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Homo Europaeus : existe-t-il une culture européenne ?

Le Traité de Rome 60 ans après !
29 mars 2017 : la lettre de divorce de Theresa May

D 29 mars 2017     A par Viktor Kirtov - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Ajout section "29 mars 2017 : le jour où le Royaume-Uni dit adieu à l’Europe"
(publication initiale : 26 mars).

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En guise d’introduction, cette harangue à Emmanuel Macron, ainsi qu’un coup de loupe sur le 60ème anniversaire du Traité de Rome, avant de laisser la parole à Julia Kristeva pour développer cette question : « Homo Europaeus : existe-t-il une culture européenne ? ». Puis enfin, un article de Courrier International « Pourquoi il faut relire Stephan Zweig »..

Harangue à Emmanuel Macron

« Il n’y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle est diverse ».

Emmanuel Macron

Partout dans le monde on sait qu’il y a une culture française et on aime la France pour sa culture mais, E. Macron, en meeting à Lyon le 2 février 2017 feint de l’oublier dans cette argutie d’intello.

Julia Kristeva, quant-à elle, nous dit son expérience, sa vision et ses vœux, et choisit d’autres mots :

« Sans vouloir énumérer toutes les sources de cette identité questionnante, rappelons toutefois que l’interrogation permanente peut dériver en doute corrosif et en haine de soi : une autodestruction dont l’Europe est loin d’être épargnée »

Et aussi :

« Les nations européennes attendent l’Europe, et l’Europe a besoin de cultures nationales fières d’elles-mêmes et valorisées »

Aujourd’hui, en ce 60ème anniversaire du traité de Rome, l’Europe a rendez-vous avec son Histoire. Paradoxalement, J. Kristeva note que la culture n’était même pas évoquée dans le Traité de Rome, tant l’évidence d’appartenance à une même culture européenne, allait de soi pour les signataires. « C’est très récemment, qu’elle fut introduite dans l’agenda de ses dirigeants » ajoute t-elle.
…Et de rêver de visions prospectives de nos politiques dans « l’espace culturel européen ». (Et la psychanalyste qu’est Julia Kristeva sait combien le rêve – le dernier mot de son allocution - est nécessaire et constitutif de la complexité de la condition humaine).

M. Macron, SVP, ne commencez pas par casser nos rêves !
Refondez l’Europe et l’espace culturel européen !

Traité de Rome.Une commémoration dans une Europe plus divisée que jamais

Courrier International, 24/03/2017 -


Une fillette attend un concert organisé à l’occasion du cinquantième anniversaire du traité de Rome, à Bruxelles, le 24 mars 2007.Francois Lenoir/REUTERS
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Soixante ans après la signature du traité de Rome, qui a donné naissance à l’Union européenne, celle-ci fait face à des défis existentiels. Pourtant, elle résiste. Mais sa vision du futur reste vague.

[CE JOUR-LÀ] Le 25 mars 1957, l’Allemagne de l’Ouest (RFA), la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas signaient à Rome le traité fondateur de ce qui est devenu l’Europe politique et économique. Il instituait la Communauté économique européenne (CEE), un marché commun basé sur la libre circulation avec la suppression des barrières douanières entre les États membres. Les institutions (Conseil des ministres, Commission, Assemblée parlementaire européenne) seront mises en place dans la foulée, au début de l’année 1958.

Soixante ans plus tard, les 6 devenus 27 retournent à Rome pour renouveler leurs vœux. La Grande-Bretagne, absente lors de la création de l’union, ne sera pas là non plus pour en célébrer l’anniversaire.

De Gaulle avait raison, marmonnent les politiques français. Trois ans après la signature du traité, la Grande-Bretagne s’étant décidée à entrer dans le club, le général mit par trois fois son veto à la candidature britannique. Après tout, ce projet ne concernait que l’Europe continentale et “les Anglais ” ne renonceraient jamais à leur insularité, à en croire de Gaulle. Après le vote pour le Brexit, il est difficile de le contredire. Une fois encore, la Grande-Bretagne coupe les ponts, quarante-quatre ans après être entrée dans l’UE (le veto français a été levé en 1973).

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"Que le Brexit dur commence !". Dessin de Ben Jennings, paru dans The i-paper, Londres.
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Mais l’union est désormais confrontée à des problèmes qui vont au-delà des vanités de la perfide Albion. Si les négociations autour du Brexit représentent le plus gros écueil à court terme, les 27 ont d’autres défis à relever, dont certains sont existentiels.

Philip Stephens


ZOOM... : Cliquez l’image.
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Une Union européenne en crise

Conçue à six pour reconstruire l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, l’Union à 27 traverse la pire crise de son histoire

Vidéo par FRANCE 24

Sans ses idéaux, l’Europe "risque de mourir" selon le pape

Crédit : www.france24.com

La bataille pour l’Europe, le film

Ce documentaire décrypte les origines de la crise actuelle et présente les diverses stratégies géopolitiques qui ont influencé l’histoire de l’Union depuis sa création. Peut-on encore sauver l’UE, et si oui, à quel prix ? État des lieux.

Le Brexit a déclenché un séisme politique. L’Union européenne est-elle aujourd’hui condamnée ? Cette décision agira-t-elle au contraire comme un électrochoc et renforcera-t-elle la cohésion entre États membres ? Ce documentaire décrypte les origines de la crise actuelle et présente les diverses stratégies géopolitiques qui ont influencé l’histoire de l’Union depuis sa création. Il met en lumière le rôle majeur des États-Unis dans la réconciliation d’après-guerre, notamment afin d’endiguer la montée du communisme sur le Vieux continent. Il analyse aussi les conséquences des chocs pétroliers et de l’avènement du néolibéralisme sur l’économie et la politique européennes. Depuis la chute de l’URSS, l’UE a sombré dans une profonde crise identitaire. Alors que le scepticisme à l’égard des institutions communautaires augmente, les partis d’extrême droite gagnent du terrain. La victoire de Donald Trump aux présidentielles américaines de novembre 2016, qui menace l’ordre géopolitique mondial, accroît encore les incertitudes.

http://info.arte.tv/fr/la-bataille-pour-leurope-le-film

Hubert Védrine : « Il faut montrer aux peuples qu’on les écoute »

Reste-t-il encore quelque chose de l’esprit des pères fondateurs de l’ Europe ?

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Vous savez, les fameux « pères fondateurs » étaient très atlantistes (ils ne pensaient pas du tout à une Europe-puissance), assez fédéralistes par économisme (CECA, Marché Commun) ou idéalisme. Ils ne souciaient pas du tout à l’époque de l’attachement des peuples à leur identité et à leur souveraineté, qu’ils voulaient au contraire dépasser. C’était l’après-guerre. Sur le dépassement des nations, de Gaulle se moquait d’eux en disant : « On ne fait pas d’omelettes avec des œufs durs ». Mais, ils ont été visionnaires à leur façon, un peu utopistes. De toute façon, ils raisonnaient pour l’Europe à Six, ce n’est pas chez eux que l’on trouvera des solutions pour aujourd’hui : les pro-européens classiques ne sont pas majoritaires, et les fédéralistes qui sont présents dans les médias et les think tanks sont inexistants dans l’opinion.

De quoi l’Europe est-elle malade aujourd’hui ?

Elle est malade du décrochage des peuples, ce qui est plus grave que Poutine, Trump ou l’afflux de réfugiés. Mais il faut distinguer les vrais anti-européens, irrattrapables, et tous les autres qui pourraient se réconcilier avec l’Europe, si elle parle et agit autrement : les sceptiques, les indifférents, les déçus (trop de promesses, de slogans donnant le sentiment que l’Europe peut faire des miracles) et les allergiques à la réglementation à outrance.

Quels remèdes préconisez-vous pour « sauver l’Europe » ?

Une « pause » brève de l’intégration, pour montrer aux peuples qu’on les écoute, une conférence des gouvernements volontaires pour imposer une subsidiarité radicale. L’Europe doit en général faire moins et mieux, et – dans quelques domaines à définir, à commencer par la sécurité – faire plus et bien. C’est le plan que j’expose dans « Sauver l’Europe » [1] pour réconcilier le peuple et l’Europe.

L’Europe ne souffre-t-elle pas de son élargissement ? L’afflux des migrants ne montre-t-il pas que l’Europe à 27 est incapable d’adopter des solutions communes sur des problèmes majeurs ?

L’élargissement a tout alourdi et compliqué, mais pouvait-on refuser ? Les traités disaient que l’adhésion est « ouverte » aux pays démocratiques d’Europe. Et de toute façon, un noyau dur – avec qui ? –, une géométrie variable, plusieurs vitesses – pourquoi pas ? –, cela ne règle pas la question de la répartition des pouvoirs entre Europe et Etats-nations, et de la subsidiarité. Même à 6, il n’y a pas forcément d’identité de vues – sur la Grèce ? sur l’énergie ? sur les interventions extérieures ? Il faut donc assainir le rapport citoyen-Etat-nation-Europe, quel que soit le nombre d’états membres.

Une Europe de la Défense, souvent évoquée, verra-t-elle vraiment le jour selon vous ?

Tout dépend de ce que l’on entend par là. Une Europe militairement défendue exclusivement par elle-même sans les États-Unis ni l’Alliance atlantique ? Non. Et, même si tous les budgets atteignaient 2%, quelles seraient les stratégies, les capacités ? quelle capacité combative de ces forces ? Qui serait le commandant en chef ? Qui déciderait d’entrer en guerre ou pas ? En revanche, une capacité d’intervention extérieure,de maintien de la paix, par exemple au Sahel, pourquoi pas ? Des coopérations industrielles ou technologiques : oui, si elles sont rationnelles. Attention aux promesses verbales concernant l’Europe, sources d’illusions et demain, de désillusions. On en a trop fait et l’idée d’Europe en souffre aujourd’hui. Ne recommençons pas avec « l’Europe de la Défense » !

Crédit : http://www.ladepeche.fr/article/2017/03/24/2542681-hubert-vedrine-faut-montrer-peuples-ecoute.html

Homo Europaeus : existe-t-il une culture européenne ?

L’Europe serait KO ? Au contraire : « Sans l’Europe, ce sera le chaos », selon la philosophe Julia Kristeva, qui voit dans la culture européenne bien des trésors : le doute, le dialogue entre les langues, le sens de la nation et de la liberté, la place des femmes, la sécularisation…

Citoyenne européenne, de nationalité française, d’origine bulgare et d’adoption américaine, je ne suis pas insensible aux amères critiques, mais j’entends aussi le désir de l’Europe et de sa culture. Face à la crise financière, les Grecs, les Portugais, les Italiens et même les Français n’ont pas remis en cause leur appartenance à la culture européenne, ils se « sentent » européens. Que veut dire ce sentiment, si évident que la culture n’est même pas évoquée dans le Traité de Rome, et que c’est très récemment qu’elle fut introduite dans l’agenda de ses dirigeants (bien que les initiatives, en faveur du patrimoine par exemple, ne manquent pas, mais sans vision prospective) ? Or la culture européenne peut être la voie cardinale pour conduire les nations européennes à une Europe fédérale. Mais quelle culture européenne ?

Quelle identité ?

Déjà, Bernard-Henri Lévy, et Véronique Cayla, présidente d’Arte, organisaient le 28 janvier 2013, au Théâtre du Rond-Point un grand meeting européen : « Europe ou Chaos ? » avec la participation de Julia Kristeva.
Le présent texte de J. Kristeva, comme elle le souligne en note, est largement issu de son intervention lors de cet événement.

À l’encontre d’un certain culte de l’identité [2] la culture européenne ne cesse de dévoiler ce paradoxe :il existe une identité, la mienne, la nôtre, mais elle est infiniment constructible et déconstructible. À la question « Qui suis-je ? », la meilleure réponse, européenne, n’est évidemment pas la certitude, mais l’amour du point d’interrogation. Après avoir succombé aux dogmes identitaires jusqu’aux crimes, un nous européen est en train d’émerger. Ne serait-ce pas parce que l’Europe a succombé à la barbarie – ceci est à rappeler et à analyser sans fin, mais qu’elle en a fait l’analyse mieux que bien d’autres, qu’elle porte au monde une conception et une pratique de l’identité comme une inquiétude questionnante ? Il est possible d’assumer le patrimoine européen, en le repensant comme un antidote aux crispations identitaires : les nôtres et celles de tous bords.

Sans vouloir énumérer toutes les sources de cette identité questionnante [3], rappelons toutefois que l’interrogation permanente peut dériver en doute corrosif et en haine de soi : une autodestruction dont l’Europe est loin d’être épargnée. On réduit souvent cet héritage de l’identité comme question à une permissive « tolérance » des autres. Mais la tolérance n’est que le degré zéro du questionnement, qui ne se réduit pas en généreux accueil des autres, mais les invite à se mettre en question eux-mêmes : à porter la culture de l’interrogation et du dialogue dans des rencontres, qui problématisent tous les participants. Il n’y a pas de phobie dans le questionnement réciproque, mais une lucidité sans fin, seule condition du « vivre ensemble ». L’identité ainsi comprise peut déboucher sur une identité plurielle : c’est le multilinguisme du nouveau citoyen européen.

La diversité et ses langues

« Diversité, c’est ma devise », disait déjà Jean de La Fontaine, dans son « Pâté d’anguille ». [4]L’Europe est désormais une entité politique qui parle autant de langues, sinon plus, qu’elle ne comporte de pays. Ce multilinguisme est le fond de la diversité culturelle. Il s’agit de le sauvegarder, de le respecter – et avec lui les caractères nationaux –, mais aussi de l’échanger, de le mélanger, de le croiser. Et c’est une nouveauté, pour l’homme et la femme européens, qui mérite réflexion.

Après l’horreur de la Shoah, le bourgeois du XIXesiècle aussi bien que le révolté du XXe siècle affrontent aujourd’hui une autre ère. La diversité linguistique européenne est en train de créer des individus kaléidoscopiques capables de défier le bilinguisme du globishenglish. Est-ce possible ? Tout prouverait le contraire aujourd’hui. Pourtant, une nouvelle espèce émerge peu à peu : un sujet polyphonique, citoyen polyglotte d’une Europe plurinationale. Le futur Européen sera-t-il un sujet singulier, au psychisme intrinsèquement pluriel, trilingue, quadrilingue, multilingue ?Ou se réduira-t-il au globish ?

L’espace plurilinguistique de l’Europe appelle plus que jamais les Français à devenir polyglottes, pour connaître la diversité du monde et pour porter à la connaissance de l’Europe et du monde ce qu’ils ont de spécifique. Ce que je dis du français est évidemment valable pour les autres langues de la polyphonie européenne à 28. C’est en passant par la langue des autres qu’il sera possible d’éveiller une nouvelle passion pour chaque langue (le bulgare, le suédois, le danois, le portugais…). Celle-ci sera reçue alors non comme une étoile filante, folklore nostalgique ou vestige académique, mais comme l’indice majeur d’une diversité résurgente.

Sortir de la dépression nationale [5]

Quelle qu’en soit la pérennité, le caractère national peut - comme les individus - traverser une véritabledépression. L’Europe est en train de perdre son image de grande puissance, la crise financière, politique et existentielle s’en ressent. Mais c’est le cas aussi des nations européennes, et des plus reconnues parmi elles dans l’histoire, dont la France.

Face à un patient déprimé, le psychanalyste commence par rétablir la confiance en soi à partir de laquelle il est possible d’établir une relation entre les deux protagonistes de la cure, afin que la parole (re)devienne féconde et qu’une véritable analyse critique du mal-être puisse avoir lieu. De même, la nation déprimée requiert une image optimale d’elle-même, avant d’être capable d’efforts pour entreprendre, par exemple, une intégration européenne, ou une expansion industrielle et commerciale, ou un meilleur accueil des immigrés. « Les nations, comme les hommes, meurent d’imperceptibles impolitesses », écrivait Giraudoux. Un universalisme mal compris et la culpabilité coloniale ont entraîné de nombreux acteurs politiques et idéologiques, à commettre, souvent, sous couvert de cosmopolitisme, de telles « imperceptibles impolitesses » - voire des mépris d’arrogants - à l’égard de la Nation. Ils contribuent à aggraver la dépression nationale, avant de la jeter dans l’exaltation maniaque, nationaliste et xénophobe.

Les nations européennes attendent l’Europe, et l’Europe a besoin de cultures nationales fières d’elles-mêmes et valorisées, pour réaliser dans le monde cette diversité culturelle dont nous avons donné le mandat à l’Unesco. Une diversité culturelle nationale est le seul antidote au mal de la banalité, cette nouvelle version de la banalité du mal. L’Europe « fédérale » ainsi comprise - et aucune autre entité étatique supranationale -pourrait jouer alors un rôle important dans la recherche de nouveaux équilibres mondiaux.

Deux conceptions de la liberté

La chute du Mur de Berlin en 1989 a rendu plus nette la différence entre deux modèles : la culture européenne et la culture nord-américaine. Il s’agit de deux conceptions de la liberté que les démocraties dans leur ensemble et sansexceptionont le privilège d’avoir élaborées, et qu’elles essaient d’appliquer. Différentes mais complémentaires, ces deux versions sont également présentes dans les principes et les institutions internationaux, en Europe comme outre Atlantique.

En identifiant la « liberté » avec l’« auto commencement », Kant ouvre la voie à une apologie de la subjectivité entreprenante – subordonnée toutefois à la liberté de la Raison (pure ou pratique) et à une Cause (divine ou morale). Dans cet ordre de pensée, que favorise le protestantisme, la liberté apparaît comme une liberté de s’adapter à la logique des causes et des effets ou, pour reprendre les termes de Hannah Arendt, comme une adaptation ou « calcul des conséquences », à la logique de la production, de la science, de l’économie. Être libre serait être libre de tirer les meilleurs effets de l’enchaînement des causes et des effets pour s’adapter au marché de la production et du profit.

Mais il existe un autre modèle de liberté, elle aussi de provenance européenne. Il apparaît dans le monde grec, se développe avec les présocratiques, et par l’intermédiaire du dialogue socratique. Sans être subordonnée à une cause, cette liberté fondamentale se déploie dans l’Être de la parole qui se livre, se donne, se présente à soi-même et à l’autre, et en ce sens se libère. Cette libération de l’Être de la Parole par et dansla rencontre entre l’Un et l’Autres’inscrit en tant que questionnement infini, avant que la liberté ne se fixe — mais seulement ultérieurement — dans l’enchaînement des causes et des effets, et dans leur maîtrise notamment scientifique. La poésie, le désir, la révolte en sont les expériences privilégiées, révélant la singularité incommensurable et pourtant partageable de chaque homme, de chaque femme.

On décèle les risques de ce deuxième modèle fondé sur l’attitude questionnante : ignorer la réalité économique ; s’enfermer dans des revendications corporatistes ; se borner à la tolérance et avoir peur de mettre en question les revendications et les cultes identitaires des nouveaux acteurs politiques et sociaux ; abandonner la compétition mondiale et se retirer dans la paresse et les archaïsmes. Mais on voit aussi les avantages de ce modèle dont se font porteuses aujourd’hui les cultures européennes, et qui ne culmine pas en un schéma, mais dans le goût de la vie humaine dans sa singularité partageable.

Dans ce contexte, l’Europe est une fois de plus loin d’être homogène et unie. D’abord, il est impératif que la « Vieille Europe », et la France en particulier, prennent vraiment au sérieux les difficultés économiques et existentielles de la « Nouvelle Europe » [6]. Mais il est nécessaire aussi de reconnaître les différences culturelles, et tout particulièrement religieuses, qui déchirent les pays européens à l’intérieur d’eux-mêmes et qui les séparent entre eux. Il est urgent d’apprendre à mieux respecter ces différences (je pense à l’Europe orthodoxe et musulmane, au malaise persistant des Balkans, à la détresse de la Grèce dans la crise financière).

Besoin de croire, désir de savoir

Parmi les multiples causes qui conduisent aux malaises actuels, il en est un que les politiques passent souvent sous silence : il s’agit du déni qui pèse sur ce que j’appellerais un « besoin de croire » pré-religieux et pré-politique universel, inhérent aux êtres parlants que nous sommes, et qui s’exprime comme une « maladie d’idéalité » spécifique à l’adolescent (qu’il soit de souche ou d’origine immigrante).

Contrairement à l’enfant curieux et joueur, en quête de plaisir et qui cherche d’« où il vient », l’adolescent est moins un chercheur qu’un croyant : il a besoin de croire à des idéaux pour dépasser ses parents, s’en séparer et se dépasser lui-même (j’ai nommé l’adolescent troubadour, croisé, romantique, révolutionnaire, tiers-mondiste, extrémiste, intégriste). Mais la déception conduit ce malade d’idéalité à la destruction et à l’autodestruction, par dessous ou à travers l’exaltation : toxicomanie, anorexie, vandalisme, d’un côté, et ruée vers les dogmes extrémistes fondamentalistes de l’autre. Idéalisme et nihilisme : ivre d’aucune valeur et martyr de l’absolu paradisiaque se côtoient dans cette maladie d’idéalité, inhérente à toute adolescence, et qui explose dans certaines conditions chez les plus fragiles. On en connaît la figure récente présentée par les médias : la cohabitation entre trafic mafieux et exaltation djihadiste qui sévit aujourd’hui à nos portes, en Afrique, en Syrie.

Si une « maladie d’idéalité » secoue la jeunesse, et avec elle le monde, l’Europe pourrait-elle proposer un remède ? De quel idéal est-elle porteuse ? Le traitement religieux du mal être, de l’angoisse et de la révolte se trouve lui-même inopérant, inapte à assurer l’aspiration paradisiaque de ce croyant paradoxal, nihiliste, qu’est l’adolescent désintégré, désocialisé dans l’impitoyable migration mondialisée. À moins que ce fanatique que nous rejetons, indignés, ne nous menace de l’intérieur. C’est l’image que donnent certains aspects de la « révolution de jasmin », déclenchée par une jeunesse avide de liberté, d’idéaux émancipateurs et de reconnaissance de sa dignité singulière. Mais qu’un autre besoin de croire, fanatique, est en train d’étouffer.

L’Europe se trouve devant un défi historique. Est-elle capable d’affronter cette crise de la croyance que le couvercle de la religion ne retient plus ? Le terrible chaos lié à la destruction de la capacité de penser et de s’associer, que le tandem nihilisme-fanatisme installe dans diverses parties du monde, touche au fondement même du lien entre les humains. C’est la conception de l’humain forgée au carrefour grec-juif-chrétien avec sa greffe musulmane, cette inquiétude d’universalité singulière et partageable, qui semble menacée. L’angoisse qui fige l’Europe en ces temps décisifs exprime l’incertitude devant cet enjeu. Sommes-nous capables de mobiliser tous les moyens, juridiques et sécuritaires comme économiques, sans oublier ceux que nous donne la connaissance des âmes, pour accompagner avec la délicatesse de l’écoute nécessaire, avec une éducation adaptée et avec la générosité qui s’impose, cette poignante maladie d’idéalité qui déferle sur nous et qu’expriment, en Europe même, les adolescents des zones de non droit de manière dramatique, et pas seulement eux ?

Au carrefour du christianisme (catholique, protestant, orthodoxe), du judaïsme et de l’islam, L’Europe est appelée à établir des passerelles entre les trois monothéismes – à commencer par des rencontres et des interprétations réciproques, mais aussi et surtout par des élucidations et transvaluations inspirées par les sciences humaines. Plus encore, constituée depuis deux siècles comme la pointe avancée de la sécularisation, l’Europe est le lieu par excellence qui pourrait et devrait élucider le besoin de croire. Mais les Lumières, dans leur précipitation à combattre l’obscurantisme, en ont négligé et sous-estimé la puissance.

Une culture des droits des femmes

Depuis les Lumières jusqu’aux suffragettes, en passant par Marie Curie, Rosa Luxembourg, Simone de Beauvoir et Simone Weil, l’émancipation des femmes par la créativité et par la lutte pour les droits politiques, économiques et sociaux, qui se poursuit aujourd’hui, offre un terrain fédérateur aux diversités nationales, religieuses et politiques des citoyennes européennes. Ce trait distinctif de la culture européenne est aussi une inspiration et un soutien aux femmes du monde entier, dans leur aspiration à la culture et à l’émancipation. Récemment, le Prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes a été décerné à la jeune pakistanaise Malala Yousafzai, gravement blessée par les talibans parce qu’elle réclamait dans son blog le droit des jeunes filles à l’éducation.

Contre la déclinologie ambiante, face aux deux monstres que sont le verrouillage du politique par l’économie et par la finance, et l’autodestruction écologique, en train de mettre KO la globalisation, l’espace culturel européen pourrait être une réponse audacieuse. Peut-être la seule qui prend au sérieux la complexité de la condition humaine dans son ensemble, les leçons de sa mémoire et les risques de ses libertés.

Suis-je trop optimiste ? Pour mettre en évidence les caractères, l’histoire, les difficultés et les potentialités de la culture européenne, imaginons quelques initiatives concrètes : organiser à Paris un Forum européen sur le thème « Il existe une culture européenne », avec la participation d’intellectuels écrivains et artistes éminents des 28 pays européens et représentant ce kaléidoscope linguistique, culturel, religieux. Il s’agirait de penser l’histoire et l’actualité de cet ensemble pluriel et problématique qu’est l’UE, de les mettre en question et d’en dégager l’originalité, les vulnérabilités et les avantages. Ce Forum conduirait à la création d’une Académie ou d’un Collège des cultures européennes [7], voire d’une Fédération des cultures européennes, qui serait le tremplin et le précurseur de la Fédération politique. Le multilinguisme sera, dans l’intimité de ceux qui l’habitent, un acteur majeur de ce rêve.

Julia Kristeva

Crédit : www.kristeva.fr/

Pourquoi il faut relire Stephan Zweig


L’article en format pdf.

29 mars 2017 : le jour où le Royaume-Uni dit adieu à l’Europe

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Theresa May (crédit : Le Figaro)
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Ce mercredi, l’ambassadeur britannique à Bruxelles a remis au président du Conseil européen, Donald Tusk la lettre signifiant l’intention de son pays de quitter l’Union européenne.
Au même moment, à Londres, la première ministre Theresa May annonçait aux députés que la procédure était lancée. Selon The Guardian, Theresa May a été accueillie sous les applaudissements de son camp.

Le peuple britannique, dans l’ensemble, n’a pas de remords. Il estime à 46% que c’était une « bonne décision », contre 41% à penser le contraire, selon un sondage GfK de début mars.

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La lettre de divorce de Theresa May
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Un chantier titanesque avec marathon législatif

Theresa May va présenter jeudi les détails de ce qu’elle appelle la « grande loi de répudiation ». Contrairement à ce que cet intitulé semble indiquer, il s’agit de retranscrire dans le droit britannique 44ans d’acquis législatifs européens. Soit quelque 19.000 lois et réglementations, selon la Chambre des communes. Ce processus va requérir des mois, voire des années, de travail parlementaire. Ce sera l’occasion pour les élus de s’opposer ou de remettre en cause certaines mesures. Les « Brexiters » appellent d’ores et déjà à un grand « bûcher » de régulations européennes, notamment sur les droits des salariés, les règles environnementales, la réglementation des entreprises ou l’agriculture.

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L’intégrité du Royaume-Uni

Pendant qu’elle devra négocier avec les Vingt-Sept et adapter le droit britannique, Theresa May va aussi avoir à gérer le risque de dislocation du Royaume-Uni.Le Parlement écossais a voté mardi pour un nouveau référendum sur l’indépendance. Furieux de l’orientation vers un « hard Brexit » adoptée par Londres, les nationalistes veulent donner un choix au peuple écossais, avant la sortie effective du Royaume-Uni de l’Europe.

Et bien d’autres sujets de préoccupations :

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Le sort des ressortissants respectifs

3 millions d’Européens installés au Royaume Uni
et 1 million de Britanniques vivant sur le Continent. Une question pleine de complexités juridiques liées aux régimes de retraite, de santé, au droit de la famille (divorce, garde des enfants…), etc.

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L’unité des Vingt-Sept à l’épreuve du feu

Comment penser que l’Europe, si divisée, restera unie dans les positions à défendre ou à concéder aux Britanniques face à d’âpres négociateurs – l’Histoire nous l’a appris à nos dépens avec Margaret Tatcher - et qui n’ont pas l’écueil de la désunion à surmonter ? Au moins, pas à la même échelle !
Les sujets à régler sont innombrables, complexes et potentiellement explosifs. Cela revient à vouloir extraire un œuf d’une omelette, décrit-on à Bruxelles.

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"Le premier jour d’un chemin très périlleux", selon Michel Barnier

"Aujourd’hui est le premier jour d’un chemin très périlleux" a déclaré le négociateur en chef de l’UE pour le Brexit, le Français Michel Barnier.

oOo

[1Hubert Védrine « Sauver l’Europe ! », Éditions Liana Levi, 2016.
Recueilli par Jean-Pierre Bédéï

[2Au nom duquel la bonne conscience moderne continue de livrer, aujourd’hui encore, des guerres liberticides et mortifères.

[3Cette attitude, je l’entends dans la parole du Dieu juif : Eyeh asher eyeh (Ex 3, 14), reprise par Jésus (Jean 8, 23) : une identité sans définition, qui renvoie le « je » à un irreprésentable, éternel retour sur son être même. Je l’entends, d’une autre façon, dans le dialogue silencieux du Moi pensant avec lui-même, selon Platon, toujours « deux en un », et dont la pensée ne fournit pas de réponse mais désagrège. Dans la philia politikè selon Aristote, qui annonce l’espace social et un projet politique en appelant à la mémoire singulière et à la biographie de chacun. Dans le voyage, au sens de saint Augustin, pour lequel il n’y a qu’une seule patrie, celle précisément du voyage : In via in patria. Dans les Essais de Montaigne, qui consacrent la polyphonie identitaire du Moi : « Nous sommes tous des lopins et d’une contexture si informe et diverses, que chaque pièce, chaque moment fait son jeu ». Dans le Cogito de Descartes, où l’on entend « Je ne suis que parce que je pense ». Mais qu’est-ce que penser ? Je l’entends encore dans la révolte de Faust d’après Goethe : « Ich bin der Geist der stetz verneint » (Je suis l’esprit qui toujours nie). Dans « l’analyse sans fin… » de Freud : « Là où c’était, je dois advenir ».

[4Cf. « Diversité c’est ma devise », in J. Kristeva, Pulsions du temps, Fayard, 2013, p. 601.

[5Cf. « Existe-t-il une culture européenne ? » et « Le message culturel français », in J. Kristeva, Pulsions du temps, Fayard 2013, p. 635 sq., 601 sq.

[6Selon la formule controversée faite par le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, lors des affrontements diplomatiques sur la guerre en Irak.

[7Sylvie Goulard et Mario Monti formulent une proposition équivalente dans De la démocratie en Europe, 2013. [Ndlr]

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3 Messages

  • Viktor Kirtov | 1er septembre 2020 - 10:36 1


    Un jeune réalisateur, Camille Lotteau, a adapté au cinéma la pièce « Looking for Europe », que BHL a écrite et jouée dans 22 villes européennes en 2019.

    La « Princesse Europe »… Il est heureux qu’Après Julia Kristeva - [ VOIR ICI - ET AUSSI Là ] et Bernard-Henri Lévy, un jeune réalisateur Camille Lotteau ait à cœur de célébrer l’Europe.
    Et avec quel titre !
    Pour dire l’Europe telle quelle est, désaimée et attirante (cf. ceux qui frappent à sa porte).

    Pour rappeler la grandeur de l’Idée européenne

    Le Bloc-notes de Bernard-Henry Lévy, Le Point, 28/08/2020 :

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    J’ai eu des films sélectionnés à Cannes (Bosna !, Peshmerga et Le Serment de Tobrouk). À Berlin (Le Jour et la Nuit). Voici, le 7 septembre, à Venise, un film qui n’est pas de moi, mais auquel je tiens comme s’il l’était : Princesse Europe, de Camille Lotteau.

    Tout commence en janvier 2019, dans le tumulte d’une élection européenne qui menaçait, on s’en souvient, de rapprocher du pouvoir les pires partis populistes.

    Renouant avec la tradition du théâtre de plateau, j’écris un monologue, Looking for Europe, qui dit la grandeur de l’Idée européenne et que je m’en vais réciter de ville en ville, dans les capitales du continent.

    Je convaincs un producteur, François Margolin, assez sage pour adhérer à cette folie, assez amical pour estimer qu’il serait triste de laisser cette aventure sans inscription dans une mémoire et suffisamment imaginatif pour y deviner le fil rouge d’une aventure de cinéma.

    Et je choisis comme réalisateur un jeune monteur, Camille Lotteau, que j’ai connu sur d’autres terrains, ceux de la révolution libyenne, de la guerre des peshmergas contre Daech et de la bataille de Mossoul où il était, aux côtés d’Olivier Jacquin et Ala Tayyeb, l’un de mes cameramen, et qui n’a, à ce jour, signé que des courts- et moyens-métrages plus ou moins expérimentaux.

    Le résultat est un film, je le répète, qui est le mien sans l’être.

    C’est un film où je me retrouve, mais ne me reconnais pas toujours.

    C’est, pour parler comme le trop méconnu Louis Marin, un tombeau du sujet en images, un hétéro-portrait avec ruines.

    C’est, comme tout bon film, la rencontre de plusieurs désirs : celui de l’auteur, celui de l’acteur et celui de la foule des vivants que nous avons, sur notre chemin, croisés et capturés (et bien malin qui dira lequel aura eu, sur son propre désir, le plus à céder).

    C’est un film où, soit dit en passant, comme chez Stan Brakhage, Jonas Mekas et Robert Frank, les maîtres du genre, l’on ne sait jamais très bien qui dit « je » de celui dont le corps est là, visible, dans la lumière, et de celui qui le met en scène ou, parfois, en boîte.

    Mais c’est surtout l’une des rares œuvres qui, par les temps qui courent, donnent à voir l’Europe telle qu’elle est : chaotique et sublime ; brutale et mélancolique ; pleine d’elle-même et lacunaire ; désaimée par ceux qui lui doivent tout et désirée par ceux qui, à ses portes, attendent qu’elle les arrache à la misère et la tyrannie ; solidement ancrée dans le réel, enfin, mais tenant le meilleur de son être de sa réinvention incessante, au fil des âges et des décennies, par les artistes, les philosophes et, plus encore, les écrivains.

    Car c’est la force de ce film d’être gorgé de littérature et de ne pouvoir filmer Utrecht sans évoquer Érasme ; Milan sans partir à la recherche d’Héraclite dans le carton préparatoire pour L’École d’Athènes de Raphaël ; Prague sans convoquer Kafka ; Gdansk sans les Contes de Galicie d’Andrzej Stasiuk ; ou Sarajevo sans que soit lue, à haute et forte voix, une page du Monde d’hier de Stefan Zweig.

    On songe à la Nouvelle Vague et à sa fameuse caméra-stylo, dont Godard soutient que c’était un piège tendu par Sartre à Astruc.

    On pense à Derrida, dont il nous est arrivé, lors de nos précédents films, quand la route était longue, d’évoquer, avec Camille, la théorie selon laquelle il y a une écriture secrète, une archi-écriture, au cœur de tout objet filmique.

    Ou peut-être ce jeune réalisateur est-il simplement resté fidèle aux illustres pionniers que furent Resnais et Rossellini ouvrant, avec Nuit et brouillard et Europe51, une modernité dont le principe était, pour regarder le Mal en face, d’associer toutes les ressources des deux langages.

    Le fait, quoi qu’il en soit, est là.

    On lit sans arrêt dans Princesse Europe.

    On ne se lasse pas d’entendre les voix de Joyce, de l’Ukrainien Ivan Franko ou d’une ballade poméranienne.

    Et c’est en latin et grec ancien que se dit, dès l’ouverture, l’indignité du sort que fait l’Europe aux migrants de Lampedusa. Le cinéma ce n’est pas l’image, disait Abel Gance, c’est l’âme de l’image.

    Eh bien voilà.

    C’est très exactement ce que fait, non sans humour, ce film compliqué, savant et beau.

    Et qu’il reste des lieux en ce monde pour accueillir une entreprise de cette sorte, c’est une heureuse nouvelle et la preuve que la vie continue, la vraie, celle qui n’est pas ailleurs, mais ici, dans la longue mémoire de l’Europe – et celle, aussi, qui ne se réduit pas au seul salut des corps tourmentés par le Covid.

    Hier Cannes frappé de plein fouet, au pire moment, mais qui n’a pas rendu les armes : sauve qui peut la vie ! et le plus grand festival de la planète, celui de toutes les gloires et de toutes les vanités, celui où, chaque année, s’expose l’état de l’âme du monde, entrant en résistance et devenant, le temps d’une saison, le plus éclatant des festivals underground.

    Et donc, aujourd’hui, Venise, sauvé des eaux du Covid mais aussi, semble-t-il, de la marée noire de l’hygiénisme, qui verra une petite princesse humiliée, défigurée, presque morte, défier ses ennemis en même temps qu’elle s’émancipera de ses mauvais amis : qui vive ! murmurera la princesse, dans la nuit de la salle obscure de la Scuola Grande della Misericordia – avant, dans la trouée des mots et des images, de lancer, à son tour, un sonore « vive la vie ! ».

    Elle est retrouvée. Quoi ? L’actualité de l’Europe

    ILLUSTRATION : DUSAULT POUR « LE POINT »

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    *
    La Règle du jeu et Margo cinéma
    vous invitent

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    Princesse Europe
    Un film de Camille Lotteau
    l’adaptation au cinéma de la pièce « Looking for Europe »
    de et avec Bernard-Henri Lévy
    (Mostra internationale – Biennale de Venise:Sélection Officielle)

    Le 7 septembre 2020 à 17h
    à la Scuola Grande della Misericordia
    Places limitées
    Réservation par retour de mail

    Projection suivie d’une rencontre avec
    Bernard-Henri Lévy et Camille Lotteau


  • Viktor Kirtov | 30 mars 2017 - 17:40 2


    Donald Tusk a reçu la lettre de Theresa May initiant le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, le 29 mars 2017. - ZOOM... : Cliquez l’image.
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    L’intégrale de la lettre en VO, ICI

    Dans sa lettre à Bruxelles qui déclenche le Brexit, la Première ministre britannique Theresa May dit vouloir conserver une relation « spéciale » avec l’Union européenne. Voici les principaux points du document rendu public par Downing Street.

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    Partenariat « étroit et spécial »

    « Le Royaume-Uni veut conclure avec l’Union européenne un partenariat étroit et spécial qui porte sur une coopération économique et sécuritaire », écrit Theresa May. Elle insiste sur l’aspect sécuritaire, soulignant que « la sécurité de l’Europe est plus fragile aujourd’hui que jamais depuis la fin de la Guerre froide ».

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    Sortie du marché unique

    « Nous devons travailler ensemble de façon constructive et respectueuse, dans un esprit de sincère coopération. C’est pourquoi le Royaume-Uni ne cherche pas à adhérer au marché unique : nous comprenons et respectons votre position selon laquelle les quatre libertés du marché unique (libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes, ndlr) sont indivisibles et qu’il ne peut pas y avoir de "choix à la carte" », écrit Mme May.

    Elle propose en revanche la conclusion « d’un accord de libre-échange ambitieux et audacieux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ».

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    Pas d’accord ?

    Theresa May n’exclut pas cette éventualité, déclarant par le passé que « pas d’accord vaut mieux qu’un mauvais accord ».

    Dans sa lettre, elle souligne que « ce n’est pas le résultat que nous recherchons », estimant en particulier que « cela affaiblirait notre coopération en matière de lutte contre la criminalité et le terrorisme ». « C’est pourquoi nous devons travailler dur pour éviter ce résultat », écrit-elle.

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    Le défi d’un accord en deux ans

    « Nous reconnaissons que ce sera un défi de trouver un tel accord globaldans la période de deux ans prévue », reconnaît Theresa May.

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    Négociations parallèles

    La Première ministre britannique réclame que les négociations de sortie se déroulent en parallèle de celles du nouvel accord qui liera son pays à l’UE. « Nous pensons qu’il est nécessaire de s’entendre sur les termes de notre futur partenariat en même temps que ceux de notre retrait de l’UE », écrit-elle.

    Une éventualité que Bruxelles a exclue à plusieurs reprises, disant qu’il faut d’abord s’entendre sur les termes de la sortie avant de parler des liens futurs.

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    Période de transition

    Theresa May dit vouloir « minimiser les perturbations et donner autant de certitude que possible », en particulier au monde économique et financier. « Les gens et les entreprises au Royaume-Uni et dans l’UE tireront profit de périodes de mise en oeuvre pour s’adapter d’une façon douce et ordonnée aux nouvelles dispositions. »

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    Citoyens européens

    Le futur statut des quelque trois millions de citoyens européens qui vivent au Royaume-Uni et des plus d’un million de Britanniques qui vivent dans les 27 pays de l’UE constitue une pomme de discorde entre Londres et Bruxelles depuis le référendum sur le Brexit.

    « Nous devons nous rappeler que les intérêts de tous nos citoyens seront au coeur de nos discussions », écrit-elle. « Nous chercherons à garantir les droits des citoyens européens qui vivent déjà au Royaume-Uni... aussi rapidement que nous le pourrons », ajoute-t-elle.

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    Irlande du Nord, Ecosse

    L’une des priorités affichées dans sa lettre est la nécessité de ne pas rétablir de frontière entre la province britannique d’Irlande du Nord et la République d’Irlande. « Nous devons faire attention à la relation unique du Royaume-Uni avec la République d’Irlande et l’importance du processus de pays en Irlande du Nord. Nous voulons éviter un retour aux frontières dures entre nos deux pays ». « Nous avons la responsabilité importante de ne rien faire qui puisse remettre en cause le processus de paix » et l’accord de paix de 1998, ajoute-t-elle.

    Enfin, elle envoie un message à l’Écosse qui réclame un nouveau référendum d’indépendance en promettant de consulter « pleinement pour savoir quels pouvoirs (rapatriés de Bruxelles, ndlr) doivent rester à Westminster et lesquels peuvent être décentralisés en Ecosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord ».

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    (Leparisien.fr Avec AFP. Publié aussi sur RFI)


  • Pierre Vermeersch | 27 mars 2017 - 18:00 3

    « Reprenons notre expérience de griffonnage linéaire. […] Si nous prenons conscience d’une telle ligne d’émotion, nous revivons aussi involontairement le processus de création […], il nous semble qu’une volonté étrangère, impérieuse nous contraigne. « Wilhelm Worringer (Formprobleme der Gotic, traduction D. Decourdemanche.)
    « Les premières apparitions graphiques sur le papier sont geste pur, rythme incantation, et comme résultat purs gribouillis […] Cet état, je ne connais pas de moyens sûr pour le provoquer. C’est comme la grâce en théologie. » André Masson (Le rebelle du surréalisme, Ecrits.)
    Européen, le voisinage des ces deux points de l’expérience (subjective), à situer dans le plan complexe de Mandelbrot

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