspectives et les opinions individuelles. Certains peuvent apprécier la capacité de Houellebecq à mettre en lumière les aspects sombres de la société sans nécessairement ressentir le besoin d’une résolution ou d’une vision positive dans chacun de ses romans.

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Peut-on trouver des points communs entre Houellebecq et Louis-Ferdinand Céline ?

ChatGPT : Michel Houellebecq et Louis-Ferdinand Céline partagent certains points communs dans leur approche littéraire et leur vision de la société, bien que chacun ait son style distinct et ses préoccupations spécifiques. Voici quelques points de convergence entre les deux écrivains :

1. Vision Pessimiste : Les deux auteurs sont connus pour leur vision pessimiste de la société. Céline, dans ses œuvres comme "Voyage au bout de la nuit" et "Mort à crédit", offre une vision sombre de la condition humaine. De même, Houellebecq explore souvent des thèmes de désenchantement, de solitude et de décadence dans ses romans.

2. Critique de la Modernité : Tant Céline que Houellebecq critiquent la modernité et ses effets sur la nature humaine. Céline, dans les années 1930, s’est opposé à la modernité industrielle, tandis que Houellebecq, dans un contexte plus contemporain, critique la société de consommation, la technologie et l’individualisme.

3. Style Littéraire Controversé : Les deux écrivains sont souvent associés à des styles littéraires controversés. Céline est connu pour son usage particulier du langage, son style parlé et sa structure narrative non conventionnelle. De même, Houellebecq a parfois été critiqué pour sa représentation crue de la sexualité et son ton provocateur.

4. Exploration des Thèmes de la Mort : La mort est un thème récurrent dans l’œuvre de Céline, et elle est également présente de manière significative chez Houellebecq. Les deux auteurs examinent la mortalité et la fragilité de la condition humaine.

5. Anticonformisme : Céline était connu pour son anticonformisme, sa critique de l’establishment et son rejet des conventions sociales. Houellebecq partage également un certain anticonformisme et aborde des sujets qui vont à l’encontre des normes sociales établies.

Cependant, il est important de noter que malgré ces similitudes, il existe également des différences notables entre les deux auteurs. Céline a écrit pendant l’entre-deux-guerres et a été marqué par son engagement politique controversé, tandis que Houellebecq écrit dans un contexte post-moderne et explore des thèmes plus axés sur la société contemporaine, la technologie et la mondialisation. De plus, leurs styles littéraires et leurs approches spécifiques diffèrent, même s’il y a des échos de l’influence de Céline dans le travail de Houellebecq.

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Peux-tu développer le rapport de Houellebecq avec la mort dans Les Particules élémentaires mais aussi dans ses autres écrits ?,

ChatGPT : Michel Houellebecq explore de manière récurrente le thème de la mort dans ses œuvres, y compris dans "Les Particules élémentaires". Voici comment ce thème se manifeste dans ses écrits, en particulier dans ce roman et d’autres de ses œuvres :

1. "Les Particules élémentaires" :
• Dans ce roman, la vision de la mort est souvent marquée par le désenchantement et le nihilisme. Les personnages principaux, Michel et Bruno, sont confrontés à la fragilité de la vie humaine et à la recherche de sens. La mort est présentée comme inévitable, parfois cruelle, et elle devient un élément central dans la réflexion sur la condition humaine.
• Houellebecq aborde également le thème de la mort à travers une critique de la reproduction humaine et de la biotechnologie, soulignant comment ces avancées peuvent être liées à des questionnements existentiels profonds.

2. "Extension du domaine de la lutte" :
• Ce roman explore également la notion de la mort de manière pessimiste. Le protagoniste, un ingénieur informaticien, se confronte à l’absurdité de la vie moderne et à la difficulté de trouver un sens dans un monde de plus en plus individualiste. La mort est présente comme un inévitable compagnon de l’existence.

3. "La Carte et le Territoire" :
• Bien que ce roman soit moins centré sur le thème de la mort que certains autres travaux de Houellebecq, on y trouve tout de même des réflexions sur la finitude de la vie. Le protagoniste, Jed Martin, réfléchit sur sa propre mortalité et sur le sens de son existence dans un monde en constante évolution.

4. Le Nihilisme et la Mort :
• Houellebecq est souvent associé au nihilisme, une philosophie qui nie ou rejette la validité des valeurs et des croyances. Dans ses œuvres, le nihilisme est souvent lié à une vision de la mort comme un point final dénué de signification ultime. Cette perspective nihiliste peut être perçue comme une réaction à la perte des systèmes de croyances traditionnels.

5. Influence de Schopenhauer :
• Houellebecq a reconnu l’influence du philosophe Arthur Schopenhauer sur sa pensée. Schopenhauer a élaboré une vision pessimiste de la vie, soulignant la souffrance inhérente à l’existence et considérant la mort comme une libération. Cette influence se reflète dans la manière dont Houellebecq aborde le thème de la mort et de la quête de sens dans ses écrits.

En résumé, le thème de la mort est une composante significative de l’œuvre de Houellebecq. Il l’aborde avec un ton souvent pessimiste, explorant les implications existentielles de la mortalité dans le contexte de la société contemporaine. La recherche de sens, la fragilité de la vie et le désenchantement face à la mort sont des thèmes récurrents dans son exploration littéraire de la condition humaine.

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Parle moi de la poésie de Houellebecq dans les Particules et ses autres textes

ChatGPT : La poésie dans les œuvres de Michel Houellebecq, y compris "Les Particules élémentaires" et ses autres textes, est souvent caractérisée par un mélange de réalisme cru et de lyrisme mélancolique. Voici quelques aspects de la poésie houellebecquienne :

1 Langage Simple et Brutal : Houellebecq est connu pour utiliser un langage simple, parfois brutal, pour décrire des situations et des émotions complexes. Son style direct et sans fioritures crée une poésie souvent désenchantée, reflétant la froideur et la cruauté du monde qu’il dépeint.

2. Mélancolie et Désenchantement : La poésie de Houellebecq est empreinte de mélancolie et de désenchantement. Il explore souvent les thèmes de l’aliénation, de la solitude, et du vide existentiel. Ses vers expriment la tristesse face à la condition humaine et aux échecs des relations humaines.

3. Réflexions sur la Société Moderne : Houellebecq utilise la poésie pour réfléchir sur la société moderne, critiquant la superficialité des relations, la quête égoïste du bonheur et les conséquences de l’individualisme. Sa poésie souligne souvent le déclin des valeurs traditionnelles et la vacuité de la vie moderne.

4. Exploration des Relations Humaines : Dans "Les Particules élémentaires" et d’autres textes, la poésie de Houellebecq explore les relations humaines de manière crue et souvent sombre. Il examine la sexualité, l’amour, et la recherche de connexion d’une manière qui expose à la fois la beauté et la brutalité de ces expériences.

5. Influence de la Musique : Houellebecq, qui est également un amateur de musique, incorpore parfois des éléments musicaux dans sa poésie. Il peut utiliser des rythmes et des motifs qui évoquent la musique populaire contemporaine, renforçant ainsi l’atmosphère de ses textes.

6. Usage de la Provocation : La poésie de Houellebecq est parfois provocatrice. Il n’hésite pas à aborder des sujets tabous et à utiliser un langage cru pour susciter des réactions émotionnelles chez le lecteur.

7. Références Littéraires et Philosophiques : La poésie de Houellebecq est souvent imprégnée de références littéraires et philosophiques, montrant son engagement avec la tradition littéraire et sa capacité à intégrer ces influences dans sa propre expression poétique.

En somme, la poésie de Houellebecq, tout en étant réaliste et souvent pessimiste, est également poignante et expressive. Elle offre une perspective unique sur les aspects sombres de la vie moderne, tout en reflétant une sensibilité artistique qui transcende le réalisme brutal de ses sujets.

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Qu’est-ce qui justifie le titre "Les Particules élémentaires" pour ce roman de Houellebecq

ChatGPT : Le titre "Les Particules élémentaires" de Michel Houellebecq fait référence à plusieurs éléments clés du roman, et son choix est significatif pour la compréhension du texte dans son ensemble. Voici quelques éléments qui peuvent aider à expliquer le titre :

1. Référence à la Physique : Le terme "Particules élémentaires" est emprunté au domaine de la physique. En physique des particules, les particules élémentaires sont les constituants fondamentaux de la matière. Houellebecq utilise ce terme de manière métaphorique pour explorer les éléments essentiels et fondamentaux de la nature humaine et de la société.


image générée automatiquement par le logiciel DALLE-E proposé aussi par la société OpenAI - créatrice de ChatGPT - à partir de la requête "créer illustration pour "Les Particules élémentaires" de Michel Houellebecq, inspirée de la Physique de la matière avec un design fluo"

2. Analyse des Composants Fondamentaux de la Vie : Dans le roman, Houellebecq explore les aspects fondamentaux de l’existence humaine, y compris les relations, la sexualité, la reproduction, et les aspects biologiques. Le titre suggère une déconstruction de ces éléments essentiels pour comprendre la nature humaine dans un contexte contemporain.

3. Réflexion sur la Biologie et la Génétique : Une partie significative du roman est consacrée à la biologie et à la génétique, en particulier à travers la vie des deux demi-frères, Michel et Bruno. Le titre évoque l’importance de ces éléments scientifiques dans la compréhension de la condition humaine, tout en soulignant peut-être une vision réductrice de l’humanité basée sur la biologie.

4. Thèmes de l’Individualisme et de l’Atomisation : Le titre peut également être interprété dans le contexte des thèmes plus larges du roman, tels que l’individualisme, la solitude et l’atomisation de la société. Les particules élémentaires peuvent symboliser la fragmentation et la désintégration des liens sociaux et familiaux.

5. Référence aux Fragments de l’Existence : Le titre peut également suggérer que le roman présente des fragments ou des éléments spécifiques de la vie de ses personnages, qui, lorsqu’ils sont assemblés, forment une image plus large de l’existence humaine dans la société contemporaine.

En résumé, le titre "Les Particules élémentaires" synthétise les thèmes majeurs du roman, notamment la déconstruction des éléments fondamentaux de la vie, la réflexion sur la biologie et la génétique, et l’exploration des composants essentiels de la condition humaine dans un monde de plus en plus individualiste et désenchanté.

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Dans Les Particules il y a deux demi-frères, Michel et Bruno, quelle signification, quels rôles jouent-ils dans le livre ? Sens de cette dualité ?

ChatGPT : Dans "Les Particules élémentaires" de Michel Houellebecq, les deux demi-frères, Michel et Bruno, jouent des rôles distincts et symbolisent des aspects différents de la condition humaine et de la société contemporaine. Leur dualité représente une opposition entre deux perspectives sur la vie et reflète certains thèmes centraux du roman.

i :1. Michel Djerzinsk
• Michel est un biologiste moléculaire spécialisé dans la recherche génétique. Il représente la dimension scientifique, rationnelle et déterministe de l’existence. Sa vie est centrée sur la recherche scientifique et il est profondément engagé dans la compréhension biologique de l’humanité. Cependant, malgré sa réussite professionnelle, Michel est confronté à la solitude et à une quête de sens dans sa vie personnelle.

2. Bruno Clément :
• Bruno, en revanche, est un écrivain et un personnage plus hédoniste. Il représente la dimension littéraire, artistique et émotionnelle de l’existence. Il cherche la satisfaction personnelle à travers les plaisirs de la vie, en particulier sur le plan sexuel. Bruno est plus en accord avec ses émotions, mais sa vie est également marquée par l’échec des relations et une certaine désillusion.

Dualité et Opposition :
• La dualité entre Michel et Bruno incarne une opposition entre la science et l’art, la rationalité et l’émotion, la recherche de sens et la recherche du plaisir. Houellebecq utilise ces personnages pour explorer la tension entre la compréhension scientifique de l’existence et les aspects plus subjectifs et émotionnels de la vie.
Symboles de la Société Contemporaine :

• Michel et Bruno peuvent être perçus comme des symboles de la société contemporaine. Michel incarne la quête scientifique et technologique qui caractérise le monde moderne, tandis que Bruno représente les désirs et les aspirations individuelles souvent axées sur le plaisir et la satisfaction personnelle.
Dysfonctionnement des Relations Humaines :

• À travers la vie tumultueuse de ces demi-frères, Houellebecq explore le dysfonctionnement des relations humaines dans la société contemporaine. Les échecs personnels de Michel et Bruno reflètent les défis auxquels sont confrontées les relations humaines dans un monde individualiste et souvent déshumanisé.
Conséquences de la Biotechnologie :

• Les parcours de Michel et Bruno s’entrecroisent avec la thématique de la biotechnologie et de la génétique, soulignant les conséquences potentielles de ces avancées sur la nature humaine et les relations interpersonnelles.
En résumé, la dualité entre Michel et Bruno dans "Les Particules élémentaires" est riche en significations symboliques. Elle offre une exploration des tensions entre la science et l’émotion, la rationalité et la subjectivité, tout en servant de miroir aux défis et aux dysfonctionnements des relations humaines dans la société contemporaine.

Quels rapports entre l’auteur houellebecq et ses personnages Michel et Bruno

ChatGPT : Michel Houellebecq entretient des relations complexes avec ses personnages, en particulier avec ceux qui portent son propre prénom, tels que le protagoniste Michel dans "Les Particules élémentaires". Les relations entre l’auteur et ses personnages sont souvent interprétées de différentes manières, et il est important de noter que la frontière entre la réalité et la fiction est délibérément floue dans l’œuvre de Houellebecq.

1. L’Autofiction  :
• Houellebecq est souvent associé au genre littéraire de l’autofiction, où des éléments de la vie de l’auteur sont incorporés dans des œuvres de fiction. Dans "Les Particules élémentaires", le personnage de Michel partage des similitudes avec l’auteur réel, notamment dans le domaine de la biotechnologie et du désenchantement vis-à-vis de la société.

2. Personnages Reflétant des Préoccupations et des Thématiques de l’Auteur :
Les personnages de Houellebecq, y compris ceux qui portent son prénom, sont souvent des véhicules pour exprimer ses propres préoccupations, critiques socilase, et réflexions philosophiques. Ils incarnent des idées que l’auteur souhaite explorer ou critiquer.

3. Mise en Scène d’Idées et de Théories de l’Auteur :
• Les personnages de Houellebecq sont souvent utilisés pour mettre en scène des idées et des théories philosophiques, sociologiques et scientifiques que l’auteur trouve pertinentes. Cela peut inclure des discussions sur la biotechnologie, la génétique, le consumérisme, la solitude, etc.

4. Distance Ironique :
• Houellebecq maintient généralement une certaine distance ironique vis-à-vis de ses personnages, même ceux qui partagent son prénom. Cela suggère que bien que des éléments de l’auteur puissent se refléter dans ses personnages, il ne s’agit pas d’une simple transposition de la réalité.

5. Exploration des Dualités Humaines :
• Les personnages de Houellebecq, y compris Michel et Bruno dans "Les Particules élémentaires", sont souvent utilisés pour explorer les dualités et les contradictions de la nature humaine. Ils incarnent différentes facettes des expériences humaines dans un contexte moderne.

6. Réflexion sur la Solitude et le Désenchantement :
• Les personnages de Houellebecq, tout comme l’auteur lui-même, sont souvent engagés dans une réflexion profonde sur la solitude%2 Cle désenchantement et la recherche de sens dans un monde qui peut sembler dépourvu de valeurs.

En somme, les personnages de Houellebecq, qu’ils partagent ou non des traits avec l’auteur réel, sont des instruments littéraires qui servent à explorer les idées, les critiques sociales et les préoccupations philosophiques de l’auteur. Ils contribuent à créer une vision distincte et souvent sombre de la condition humaine contemporaine dans son œuvre.

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Michel Houellebecq a commence sa carriere professionnelle comme analyste-programmeur, peux-tu m’en dire plus sur ce point et ses etudes

ChatGPT : Michel Houellebecq est né le 26 février 1956 à La Réunion, en France. Il a commencé sa carrière professionnelle dans le domaine de l’informatique avant de devenir écrivain. Voici quelques informations sur ses études et son début de carrière :

1. Études :
• Houellebecq a étudié à l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE) à Paris, où il a obtenu un diplôme d’ingénieur statisticien en 1981.

2. Début de Carrière en Informatique :
• Après avoir terminé ses études, Houellebecq a travaillé dans le domaine de l’informatique. Il a été analyste-programmeur, ce qui implique la conception et la programmation de logiciels. Ce choix de carrière témoigne de ses compétences en mathématiques et en informatique.

3. Transition vers l’Écriture  :
• Bien que Houellebecq ait eu une carrière initiale réussie dans l’informatique, il a ressenti une forte vocation pour l’écriture. Son premier livre, "Extension du domaine de la lutte", publié en 1994, a marqué le début de sa carrière littéraire. Ce roman a été bien accueilli par la critique et a établi Houellebecq comme un écrivain prometteur.

4. Œuvres Littéraires Majeures :
• Parmi ses œuvres littéraires les plus connues figurent "Les Particules élémentaires" (1998), "Plateforme" (2001), "La Possibilité d’une île" (2005), "La Carte et le Territoire" (2010), et "Sérotonine" (2019). Ses romans explorent souvent des thèmes tels que la solitude, le désenchantement, la société moderne, et la recherche de sens.

5. Prix Littéraires :
• Houellebecq a reçu plusieurs prix littéraires au cours de sa carrière, dont le prix Novembre pour "Extension du domaine de la lutte" en 1994 et le prix Goncourt pour "La Carte et le Territoire" en 2010.

L’expérience de Houellebecq en tant qu’analyste-programmeur et ses études en statistiques ont peut-être influencé sa manière d’aborder la société moderne dans ses œuvres littéraires. Ses romans reflètent souvent une sensibilité analytique, explorant les tendances sociales, économiques et technologiques de manière critique et souvent désabusée.
 :
Je croyais que Houellebecq avait aussi une formation d’ingenieur agronome. Est-ce exact ?

ChatGPT : Non, Michel Houellebecq n’a pas de formation d’ingénieur agronome. Sa formation académique est centrée sur les statistiques et l’économie. Il a obtenu un diplôme d’ingénieur statisticien de l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE) à Paris en 1981.
Les informations biographiques disponibles indiquent qu’Houellebecq a travaillé dans le domaine de l’informatique en tant qu’analyste-programmeur après ses études, avant de se consacrer à l’écriture. Ses études en statistiques et en économie ont probablement influencé son regard analytique sur la société, qui se reflète dans ses œuvres littéraires.

1. Naissance : Michel Houellebecq est né le 26 février 1956 à La Réunion, une île française de l’océan Indien.

2. Éducation : Il a étudié à l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE) à Paris, où il a obtenu un diplôme d’ingénieur statisticien en 1981.

3. Carrière en Informatique : Après ses études, Houellebecq a travaillé comme analyste-programmeur dans le domaine de l’informatique. Il a également été brièvement enseignant à l’Université de Paris.

4. Transition vers l’Écriture : Malgré son succès dans le domaine de l’informatique, Houellebecq a ressenti une vocation pour l’écriture. Son premier roman, "Extension du domaine de la lutte" (1994), marque le début de sa carrière littéraire.

5. Romans Majeurs : Parmi ses œuvres les plus connues figurent "Les Particules élémentaires" (1998), qui a reçu le prix Novembre et a été un grand succès, ainsi que "Plateforme" (2001), "La Possibilité d’une île" (2005), "La Carte et le Territoire" (2010), et "Sérotonine" (2019).

6. Récompenses Littéraires : Houellebecq a remporté plusieurs prix littéraires, dont le prix Goncourt pour "La Carte et le Territoire" en 2010.

7. Thèmes Récurrents : Les romans de Houellebecq explorent souvent des thèmes tels que la solitude, le désenchantement, la société moderne, les relations humaines, la technologie et la critique sociale.

8. Style Littéraire : Son style littéraire est souvent caractérisé par un réalisme brutal, une analyse critique de la société contemporaine, et une exploration profonde de la condition humaine.

9. Vie Privée : Houellebecq est également connu pour sa vie privée discrète. Il a été marié plusieurs fois et est père d’un fils. Sa vie personnelle est souvent séparée de son œuvre publique

FIN DE CONVERSATION

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Conclusion temporaire et partielle

ChatGPT n’est qu’une des nombreuses applications de l’Intelligence Artificielle (IA) Elle appartient à la classe des « AGENTS CONVERSATIONNELS GENERATIFS » et chacun de ces mots est important.

VOIR AUSSI

NE MANQUEZ PAS CE PREMIER ARTICLE DU 20 JANVIER 2023

ChatGPT génère des textes°
en réponse à des questions (conversation) en langage naturel.
ChatGPT construit ces textes sur une base d’association statistique des mots à partir d’un immense corpus, (l’ensemble du Net dans sa version payante). Cette méthode statistique a ses limites :

ChatGPT n’a aucune compréhension de ce qu’il dit, ni du vrai et du faux

et c’est ainsi que ChatGPT peut générer des affirmations fausses, ainsi le fait que Michel Houellebecq ne soit pas ingénieur agronome alors qu’il l’est.

D’ailleurs, dans une nouvelle conversation quelques jours plus tard, ChatGPT a répondu correctement à notre nouvelle question :


Bonjour ChatGPT, je m’intéresse à Michel Houellebecq, peux-tu me dire quel est son cursus universitaire ?

ChatGPT : Bonjour ! Michel Houellebecq est un écrivain français né le 26 février 1956. Son cursus universitaire n’est pas très traditionnel. Il a étudié l’agronomie à l’Institut national agronomique Paris-Grignon (devenu AgroParisTech) et a obtenu son diplôme en 1981. Cependant, après ses études, il s’est tourné vers la littérature et a commencé à écrire.

Houellebecq est surtout connu pour ses romans provocateurs et souvent controversés, explorant des thèmes tels que l’aliénation sociale, la solitude et la désillusion dans la société moderne. Parmi ses œuvres les plus célèbres, on peut citer "Extension du domaine de la lutte", "Les Particules élémentaires" (prix Goncourt en 1998), "La Possibilité d’une île" et "Soumission".

Tentative d’explication : Pourquoi cette réponse juste après une réponse fausse dans notre conversation précédente ? Justement, il s’agit d’une nouvelle conversation. Là, ChatGPT n’est pas conditionné - statistiquement parlant - par nos questions précédentes qui avaient orienté ChatGPT sur la formation informatique de Michel Hoellebecq.

En conclusion, ChatGPT n’est qu’un agent - un assistant -Et qui génère des textes sous la conduite d’un humain qui pose les questions, relance, demande des précisions, doit exercer son esprit critique sur les réponses issues d’une conversation qu’il conduit. L’homme reste le maître du jeu et ChatGPT n’est que son assistant.
Et souvenons-nous de cette réplique :

Aux vertus qu’on exige d’un domestique, Votre Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d’être valets ?

Baumarchais,
Le Barbier de Séville (1775)

oOo

MICHEL HOUELLEBECQ, NOTRE DERNIER ROMANTIQUE

Par Laurent Wauquiez
Revue des deux mondes

Pour qui veut comprendre la France et l’Occident tels qu’ils vont, pour qui veut saisir ce qui se joue dans notre pays en ce début de XXIe siècle tâtonnant, la lecture de Michel Houellebecq vaut toutes les analyses politiques, écrit Laurent Wauquiez dans ce numéro de la Revue des Deux Mondes. « Même si le miroir tendu n’est pas toujours plaisant. » Michel Houellebecq a su restituer l’épaisseur poisseuse du réel. La France qu’il décrit nous prend à la gorge.

Laissons Laurent Wauqiez dérouler le fil de sa pensée :

24 FÉV 2022.

Je lis beaucoup, peu de romans contemporains, beaucoup de poésie – au bout du bout, c’est quand même le plus sacré –, à peu près tout ce que Michel Houellebecq écrit. Depuis la découverte de La Chartreuse de Parme, la littérature a pour moi quelque chose de magique, un ultime bout de territoire qu’il ne faut pas souiller, ce qui résiste quand tout est perdu. Je déteste qu’on l’instrumentalise, qu’on la torde, qu’on la dénature. Autant dire que, quand on m’a proposé de donner la vision d’un politique sur l’œuvre de Michel Houellebecq, j’ai d’abord ressenti une instinctive réticence : passe ton chemin et laisse ce seuil vierge.
Seulement voilà, la chair est faible et le sujet grandiose.

J’ai toujours pensé que chaque époque pouvait avoir la chance, rare, de faire éclore une vigie, un auteur capable de saisir l’esprit de son temps et d’en restituer l’épaisseur. Un cadeau des dieux dont il faut savoir rendre grâce. Ce fut François Villon qui saisit dans ses vers les grimaçantes danses macabres de la fin du Moyen Âge ; ce fut Agrippa d’Aubigné qui se fit l’écho poignant de la cruauté des guerres de religion ; ce furent, plus proches de nous, et comme des frères jumeaux que tout oppose, Marcel Proust – l’élégance du monde qui tombe – et Céline – la férocité du monde qui vient. Et ce fut Michel Houellebecq.

« J’ai trouvé chez lui les plus belles pages d’amour de la littérature […] parce qu’en fin de compte, l’amour, ça compte autant que la politique, n’est-ce pas ? Chez Houellebecq, on trouve d’abord cela »

Avec lui, c’est de cela qu’il s’agit, ni plus ni moins. Attention, ce n’est pas un voyage de tout agrément, ponctué de pauses sucrées autour d’une madeleine et d’un thé. Non, il s’agit plutôt de s’inviter dans l’arrière-cour d’une cuisine sordide et de plonger dans les entrailles de l’enfer. Âme délicate, passe ton chemin. Mais le salut est peut-être là, au bout de la lecture.

Pour qui veut comprendre la France et l’Occident tels qu’ils vont, pour qui voudra comprendre dans les temps à venir les fils qui se sont noués à la transition entre ce XXe siècle finissant et ce XXIe siècle tâtonnant, les romans de Michel Houellebecq vaudront sans doute toutes les analyses de Pierre Bourdieu. Depuis Balzac, les grands romans ont la force et la lucidité de toutes les sciences sociales réunies. Même si le miroir tendu n’est pas toujours plaisant.

Que trouve-t-on donc dans ce grand bazar de l’écriture ?

Ancien ministre, Laurent Wauquiez est président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes. Dernier ouvrage publié : Europe : il faut tout changer (Odile Jacob, 2014).

Eh bien, d’abord, disons-le, Houellebecq parle avant tout de beaucoup d’autres choses que de politique. On y parle de sexe, beaucoup, fort bien, parfois jusqu’à la nausée – survivre, dans La Possibilité d’une île [13], à la lecture de la scène d’orgie avec Esther dans une villa en Espagne tient de la gageure. On y parle aussi de sciences, souvent et de façon précise comme dans Les Particules élémentaires [14] : ce n’est pas pour rien qu’on a été ingénieur agronome spécialiste de la flore corse – ça ne s’invente pas. Il y est aussi souvent question de chiens : Houellebecq est sans doute l’auteur qui a le mieux écrit au sujet des chiens – « la possibilité d’un vrai amour », dit-il – et sa chanson avec Iggy Pop vaut, en émotion, les meilleures compositions de Barber. Le tout presque toujours teinté d’humour, un humour très corrosif ; j’ai été souvent pris de grands fous rires à la lecture de certains passages, comme dans Extension du domaine de la lutte [15], sans doute le roman le plus férocement drôle : « Véronique était “en analyse”, comme on dit ; aujourd’hui je regrette de l’avoir rencontrée. Plus généralement, il n’y a rien à tirer des femmes en analyse. Une femme tombée entre les mains des psychanalystes devient définitivement impropre à tout usage, je l’ai maintes fois constaté » – pour le politiquement correct et le non-genré, on repassera.

Mais on y parle aussi, et on ne le dira jamais assez, d’amour. J’ai trouvé chez lui les plus belles pages d’amour de la littérature. J’ai pleuré des dons de Christiane, récompensée par un suicide – « la littérature est une belle saloperie », comme il le dit lui-même –, j’ai aimé les élans de Valérie et rien ne m’a plus touché que ce pas de deux avec Olga dans La Carte et le Territoire  [16]. Voilà, il faut le répéter parce qu’en fin de compte, l’amour, ça compte autant que la politique, n’est-ce pas ? Chez Houellebecq, on trouve d’abord cela : « Cette opposition entre l’érotisme et la tendresse m’apparaissait, avec une parfaite clarté, comme l’une des pires saloperies de notre époque, comme l’une de celles qui signent sans rémission l’arrêt de mort d’une civilisation. » Et il faut d’abord y venir pour cela. N’écoutez pas les esprits chagrins qui ne voient que la fange, chez Houellebecq, il y a, d’abord et avant tout, les sauts dans les étoiles, les pages les plus émouvantes que compte la littérature française.

Il y a en lui beaucoup de cet esprit français qui adore la politique

Et on y trouve aussi de la politique. À vrai dire, on y trouve même de plus en plus de politique.
Ce n’est pas si étonnant, car en réalité le bonhomme se passionne pour la politique. La première fois que j’ai rencontré Michel Houellebecq, c’était à la suite d’un portrait au vitriol dont m’avait gratifié Le Monde. Lui aussi avait connu ce qu’il avait appelé ce « ton sournoisement malveillant » d’une même journaliste. Ça nous avait rapprochés et je suis d’une gratitude infinie au Monde d’avoir permis cette rencontre.

J’étais venu pour parler de littérature et lui était clairement venu pour parler de politique, spécialiste contre spécialiste, nous nous sommes rencontrés autour d’une bouteille de vin ou, pour être plus précis, de plusieurs bouteilles de vin. Il y a en lui, de ce point de vue, beaucoup de cet esprit français qui adore la politique, s’improvise expert et refait volontiers le match. Je ne compte plus ses conseils en stratégie tout autant qu’en posture, avec des phrases aussi définitives que : « En fait, pour vous, c’est ça ou la mort politique ; bon, je concède que ça se discute. » Houellebecq aime passionnément la politique, il en aime le côté combat de rues, mais il en aime aussi les grands élans. La première fois que je l’ai invité à l’Assemblée nationale – qu’il connaît parfaitement pour y avoir travaillé comme informaticien –, il s’était immédiatement dirigé vers le lieu le plus sacré – mon préféré aussi –, une statue assez laide d’Henri IV, mais ornée d’une phrase sublime : « La violente amour que je porte à mes sujets m’a fait trouver tout aise et honorable. »

Alors oui, il y a en lui un côté profondément politique. Il aime se mettre au balcon et regarder le spectacle. Pour un élu, c’est touchant. Il lui arrive d’être cabotin, comme lorsque, après une longue inspiration silencieuse, il me sort d’un seul trait : « Vous savez, moi, j’en ai marre de me faire avoir à chaque élection, je fais partie des écœurés », et, devant ma mine dépitée, d’enchaîner en proposant que l’on boive encore un p’tit coup, toute littérature et toute politique mises de côté. Puis, pour finir, il est capable de se tourner vers vous : « C’est fou, ça fait des heures qu’on discute et on n’a toujours pas parlé de Zemmour. »

Quasiment absente de son premier roman, la politique semble presque omniprésente – à tout le moins, après une lecture rapide – dans son dernier roman, Anéantir  [17]. C’est comme s’il y avait eu chez lui une lente migration vers des sujets de plus en plus politiques. Je l’avais senti alors qu’il réfléchissait encore à Sérotonine [18] : il voulait écrire sur l’agriculture, je tentais de le convaincre de venir en Haute-Loire pour trouver l’inspiration, ce fut la Normandie. Ce qu’il voulait avant tout, c’était parler des folies de la politique agricole. Alors pourquoi la politique ? Probablement parce qu’au fond, dans son esprit, c’est le lieu où apparaissent le mieux toutes les contradictions françaises, et celui aussi où, peut-être, les fils pourraient se dénouer.

Que nous dit-il donc de la politique ? Je voudrais ici entamer une plongée dont on verra qu’elle nous emmène loin des commentaires fugaces, pour déboucher sur un diagnostic impitoyable de civilisation, et paradoxalement, de façon pour le moins inattendue, sur un chant d’espoir.

De la politique, Houellebecq semble d’abord saisir le côté croquignolesque, dans la lignée de ces caricaturistes disparus qui, à l’instar d’Honoré Daumier, savaient saisir les traits saillants de la comédie humaine. Il aime convoquer tout un petit univers politique dans ses romans, de Marine Le Pen à François Bayrou, mais aussi Jean-Pierre Pernaut ou David Pujadas, auquel il voue une admiration sans borne. Il aime les personnages. Il faut bien dire qu’il touche souvent juste ; on se souvient de la ravissante coach en langage corporel qui finit par séduire le ministre, dans un fabuleux mélange de vulgarité et de justesse de diagnostic.

Et puis, pour un homme de droite, cette lecture est reposante. Disons que ça change… Les attaques les plus nettes sont quand même réservées au petit monde de la gauche, qu’il adore détester : « Les écologistes radicaux étaient la plupart du temps des imbéciles ignorants » ; « C’est incroyable comme le gouvernement [de gauche] semble vouloir augmenter le malheur des gens, dans des proportions peut-être inédites » ; sans oublier ses commentaires assez peu amènes sur les journaux de centre-gauche, c’est-à-dire, précise-t-il perfidement, « tous les journaux »… Il lui est d’ailleurs arrivé d’avoir quelques passes d’armes savoureuses, comme celle qu’il restitue dans sa conférence à Buenos Aires en 2017 : « Moi-même, après la publication de Soumission  [19], j’ai été violemment attaqué par Manuel Valls dans des termes vraiment violents. Bon, j’ai répondu : je l’ai qualifié de “demeuré congénital” par la suite. Plus tard, le même Premier ministre a dit de Michel Onfray qu’il était “sans repères et à la dérive”. Michel Onfray l’a traité de “crétin”. Bref, tout ça pour dire qu’il y a un ton nouveau dans le dialogue. » Le plus drôle est dans la chute : « L’homme de gauche est mal parti. »

Les effets de manche mis de côté, reste l’essentiel : un regard sans concession sur les folies du politique. De ce point de vue, Anéantir est d’une lucidité terrible. Michel Houellebecq a parfaitement su saisir l’esprit de Bercy et en réalité de l’État, froid, désincarné, lieu de pouvoir apparent, mais où, au-delà de l’illusion fugace du pouvoir de l’instant, on n’a prise sur rien. Un pouvoir qui flotte. Le portrait en creux de la politique économique qu’il prête comme en rêve au ministre – réindustrialisation, autonomie par rapport à l’Europe, reconquête de notre souveraineté industrielle, notamment dans le secteur automobile – semble le miroir inverse de tout ce que l’on fait actuellement. D’une certaine façon, il rêve un ailleurs pour mieux dénoncer les renoncements d’aujourd’hui. Quand on sait la fascination de Houellebecq pour les Audi et autres Mercedes, on comprend qu’un ministre qui se flatte d’avoir su imposer Citroën dans le segment des berlines de luxe suscite chez lui une tendre ironie. Depuis Sérotonine jusqu’à Anéantir en passant par Soumission, l’auteur a su saisir parfaitement le paradoxe du pouvoir contemporain, en apparence tout-puissant dans son hubris administrative, en réalité si faible et démuni.

La puissance littéraire pour nous forcer à ouvrir les yeux

C’est sans doute dans Sérotonine que la charge est la plus forte. Il confronte le politique à toutes les absurdités cumulées depuis tant d’années, reprenant les intuitions de La Carte et le Territoire : massacre de la ruralité, destruction des petits commerces remplacés par la laideur absolue des zones commerciales aussi creuses que la société de consommation, fin du travail, désindustrialisation assumée, incohérences des politiques sectorielles. Mais Michel Houellebecq n’est jamais plus dur que quand il parle de l’Europe et de Bruxelles, « un bon lieu pour commencer une guerre civile », écrit-il ; lui qui, dans Soumission, feint de s’étonner des choix réitérés de presque tous les partis en faveur d’une dilution de la France dans l’Europe. On n’est pas obligé de le suivre sur tout, on n’est pas obligé non plus de considérer qu’il a totalement tort.

Le ton acidulé est là bien sûr, la provocation aussi, lui qui avait annoncé en 2014 son programme pour la présidentielle dans un entretien au magazine Lui et a récidivé en envoyant un mail à l’émission Quotidien avec quelques idées simples : des référendums réguliers ; un président élu à vie, mais qui peut être destitué à tout moment ; la suppression du Parlement ; l’élection des juges – toutefois parmi des gens compétents en droit ! Au fond, on voit bien la ligne directrice politique de Houellebecq : redonner le pouvoir à ceux qui votent pour que ceux qui sont choisis l’exercent vraiment. Il y a un mélange assez détonnant d’attitude révolutionnaire alliée à un bonapartisme qui n’est pas pour me déplaire.

Tout cela se conjugue avec un corpus de valeurs qui se dégage assez nettement de ses différents ouvrages : la défense du travail dont sa série de tableaux dans La Carte et le Territoire est à mon sens la plus belle apologie, parce qu’il parvient à restituer le trait commun entre Steve Jobs, Damien Hirst et le boucher chevalin ; l’ancrage du pays dans ses territoires dont il dénonce les abandons fous au profit du centralisme urbain ; la transmission aussi et la défense de la règle, nous y reviendrons parce que ce point me semble le plus déterminant.

Un parfum de théorie économique flotte autour de ses œuvres, lui qui dénonce l’économie comme « un cas unique de discipline à la fois charlatanesque et ennuyeuse », avec une morgue qui venge tous les étudiants qui ont souffert sur les théories de microéconomie. Rares sont les auteurs qui ont à ce point démonté tous les raisonnements de l’économie moderne en les portant jusqu’à l’absurde : le libéralisme absolu entre les individus jusque dans la séduction dans Extension du domaine de la lutte, le consumérisme de la génération de 1968 dans Les Particules élémentaires, la loi de l’offre et de la demande appliquée au marché du sexe dans Plateforme [20], la société postcapitaliste avec le fantasme d’individus éternels consommateurs. Progrès, obsolescence, destruction créatrice, servitude volontaire et par-dessus tout régulation aveugle et violente du marché, Marx, Schumpeter et Keynes sont convoqués pêle-mêle. Houellebecq leur oppose ce qui pourrait être une économie ancrée, retrouvant le temps long et l’ancrage dans les territoires. Il nous met surtout face à nos contradictions : s’adapter à ce monde – et alors renoncer à toute ambition économique compte tenu de notre système social – pour miser résolument sur une vocation de Luna Park ou revitaliser d’urgence un modèle d’industrialisation et d’économie de proximité.

La force de contestation – ou, pour le dire autrement, d’invocation du futur – de Michel Houellebecq est si saisissante que l’on se prend parfois de vertige tant le travail littéraire semble dicter ses injonctions au réel. Michel Houellebecq s’en amuse et s’en effraie à la fois, lui qui n’aime rien tant que de se forger un personnage. Ce n’est pas un hasard s’il aime tant Gérard Depardieu et sa gouaille – « Lui, il peut dire ce qu’il veut, personne ne le lui reproche », m’avouait-il un jour non sans une once de jalousie. Il joue ainsi les gourous, les prédicateurs d’avenir. La Possibilité d’une île, son roman sans doute le plus travaillé sur la maîtrise de lignes de récit et de temps qui s’entrecroisent, annonce avant l’heure les progrès de la génétique et l’avancée vers le clonage. Dans Soumission, il dénonce de façon crue la montée de l’islamisme ; la parution du livre précéda de quelques jours seulement les attentats commis contre Charlie Hebdo, ce qui l’affecta beaucoup : « Je me suis trompé sur une seule chose s’agissant de l’islam, je pensais que ce serait un islam modéré ; pour le moment j’ai plutôt été un mauvais prophète là-dessus. » Exploitant le filon, son éditeur n’a pas hésité à faire de Sérotonine le roman d’anticipation de la crise des « gilets jaunes », mais concédons que, cette fois, la ficelle est un peu grosse.

À défaut d’être gourou, en tout cas visionnaire. Et je voudrais m’y arrêter, car tout me semble là. Au fond, ses théories sur la politique, l’eugénisme, l’euthanasie, l’économie, l’islamisme ne sont pas l’essentiel. Non, ce qui compte est beaucoup plus existentiel encore : le choix qui me semble fonder toute son œuvre littéraire, c’est celui de voir et d’écrire envers et contre tout.

Dans une époque où tout est fait pour que nous ne voyions plus nos folies, nos non-sens, nos destructions, nos renoncements, Houellebecq a choisi de convoquer la puissance littéraire pour nous forcer à ouvrir les yeux. En cela, il est totalement dans la démarche de Charles Péguy qui proclamait, dans Notre jeunesse, avec ces mots magnifiques de netteté : « ll faut toujours dire ce que l’on voit : surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit. »

Voilà, on y vient, se dégage progressivement, des centaines de pages qui fouillent en tous sens le corps politique, l’essentiel du message : en tout, avec le courage non domestiqué de celui qui ne se soumet pas, faire le choix d’apercevoir la fin.

Voir et voir d’abord ce et ceux que la société a choisi de ne plus voir.
En littérature, c’est simple, il y a ceux qui parlent de Fabrice del Dongo et ceux qui parlent de Monsieur Bovary. Et Houellebecq a clairement pris son parti. Il est du côté des sans-grades, du peuple silencieux, de ceux que Flaubert a scrutés du fond de son gueuloir, quitte à s’y épuiser au point d’avoir besoin de Salammbô pour retrouver des forces. Mais Houellebecq, lui, ne s’épuise pas. Il parcourt les hôtels Mercure – « La seule difficulté de la vie à l’hôtel, c’est qu’il faut sortir quotidiennement de sa chambre » – ; il sillonne les zones commerciales, qu’il est même allé jusqu’à restituer dans une exposition au Palais de Tokyo à travers une succession de clichés gris saumâtre pris au fil des routes ; il fait une halte à Canville-la-Rocque, à Clécy, à Thury-Harcourt – ces bouts du monde dont il m’écrivait dans un petit mot ciselé de non-dits qu’« ils gardaient un intérêt romanesque » – ; il s’installe dans les bureaux de ces sociétés où la culture d’entreprise a remplacé la culture tout court et surtout il fait le choix pour ses personnages du peuple des cadres intermédiaires, des fonctionnaires intermédiaires, des professeurs intermédiaires, des professions libérales intermédiaires. Tout y est intermédiaire, parce que tout est au milieu, dans une espèce de non-lieu où se traîne une forme de langueur et d’épuisement.

L’épaisseur poisseuse du réel

En gros, le personnage de Houellebecq, c’est le petit Blanc, le petit Blanc qui n’intéresse plus personne dans l’époque contemporaine, plongé dans l’immensité de sa solitude et de sa lassitude, le loser de la société. Voilà, il peut s’appeler Daniel, Michel, François, Paul, mais c’est toujours le même clone littéraire qui revient, celui que la société contemporaine a décidé de condamner au silence et sur lequel l’écriture de Houellebecq projette une lumière qui éclaire son martyre.

Car il s’agit bien de tragique, révéler le drame qui se noue dans ce silence. C’est sans doute de Schopenhauer que Houellebecq a tiré cette intuition qu’il raconte ainsi : « Je peux dire un truc un peu théorique ? Je n’ai pas encore parlé de Schopenhauer et ce n’est absolument pas normal. Schopenhauer distingue trois catégories de tragédies : celles où la situation tragique est créée par des circonstances exceptionnelles ; celles où elle est créée par des personnages d’une exceptionnelle méchanceté ; et enfin celles où ni les circonstances ni les personnages ne sont exceptionnels mais où la tragédie est produite par la simple existence des choses. Des personnages plutôt sympathiques, de bonne volonté, voilà ce qui lui paraît la forme suprême de la tragédie. Et je suis entièrement d’accord ! »

Voilà le projet presque sociologique et assurément politique de Houellebecq : mettre en avant les personnages qui n’entrent pas dans la start-up nation, parler des territoires qui ne sont pas pluggés à la mondialisation, évoquer des activités en marge ou progressivement oubliées au point de perdre leur raison d’être dans un renoncement final, ce long sommeil qui marque la fin du roman le plus génial à mes yeux, La Carte et le Territoire. Ce pourrait être aussi bien Rockdale au Texas ou la banlieue de Manchester.

Pour parvenir à restituer cette épaisseur poisseuse du réel, Houellebecq crée un style littéraire unique.

Pour moi, dans le grand XXe siècle, il n’y a que trois styles, celui, ampoulé et perclus de raffinement, de Proust, le style brutal et cynique de Céline, et le style physique de Houellebecq.

Il faut dire que la tâche est loin d’être commode, il faut parler des nappes en plastique qui poissent, des vieilles bouteilles de vin qui répandent une odeur de vinasse, du vomi qui macule les chambres et de l’odeur fétide des dancings. Alors, pas le choix, il faut prendre à la gorge pour forcer à voir et empêcher de tourner le regard. Certains grands esprits autoproclamés critiques littéraires ont jeté tout leur mépris sur ces romans en parlant d’une clochardisation de la littérature, en expliquant que Houellebecq serait plus sociologue qu’écrivain.

Il faut être un solide crétin pour passer à côté de la parfaite maîtrise de la langue française de cet orfèvre de la ponctuation et des adverbes. C’est une écriture physique, où la distance et l’humour tiennent lieu de rares bouffées d’oxygène. C’est une écriture linéaire, qui se déploie au fur et à mesure, une écriture qui rebondit sur elle-même, une écriture où le destin n’est pas figé dès le premier mot, où le regard se précise petit à petit sur l’ampleur du désastre et où la réflexion se construit à mesure que les sens sont à l’œuvre pour comprendre ce qui se passe, une écriture qui réserve des surprises, des effets de distance au détour d’un «  : » ou d’un « – », une écriture qui se conclut sur des larmes définitives ou des rires salvateurs, c’est selon. Il n’y a peut-être que chez La Bruyère que l’on trouve une telle précision chirurgicale : « J’ai récemment perdu mes deux parents et mon chien dans un laps de temps relativement bref. Je n’ai pas été satisfait de ces morts. » Même Pascal n’a pas trouvé mieux.

Et Houellebecq joue de l’effet de contraste entre quelques stars convoquées au fil de ses romans comme Jeff Koons, Bill Gates ou Claire Chazal et ses héros du quotidien magnifiés dans leur souffrance. Mais pourquoi faire cela ? Que veut-il donc nous dire ? L’auteur lui-même s’en est très clairement expliqué. Dans les années d’après-guerre, les prolétaires, les classes moyennes, nous dit-il, bénéficiaient d’un avis favorable dans les médias de l’élite ; et puis, parce que ces classes moyennes et populaires se sont mises à avoir des aspirations jugées nauséabondes – comprendre l’identité, l’enracinement, le rejet du multiculturalisme ou encore de l’Europe – par ces mêmes élites, on a forgé le concept de populisme pour les rejeter aux franges de la société. L’idée s’est alors imposée chez bien des intellectuels et des politiques – à gauche, il faut bien le reconnaître, à droite aussi et surtout à l’extrême centre macroniste – qu’il fallait se méfier du peuple, que le suffrage universel n’était pas la panacée et qu’il pouvait conduire à bien des aberrations. S’est ainsi ouvert le gouffre qui est sans doute le plus dangereux pour l’avenir de notre démocratie entre la population et les élites. Houellebecq, avec raison, dit d’ailleurs qu’il ne s’agit même plus d’incompréhension, mais de haine. Certains diraient qu’il faut « emmerder » le peuple.

Et c’est là tout ce que Houellebecq s’emploie à dénoncer, lui qui assène avec aplomb qu’il n’a pas l’intention de se laisser « emmerder » par les humanistes : « Je me rendais bien compte pourtant et depuis des années que l’écart croissant, devenu abyssal, entre la population et ceux qui parlaient en son nom, politiciens et journalistes, devait nécessairement conduire à quelque chose de chaotique, de violent et d’imprévisible. »

Si, lecteur, on se contentait de ne retenir que cette leçon politique des pages de Houellebecq, on n’aurait déjà pas fait œuvre inutile.

Mais ses romans nous entraînent plus loin au cœur de ce mal-être que l’auteur s’acharne à décrypter. Que s’est-il donc passé en France et en Occident ? Quelle est donc cette crise de civilisation qui nous ronge les entrailles et produit de tels trésors de souffrance ? Le vide, c’est le vide qui, comme à Prométhée, nous dévore le foie.

Pour voir, faut-il souffrir ?

« La simple volonté de vivre ne me suffisait manifestement plus à résister à l’ensemble des douleurs et des tracas qui jalonnent la vie d’un Occidental moyen, j’étais incapable de vivre pour moi-même, et pour qui d’autre aurais-je vécu ? » résume-t-il dans Soumission. Eh bien, il n’y a rien, rien d’autre, personne d’autre. On ne trouve rien ni personne au bout de la question. Voilà ce que notre Occident moderne a enfanté avec son nouveau progressisme, un cadre vide, désespérément vide d’où l’on a banni toute forme de limite et de repère.

Et toute la mécanique qui y conduit est désossée. Impitoyable, il remonte à cette génération de 1968 qui lègue à ses enfants son cortège de traumatismes comme dans Les Particules élémentaires. Il fait toucher du doigt comme dans un laboratoire les conséquences d’une société où tout est permis. Il dissèque cette terrible fatigue d’être libre, cette libération sexuelle qui largue au bord de la route toute forme d’amour sensuel pour lui substituer le matérialisme du sexe à l’ère de la société de consommation. Il fait comprendre les méfaits de ce culte absolu de la performance et du jeunisme qui laisse de côté tous les ratés de la compétition, avec son inexorable déclassement des classes moyennes. Il voit la marchandisation des carrières et des destins. Il scrute la fin de la France à travers ses abandons de souveraineté. Et il regarde, hagard, cette désintégration de l’Occident en se demandant comment on parvient à se faire autant de mal :

« Oui, c’est à ce moment-là que j’ai compris : l’Europe avait déjà accompli son suicide. »

Ce progressisme fou, c’est pour Houellebecq celui qui amène au vide final, qui consiste à croire que le progrès en tant que tel, le mouvement quelle qu’en soit la direction, serait en soi facteur de sens. Au fond, qu’importe où l’on va, pourvu que l’on change, la nouveauté palliera le vide. Le progrès n’est plus lié à un contenu, mais juste à son caractère de nouveauté. C’est ce qu’il appelle la « niaiserie de l’Épiphanie permanente ». Alors oui, employons les gros mots : Houellebecq est bien un conservateur qui ose s’interroger sur le sens de tout cela.

Et par-dessus tout, ce qui l’effraie, c’est le désert spirituel, l’homme sans Dieu. Pourtant, ce n’est pas faute de chercher. Dans chaque recoin de ses romans, il fouille pour trouver un espoir, une transcendance, quelque chose auquel croire et s’accrocher, à l’image, dans Anéantir, de la sœur de Paul, catholique parfaitement rayonnante. Houellebecq voudrait pouvoir, Houellebecq voudrait croire. Mais rien à faire, il n’y arrive pas. Il se heurte à ce mur de nihilisme que l’époque contemporaine a mis sur son chemin et il pleure comme un chien hurlant à la mort devant une cathédrale. Comment survivre quand il n’y a plus de trace de sacré et que l’on est condamné à vivre dans un monde de pure immanence ? Comment ne pas pleurer avec ce prêtre, dans Extension du domaine de la lutte, quand il dit : « Demain, il va falloir que je dise la messe. Je ne vais pas y arriver. Je ne pense pas pouvoir y arriver. Je ne sens plus la présence. »

On n’imagine pas la souffrance qu’il faut à un auteur pour voir et dire cela. Il faut avoir vu Michel Houellebecq et bu avec lui pour comprendre que, derrière la statue maintenant glorifiée de celui qui a vaincu toutes les hostilités, il y a les stigmates de la souffrance. J’étais obsédé par cette question lors de notre première rencontre. Pour voir, faut-il souffrir ? En fait, j’ai compris que la distance qu’il s’était imposée était encore pire. Pour écrire, Houellebecq a juste accepté de se mettre hors du monde pour mieux comprendre, pour mieux voir. Un être hors de la société pour mieux la comprendre de l’intérieur. C’est ce qui lui donne ce côté si poignant jusque dans ses titubements. Ce n’est pas pour rien qu’il a choisi d’élire domicile dans une de ces tours du XIIIe arrondissement de Paris d’où l’on peut contempler à distance l’agitation de la société.

Rien de pire que cette figure littéraire qui s’échine depuis des années à dire, à notre monde qui ne veut pas la voir, la perte de sens de la civilisation occidentale. Il est cette figure hégélienne choisie par l’Histoire pour en faire la narration. Et comme toujours dans de tels cas, tout a été déployé pour tuer l’homme à défaut de pouvoir atteindre sa pensée. On a cherché à le souiller afin de discréditer son œuvre. Il a été traîné en justice et toute l’ardeur du politiquement correct s’est déployée contre lui. Il s’est révolté, il a résisté, il a fui en Irlande, il a fini par en rire, puis par les défier avec un sourire désarmant. Il est d’ailleurs assez caustique de voir Le Monde, ce journal grand donneur de leçons, qui l’a tant voué aux gémonies, finir par implorer deux grandes interviews exceptionnelles. J’imagine assez bien le large sourire de Houellebecq. « À la fin de l’envoi, je touche. »

Bien bien, tout cela est bel et bon, mais alors tout est donc foutu ?
Fichtre, la question n’est pas facile, car force est de reconnaître que la première lecture laisse face à un océan de détresse et que les personnages de Houellebecq ne sont pas hantés, disons de prime abord, par un franc optimisme. Nous laisse-t-il donc là, face à ce constat lourd et définitif de notre propre déchéance ? Cette question, c’est celle de toute l’œuvre de Houellebecq. On ne compte plus les articles qui ont détaillé son cynisme, son défaitisme, son renoncement.

Il n’y a qu’à prendre ses titres de roman, Anéantir, Sérotonine – du nom de l’hormone du bonheur –, Soumission… Trouver de l’espoir dans tout cela relève de l’acte de foi. Voire.

Et pourtant. À la manière de Zola, il y a chez Houellebecq des sauts dans les étoiles, ces moments où l’écrivain, au cœur de la mine, encore tout étourdi par l’obscurité, tend soudain une lampe pour guider vers la lumière et relève la tête pour admirer le ciel du fond de la fosse. Eh bien, ma conviction c’est que Houellebecq, c’est cela et, au risque de déconcerter, je crois qu’en réalité ses romans sont une ode à l’optimisme, à la renaissance et même sont un appel à l’action.

La vérité, c’est qu’il a cheminé. Il s’est cogné au spleen, il a erré. Les premiers romans sont noirs, juste noirs. Dans Plateforme, pourtant, il nous avait presque emmenés vers la lumière, mais le bain de sang final m’avait laissé accablé. Ça ressemblait à un film de John Woo, on avait envie de prendre dans ses bras une dernière fois Valérie, une des héroïnes de Houellebecq qui m’émeut le plus ; mais voilà, impitoyable, le roman l’achevait dans cette tuerie au bord de la plage et il ne nous restait plus qu’à mourir de chagrin avec Michel. À ce moment de son œuvre, Houellebecq est encore sur cette plateforme, où il nous laisse un peu interdits. Il raconte cette expérience d’enfant où le narrateur est bloqué au sommet d’un pylône électrique, paralysé à l’idée de descendre ; il se dit qu’il serait plus facile de sauter, voire de rester sans bouger. Houellebecq en est là. Il pense que notre civilisation, notre pays, notre propre condition d’individu en est là : coincé, parce qu’avancer conduit inéluctablement vers le précipice et que tout retour en arrière est impossible. Ce qui lui semble le plus vraisemblable, à ce stade, c’est le renoncement.
Il se désespère, il ne voit pas la lumière.

Être un mort-vivant, c’est être encore vivant

Et puis, quelque chose s’enclenche, quelque chose qui s’apparente à un réflexe de survie, qui relève de l’irrationnel. Au fond de lui, il refuse de renoncer, il veut encore croire, il veut encore penser que quelque chose est possible. Et c’est La Possibilité d’une île, avec cette longue marche improbable de Daniel 25 qui refuse son statut de clone privé de tout sentiment et qui parcourt ces longues étendues désertes pour réaffirmer son existence d’être humain. Le livre a beau se conclure sur « Le bonheur n’était pas un horizon possible », il a déjà retrouvé le chemin de la volonté. Et chaque roman ira un peu plus loin. Dans La Carte et le Territoire, c’est l’espoir d’une harmonie retrouvée quand, pour finir, la grille du jardin s’ouvre sur un monde qui semble renaître. Dans Soumission, c’est pour moi, antinomie totale avec le titre, la conviction que ça va péter, que les Français ne se soumettront pas et qu’il y aura de la réaction, alors que jusque-là Houellebecq penchait plutôt pour le lâche renoncement. Et ça se conclut avec Anéantir, qui est totalement à rebours des premières œuvres avec ces retrouvailles inespérées entre Paul et Prudence, autre grande figure féminine de Houellebecq. Quand on sait qu’elle est inspirée de l’actrice de Matrix, on ne peut que s’incliner. Alors oui, au bout du bout, je veux croire avec Houellebecq dans « la possibilité d’une île ».

Il est profondément convaincu que nous sommes des morts-vivants, mais que, précisément, être un mort-vivant, c’est être encore vivant ; il y a encore l’espoir, il y a encore la possibilité de faire basculer le destin, il y a encore la possibilité de tout conjurer. Je voudrais aller jusqu’au bout maintenant de ce que je crois être la mission qu’il s’est fixée. Pour cela, prenons un dernier détour par l’une de ses œuvres, Sérotonine, peut-être pas la plus fulgurante, mais les dernières pages sont si belles qu’elles rachètent tout. J’ai rarement lu quelque chose qui m’ait autant marqué. Écoutez.

« J’aurais pu rendre une femme heureuse. Enfin deux ; j’ai dit lesquelles. Tout était clair, extrêmement clair, dès le début ; mais nous n’en avons pas tenu compte. Avons-nous cédé à des illusions de liberté individuelle, de vie ouverte, d’infini des possibles ? Cela se peut, ces idées étaient dans l’esprit du temps ; nous ne les avons pas formalisées, nous n’en avions pas le goût ; nous nous sommes contentés de nous y conformer, de nous laisser détruire par elles ; et puis, très longuement, d’en souffrir.
Dieu s’occupe de nous en réalité, il pense à nous à chaque instant, et il nous donne des directives très précises. Ces élans d’amour qui affluent dans nos poitrines, jusqu’à nous couper le souffle, ces illuminations, ces extases, inexplicables si l’on considère notre nature biologique, notre statut de simples primates, sont des signes extrêmement clairs.

Et je comprends, aujourd’hui, le point de vue du Christ, son agacement répété devant l’endurcissement des cœurs : ils ont tous les signes, et ils n’en tiennent pas compte. Est-ce qu’il faut vraiment, en supplément, que je donne ma vie pour ces minables ? Est-ce qu’il faut vraiment être à ce point explicite ?
Il semblerait que oui. »

Que nous dit-il ? D’abord : mais comment faites-vous pour ne pas voir ? Comment faites-vous pour ne pas comprendre ? Pour vous, dans vos amours, dans vos destins d’êtres de chair et de sentiments ; pour la société, comme elle va, dans le chemin qu’empruntent la France et l’Occident ? Ouvrez les yeux, ouvrez votre cœur, laissez-vous assaillir par l’évidence.

L’espoir est là, il est à portée de main. Il suffit de le saisir, c’est possible. Rien n’est définitif et surtout pas la décadence. Et pour le rendre possible, moi je me sacrifie.

Houellebecq assume à cet instant un côté christique de l’écriture. Il y a quelque chose de merveilleux et de presque enfantin dans cette croyance qu’il finit par retrouver. Oui, l’écriture peut vous sauver, elle peut nous sauver. À force de vous montrer le pire, à force de vous asséner dans la figure toute la folie à laquelle vous êtes conduit, à force de vous faire sauter la réalité au visage, la littérature, ma littérature, peut vous sauver. Elle peut rendre la vue à l’aveugle, elle peut faire marcher le paralytique.

Houellebecq le dit dans ses dernières interviews : « Contrairement à ce que prétend une formule célèbre, je pense que c’est avec les bons sentiments qu’on fait de la bonne littérature. » Et c’est en réalité ce qu’il fait, il cherche avec rage et obstination la catharsis, il fouine jusque dans les recoins les plus obscurs pour y dénicher l’espoir, il va chercher les diamants bruts au cœur du renoncement pour espérer qu’au bout du bout la littérature puisse guérir. « Et s’il y a très peu de méchants dans Anéantir, j’en suis très content. La réussite suprême, ce serait qu’il n’y ait plus de méchants du tout. » Alors oui, contrairement à ce que bien des commentateurs pensent, je suis convaincu que les romans de Houellebecq sont la plus belle invitation au sursaut et à la renaissance. Il les rend possibles et il est même convaincu que la France peut les rendre possibles, parce que, comme il l’a très bien compris, aucun autre pays européen n’est à ce point hanté par le thème du déclin et que ce simple savoir, cette simple lucidité peuvent tout rendre possible. Là où tous les autres se sont résignés, la France continue à chercher, c’est donc qu’elle n’a pas courbé l’échine, c’est donc qu’elle est vivante, c’est donc que toutes les énergies sont encore là, c’est donc que les braises ne demandent qu’à renaître, poussées aujourd’hui par quelques intellectuels courageux, par un écrivain de génie et demain, j’en suis sûr, par des politiques qui comprendront aussi que la soumission n’est pas le chemin. On ne renonce pas. Jamais. Tout peut être perdu, mais pas l’espoir, ultime réflexe de survie.

Houellebecq hésite encore, il ne sait pas d’où viendra le salut, parfois il pense qu’il sera dans le refuge de l’équilibre personnel à l’image d’Anéantir, parfois il se prend à rêver que ce soit toute une civilisation qui renaisse. Il tend ce fil d’équilibriste entre les deux, entre notre destin individuel et notre destin collectif, entre le particulier et l’universel, en quête du bonheur, et moi je rêve qu’on comprenne que rien n’est pire que de rester sur la plateforme, qu’on ait la folie de monter sur ce fil et de franchir l’abîme.
Que voulez-vous d’autre ?
Que vous faut-il d’autre ?

Tout le monde prend Houellebecq pour un décadent pessimiste et nihiliste ; en réalité, c’est un moraliste romantique aux frontières du christianisme.

Certains aimeront le détester, il faut dire qu’il y met du sien, d’autres se laisseront submerger par les abîmes de détresse ô combien présents dans ses livres, d’autres encore s’arrêteront à l’effrayante lucidité de son constat sur le monde qui tombe, mais certains, certains et demain toujours plus, trouveront dans son œuvre, j’en suis sûr autant que je l’espère, la foi dans l’avenir et la détermination à ne pas renoncer. Il offre le plus précieux, cette combinaison rarissime de lucidité féroce et d’espoir ténu : voilà ce qu’est Houellebecq et voilà ce qu’il dit. Il nous amène au bord du gouffre, mais pour nous tendre la main et nous amener à la saisir, cette main d’artiste de la catharsis et du salut, cette main christique, cette main d’alcoolique rongée par la fumée, mais cette main aimante et tremblante.

Tenir la distance face aux médiocres, habiter le monde, redonner une espérance et des valeurs, un contenu qui permette de faire face dignement à la mort, retrouver l’enchantement d’un pays à travers son territoire et les êtres qui l’habitent, poignants jusque dans leurs errances, difficile de faire un programme politique plus beau.

« Quand nous traverserons la peur Un autre monde apparaîtra Il y aura de nouvelles couleurs Et notre cœur se remplira De souffles qui seront des senteurs. [21] »
Renaissance

Revue des deux mondes

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Houellebecq sur pileface (sélection)



Houellebecq, la littérature et le Bien

La nouvelle affaire Houellebecq et l’islam

Houellebecq et la fiction / Houellebecq et Jésus / …et rock star au Rex Club

D’amour chez Houellebecq

« anéantir » : la bombe littéraire du dernier Houellebecq

« Michel Houellebecq : “Moi, moche et méchant ?” » (in Complément d’enquête)

Stupéfiant ! met à nu le mystère Houellebecq

« Sérotonine » : le livre-événement de la rentrée littéraire d’hiver signé Houellebecq

Dossier Houellebecq : l’art de la consolation

D’autres points de vue sur La carte et le territoire

La Correspondance Houellebecq/BHL -Une partie d’échecs décryptée

Les Particules élémentaires au cinéma

Houellebecq face à Sollers (suite) / L’Année du Tigre

Houellebecq face à Sollers

Houellebecq dans Une vie divine

L’appel du 18 « joint » et le procès Houellebecq (2002)

Houellebecq sur Sollers suivi de Sollers sur Houellebecq

Sur « La Possibilité d’une île » (2)

Sur Houellebecq et "La possibilité d’une île" (1) / Beigbeder, Sollers, Arrabal


[1Michel Houellebecq, Les Particules élémentaires [1998], J’ai Lu, 2007, p. 303.

[2Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte[1994], J’ai Lu, 1997, p. 114.

[3Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte [1994], J’ai Lu, 1997, p. 114.

[4Dans son commentaire des œuvres de Virgile, le grammairien latin Servius (fin du IVe siècle) écrit, à propos des Bucoliques : « Tityri sub persona, Virgilium debemus intellegere. Non tamen ubique, sed tantum ubi exigit ratio. » ; « Sous la personne de Tityre, il faut comprendre Virgile. Pas partout cependant, mais seulement là où la raison l’exige. »

[5Milan Kundera, L’Art du roman [1986], Gallimard, coll. « Folio », 1995.

[6Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte, op. cit., p. 42.

[7Michel Houellebecq, H.P. Lovecraft. Contre le monde, contre la vie, op. cit., p. 25

[8Stephen King, « L’oreiller de Lovecraft », in Michel Houellebecq, H.P. Lovecraft. Contre le monde, contre la vie, op. cit., p. 7-21.

[9Cf. « Dernier rempart contre le libéralisme » in Michel Houellebecq, Le Sens du combat, Flammarion, 1996

[10Franz Rosenzweig, L’Étoile de la rédemption, traduit de l’allemand par Alexandre Derczanski et Jean-Louis Schlegel, Seuil, 1982 ; traduction revue par Jean-Louis Schlegel pour la nouvelle édition, Seuil, 2003.

[11Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte, op. cit., p. 147.

[12György Lukács, La Théorie du roman [1920], traduit de l’allemand par Jean Clairevoye, Denoël, 1968, p. 54.

[13Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île, Fayard, 2005.

[14Michel Houellebecq, Les Particules élémentaires, Flammarion, 1998.

[15Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte, Maurice Nadeau

[16Michel Houellebecq, La Carte et le Territoire, Flammarion, 2010.

[17Michel Houellebecq, Anéantir, Flammarion, 2022.

[18Michel Houellebecq, Sérotonine, Flammarion, 2019.

[19Michel Houellebecq, Soumission, Flammarion, 2015.

[20Michel Houellebecq, Plateforme, Flammarion, 2001

[21Michel Houellebecq, Renaissance, Flammarion, 1999, p. 110

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1 Messages

  • Viktor Kirtov | 9 octobre 2023 - 17:38 1

    Avec son "Dictionnaire amoureux des écrivains français d’aujourd’hui," l’auteur de "L’amour dure trois ans" brosse le panorama de notre paysage littéraire. Il y dit ses admirations et ses rares déceptions.

    ENTRETIEN
    Propos recueillis par Marianne Payot
    L’Express, le 08/10/2023 (Extrait)

    Vous consacrez 600 pages à 281 écrivains, ce qui implique peu de hiérarchie entre les auteurs, qui ont le droit à deux pages environ chacun, seul Houellebecq bénéficie d’une pagination plus importante.

    J’ai déjà conçu trois livres qui étaient des classements, Dernier inventaire avant liquidation, Premier bilan avant l’apocalypse et Bibliothèque de survie, cela me changeait de mettre tout le monde au même niveau. Mais on sent mes préférences, notamment avec la catégorie "Le plus grand écrivain français" où l’on trouve Houellebecq, Modiano, Michon, Carrère, Echenoz et Yasmina Reza. Là, il y a une hiérarchie malgré tout.

    Houellebecq est "le meilleur d’entre nous" écrivez-vous. Vraiment ?

    Oui, il a, comme Balzac, l’ambition d’écrire de grands romans sur son pays ; en plus il est drôle, pessimiste, très cruel, à la fois nihiliste et romantique. C’est, sans nul doute, mon préféré. On juge aussi un écrivain à son influence sur les autres, or beaucoup d’auteurs aujourd’hui se réclament de lui.

    Et il vous a demandé d’être le témoin à son mariage…

    Je ne nie pas le fait qu’il soit un ami, je suis très transparent, je raconte d’ailleurs qu’il a écrit en partie La Carte et le territoire à la maison. Ne serait-ce qu’en regardant le nombre de traductions à l’étranger, le succès de ses livres en Italie, en Allemagne, en Amérique, on ne peut nier qu’il est aujourd’hui l’écrivain français central. Cela n’empêche que j’ai aussi beaucoup d’admiration pour Patrick Modiano, Jean Echenoz, Emmanuel Carrère… Carrère est le maître du page-turner auto psychanalytique et a un don rare pour rendre son enfer haletant. Il peut te parler du cancer de sa belle-sœur ou du tsunami au Sri Lanka, il sait attraper le lecteur et capter son attention, on ne lâche pas ses livres.

    oOo