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La Correspondance Houellebecq/BHL - Une partie d’échecs décryptée

D 15 septembre 2009     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Raphaël Frangione dont la langue maternelle est l’italien, et qui vit en Italie, analyse pour nous la correspondance Houellebecq-BHL publiée, en 2008, sous le titre Ennemis publics. Un défi lancé par Michel Houellebecq à Bernard-Henri Lévy, une partie d’échecs où les pions, les cavaliers, les fous... sont des missives. Que va révéler des écrivains et des hommes leur jeu ? Raphaël Frangione a fait l’effort de nous le dire en français, se souvenant de son passage à la Sorbonne. Merci de cette attention, sachant combien il est difficile de s’exprimer avec justesse et nuances dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle, ni une langue d’usage régulier.

Le titrage est de pileface, ainsi qu’une partie des illustrations. Nous avons aussi ajouté la vidéo Houellebecq-BHL que France 2 leur a consacrée (Daniel Picouly, Café littéraire). Une émission entière ! Cette émission, souvent superficielle, en balayant trop brièvement ses sujets, leur était exclusivement consacrée, et le dialogue qui s’est instauré entre Houellebecq et BHL a fait le reste. Plus, des documentaires mettant en perspective leurs deux vies et deux carrières. Au final, un bon document. A voir ! (L’émission a été découpée en 8 parties pour en faciliter l’écoute).

V.K.

« être vivant, c’est être fait de mémoire ».

Philip ROTH, Patrimoine, Folio/Gall., 1994.

« ...on vit ce qu’on écrit et n’invente donc rien, jamais ».

J. SERENA, L’acrobate, 2004.

« La Littérature est aussi affaire d’être ».

W. MARX, Vie du lettré, 2009.

La Correspondance
Michel Houellebecq/Bernard-Henri Lévy,
une partie d’échecs décryptée.

Qu’est-ce qui pousse deux écrivains, deux auteurs contemporains singuliers, inclassables, fortement individualistes et « méprisables » à s’aventurer dans leurs arrières, privilégiant un genre inaccoutumé, la Correspondance ?

Beaucoup de choses. Le besoin de lever un peu le voile (même si l’idée de « se rejoindre » leur fait terriblement horreur) sur une existence passée à jouer avec les mots et les idées, la volonté de réagir à une vague intense d’accusations, d’insultes et de délégitimations, mises en ?uvre récemment par une critique famélique, volontiers libidineuse, en quête d’une crédibilité évidemment en baisse [1], le goût de la mystification ou de la vérité......

Et si les raisons de cette « bizarre » coproduction qu’est le livre, ENNEMIS PUBLICS (Ed. Grasset, 2008), étaient d’ordre plus éditorial et économique que littéraire ? Ce ne serait ni étonnant ni scandaleux, le monde de la littérature étant très sensible à la grande diffusion et soucieuse de rentabilité. Si bien que faire cohabiter deux écrivains distants de mille lieues tant sur le plan du passé professionnel et formation [2] que sur celui des caractères et du comportement, à vrai dire incompatibles (plus agressif et dynamique celui de BHL, plus timide et distant celui de MH), ça pouvait être une excellente idée qui aurait rencontré le plaisir de bon nombre de lecteurs égarés et assoiffés de textes moins confessionnels.

-  « Ennemis publics » nous semble la publication à laquelle le grand public s’attendait. En période de surabondance de textes auto-fictionnels, il fallait un texte « nouveau », un texte à deux voix qui joue sur le contraste/écart, rendu plus évident quand leurs échanges prennent un caractère intellectuel, voire littéraire. Là, la séparation est radicale et rien ne peut la combler. Un livre qui se veut une sorte de « libération », mais qui vit de ce mélange et qui avance le long de deux voies divergentes mais claires, touchant à une multiplicité de thèmes d’intérêt général, littéraire et, pourquoi pas, personnel.

Une préoccupation commune traverse cependant ce livre d’échanges : contester et contraster ce qui pour Houellebecq est « l’effroyable avachissement de la culture et de l’intelligence françaises », ce phénomène d’asservissement de la critique aux critères de nature commerciale et à une écriture qui ne vise qu’à produire des effets à sensation paradoxaux et abstraits.
BHL et M. Houellebecq en sont les victimes préférées. Ils décident, par ce texte, d’endosser ensemble l’exigence de clarté et d’indignation. D’où une correspondance qui s’étale du 26 janvier 2008 au 11 juillet de la même année et qui donne à Houellebecq l’occasion de parler de sa famille et de dire ses « vérités » sur la polémique suscitée par la publication du livre de mémoires, L’innocente, où sa mère, Lucie Ceccaldi, déverse sur son fils et sur sa vie professionnelle une large suite d’accusations et d’injures très graves [3]. C’est aussi le prétexte pour répondre à une avalanche de boue à propos de son dernier film, « La possibilité d’une île », tiré du livre de même nom, et dont il a été réalisateur.

Côté BHL, l’écriture d’ « Ennemis publics » lui a semblé un bon prétexte pour réagir, une fois pour toutes, à une critique malveillante qui aime le présenter comme une sorte de « marionnette ». Une image/cliché d’intello-star qui ne lui ressemble pas et qui lui est devenue insupportable parce que construite, répétitive et tout à fait dépourvue de sens. Cette fois il semble que la critique s’acharne contre le BHL réalisateur de films.
Qu’on l’appelle « touriste du désastre », « philosophe de télévision » ou encore tout simplement « chroniqueur », BHL incarne la tradition française de l’intellectuel comme médiateur entre la raison et la conscience morale. Face au vide, « au gouffre sans fins ni fonds » (p.130) qu’est devenu le monde des humains, il est toujours là où la dignité et les droits fondamentaux de l’homme et de la femme sont fortement mis en cause.

Rien moins que plus de 300 pages. Des lettres qui sont des espèces de petits récits, des va-et-vient agréables qui permettent de suivre l’évolution de leur pensée duelle sur une multitude de questions (la religion, la politique, les médias, la littérature, la figure de l’écrivain, le futur du monde, le mouvement de ’68, le terrorisme et l’Islam, etc..)

En regard de ces considérations, résumer « Ennemis publics » sous forme de liste de thématiques nous semblerait assez réductif, voire inutile. Car c’est vrai que le lecteur est souvent chatouillé là où ça lui plaît et que le genre de la Correspondance se prête mal à l’approfondissement et à la discussion, mais il demeure que certaines lettres nous paraissent particulièrement intéressantes, dans le sens où elles abordent et développent des concepts qui mériteraient une attention plus suivie.

Il nous plaît de porter l’attention sur trois grandes questions qui sont au c ?ur de l’actualité et qui mobilisent et sur lesquelles les deux épistoliers insistent particulièrement. Ils se demandent : a) s’il y a encore un avenir pour la littérature d’idées, pour une forme d’engagement à visée idéologique et philosophique. Car elles sont mortes, les idéologies ; b) si le rapport entretenu avec les Médias favorise l’écriture ; c) si la Poésie peut apporter le bonheur.

a) Un avenir pour une littérature d’idées ?

Plus que de « dialogue » (terme impropre contesté par BHL) il serait plus juste de parler de « débat », au sens plus traditionnel du terme. Mais avec une différente tonalité d’approche et de réaction. Plus souffrante, moins réactionnaire, l’attitude de M. Houellebecq, préoccupé de prendre ses distances vis-à-vis d’une multitude de personnages hostiles et prévenus, des « micro-parasites » (p.15), prêts à vomir en toutes les occasions toutes sortes de malveillances les plus extrêmes (la référence assez claire vise d’une part le journaliste Pierre Assouline, et son blog, d’autre part Denis Demonpion). Plus dynamique et argumentative la position de BHL plus habitué que son ami, à manifester en public sa désapprobation à ce « phénomène déplaisant » (p.17) qui voit la Littérature soumise à de continues attaques de la part de certains « animaux de meute ».

Au fond, il n’y a que le plaisir, constatent-ils non sans amertume, du discrédit, le goût sadique du dénigrement, d’une basse campagne journalistique, visant à certifier la crise de la Littérature et de sa fonction d’inférence et d’orientation des consciences [4] Les deux écrivains non seulement contestent la légitimité de cette thèse, mais estiment que la Littérature et l’écriture sont les seules armes qui permettent d’entrer dans les faits, d’apprendre ce qu’il y a de plus secret dans les sentiments. Bref, de raconter la vie.

Bien que contrairement aux tenants de la Littérature, dite « auto-fictionnelle », à ceux qui comme P. Modiano, Christine Angot, ne réussissent à sortir de leurs cauchemars intimes, ou comme Philippe Sollers, pour qui « les écrivains sont là pour raconter comment ils vivent » (p.36), BHL prend ses distances avec la Littérature du « moi » car l’écrivain n’est pas le chantre d’une réalité parcellisée, celle de la jouissance là, maintenant, dans l’instant, celle qui permet des projections d’identification et d’interprétation ; il n’est pas non plus celui qui essaie de clôturer, avec des piquets, son champ d’action et d’intérêt.
Pour lui, l’écrivain doit connaître toutes les situations même les plus extrêmes et réagir avec indignation et colère pour combattre l’indifférence et, ce qui est pis, l’ignorance et cette sorte de mutisme général complice face auquel le monde de l’information ne peut se dire exempt de responsabilités.

Partout dans le monde on a affaire à des guerres, des injustices, des abus dont l’homme est en même temps acteur et victime. Il faut que la Littérature soit plus présente en ces régions-là pour dire à tous les horreurs et les atrocités que tant de peuples oubliés, du Darfour à l’Iran, des nations africaines à celles asiatiques, ont dû supporter.
Non. Aux guerres oubliées d’Afrique, aux tueries de Sarajevo, aux meurtres de masse de l’Algérie, à la dévastation tchétchène et récemment au climat de terreur in Iran à la suite des élections présidentielles contestées, en somme, aux malheurs des autres, il n’y a qu’une seule réponse possible, « courir le monde, dénoncer les injustices et les désordres et donner doctement son avis » (p.76). Ce que la société civile demande à la Littérature et à l’écrivain/intellectuel c’est qu’ils soient capables de hisser toujours et sous toutes les latitudes « le drapeau des Lumières ». BHL l’a fait avec sérieux et lucidité, abordant les petites comme les grandes causes, sûr que la Littérature ne peut jamais se dire innocente. Depuis longtemps il a décidé de sillonner le monde, de se mobiliser pour des guerres « sans noms, sans archives, sans histoire » (p.81). Car au-delà de la diversité des fois religieuses, des institutions et des traditions, la liberté conserve une valeur universelle précieuse à préserver.

Houellebecq, lui, paradoxalement, mais pas trop, compte tenu de son marquant individualisme et de ses traits comportementaux « gauches et indolents », aime mieux s’abstenir que participer. Il a choisi, comme Daniel [5] de La Possibilité d’une île, le camp des « décorateurs », de ceux qui n’ont pas le courage de répondre à la brutalité du monde avec une brutalité accrue. Il aime rester dans l’ombre, dans la clandestinité, avoir plus de temps et de calme pour réfléchir sur les faits qui arrivent, évitant, ainsi, le risque de se laisser aller à toutes formes de délire. Plus qu’intellectuel engagé (le terme lui semble « ridicule ») il aime se définir « recorder ». Bien entendu, il a terriblement horreur des guerres, « elles sont des pertes de temps » (p.93) dit-il, et de la violence physique. Mais la violence n’est pas seulement l’imposition, la vraie violence est, pour BHL, celle perpétrée à Sarajevo, ville martyre, en Afrique, en Afghanistan, quand des bombes tombent à quelques mètres de distance, dans le Panchir, et chercher un asile dans les grottes ou dans les fossés, y restant des jours, des semaines, sans même respirer, sans manger ni écrire, est le seul besoin.

On se rend vite compte que la prudence n’est pas l’attitude la plus adéquate et que la pratique de la désobéissance civile et la bonhomie comme stratégie ne fonctionnent pas et qu’il faut ouvrir la porte à la « possibilité d’une île ».
Un écrivain est tel s’il vit dans son propre temps, si son engagement ne se réduit pas à une manifestation d’indignation ou à la formulation d’une pétition. Il doit être opérationnel à travers l’écriture. Certainement la vie d’un écrivain, aujourd’hui, relève de l’extraordinaire, mais à bien des égards, il ne faut pas qu’il soit nécessairement sage ou philosophe ou encore érudit. La Littérature n’a pas besoin de « meneurs de foule », de « joueurs de flûtes » qui sautent sur les barricades au nom d’une conscience civile et morale collective ou qu’ils soient dans les « unes » des quotidiens nationaux ou mieux qu’ils participent aux shows permanents à la télé. Et s’ils décident de faire le sacrifice de leur vie, qu’ils le fassent uniquement pour que la parole des autres soit bien entendue.
En un mot, faire en sorte de favoriser ce que Jean-Louis Chrétien définit, dans son essai sur la joie, avec le terme de « dilatation », une sorte d’éloge de l’Ouvert, de l’Ailleurs, où la Littérature n’impose pas sa vision et essaie de porter intérêt au monde et à autrui. Faire de la Littérature de cette façon, c’est reconnaître qu’elle a encore la capacité de séduire, la capacité d’élargissement du pensable. Il est de toute évidence que la conception lévyenne de la Littérature passe par le contact direct avec le temps présent qu’il cherche, malgré sa fuite et son imprévisibilité, à bien lire, dans le sens de le rendre plus compréhensible. Car le résultat de son action n’est pas de transformer le monde mais de le rendre plus acceptable.

b) Quel rapport avec les médias ?

C’est sur le rapport avec les médias que la discussion est plus attirante.
La publication du texte de Lucie Ceccaldi marque le point le plus haut de la polémique avec la presse écrite conventionnelle et Internet. Houellebecq a bien compris que c’est lui l’objet de cette sorte de campagne haineuse . « L’adversaire est partout » (p.202) dit-il et cet ennemi est d’autant plus dangereux qu’il utilise tous les moyens pour faire passer de lui un profil d’homme méchant et méprisable. Un tas d’articles « vulgaires et putassiers » (p.202) accompagne, en fait, la sortie du livre, des comptes-rendus marqués d’un esprit de dénigrement systématique et barbare, un seul objectif celui de décréter la fin de l’avenir littéraire de Houellebecq.
C’est indécent que le monde de l’édition, composé d’ « individus médiocres » (p.205), décide sans délicatesse ni compétence, ce qu’il est digne de proposer aux lecteurs. Michel Houellebecq est encore plus incrédule et indigné alors qu’il constate que les écrivains n’ont pas encore pris conscience de l’énorme mal qu’une littérature sous tutelle cause au monde de l’information.

BHL connaît bien ce qu’est que la calomnie et la médisance. Il en a fait tristement expérience quand il a été dénoncé, dans des livres pitoyables, comme un « voyou », une sorte d’esclavagiste. Dans ses écrits il a décrit les zones grises du monde urbain et de la scène littéraire en particulier et de celle journalistique, règne incontrôlé et incontrôlable de la méchanceté et de la médiocrité.
Il a combattu contre l’idée démagogique et répugnante d’une Littérature/spectacle et contre tant de servilité et toutes espèces de « copinage » liées au monde de l’édition. Pour l’auteur de « L’Idéologie française » (Ed. Grasset) écrire c’est une condition de survie, c’est une façon de se soustraire à tous les processus de cannibalisation. C’est lutter contre les pouvoirs de vassalisation et de domestication que les « nouveaux médias » essaient d’exercer sur les générations à venir.
Si « dans nos sociétés ubuesques » (p.211), la rumeur est maître incontesté ça ne veut pas nécessairement dire que c’est toujours la meute qui gagne. Bien plus, il faut faire face à cette sorte de marée montante de la bêtise et pour l’écrivain il ne reste que se fabriquer des « îles », des « îles mentales » (p.220), celles qui ont permis à Sartre et à Camus, bons guerriers et excellents stratèges, de n’être pas là où on les attendait, continuer à entendre la Littérature comme service, capable d’interpréter les besoins et les aspirations d’une humanité en crise de perspectives, assumant plus de responsabilité « non de rester vivants, mais de gagner » (p.224). Car écrire de la littérature c’est enseigner à ne pas craindre de revendiquer la parenté avec le social et le culturel, à se rencontrer là où se produisent les échanges entre plusieurs cultures. Bref, se situer dans un espace totalement perméable, qui permette de sortir des oppositions stériles en faveur d’un regard alternatif, d’une interactivité plus réelle, plus durable.
Au fond, ce qui soude cette « bizarre » correspondance c’est l’envie de rechercher toujours une réponse commune à la « honte » d’une presse tendancieuse, tantôt grotesque tantôt féroce, qui fait de l’exagération et de la vulgarité ses traits marquants.

c) Et la poésie dant tout ça ?

Quant au troisième point, la poésie, on le sait, est le « premier amour » de Houellebecq. Il y éprouve une sensation de joie inimaginable [6]. Des poèmes modestes, certes, mais qui lui posent déjà quelques petites interrogations quant à la gestion de la notoriété grandissante. Une responsabilité culturelle qu’il sent lourde, d’autant qu’il n’était pas sûr d’avoir trouvé sa voie définitive. C’est vrai que le roman impose beaucoup plus de travail que la poésie (genre mineur), mais également que dans la poésie et uniquement dans la poésie les mots réussissent à créer des harmonies, des complicités, des intimités, des perversions secrètes. Car ce ne sont pas les personnages qui vivent, ce sont les mots qui donnent des sensations uniques, des vibrations lumineuses et douteuses. Malgré son grand succès dans le roman Houellebecq ne veut pas renoncer à la poésie, à cette illusion. Il ne veut pas perdre son innocence rêveuse, mais surtout ne pas trahir la relation de confiance qu’il a péniblement construite avec les lecteurs de la première heure. Il hésite entre l’art et l’amour, entre l’écriture et les passions « douces », entre les grandes causes et les sentiments plus légers, entre le communicable et l’incommunicable.

Sur cette question BHL, lui, va au-delà, et veut dépasser cette vaine querelle qui oppose les tenants d’un genre majeur par excellence et ceux qui aiment les genres mineurs. Pour le philosophe l’ennemi numéro un de l’écrivain c’est le conformisme, c’est le cliché, c’est la théorie qui prétend conduire l’inspiration. Il est temps que la Littérature se délocalise vers d’autres arts, d’autres champs, libérant ainsi l’écrivain d’une filiation purement littéraire, pour nourrir la littérature-monstre de sujets bien plus envoûtants qui permettent une perception plus fine de la vie entière (Tanguy Viel, Jean Echenoz ont bien travaillé en proximité du cinéma).
Certes, l’artiste ne peut pas « appartenir » à une classe, un clan, un groupe, ni non plus souhaiter sa castration revendiquant le principe d’autonomie et d’indépendance de l’inspiration. Faire que le « moi se gonfle, se vide, se dilate au rythme de l’ ?uvre et s’efface quand l’ ?uvre est finie » (p.288), c’est la condition que le philosophe BHL s’impose chaque fois qu’il a fini d’articuler un discours critique. Il a toujours envie d’aller dans le sens de la réflexion et ça lui convient.

Et alors, pourquoi ce livre de correspondance si « bizarre », si bouleversant, si singulier ?
Sans doute, pour « l’amour joyeux des livres » (p.307), pour lire et goûter les livres des autres, pour trouver dans la lecture cet esprit de jouissance dont parlait R.Barthes, pour respirer à pleins poumons la complexité de la vie ou de la non-vie, pour regarder vers le ciel et, « d’abord, le ciel des idées » (p.82).
Assurément, « pour empêcher que le monde ne s’écroule » (p.308).

Prof. Raphaël Frangione

 ? Les numéros entre parenthèses renvoient à l’édition française de Grasset, 2008.


Michel Houellebecq et BHL sur France 2 Part 1


Houellebecq et Levy sur France 2 le 10 octobre 2008 - émission Daniel Picouly café littéraire.

Michel Houellebecq et BHL sur France 2 Part 2


Michel Houellebecq et BHL sur France 2 Part 3


Michel Houellebecq et BHL sur France 2 Part 4


Michel Houellebecq et BHL sur France 2 Part 5


Michel Houellebecq et BHL sur France 2 Part 6


Michel Houellebecq et BHL sur France 2 Part 7


Michel Houellebecq et BHL sur France 2 Part 8


Crédit : nleoo.


[1Cynique, controversé, aimant rester dans l’ombre, la parution de ses premiers romans catapulte Michel Houellebecq du jour au lendemain sur la scène médiatique, sans en avoir pleine conscience. Il devient ainsi la cible préférée d’une critique littéraire qui n’a jamais cru à son talent narratif. Même impact quand il porte lui-même à l’écran son roman « La possibilité d’une île ». Ce n’est pas la première fois qu’il expérimente sa capacité de passer à la réalisation, mais cette récente épreuve est critiquée comme nulle quant au rythme lent, aux personnages qui manquent de consistance. Un film qui raconte peu et qui touche pour 1h30 à une seule thématique générale. Ce n’est qu’un navet.

Même destin pour BHL, le plus médiatique des intellectuels français qui a tourné, des films tous sévèrement jugés indigents. Il est devenu, ainsi, un gibier pour cette « multitude lyncheuse, dévoreuse, étripeuse » (p.24) d’experts qui se considèrent à même d’exprimer des jugements de valeur. BHL en a pris conscience en tant que juif et écrivain. Mais fidèle à sa conception de la littérature, il a continué, dans sa longue carrière, à s’indigner contre la désinformation et contre l’art suprême du mensonge. Ce n’est qu’un devoir.

[2Plus intense et dense celui de Bernard-Henri Lévy, philosophe, essayiste, journaliste et metteur en scène, qui ne s’absente guère de la scène médiatique depuis plus de trente ans. Autant dire que BHL est un des écrivains français les plus prolifiques de sa génération, un véritable intellectuel dont la ligne de démarcation entre l’être philosophe et l’homme de lettres est assez faible, comme l’a été son maître tutélaire Jean-Paul Sartre. Et par là son ?uvre s’inscrit bien dans la grande tradition « voltairienne » de la culture française, se situant à l’intérieur d’une littérature d’idées plutôt que d’une littérature de sentiments.

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« Les Particules élémentaires »
(version outre_Manche)

Moins riche, le parcours professionnel de Michel Houellebecq, poète, aimant le cinéma et les voyages, auteur de textes déroutants qui ont fait beaucoup de bruit tels que « Les particules élémentaires » publié chez Flammarion (1998) et « La possibilité d’une île » parue chez Fayard en septembre 2005, les deux romans les plus réussis.

[3Si les relations de M. Houellebecq avec son père sont surprenantes, un mixe d’indifférence et d’incompréhensions (ils ne se connaissent vraiment pas et les quelques jours de vacances que Michel avait l’habitude de passer chez son père, à la montagne, le rendaient encore plus distant et renforçaient son caractère taciturne), avec sa mère le rapport est inexistant.
Et la publication, le 7 mai 2008, de « L’innocente », un texte d’intérêt mineur au point de vue strictement littéraire, mais qui a fait beaucoup de bruit, signe la rupture totale. Dans ce texte de confessions la mère de Houellebecq, Mme Lucie Ceccaldi, raconte sans regrets ni remords, sa vie aventureuse dans les pays africains, ses colères, ses passions, ses ennuis de santé. Elle accuse son fils de « imposture » et d’avoir tarabiscoté ses romans.
Quoi de plus pervers et de mauvais que de régler ses comptes de la sorte !
Cette mère inconstante mais douée d’un tempérament batailleur, malgré ses 83 ans, s’est servie du battage médiatique pour faire son numéro habituel et pour dire, sans regret, qu’elle n’a suivi que ses instincts et ses passions pour les voyages, privant ainsi son enfant de l’affection et de l’attention qu’il méritait.
On comprend mieux pourquoi Houellebecq n’a jamais donné, dans ses romans, à la figure maternelle un rôle de relief et s’il l’a fait, en vérité une seule fois et dans Les Particules élémentaires, la présence de la mère indifférente et légère, ça avait uniquement le goût de la provocation.

[4Lire l’hebdo américain TIME du 3 décembre 2007. A son intérieur, un long article (sept pages) du journaliste Donald Morrisson au titre catastrophiste « The death of French Culture » (La mort de la culture française).

[5Le site le plus féroce c’est Bakchich.info. Les journaux Canard enchaîné et Voici les plus riches d’informations tendancieuses, construites. Les plus constants deux publications ultra-gauchistes comme Le Monde diplomatique et Politis. Seulement les magazines féminins se sont montrés corrects. Une multitude de textes « nuls » envahit la toile et la blogosphère et démontre, entre autres, l’usage médiocre que les usagers d’ Internet font de cet outil précieux.

[6En 1985 Michel Houellebecq commence à publier ses poèmes. En 1991 il publie aux éditions de la Différence « Rester vivant » et en 1992 chez le même éditeur le premier recueil de poèmes « La poursuite du bonheur » qui obtient le prix Tristan TZARA. En 1996 par son deuxième recueil de poèmes « Le sens du combat » il obtient le prix Flore. En 1999 Houellebecq publie un nouveau recueil de poèmes « Renaissance ».

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