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« Dominique Rolin, l’irréductible amoureuse de Philippe Sollers » par Bernard Pivot

D 28 octobre 2018     A par Viktor Kirtov - C 4 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Ainsi Bernard Pivot, titre t-il sa chronique dans Le Journal du Dimanche du 28/10/2018 pour saluer la parution des « Lettres à Philippe Sollers » de Dominique Rolin, Gallimard, 25/10/2018.

C’était Bernard Pivot, dans sa célèbre émission littéraire Bouillon de culture du 24 mars 2000, alors qu’il recevait les deux écrivains, qui avait révélé au grand public leur liaison « clandestine ».

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Lui, Philippe Sollers, commençait toutes ses lettres· à Dominique Rolin par « Mon amour ». Elle est plus inventive : « Mon Philippe chéri... Mon bienamour… Mon tellement chéri… Mon splendamour… Mon homme-amour… Mon toutankamour... » De 1958 à 2008, les deux écrivains ont échangé plus de 5.000 lettres. C’est l’une des plus impressionnantes et émouvantes correspondances amoureuses. Probablement sans équivalent par la qualité littéraire et la longue, très longue et inépuisable passion des deux amants.


à tout de suite mon amour chéri……….. Dessin du [mer]credi -
18 décembre 1974
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L’année dernière, Philippe Sollers avait réuni et publié 256 Lettres à Dominique Rolin, de 1958 à 1980. C’est au tour de celles de Dominique Rolin, décédée en 2012, d’être publiées avec l’aide de Jean- Luc Outers, qui était de ses amis.
Ils se sont rencontrés le 28 octobre 1958 à un cocktail du Seuil. Dominique Rolin, 45 ans, déjà Prix Femina, est une ro¬mancière connue et appréciée. Philippe Sollers, 22 ans, vient de débuter en fanfare sous les encouragements d’Aragon et de Mauriac. « Cette différence d’âge, impensable, semble-t-il à cette époque, écrit Jean-Luc Outers, scelle une sorte de pacte entre les amants, celui de la clandestinité, » Dominique nuance : « des amants semi-clandestins ».
Leurs proches étaient probablement dans le secret, mais sans deviner la puissance du sentiment qui les réunissait de temps à autre, chez elle, rue de Verneuil, chez lui, à l’île de Ré, et leur dictait la majeure partie de l’année une longue lettre presque chaque jour, sans compter les conversations téléphoniques quotidiennes.

Deux ans auparavant, Dominique Rolin avait perdu son mari qu’elle adorait, le sculpteur Bernard Milleret, comme elle venu de Belgique. Succession difficile pour un tout jeune homme. Les premières lettres de son amoureuse prouvent que d’emblée il s’est imposé physiquement et intellectuellement. « Garde-moi en toi, dis, je t’en prie, ne me perds pas. Dans l’inquiétude et le tourment, je crois que tu as du génie. Mais je vais t’apprendre à en avoir aussi dans le bonheur. » De leur correspondance émane une ardente sensualité sans que l’un ou l’autre tombe dans l’impudeur. Seule confidence, l’auteur des Folies françaises aime être mordillé. Et puis cet aveu : lisant au lit Histoire d’O ; Dominique, trop excitée, n’a pu continuer. « J’attends donc que tu sois là. »

Ce qui est extraordinaire chez Dominique Rolin, c’est sa constance, sa capacité, son désir très fort de dire et redire dans chaque lettre à Philippe Sollers son amour. Le temps n’altère pas ses sentiments. Pas d’usure, pas de fatigue. Plus elle admire l’écrivain, plus elle aime l’homme. Plus elle est amoureuse de Philippe, plus elle est inconditionnelle de. Sollers. « Il y a en toi quelque chose d’incomparable, une force sacrée, cachée, inaltérable, tout entière organisée autour de la naissance de l’œuvre, et qu’il est plus simple d’appeler génie. Je le crois. Je le crois absolument. » Elle est continûment sous le charme et dans l’émerveillement. Heureux Philippe Sollers, heureux homme, qui a suscité de cette très belle femme, dotée d’un fort caractère, talentueuse romancière (Le Lit, Le Corps, Marais, Dulle Griet, etc.), une passion aussi souveraine !

Elle estime non sans raison être sa femme. Jusqu’au jour où - le 16 février 1967, soit huit ans après le début de leur liaison - Philippe Sollers informe Dominique Rolin que la jeune Bulgare Julia Kristeva est entrée dans sa vie et qu’il a le projet de l’épouser. Ce que redoutait tant la romancière, maintenant quinquagénaire, s’est réalisé.
On imagine le choc ; sa douleur, son désespoir. Son Journal, resté inédit, en témoigne que ses lettres, où elle manifeste sa confiance dans l’ « amour irréductible » qui les unit et auquel souscrit toujours son jeune amant. Ni l’un ni l’autre n’écrit jamais le nom de Julia Kristeva. « Je t’aime. Garde-moi », lui lance-t-elle à la fin d’une lettre pathétique. Quelques semaines après : « Tu sais, il ne faut· pas détruire mes lettres. Cache-les. » Est-ce avec l’accord de sa jeune femme - qui deviendra psychanalyste et écrivain - que Philippe Sollers continuera d’aimer Dominique Rolin, de correspondre avec elle, de lui téléphoner, de séjourner avec elle, deux fois par an, à Venise ?

Sur une plaque apposée sur l’hôtel La Calcina, on peut lire : « Ici, au troisième étage, en vue dµ Redentore, pendant plus de trente ans, du XXe au XXIe· siècle, les écrivains français Philippe Sollers et Dominique Rolin ont écrit, chaque jour, printemps et automnes, dans une sérénité amoureuse parfaite, la plupart de leurs livres. »

Il va de soi que leurs livres, justement, ils en parlent beaucoup dans leur correspondance. Elle est rarement satisfaite de ce qu’elle écrit. Lui est parfois sévère avec elle. Elle lui donne raison. L’élève a vingt-trois ans de plus que le maître.
Elle lui écrit : « Je Voudrais avoir du génie pour continuer à te plaire. » Elle sait le réconforter quand il se juge incompris, négligé, moqué. A-t-elle pressenti que sa correspondance avec Philippe Sollers serait peut-être son plus beau livre au regard de la postérité ?•

Crédit : Le Journal du Dimanche

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Bouillon de culture du 24 mars 2000

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4 Messages

  • Viktor Kirtov | 1er décembre 2018 - 10:16 1

    DOMINIQUE ROLIN. Sa correspondance avec Philippe Sollers nous révèle un amour hors du commun. De la pure littérature.

    Par Anthony Palou
    Le Figaro 29 novembre 2018


    ZOOM (pdf) : cliquer l’image
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    EN QUEL paradis vivaient-ils ? Eh bien « là-haut », comme disait Casonova, c’est-à-dire à Venise. Plus précisément à La Calcina, sestiere Dorsoduro. Lorsqu’on franchit le seuil de cette pensione, on peut lire désormais sur une plaque apposée, ceci : « Ici, au troisième étage, en vue du Redentore, pendant plus de trente ans, du XXe au XXIe siècle, les écrivains français Philippe Sollers et Domi¬nique Rolin ont écrit, chaque jour, printemps et automnes, dans une sérénité amoureuse parfaite, la plupart de leurs livres. » Remarquons cette belle expression : « dans une sérénité parfaite »…
    Il y a quelques mois, nous avions lu passionnément les lettres de Sollers à Dominique Rolin, voici les lettres de la romancière à l’écrivain. La qualité de cette correspondance est, disons-le, assez exceptionnelle. Deux inséparables ou plutôt deux pigeons au si tendre plumage… Relisons un peu La Fontaine : « Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ? Que ce soit aux rives prochaines ; Soyez-vous l’un à l’autre un monde toujours beau, toujours divers, toujours nouveau ; Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste. » Tout est dit, tout est là. Mais lisons les lettres de Rolin. Elle est, comme son amant, toute littérature. Pour elle, chaque mot est un être vivant, agressif, vibrant. L’écriture, ici, résonne à chaque page ; elle est un bonheur qu’il faut toujours embrasser, et cette écriture a un nom, elle s’appelle Sollers.
    Ils se sont connus en 1958, à l’époque où, jeune homme, il avait publié Une curieuse solitude. Selon elle, tous ses textes sont beaux et surtout, surtout, Sollers, dès le début, avait ce charme, toujours généreux, gai, tout plein d’élégance. Et c’est ainsi qu’elle l’appelle, version Joyce, mots-valises : « Mon bienamour », « Mon splendamour », « Mon hommadoré », « Mon Toutankamour »… Elle sait qu’il est devenu, très tôt, le « centre » de sa vie. Avec lui, elle avait toujours vingt ans. Page 177, nous sommes en 1961 : « Tu m’as habituée à la joie, à une liberté que je n’ai jamais connue […] Le temps dont tu es le centre m’a toujours semblé facile à vivre, sans calcul ni conditions. » On sait que le rire est la plante du silence et que le bonheur ne doit jamais vous lâcher. Ces deux oiseaux ont toujours su que pour vivre cachés, il faut vivre heureux. Et c’est ainsi que l’on découvre une conversation miraculeusement biblique traversée par Melville (Moby Dick) ou Faulkner (Les Palmiers sauvages)… Francis Ponge aussi, Cioran et Julien Gracq. Nous sommes là dans l’amour parfait, le calme et le respect. Tout n’est que musique et tableaux. Elle rêve de lui. Il est son tout. Elle était cette petite fille rêvée éloignée des rides de l’âge au visage toujours parfait. Dominique Rolin fut la dédicataire, on s’en souvient, du Dictionnaire amoureux de Venise de Sollers : « Pour la Grande Petite Jolie Belle Beauté » qui loue son écriture sombre, lumineuse et souple. Entente absolue entre ces deux êtres. Les mots, les lettres, entre eux, sont des effractions, il est son « voyou », elle est sa « voyelle » face à la Giudecca. Était-ce elle qui était avec lui ou lui qui était avec elle ?
    À la lecture de ces lettres, nous avons compris qu’elle le buvait de ses yeux d’encre vénitienne. Magnétiques amours. Un petit peu de Monteverdi.


  • Viktor Kirtov | 21 novembre 2018 - 15:59 2

    Philippe-Emmanuel KRAUTTER de la revue LEXNEWS a publié sa
    chronique des Lettres de Dominique Rolin ICI.

    Philippe-Emmanuel Krautter sur pileface


  • Viktor Kirtov | 17 novembre 2018 - 16:38 3

    La comédienne Marianne Basler, grâce à l’Association "Texte et Voix" prêtera sa voix à cette grande histoire d’amour épistolaire pour en lire quelques fragments.

    "Je pense à toi avec un émerveillement qui fait comme un point brillant à chaque minute. Nous avons réussi un coup double étonnant : amour-écriture. En réalité, nous nous aimécrivons, ou bien nous nous écrivaimons. Le renversement peut se faire en toute occasion. Ta main-moi, ma main-toi, ton stylo sur mon feuillet-corps, mon stylo sur ton cahier-corps. Interchangeabilité prodigieuse, rieuse, fantastique de tous nos envers et nos endroits mélangés. Chance unique. Aucun exemple comparable au nôtre."
    Dominique Rolin, lettre du 13 juillet 1976

    Soirée événement organisée par Tropismes Librairies,
    Galeries des Princes à Bruxelles
    Le 26 novembre 2018 de 19h00 à 22h00

    Présentée par David Courier, journaliste.

    Plus ICI


  • Viktor Kirtov | 16 novembre 2018 - 09:33 4

    Par Gilles Chenaille
    Marie-Claire, décembre 2018

    « Il me reste tout d’elle »

    Dans son bureau, aux éditions Gallimard, l’auteur de Femmes nous parle avec une émotion contenue du second tome de cette correspondance (*).
    Constitué d’un florilège de plus de deux cents lettres que lui avait adressées Dominique Rolin, disparue il y a six ans. Une parution succédant à celle de ses propres lettres adressées à l’auteure de Trente ans d’amour fou (le leur, qui dura en fait jusqu’à la mort de Dominique). Que lui reste-t-il d’elle, à part ses lettres ? « Tout. Son extraordinaire beauté (jusqu’à la fin), son rire, son talent. Elle est tout à fait vivante. »

    « Les gens pensent inceste »

    Quand ils se sont rencontrés, en 1958 - Philippe Sollers, alors jeune écrivain promis à un brillant avenir, Dominique Rolin, auteure confirmée avec Le souffle (prix Femina 1952) -, la société française n’était pas prête à accepter un tel écart d’âge dans ce sens. « Elle ne l’est toujours pas. Les gens pensent inceste ! Alors, parce que c’est révolutionnaire, il faut s’organiser. D’où la clandestinité.  »

    « L’axiome »

    « Arrêtez de me parler de couple », nous répète Philippe Sollers quand nous persistons à employer ce terme : « C’était un partenariat.  » Deux amants libres et indépendants. Liés par un pacte, qu’ils appelleront « l’axiome » ou « le plan » : un lien mystérieux, indissoluble, entre amour, écriture, expérience intérieure et travail.

    « Jusqu’à la fin »

    Choc, quand Philippe Sollers se marie avec la psychanalyste et philosophe Julia Kristeva, en 1967. Mais Dominique Rolin tient le coup, et ses lettres nous montrent le degré d’amour et d’humanité dont elle a su faire preuve dans ces circonstances pour s’y adapter. Sollers aussi, d’ailleurs, qui n’a pas brisé leur pacte alors, ni jamais. « Ne pas s’expliquer, ne pas se plaindre, considérer nos relations avec d’autres comme totalement étanches. Et continuer à s’aimer jusqu’à la fin. » Le mérite de Kristeva n’est pas mince non plus. Car pour chacun la jalousie rôde, forcément. Mais bien maîtrisée, la plupart du temps.

    Des mots plus justes que les nôtres

    Il est très troublant de lire par-dessus l’épaule de ces deux intelligences en action en train de s’écrire, de ces deux coeurs battant sur le papier, exceptionnels mais néanmoins semblables à ceux du commun des mortels ... Car, en amour, ils partagent avec nous coups de chaud ou de blues, élans mentaux ou charnels. Leur talent leur permet de trouver des mots plus justes que les nôtres pour transmettre ce pur caviar des relations humaines, l’émotion.

    Crédit : Marie-Claire
    Jean MOUNICQ/Roger VIOLLET. Maurice ZALEWSKI/ADOC PHOTOS

    (*) Lettres à Dominique Rolin de Philippe Sollers, éd. Gallimard, 21 €, et aussi Lettres à Philippe Sollers de Dominique Rolin, éd. Gallimard, 24 €.