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L’Ecole du mystère. Un roman très singulier

Premiers échos

D 2 février 2015     A par Viktor Kirtov - C 15 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


06/02/2015 : Ajout "Le Monde des Livres", Les leçons de Philippe Sollers, par Vincent Roy
08/02/2015 : Ajout La cause littéraire par Philippe Chauché
11/02/2015 : Ajout Ca balance à Paris
12/02/2015 : Ajout Le Figaro : Et le verbe s’est fait chair par Sébastien Lapaque
13/02/2015 : Ajout Le Nouvel Economiste : Fanny ou Manon, une fantaise de Ph. Sollers par P.H. Moinet)
25/02/2015 : Ajout Télérama, Nathalie Cron
25/02/2015 : Ajout Critique de Francis Richard
06/03/2015 : Ajout Frédéric Beigbeder : "Pour saluer Sollers"
09/03/2015 : Ajout Philippe Sollers a le don d’être un moraliste amoral
09/03/2015 : Ajout Il y a un mystère Sollers, comme il y a un mystère Céline…
25/03/2015 : Ajout A bonne école
01/04/2015 : Ajout On ne doit pas s’en priver


L’Ecole du mystère. Un roman très singulier


« …un roman très singulier, que seul vous, pouviez écrire »
Augustin Trapenard, (France Inter/Boomerang)
dans un entretien avec Philippe Sollers le 2 février 2015

Oui, ce roman est très singulier. Lu d’une traite, il m’a laissé déstabilisé.
L’accroche du titre « L’Ecole du Mystère » est bonne. Quels mystères ?
Un leitmotiv au fil des chapitres courts : « le mystère de la foi ».
Comme une incantation, mais pas toujours justifiée par le contexte.
Impression d’un livre mal ficelé. Une succession de chapitres courts sans liens directs, annoncés par un mot. Comme un journal, un essai romanesque, par l’introduction de personnages, par les développements érotiques fantasmés. Le livre aurait pu s’appeler « Fragments d’un discours sur ce que je crois » ou « Ma Recherche ». Non, ce n’est pas du Barthes, non ce n’est pas du Proust. C’est du Sollers singulier, plus singulier que jamais.
Deuxième lecture, sans s’intéresser à la composition du livre, composition cependant hautement revendiquée par l’auteur qui le redit dans son entretien avec Augustin Traquenard et qui pour moi est la partie la moins convaincante du livre. Par contre, dans cette deuxième lecture centrée sur le contenu de chaque thème évoqué, on retrouve un texte court, certes, mais du Sollers pur jus, qui fait entendre sa voix, d’observateur à l’œil et l’écoute affutés, confronté au point de vue de ses deux personnages Fanny (tout ce qu’il n’aime pas), Manon (tout ce qu’il aime) enrichi des citations en situation de ses illustres référents traditionnels dans la littérature, la philosophie et l’art.
Cette écriture questionnement et la lecture correspondante apportent alors au lecteur en quête de fond, de nombreux points d’accroche. A lire comme un journal ! Dans l’ordre et le désordre. Vision kaléïdoscopique sur notre temps et sur l’auteur vus par lui-même, démultiplié dans ses assistants : narrateur et personnages, sans oublier le point de vue de ses chers référents, « plus vivants que les vivants », dont les propos n’ont rien d’anachronique. Là, Sollers, n’a pas oublié son érudition, citations et digressions culturelles sont bien cousues dans le texte avec lequel elles ne font plus qu’un.
Sollers retrouvé.
Hors du temps et dans son temps.
Une voix propre. Singulière et multiple.

« Il est écrivain. Il est plus lui-même que jamais, dans ce nouveau livre L’école du mystère. Philippe Sollers est l’invité d’Augustin Trapenard. » (France Inter)
Interview intelligente, incisive et sans concession mais respectueuse. Qu’à à répondre Sollers face aux objections de "ressassement", "d’écrire toujours le même livre", ses digressions, son autocentrisme...? Et le lecteur dans tout çà, y trouve-t-il son compte ? Philippe Sollers répond avec le sourire.. Ressassement ? Non, pas de répétitions, mais des variations sur les thèmes qui lui tiennent à coeur. Reprocherait-on à Jean-Sébastien Bach ses variations musicales ? Les deux hommes se respectent et celà s’entend. Interview à écouter.

Quels mystères ?

Tout d’abord quelques mots sur la « métrique » du livre :

149 pages
27 chapitres courts, entre 1 et 9 pages, titrés par un seul mot

Quels mystères ? Il faut les chercher dans les développements autour des titres des chapitres :
MESSE, FANNY, JAZZ, ECOLE, OBSCENITE, DIEUX, Y, EXCLUSION, FEU, TOMBEAU, MANON, MARILYN (Yalom), SPORT, DURAS (La duchesse de), FUMEE, TIPPI (Hedren), SINGULIERS, APPELS, ODETTE, NERVURE, MANON, SOCIETE, CRITIQUES, SANS-SOUCI (le bordel dans le 8e arrondissement), OBSCENITE 2, MUSE, PRIERE

Entretien, Bulletin Gallimard, janvier/février 2015

Philippe Sollers.L’École du Mystère. Entretien

Exergue :


« "Qui connaît la joie du ciel ne craint ni la colère du ciel, ni la critique des hommes, ni l’entrave des choses, ni le reproche des morts."
Zhuangzi

De nos jours, […] il convient d’ajouter "ni l’aigreur des femmes", et de mettre l’accent sur "le reproche des morts".
Mystère de la foi, mystère de la joie du ciel. »

Cette « École du Mystère » n’évoque évidemment pas n’importe quelle école ni n’importe quel mystère…


L’École du Mystère, c’est une école qui ne peut produire que des singularités, où l’on peut progresser dans le mystère à partir du fait qu’on n’espère aucune évaluation, à l’inverse de l’école républicaine, qui est là – enfin, qui était là ! — pour évaluer, pour former des ensembles. C’est une école à la fois physique et métaphysique, métaphysique parce que tout commence par une messe, par ce moment de la transsubstantiation qui est l’infilmable même — et que je propose tout de même de filmer !


Et pour ce qui est du versant physique ?


Pour moi, le cœur du livre se trouve dans cet inceste frère-sœur revendiqué, avec ce personnage très singulier qui s’appelle Manon. C’est d’une certaine façon une suite à Portrait du joueur, où ces jeux de rôles dans l’acte érotique étaient mis en perspective. Cette fois-ci, la situation est aggravée par le personnage de la tante, Odette : c’est un inceste au carré, si on peut dire !
Cette interrogation sur l’inceste, qui est quand même une transgression de la loi fondamentale, permet le déploiement d’une clandestinité revendiquée comme telle. Depuis cette position se déploie une critique générale de la société et des nouveaux rapports extrêmement perturbés entre les hommes et les femmes.
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Au personnage de Manon s’opposent les « Fanny »…


Ces personnages qui sont légion, que j’appelle des Fanny, peuvent être indifféremment des femmes ou des hommes de notre temps, qui sont dans l’impasse ou la revendication de normalisation généralisée. Et comme on ne cesse d’en rencontrer, le narrateur choisit quelques exemples de Fanny, femmes ou hommes, qu’il étudie à la manière d’un enquêteur de terrain.
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Vous affirmez « l’athéisme sexuel est rare »…


Nous vivons une époque où la croyance dans le sexe est devenue massive, et l’athéisme sexuel consiste à refuser de se rendre perméable à cette intoxication permanente et d’ailleurs contradictoire — d’un côté une publicité radieuse, de l’autre une misère sexuelle. La guerre des sexes est vérifiable jour après jour, matin et soir, avec en même temps un désir de normaliser toutes les pratiques sexuelles, il n’y a qu’à voir le mariage pour tous ?! Ensuite, la souveraineté de la technique étant ce qu’elle est, qu’il s’agisse de procréation médicalement assistée ou de gestation pour autrui, nous vivons à l’époque du biopouvoir.
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Quel est l’enjeu de ce biopouvoir ?


Ce qui est visé, c’est le cerveau. Si vous passez votre temps à pianoter, à croire que vous communiquez — mais la littérature n’a rien à voir avec la communication —, ce muscle qui s’appelle la mémoire, qui s’entretient par la lecture, par l’écriture, va s’atrophier de plus en plus. Et ce temps de cerveau disponible va être récupéré par les médias, la publicité… Attention, c’est très sérieux, je crois que c’est le cœur du problème. On est dans un changement d’ère, dans une mutation, il faut savoir si on est capable ou non de tenir debout face à elle.
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Comment réagir face à cette désagrégation générale ?


Le problème, c’est : où en sommes-nous avec le temps ?? Non pas l’éternel présent communicationnel ou télévisuel, mais le temps de l’histoire. Nous avons la possibilité d’être renseignés comme jamais sur l’histoire. Nous avons la possibilité comme jamais de nous servir de l’immense bibliothèque où les morts sont plus vivants que les morts-vivants, d’avoir une discothèque énorme, inimaginable du temps de Mozart. Nous avons tout à disposition, sauf qu’il n’y a plus personne. Sauf, éventuellement, des singularités, ces singularités que seule peut former l’École du Mystère. D’où le choix de cette singularité majeure qu’est l’inceste, d’autant plus s’il est heureux.
Disons que sous une forme très calme, le livre déploie une ironie ravageante pour une époque ravagée : le corps est visé, le cerveau est visé, l’histoire est visée. Voici donc une contre-attaque : c’est un livre parfaitement révolutionnaire.
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Entretien réalisé avec Philippe Sollers à l’occasion de la parution de L’École du Mystère.
© Gallimard

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L’esprit du 7 janvier (vidéo)

Philippe Sollers lit "L’École du Mystère", le 7 janvier 2015 dans l’après-midi, après les attentats de Paris.

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Crédit : http://www.philippesollers.net/l-ecole-du-mystere-film.html


PREMIERS ECHOS

Emmanuelle de Boysson (BSC News)

A travers les déambulations dans Paris d’un frère et d’une soeur aux relations troubles se dégage une certaine idée du roman chez Sollers, celle du roman philosophique. Depuis « Portrait d’un joueur », dans la ligne des Lumières, Sollers défend l’introduction de la libre conversation dans le roman. Il devise, sa pensée vagabonde, il est un passeur, il donne envie d’aller voir Monet au Musée d’Orsay, le Titien, à Venise, de lire Sade, d’écouter Mozart. Il est notre Diderot. A noter que le titre du livre, « L’Ecole du mystère » s’apparente à Xuanxue, courant philosophique et culturel chinois taoïste.

http://www.bscnews.fr/201501214452/Notre-selection/livres-la-selection-des-fetes-d-emmanuelle-de-boysson.html

Hebdo des notes

Il Professore Sollers a quitté les Zattere pour l’île de Ré où il rédige un codicille à Médium (NB février 2014), complétant ainsi son catalogue désabusé des folies de l’époque et son observation ironique des nouvelles générations....

http://www.hebdodesnotes.com/analyse/analyse.php/analyse/1034748/L-Ecole-du-mystere

Electre

« L’auteur exprime son dédain pour l’institution scolaire, susceptible d’enseigner seulement le nécessaire sans que le coeur y réponde. Il affirme avoir réussi sa scolarité avec le moins d’application possible tandis qu’il recommande l’école du mystère, celle de la nature, instinctive et dénuée de moralisme, par laquelle le sommeil lui-même dispense un apprentissage. »
©Electre 2015

L’Ecole du Mystère : Philippe Sollers épicurien & catholique

Par Yael (Toutelaculture.com)

Avec une légèreté érudite, Philippe Sollers continue à dresser son propre portrait. Entre portraits chinois de femmes et citations de livres,L’école du mystère creuse le sillon catholique revendiqué depuis longtemps par Sollers et qui se transforme ici en étendard. Épars et agréable.

« Aussi loin que je me souvienne, j’a toujours voulu célébrer la messe. » Dès la première phrase tout est dit : le fond, le désir de retour à une pureté originelle de l’enfance et des premiers chrétiens, mais aussi la forme, pastiche un peu bancal et ampoulé de Proust. Mêlant trois influences spirituelles (Lucrèce, le zen mais surtout l’Eglise), deux femmes (une Fanny amante trop contemporaine pour sortir du matérialisme et une sœur Manon jouant courageusement avec l’interdit) et toute une kyrielle de références littéraires et artistiques, Sollers parle de ce qu’il connaît le mieux : lui.

Mais à mesure qu’il ronchonne sur ce que le monde est en train de devenir, sa manie de se cacher avec des maîtresses dans des palais vénitiens perd en capital sympathie ou du moins de son intérêt. On a même parfois un peu envie de jouer sa Fanny et de reprendre son Ipad pour se pencher sur des enjeux sociaux politiques et culturels plus vastes que le catholicisme délicieusement décadent d’un self-made man repenti.

http://toutelaculture.com/

Salon littéraire.com

Ouvrir un roman de Philippe Sollers procure toujours un léger frisson : on ne sait jamais ce que l’on va découvrir. Trame classique ou succession de saynètes ? Ici ce sera la seconde hypothèse qui se profilera, avec ce savant dosage d’érudition et de fiction. L’écrivain soliloque et nous présente Fanny, sa compagne aux multiples visages, maîtresse de toutes ses amantes, à tel point interchangeable qu’elle se conjuguera aussi au masculin. Théorie du genre quand tu nous tiens… époque du consensus où tout se ressemble, s’assemble et s’évanouit…

Gris conjoncturel qui se répand en vagues odorantes, gaz immonde de la négation de tout si bien qu’à force de ne plus croire en rien, de s’autoriser tous les possibles, quid du mystère ? Sans questionnement, sans quête, sans absolu l’Homme peut-il encore croire qu’il a un avenir ? Seuls les fats et les sots collés à leurs consoles de jeu abondent dans ce sens. Mais l’être doté d’un minimum de réflexion comprendra bien le danger de la situation. Au-delà de toute obédience stupide et bornée, la curiosité et la magie conduisent à structurer une architecture de pensée, donc de vie, du mystère des couleurs à celui des peaux qui s’aiment. Et d’amour aussi il en sera question, sous différents angles tantSollersaimer brouiller les cartes, détourner les codes, affirmer sa totale liberté. Son appétit illimité pour la quête du Mystère…

Mais quel(s) mystère(s) ?

Le christianisme avec « treize disciples au début, un traître à point nommé, douze propagandistes plus ou moins inspirés, un refondateur énergique qui n’arrête pas d’écrire des lettres » ?

Le nihilisme si bien dépeint par Houllebec dans "Soumission" qui provient de la superposition du manque d’imagination, de la « surdité et de l’aveuglement tenaces, mystère, de plus en plus abyssal, de la résignation à ne pas poser une seule vraie question » ?

L’ostracisme, si bien pratiqué ces derniers temps, notamment par le Premier ministre qui, en bon jacobin, s’en prend aux chrétiens.. Oui, l’ostracisme, « voilà le problème, pratiqué à haute dose de tout temps, avec une brutalité variable. Vous êtes gênant, incrédule, acide, voire le meilleur ? Taisez-vous ! »

Roman pastiche, satire cinglante en cercles concentrés qui, d’espièglerie en forfanterie, s’élargissent pour embrasser le monde tel qu’il est et non tel que l’on nous le peint chaque soir dans un cortège de mauvaises nouvelles. Il y aurait de quoi angoisser, mais le bilan a déjà été dressé, les conclusions rédigées. Ne manque plus que la mise en pratique.

En effet, qui se souvient encore de cet éloge d’Epicure qui résuma, à sa manière, le De rerum natura de Lucrère ? « La vue humaine, spectacle répugnant, gisait sur la terre écrasée par la religion, quand, pour la première fois, un homme, un Grec, osa la regarder en face, et l’affronter enfin.  »

Alors, soyons Casanova, qui exigeait de sa maîtresse d’être tout le temps gaie, « la tristesse me tue », soupirait-il entre deux baisers… Soyons fous, soyons vivants !

François Xavier

http://salon-litteraire.com/

chronicart.com par Ludovic Barbiéri


On n’est plus complètement sûr depuis des années, quand on ouvre un roman signé Sollers, de n’avoir pas affaire à un faux. Un pastiche. Un type qui se ferait passer pour Sollers, qui aurait embobiné la chaîne de fabrication chez Gallimard, et réussi sous ce nom à publier un livre où il imiterait les tics de l’auteur de Femmes, jusqu’à berner les critiques qui, sans le savoir, encensent depuis des années les romans d’un imposteur. Si ça se trouve, Sollers lui-même marche dans la combine ; peut-être en est-il l’initiateur. Il s’est trouvé un nègre, un type dégourdi doté d’un bon sens de l’humour, à qui il a fixé un cahier des charges ; contre rémunération, il lui a confié le soin d’écrire chaque année un petit roman dont Sollers est le héros, à paraître l’hiver chez Gallimard. Et ça marche : on n’y voit que du feu. Les faux Sollers, du reste, sont meilleurs que les vrais. Dans ce fameux cahier des charges, on trouve sans doute des consignes comme celles-ci : « – Ecrire en paragraphe courts, deux interlignes entre chaque. – Citer Baudelaire. – Citer Mozart. – Citer la Bible. – Pornographie (pas trop). – Heidegger, Hölderlin. – Des anecdotes, telles quelles ; le moins de commentaire possible, pour faire croire qu’elles parlent d’elles-mêmes. – Eventuellement : Proust, peinture, architecture. – Citer Sollers. – Dire : Bref, Passons, Notez que. – Dire : n’a jamais été lu et/ou n’a jamais été compris (exemples : le rite catholique, la pensée chinoise), etc. – Libertinage, amour libre, etc. »
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On ignore le nom du nègre qui a écrit L’Ecole du mystère, mais il est doué : le contrat, s’il existe, est respecté. Rien ne manque, chaque clause est obéie, le résultat est sollersien en diable. Ce roman se lit avec plaisir ; on saute du coq à l’âne, d’un sujet intelligent à l’autre, en prenant soin d’effleurer, sans approfondir. Il y a des farces, des gags de vieux potache. Le titre oppose deux écoles : la vraie, celle de la République et des gens normaux, où l’on s’ennuie et n’apprend rien (soumission, grégarisme, morale conventionnelle, étouffoir social, etc.) ; celle, sollersienne, du mystère et de la beauté (la vie, les femmes, la liberté, etc.). Un personnage de ravissante bécasse, Fanny (ou quel que soit son nom), est là pour rappeler qu’il ne suffit pas de vouloir s’inscrire dans cette école pour y entrer : combien se piquent de littérature et d’intelligence, qui restent des crétins imperméables à la beauté ! De toute façon, la beauté, seul Sollers, de nos jours, y a encore accès. On sera embêté, le jour où il ne sera plus là. Au fait, question : des romans de Sollers sortiront-ils encore, quand Sollers sera mort ? On pourrait monter une usine de pastiches. Il suffirait aux employés de recombiner les clauses du cahier des charges. Vous vous demandez si cette usine n’existe pas déjà, et si L’Ecole du mystère n’en sort pas. Ce qui revient à vous demander si Sollers n’est pas mort. Erreur : Sollers est immortel. Il cabotine dans l’éternité, avec le génie qui lui est propre.

http://www.chronicart.com

LE MONDE DES LIVRES ; Les leçons de Philippe Sollers

par Vincent Roy

06.02.2015

D’abord il y a les portraits de femmes : Fanny, Manon. La première est plurielle – on la rencontre partout –, la seconde, singulière. Au vrai, les « Fanny » sont indifféremment des femmes ou des hommes – de ceux qui se « féminisent  » au contact du narrateur de L’Ecole du Mystère. Fanny-femme est un « condensé de rencontres », « la partenaire d’une liaison expérimentale ». Elle fait sans cesse la morale, brode son roman familial, bavarde sur les réseaux sociaux, s’occupe de « la gestion rentable de son mari ». Si elle est politique, elle s’agite. Si elle est médiatique, elle joue dans l’enfer des apparences. Bref, Fanny est -irréductiblement normale, et vit dans « le faux temps banal ». Les Fanny, au féminin comme au masculin, revendiquent leur normalisation. Elles sont sentimentales c’est-à-dire ressentimentales.

Manon, personnage central, est l’anti-Fanny, son contrepoison. C’est la sœur du narrateur. A ses côtés, elle se venge « des tribus, des clans, des familles, et de toute la société avec eux ». Ils se retrouvent, en cachette, au fond d’un grand jardin, dans une petite baraque en bois, sous les arbres : noir mystère. Ces deux-là ont une liaison incestueuse secrète : « verbalisation active, traversée du mur du spectacle », jeux de rôles érotiques, « vert paradis des amours enfantines ». On peut lire, sur ce sujet, L’Ecole du Mystère comme la suite de Portrait du joueur (Gallimard, 1984).

Il y a aussi Odette, jolie veuve, la tante de Manon et du narrateur. Elle invitait ce dernier, jadis, dans sa maison, à la tombée du soir, et l’attendait assise sur un canapé, en déshabillé bleu clair, pour des séances sexuelles. Elle avait 30 ans, lui 15. Odette lui apprenait à ne pas devenir un « géniteur naïf », lui enseignait l’histoire vraie de la guerre des sexes « avec une étrange lueur dans ses yeux noisette ». Grâce à Manon et Odette, dit-il aujourd’hui, « je ne me sens pas tenu de mourir ». Ces deux femmes se sont-elles confiées l’une à l’autre ? Le mystère est une école : « Heureux les enfants vicieux, sournois, dérobés, intenses ! Heureux ceux qui préservent leur intelligence de l’in¬souciance ! Vive leurs caresses poivrées ! Le temps les traverse mais ne les noie pas ».

Métaphysique

On l’aura compris : à l’inverse de l’école laïque et républicaine qui « définit la morale » et « célèbre ses serviteurs politiques  », selon le narrateur, «  l’école du Mystère  » ne produit que des singularités. C’est une école physique, spirituelle, métaphysique – le roman débute par une messe et par le moment central de la transsubstantiation –, et philosophique – « La Vertu mystérieuse accompagne les choses dans leurs renversements », prévient un professeur chinois classique.

Philippe Sollers est un libertin, c’est-à-dire quelqu’un qui pense que la société ment sur les rapports entre les êtres humains. Alors il contre-attaque. Sa lucidité comme son ironie ne laissent pas de nous bousculer. En enquêteur clandestin de terrain, il a observé que « des milliers de Fanny ont remplacé la littérature et la pensée par la morale », que les cerveaux et les corps étaient visés, que l’Histoire était évacuée et que seuls quelques êtres « singuliers », des aventuriers de l’écart, pourraient nous sauver. Ces mercenaires, ou plutôt ces révolutionnaires, forment une secte secrète. Son nom ? L’école du Mystère.

Vincent Roy
Crédit : lemonde.fr

L’Ecole du Mystère, de Philippe Sollers, Gallimard, 150 p., 17,50 €.

Vincent Roy sur pileface (sélection) :
« L’Evangile de Nietzsche », Entretiens avec Philippe Sollers
« Existence du poète. ». Interview de Ph. Sollers pour la revue Poésie
« Inceste de Sollers ».
« Fleurs, Dieux, Femmes /Voilà l’équation globale »

La cause littéraire : L’Ecole du Mystère, Philippe Sollers

par Philippe Chauché
06.02.15

« Le Saint-Esprit souffle où il veut, à travers tous les instruments et toutes les syllabes. C’est une Pentecôte immédiate, avec langues de feu et improvisations sans effort. Mystère de la foi, mystère de la musique, mystère du silence. “Vous entendez mon silence ?” dit la voix ».

L’art du roman est souvent une question de souffle, de vent céleste qui fait flamber les phrases et les pages, comme dans le Dào qui irrigue depuis longtemps les romans de Philippe Sollers. L’écrivain souffle où il veut, sans se soucier des vents contraires, de la morale sociale crispée et des jalousies françaises. Pour s’en convaincre, il suffit d’ouvrir L’Ecole du Mystère, et constater une fois de plus qu’il s’agit là d’une langue de feu – la langue française est une Pentecôte – qui embrase et embrasse le Temps – Le mot « temps » prend ici une majuscule, le Temps, retrouvé, avant d’être définitivement perdu– et ce n’est pas un hasard si Philippe Sollers invite à sa table d’écriture Zhuangzi, Proust, et Heidegger, trois langues et trois pensées de feu. La littérature est toujours une question de souffle, de rythme et de phantasiaque la lumière soit et lumière fut –, le mystère du roman est là, et les preuves ne manquent pas chez l’Européen des bords de Garonne et des jardins de Bordeaux : d’ Une curieuse solitude, à Drame, en passant par Paradis I et II, Les folies françaises, ou encore Picasso, le héros, L’étoile des amants et Médium.

« J’attends Manon, ma sœur extraterrestre, elle va venir dans une heure. Il neige beaucoup, les rues sont boueuses, les trottoirs verglacés et glissants. Manon, c’est le beau temps en plein hiver, le soleil sous la pluie, la chaleur sous le froid coupant, la gaité fanatique quoi qu’il arrive ».

Les romans de Philippe Sollers sont à la fois des baromètres et des thermomètres, ils saisissent les éclats solaires, les déchaînements des vents et des marées, les sautes de mercure, comme on le dit des sautes d’humeur. Position idéale de l’observateur : son île atlantique. A chaque roman son île et ses îles, de Ré à Paris, de Bordeaux à Venise, sans oublier New York. Eclats d’humeurs des femmes qui traversent son roman, bonnes et belles pour Manon et Luisa – Sois gaie, la tristesse me tue – assommantes pour les Fanny qui cristallisent ce qu’il avait écrit dans Femmes il y a déjà 30 ans – A travers le temps, Fanny se voit volontiers, en voiles transparents, incarnant la déesse Raison sur l’autel de Notre-Dame–. Sa plume bleue est un sismographe – encore une invention chinoise : Zhang Heng poète cartographe – 78-139 –, ses capteurs ont la rare faculté poétique d’être à fois à l’écoute permanente de notre siècle et des ondes sismiques des temps que l’on dit passés, mais qui sont follement présents, sans la moindre nostalgie – cette graisse mentale qui alourdit tant et tant de romans d’aujourd’hui.

« Etre somnambule très tôt, noter ses rêves, s’endormir n’importe où en trois minutes, être sourd quand il faut, mais rester attentif au moindre changement d’accent dans les mots. Etre familier de toutes les fenêtres et de toutes les portes. Garder son enfance au bout des doigts, surtout, mystère de la foi ».

Les romans de Philippe Sollers sont ceux du corps et du cœur absolu, l’un enflamme l’autre, l’autre apaise l’un, et inversement. L’écrivain est cet être singulier et joyeux qui ouvre toutes les portes et les fenêtres sous l’œil complice des femmes de sa jeunesse bordelaise. Qui ne cesse d’écrire, d’une expérience et d’une radicalité à l’autre, ce roman éternel, éloge permanent de l’Infini. Quoi finalement de plus radical que la simplicité divine de son style ? Chez Philippe Sollers, l’écriture tient de l’évidence, de la vérité, de la vitalité, mais aussi du mystère – Fedeli d’Amore – de l’arcane, de l’élévation, pariant avec le lecteur qu’il est bien en train lire un Vrai Roman.

« Vous percevez l’infini partout… Joie, Tristesse, Amour, Haine, Connaissance, vous avez l’horloge enchantée qu’il faut ».

Philippe Chauché
lacauselitteraire.fr

Ça balance à Paris - Philippe Sollers, "L’École du Mystère"

Ça balance à Paris - "L'École du Mystère" from PhilippeSollers on Vimeo.

Le Figaro : Philippe Sollers, et le verbe s’est fait chair

Par Sebastien Lapaque
Publié le 12/02/2015 à 07:00


L’École du mystère est un de ses livres les plus réussis depuis des années.

On a souvent reproché à Philippe Sollers de manquer d’humour et de sens de l’autodérision. Quoi qu’ilait pu en dire, lorsqu’il s’en prità la « France moisie », qu’il chanta la gloire de Mao Tsé-Toung ou qu’il célébra les mérites d’Édouard Balladur, il ne plaisantait pas. Mais « tout arrive en France », ainsi que le clama La Rochefoucaulden montant dans le carrosse de Mazarin pour se rendre à la messe, à Bourg-sur-Gironde, le 4 octobre 1650.

Dans L’École du mystère, un de ses livres les plus réussis depuis de nombreuses années, Philippe Sollers impose un humour tout à lui en se peignant comme une ombre errante dans une époque en miettes.

« Je ne suis pas de mon temps, je ne fais pas de portraits sociaux », jure l’écrivain au relevé de compte désespérément négatif chez son éditeur depuis que de gentilles névrosées et des bricoleurs de thrillers occupent les têtes de gondole. Hélas, les gens ne savent plus lire. Ils ont surtout perdu le sens du second degré. Ce qui éclaire incidemment le succès des romans de Michel Houellebecq : ce peintre génial de nos défaites ne s’égare jamais hors du premier degré « brut de cuve ».

N’importe. Philippe Sollers se sait désormais étranger aux mœurs et aux vices de ses contemporains. Il ne cherche plus à jouer les hommes de lettres. Il écrit. Sur l’islam : « Les humanistes athées (…) misaient sur les “printemps arabes”,comme si l’islam pouvait être soluble dans la démocratie tempérée. Eh non, les assassins redoublent, la démographie galope, les sunnites et les chiites ne sont pas près de s’entendre, les salafistes et les Frères musulmans brandissent leur Coran, et les femmes, dans ces parages, attendent toujours d’avoir un corps et une âme »… Le claudélien Sollers a lu Massignon avec attention. N’apportant rien de nouveau ni à la révélation juive - « Il n’y a qu’un seul Dieu »- ni à l’épiphanie chrétienne - « Et verbum caro factum est  » -, Mahomet peut être regardé comme un prophète authentique, mais dans un sens apophatique… Témoin d’un héritage abrahamique et johannique clos, il a établi de manière négative que tout était consommé depuis la Croix.

Confession singulière

C’est au pied de cette Croix, scandale pour les juifs et folie pour les païens, que s’attarde Philippe Sollers dans L’École du mystère, célébration inattendue de la Très Sainte Eucharistie. Joue-t-il ? À chacun de se faire son idée. Vaut-il mieux croire ce à quoi on ne croit pas ou ne pas croire ce à quoi on croit ? Plus jésuite et mandarin que jamais, Philippe Sollers pose ce genre de questions dans son livre. Il y a des obscénités, dans cette confession très singulière, pour ne pas oublier que la grâce prend sur le péché comme la rose sur le fumier. Quelques merveilles, aussi.

« Être somnambule très tôt, noter ses rêves, s’endormir n’importe où en trois minutes, être sourd quand il faut, mais rester attentif au moindre changement d’accent dans les mots. Être familier de toutes les fenêtres et de toutes les portes. Garder son enfance au bout des doigts, surtout, mystère de la foi. » Amen.

L’École du mystère, de Philippe Sollers, Gallimard, 148 p., 17,50 €.

Le Nouvel Economiste : Fanny ou Manon, une fantaise de Philippe Sollers

par Paul Henri Moinet
Publié le 13/02/2015

La foi n’est pas une question de théologie mais de vitalité, ce que l’on finit par oublier à force de rester trop à l’école qui, nous remplissant de savoir, nous éloigne du mystère.

Dieu est un parfum. Parfois aussi un chant, une phrase musicale ou le sourire d’une femme. Autant d’éclaircies qui nous donnent la joie du ciel. La joie du ciel ?? Une ruse de vieux Chinois ou de jeune Sollers (c’est la même chose) pour dire la grâce, l’impromptu, la divine surprise, tout ce qui nous permet de traverser le temps, de “ne pas se sentir tenu de mourir”.

Du taoïste Zhuangzi “qui connaît la joie du ciel ne craint ni la colère du ciel, ni la critique des hommes, ni l’entrave des choses, ni le reproche des morts” à la dernière saillie de Sollers, il n’y a que quelques femmes d’écart. Dieu se manifeste rarement dans une messe, il est trop discret, trop sensible pour ça. Il fuit les groupes de prière, les assemblées de fidèles, redoute le clergé et les prophètes qui se croient dépositaires de sa parole. Dieu ne parle pas, ordonne encore moins, tout juste chuchote-t-il. Les mots de la transsubstantiation qui métamorphosent le pain en corps vivant rendent un peu plus sensible son mystère. Pour qui sait écouter attentivement, il résonne aussi dans la pierre, l’oiseau, le nuage, la fleur, dans toute la nature qui joue à se cacher.

L’artiste, tendant l’oreille, fait tourner à plein régime la mémoire des sens. Olfactive, tactile, auditive, gustative, visuelle, il en fouille toutes les formes pour célébrer le mystère de la vie. Célébrer n’est pas expliquer ? : ceux qui veulent à tout prix disséquer le mystère, l’ouvrir en deux pour découvrir ce qu’il cache, s’agitent, s’angoissent et, croyant avoir le dernier mot, tournent en rond dans leur petite dialectique narcissique. Ils gèrent avec plus ou moins de réussite leur roman familial, leur vie érotique, leur carrière, s’autorisant souvent des petites embardées pour se donner un bon frisson de liberté. Ceux, au contraire, qui suivent leur nature, leur étoile ou leur dieu, indifférents à la guerre des places, des statuts, des rentes et des situations, multiplient les chances de vivre au paradis, libres et heureux.

Les premiers s’appellent Fanny, les seconds Manon. Pour les Fanny, indifféremment femme ou homme, “l’essentiel est de ‘soigner ses fréquentations’, avoir bien en main son carnet d’adresses, remplir des pages avec photos, donner le ton, prédire les tendances, surveiller les confrères et les consœurs, saisir le vent des films, rester au centre surtout, au milieu du centre”.

Les Fanny sont généralement de bons produits scolaires, adaptés aux marchés mais désorientés par la vie ? ; ils moralisent pour ne pas avoir à penser et ont du mal à s’émanciper du programme, c’est-à-dire de la programmation. Les Manon préfèrent l’école buissonnière, celle des diagonales inventives, des extases rieuses, des perversions innocentes, des jeux enfantins et des caresses répétées, réinventant pourtant à chaque fois l’amour. Dans leur agenda, les Fanny ne voient que les dates, les Manon commencent chaque jour en pensant au saint qui y préside.

“ La foi n’est pas une question de théologie mais de vitalité, ce que l’on finit par oublier à force de rester trop à l’école qui, nous remplissant de savoir, nous éloigne du mystère”

“Les Fanny parlent du bien, en n’arrêtant pas de faire le mal. Manon est protégée du mal par le mal” dit la page ?75 de L’École du mystère. Les unes vivent sans peur et sans reproche, les autres espèrent vivre mais s’agitent dans la crainte et le tremblement. Les unes sont immunisées contre le reproche des morts, les autres se sentent à chaque instant jugées, évaluées, mises en compétition par les vivants.

Il suffit de faire confiance à la vie pour participer au mystère de la foi. Nul besoin de génuflexion, de révélation ou de texte sacré. La foi n’est pas une question de théologie mais de vitalité, ce que l’on finit par oublier à force de rester trop à l’école qui, nous remplissant de savoir, nous éloigne du mystère.

L’école, avec son culte du savoir, ses dogmes, ses chapelles, ses prêtres laïcs, tue le mystère dans l’œuf et forme plus de savants que de curieux.

En bon moine défroqué, prenant le contre-pied de sa toute récente resacralisation politique, Philippe Sollers adore la railler : “L’école laïque et républicaine s’occupe de tout. Elle définit la morale, célèbre ses enfants méritants, ses employés, ses serviteurs politiques. L’ENA condense toutes les aspirations d’État, c’est-à-dire d’Église. Personne n’oserait se moquer de l’ancien clergé en blouse grise, et encore moins, malgré leur désagrégation, de l’École normale supérieure, du Collège de France, du CNRS, de Polytechnique, de l’École pratique des hautes études. Être titulaire d’un Séminaire est une consécration de la loi”.

Ceux qui connaissent la joie du ciel résistent à tout ce qui sonne en “r” – rancœur, rancune, ressentiment –, à tout ce qui sonne en “b” aussi – bruit, brutalité, bestialité –. L’amour les a rendus plus subtils, la littérature plus sensibles, les vieux Chinois plus aguerris, la foi plus joyeux. Comme mot de passe, ils ont choisi une phrase de Proust ? : pour entrer dans leur école du mystère, il faut prononcer la formule “ce tintement rebondissant, ferrugineux, intarissable, criard et frais de la petite sonnette”. Le vieux narrateur se souvenait ainsi de la sonnette de son enfance. Entendre à nouveau la sonnette de son enfance, c’est ne pas avoir d’âge et vivre à toutes les époques.

Par Paul Henri Moinet
Crédit : Le Nouvel Economiste

Europe 1, « Social Club », Entretien avec Frédéric Taddéi

le 11/02/2015

Télérama : Nathalie Cron

23/02/2015

Philippe Sollers apprend en rêvant, en dormant, en marchant... Et fait de cette soif de savoir la matière de son nouveau roman.

Ne demandez pas quelle est cette Ecole du Mystère qui donne son titre au nouveau roman de Philippe Sollers. Elle n’est pas localisable sur la carte, elle ne dispense pas ses enseignements entre quatre murs — surtout pas. Non, pour s’initier au programme de l’Ecole du Mystère, il convient, au contraire, d’ouvrir grand les fenêtres, de faire tomber les cloisons, de s’extraire des enceintes. « Je n’ai rien appris, sauf le nécessaire, à l’école, mais l’Ecole du Mystère n’a rien de socialement nécessaire, et il serait impossible de décrire son programme (il n’y en a pas). J’apprends, voilà tout. J’apprends en étudiant, soit, mais surtout en dormant, en rêvant, en parlant, en nageant, en baisant. Personne ne me dit ce qui est bien ou mal. J’apprends », écrit Philippe Sollers.

Certes, il n’y a pas de programme à l’Ecole du Mystère, mais il y a... disons, un esprit. Qu’indiquent et précisent peu à peu, depuis plus de cinquante ans, tous les livres de Sollers — il suffit d’en citer quelques titres : Paradis, Le Secret, Eloge de l’infini, La Guerre du goût... Si les mots de Baudelaire : « Et je fus dès l’enfance admis au noir mystère/Des rires effrénés mêlés aux sombres pleurs », ceux de Dante : « C’est là le principe, c’est là l’étincelle qui se dilate ensuite en flamme vive et scintille en moi comme étoile au ciel », ceux de Spinoza : « La Joie (Laetitia) est le passage de l’homme d’une moindre perfection à une perfection plus grande »,ou encore ceux de Mallarmé : « Il peut avancer parce qu’il va dans le mystère », si ces mots-là, donc, vous parlent, vous aimantent, c’est bon, à l’Ecole du Mystère, vous êtes admis. Si vous y restez sourd, ce sera plus compliqué... Dans le roman de Sollers, cette opposition s’incarne aimablement, et ironiquement, en deux figures de femmes : Manon, résolument du côté du Mystère, et Fanny, définitivement obtuse. Entre les deux, le coeur de l’écrivain ne balance pas, Manon est sa compagne, sa soeur, son amante, penchée sur son épaule lorsqu’il écrit : « La vie est un mauvais roman qu’il faut transformer en roman, scansion, rythmes, rimes intimes. Vivre "par coeur", monde toujours beau, toujours divers, toujours nouveau. »

Nathalie Crom

L’Ecole du mystère par Francis Richard

Ce roman de Philippe Sollers a pour narrateur... Philippe Sollers. Ce qui n’est pas inhabituel dans son oeuvre. Aussi est-il difficile de démêler le vrai du faux dans cette mise en scène qu’il fait de lui-même. Cela fait partie du mystère qu’il entretient sur lui.

Est-ce si important que cela de démêler le vrai du faux ? L’important est justement qu’il reste mystérieux et qu’il chuchote à l’oreille du lecteur ce qui ressemble à des aveux et qui n’en sont peut-être pas, laissant planer les doutes.

Philippe Sollers est fasciné et ému par le mystère. Et le mystère est dans la messe. Certes, il n’aurait pu être "ni enseignant, ni curé, ni "carrière"" : "Cela dit, je ne peux pas entendre une messe sans une émotion enfantine et sincère. Des mots métamorphosant la matière ! C’est incroyable, donc j’ai envie d’y croire."

Philippe Sollers a-t-il vraiment besoin de romantiser pour avoir une grande liberté de ton, d’expression et de pensée ? Que non pas. Car il porte naturellement, fiction ou pas, des jugements radicaux sur la société de notre temps et c’est réjouissant, et même, souvent, jouissif.

Ce radicalisme dérangera certains. Et alors ? Peut-être est-il nécessaire de les secouer, de leur faire prendre conscience que le mystère n’a pas disparu de la vie des hommes et qu’il ne faut pas se fier aux apparences : "Plus de mystère ? D’accord. Mais c’est justement cette situation qui multiplie le mystère. J’avance, je tombe, je m’enfonce, je me redresse,je n’y comprends rien."

L’institution scolaire est en plein naufrage ? "La France est le pays qui a inventé l’école comme religion et cléricature tenace". L’Ecole du Mystère, au contraire, a la Nature pour seul professeur, "pas de "bourse", d’habilitation, de passe-droits, de recommandations cléricales" :

"J’apprends en étudiant, soit, mais surtout en dormant, en rêvant, en parlant, en nageant, en baisant. Personne ne me dit ce qui est bien ou mal. J’apprends."

La Nature aime à se dévoiler ? Il ne peut s’"empêcher de penser que, peut-être, elle ruse". Il se désintéresse de la vie privée des autres ? Il comprend fort bien "que certains, ou certaines, vivent dans le secret", puisque lui-même et Manon ont toujours aimé se cacher et continuent de plus belle.

Ses contemporains ? Il les étudie et les appelle des Fanny, femmes ou hommes : "Fanny, d’une façon ou d’une autre, directe ou indirecte, me fait sans cesse la morale. Je l’agace, je l’énerve, je l’exaspère, je la gêne, je suis de trop."

Aussi devrait-il se garder, devant elle, ou lui, de "faire l’apologie de l’amour libre ou de la liberté de pensée (c’est la même chose)". Mais il ne peut s’empêcher de faire part de ses séances incestueuses avec Manon, qu’il distingue des Fanny : "Les Fanny parlent du bien, en n’arrêtant pas de faire le mal. Manon est protégée du mal par le mal."

Plus loin il persiste : "Il n’y a qu’une Manon, mais des milliers de Fanny ont remplacé la littérature et la pensée par la morale, encore la morale, toujours la morale." S’il admire chez Manon sa discrétion, il sait qu’il ne faut surtout pas "utiliser un ou une Fanny dans une conjuration. Il y aurait des fuites".

Les premiers chrétiens priaient dans le secret : "Seuls dans une chambre (je les vois d’ici), ils existaient enfin dans la vérité et la liberté. Après quoi, retour dans le bruit, la fureur, l’esclavage salarié, la brutalité, la bestialité, et, surtout, la bêtise. Parfois, dehors, dans la bousculade, un regard de complicité inexplicable les rejoignait. Une Manon leur souriait, et la joie du ciel les enveloppait. Ils se savaient éternels étudiants de l’Ecole du Mystère."

Francis Richard
http://www.francisrichard.net/

Pour saluer Sollers

par Frédéric Beigbeder


Frédéric Beigbeder, Le Figaro Magazine, 06/04/2015
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Tout fout le camp. Autrefois, quand Philippe Sollers publiait un roman, il faisait la une du Monde des livres et toute la presse était au garde-à-vous (sauf Le Figaro !). Maintenant, chez Gallimard, c’est une humiliation par jour : Modiano a le Nobel, d’Ormesson entre dans la Pléiade, et La Hune est vendue. Il est temps de remettre les pendules à l’heure. Mesdames et Messieurs, le nouveau roman de Philippe Sollers est sorti, il s’intitule L’Ecole du mystère, il est très triste et très beau. Si la littérature rime encore à quelque chose, c’est grâce à des hommes comme lui. Sollers a fondé la revue Tel Quel, sans lui vous ne sauriez même pas qui est Francis Ponge.

L’écriture de Sollers est inimitable, comme s’il chantonnait un cantique : vous lirez cela en mémoire de moi. Le problème c’est qu’aujourd’hui plus personne ne se rend compte de l’importance d’un écrivain qui parle de la mort et de la résurrection, du caractère sacré de la lecture, de l’étrangeté des femmes et de la fin de la civilisation catholique. Sollers aurait dû intituler son roman Le Suicide chrétien, les gens auraient peut-être mieux perçu son message. C’est une vie dédiée à l’art, une vie qui s’aperçoit qu’elle s’achèvera peut-être sur un échec. Et qui s’en fout. Je ne serais pas ici à pérorer toutes les semaines si Sollers n’avait pas écrit La Guerre du goût. Nous sommes en guerre, mes amis, et cette guerre est en passe d’être perdue si vous ne vous intéressez pas de plus près à ce croisé dont toute l’œuvre est une ode au bonheur, à la poésie et à cette folie merveilleuse : la langue française. Quelqu’un peut m’expliquer pourquoi Sollers n’est pas à l’Académie depuis vingt ans ? Rien ne rime plus à rien, sauf si vous entrouvrez ce livre. Le salut de votre âme est en jeu. On reproche à Sollers ses collages de citations, mais quand Houellebecq cite Huysmans, tout le monde trouve ça très bien. Ce qui compte n’est pas de citer mais d’entrechoquer les époques : c’est « je fus, dans l’enfance, admis au noir mystère  » de Baudelaire qui rencontre « il peut avancer parce qu’il va dans le mystère  » de Mallarmé. Qui d’autre que ce fou de littérature pour chercher des connexions entre poètes dans un roman qui est un labyrinthe, un jeu de piste, une messe pour le temps présent et une quête de la vie éternelle ? Ce livre raconte l’histoire d’un homme qui prend son apocalypse pour une généralité ; et le pire est qu’il n’a peut-être pas tort : la mort de Sollers coïncidera peut-être avec la fin du monde.

Frédéric Beigbeder
Le Figaro Magazine, 06/03/2015

Philippe Sollers a le don d’être un moraliste amoral

Par APAR

Pourquoi lui ?
Parce que Philippe Sollers a le don d’être un moraliste amoral.

Où le lire ?
À l’église.

Incipit.
« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu célébrer la messe. »

Le passage à retenir par cœur.
« Un intellectuel contemporain a fait un jour cette piteuse déclaration : « je dois tout à l’école. » La France est le pays qui a inventé l’école comme religion et cléricature tenace. L’école laïque et républicaine, ses pasteurs, ses évêques, ses archevêques, s’occupe de tout, donne des cartes d’identité, des passeports, des visas. Elle définit la morale, célèbre ses enfants méritants, ses employés, ses serviteurs politiques. L’École Nationale d’Administration condense toutes les aspirations d’État, c’est une armée qui a ses héros, ses martyrs, ses gradés, les instituteurs autrefois, les diplômés du marketing de nos jours. Personne n’oserait se moquer de l’ancien clergé en blouse grise, et encore moins malgré leur désagrégation, de l’École Normale Supérieur, du Collège de France, du Centre National de la Recherche Scientifique, de Polytechnique, ou de l’École Pratique des Hautes Études. Être titulaire d’un Séminaire est une consécration de la loi. »

À qui l’offrir ?
Au gouvernement. Quel qu’il soit.

Crédit : http://www.apar.tv/books/lecole-du-mystere-philippe-sollers/


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Il y a un mystère Sollers, comme il y a un mystère Céline…

Par Jean-Michel Olivier

L’École du mystère, son dernier livre ? Inclassable, comme d’habitude.

Il y a un mystère Sollers, comme il y a un mystère Céline, Dante ou Joyce. Il publie, tous les deux ans, des romans qui n’en sont pas vraiment, et laissent les critiques souvent interdits. La somme de ses essais est impressionnante (La Guerre du goût, Fugues, Défense de l’Infini) et inépuisable. Cet homme a écrit sur tout : les peintres, les écrivains, la politique, mais aussi les fleurs, Venise (ah ! son Dictionnaire amoureux de Venise : une merveille !), etc. Depuis toujours, il provoque, il agace, il séduit. Il suit obstinément sa voie, qui n’est pas celle de la « France moisie », qu’il dénonçait il y a quelques années…

Alors, L’École du mystère, son dernier livre ? Inclassable, comme d’habitude. Les uns diront qu’il s’agit là d’un roman décousu, sans véritables personnages et sans intrigue. Ils n’ont pas tort. Mais ce n’est pas important. Les autres verront dans ce faux roman (comme les précédents) une sorte de rhapsodie, suite de réflexions sur l’époque, de portraits furtifs, de petites fables, qui tournent autour du titre (qu’ils éclairent) : l’école et le mystère.

Le mystère, tout d’abord, c’est celui de la messe, l’émotion mystérieuse (encore aujourd’hui) à l’écoute d’une messe en latin ou d’un morceau de jazz. Cette émotion, venue on ne sait d’où, nous ouvre les portes d’un monde inconnu où justement le narrateur est initié. Car l’émotion nous ouvre au mystère et le mystère est l’école de la vraie vie. Les grands livres sont à la fois mystérieux, stimulants et riches en enseignements. Pour Sollers, on n’a jamais fini d’apprendre. Seuls les livres qui ne nous apprennent rien sont inutiles.

Nous faut-il donc retourner à l’école ? Non : « L’école du mystère est le contraire de l’institution scolaire en plein naufrage. La Nature est le seul professeur, pas de « bourses », d’habilitations, de passe-droits, de recommandations cléricales. Le cœur répond, ou pas, à la nature universelle, c’est une résonance. (…) J’apprends, voilà tout. J’apprends en étudiant, soit, mais surtout en dormant, en rêvant, en parlant, en nageant, en baisant. Personne ne me dit ce qui est bien ou mal. J’apprends. »

Éloge de la lenteur, de l’apprentissage, de la pensée, de la poésie, le roman de Sollers fait se croiser deux femmes, très différentes l’une de l’autre, qui intrigue le narrateur. Il y a Fanny, « partenaire d’une liaison expérimentale », qui représente la morale (toute-puissante aujourd’hui, hélas), la contradiction, Fanny très occupée par sa vie de famille, « la gestion rentable de son mari », « ses réseaux sociaux », ses amours contrariées, — Fanny qui l’agace et qu’il aime. Et, sur l’autre bord, il y a Manon, la sœur aimante et complice, Manon qui joue avec le feu, l’initiatrice et la consolatrice, résolument du côté du mystère, de l’expérimentation, de l’émotion vécue.

Dans L’École du mystère, on voit passer bien d’autres personnages, liés souvent à une actualité : Céline, Heidegger (dont on publie les Carnets noirs), Marilyn Yalom (prêtresse américaine des « études genre »), Marguerite Duras (vieille sœur ennemie). Chacun contribue à bâtir cette école du mystère que Sollers appelle de ses vœux, et qui prend forme au fil du livre. Comme autrefois, en 1987, la société secrète du Cœur absolu avait pris forme sous la plume de ce grand amoureux de Venise.

Difficile d’en dire plus sur ce livre inclassable, riche, clair et mystérieux.

Laissons les derniers mots à Philippe Sollers : « Qui connaît la joie du ciel ne craint ni la colère du ciel, ni la critique des hommes, ni l’entrave des choses, ni le reproche des morts. »

Crédit  : http://jmolivier.blog.tdg.ch/archive/2015/02/25/mystere-sollers-264898.html

A bonne école

Par Arthur Bitaud,
Zone critique, 24 mars 2015


Philippe Sollers. ZOOM... : Cliquez l’image.

Zone Critique revient aujourd’hui sur le dernier roman de Philipe Sollers,L’Ecole du Mystère. Plus à l’aise dans son époque qu’on ne pourrait le penser, l’auteur nous a maintenant habitué à ses sorties régulières, attendues à chaque fois au tournant aussi bien chez ses lecteurs que chez ses détracteurs. Sauf peut-être pour cette dernière livraison,comme en témoigne un certain mutisme de la critique à son égard. Bombe novatrice ou énième redite, que vaut cette rentrée des classes tardive ?

On ne parle plus de Sollers, ou plutôt on s’en désintéresse. On lui reproche avant tout un éternel ressassement (soit sous couvert d’une trame classique, soit sous la forme de saynètes, pas de juste milieu), ses sempiternelles références et, surtout, son auto-centrisme notoire. Alors oui,L’Ecole du Mystèrece n’est pas moins de vingt-six courts chapitres dans lesquels Sollers nous parle de femmes, d’écriture, de la Chine, des bouleversements sociétaux, d’inceste, de Proust, de Sade, de Duras (relire « L’hypnose Duras » sous l’éclairage de son nouveau roman vaut le coup) et….de Philipe Sollers. Bref, le lecteur déjà réticent peut d’ores et déjà s’arrêter ici, nous sommes bel et bien dans l’empire de Sollers. Personnellement, à part quelques similitudes avec les propos tenus dans Femmes (Sollers nous montre d’ailleurs qu’il y a pensé), je n’ai pas eu l’impression d’avoir navigué dans un précédent Sollers. Le lecteur bienveillant se prendra alors au jeu, aussi tordu soit-il, de l’auteur et de son école du mystère, et ce pour son plus grand bien car cette école n’est pas dénuée d’intérêt…

Maitresse acariâtre / Maitresse idéale : Des Fanny aux Manon.

Au centre du roman, deux figures féminines.

Deux femmes, deux écoles : Fanny « Mystère de l’amour : je l’aime, et elle aime me contredire à chaque instant […] C’est l’eau, la puissance de l’eau sur la pierre que je suis. », et Manon « petite salope sublime ». La première, produit scolaire parfait qui moralise, dénonce et s’attaque à l’écrivain pour ne pas avoir à penser sa propre déroute, la seconde, plus douce mais profondément incestueuse étudie à l’école du mystère, buissonnière et qui ne se fixe sur aucune ligne. Une école physique et une école métaphysique.« Les Fanny parlent du bien, en n’arrêtant pas de faire le mal. Manon est protégée du mal par le mal. », ces deux femmes ne sont que le reflet d’une dualité bien sentie chez Sollers, d’un côté un être insensible aux sentences de la mort, de l’autre des êtresperdus dans le jugement des vivants.

Et je me rends alors compte de la simplicité de ma comparaison de ce roman à Femmes, ce n’est pas ici une étude presque clinique d’archétypes féminins mais un miroir kaléidoscopique qui donne à voir la foule de nos semblables (rappelons-le, Fanny se décline évidemment au masculin, normalisation poussée) que nous offre l’écrivain. Nous sommes Fanny, nous connaissons tous une Fanny, Fanny est tout simplement notre contemporain.

Mais l’ouvrage ne s’arrête heureusement pas à cette simple question, Sollers nous donne aussi à voir la désagrégation progressive du « présent communicationnel », si notre siècle est caractérisé par l’énorme richesse des renseignements disponibles, tristement il n’y a plus personne pour s’en servir efficacement. C’est l’inceste heureux enseigné par l’école du mystère qui serait alors à même de reformer ces singularités perdues. Entre autres.

Beaucoup d’idées qui ne plairont pas à tout le monde, mais si bien écrites et énoncées avec l’ironie et l’humour mordant de Sollers qu’il est difficile de ne pas succomber à la plume sollersienne, encore pleine de vitalité.

Le cœur absolu de l’écriture

Cette satire cinglante, finement orchestrée en cercles concentriques qui se déplient, s’attaquent à des adversaires différents avant de revenir à l’adversaire premier, sans mauvaise foi et sans jamais s’éloigner de notre monde tel qu’il est, est encore une fois un bon exemple du génie poétique de Sollers.

Chacune de ces petites saynètes pourrait se voir l’objet d’une lecture individuelle, et pourtant ce serait dommage de briser ainsi les liens qui existent entre chaque développement. Non seulement je déconseille la pratique mais j’aimerais amener le lecteur à poursuivre ce lien avec les autres romans de Sollers. En effet la grande force de l’écrivain s’exprime dans la résonnance que ses œuvres entretiennent entre elles. Chaque nouveau roman est une étincelle qui en ravive un plus ancien, lui-même encore fumant de sa propre épiphanie. La langue de Sollers est volontairement brûlante et corrosive, elle ne s’arrête jamais, empêche toute cristallisation de l’image avant d’embras(s)er, au fil des textes, tous les chemins qui lui sont donnés à parcourir.

La langue de Sollers est volontairement brûlante et corrosive, elle ne s’arrête jamais, empêche toute cristallisation de l’image avant d’embras(s)er, au fil des textes, tous les chemins qui lui sont donnés à parcourir.

Mais pas d’inquiétude à se faire, si cette école ne compte que peu d’élèves, Sollers en donne les clés au lecteur acquis à cette même cause : « Etre somnambule très tôt, noter ses rêves, s’endormir n’importe où en trois minutes, être sourd quand il faut, mais rester attentif au moindre changement d’accent dans les mots. Etre familier de toutes les fenêtres et de toutes les portes. Garder son enfance au bout des doigts, surtout, mystère de la foi ».

Les lecteurs rebutés d’avance par l’écriture de Sollers n’y trouveront que la confirmation de leur dégout ; les autres, sensibles à la singularité sollersienne, trouveront leur bonheur tout en se demandant combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que Monsieur Sollers ne soit admis à l’Académie Française.

§ L’École du Mystère,Philippe Sollers, Gallimard, 149 pages,janvier 2015.

Arthur Bitaud

Crédit : zone-critique.com

Dans la chronique de Bernard Morilono du mensuel N° 554, avril 2015 ON NE DOIT PAS S’EN PRIVER / ON PEUT S’EN DISPENSER, l’Ecole du mystère figure dans la première catégorie.

L’École du mystère,Philippe Sollers (Gallimard). Tout sauf un roman. Une bonne auberge espagnole jadis signalée par les pigistes Mauriac et Aragon.

Les Grandes Biographies,Stefan Zweig, présentation d’Olivier Philipponnat (La Pochothèque). Plus Zweig parle des autres, plus il parle de lui.

L’Amour dans l’âme, le journal disparu d’Etty Hillesum,Olympia Alberti (Presses de la Renaissance). La romancière prolonge l’oeuvre inachevée de la lumineuse juive exécutée à 29 ans. Pour « s’évader », elle regardait les arbres et les oiseaux au-delà des barbelés.

Le Prix des âmes, Emmanuelle Pol (Finitude). Face à une fille de joie bobo, le psy se demande s’il n’est pas qu’un homme de tristesse qui tapine avec son esprit, loin du divan people de France 3. Ouf !

Avec Giacometti, Yanaihara Isaku, traduit du japonais par Véronique Perrin (Allia). Le portrait du portraitiste par son modèle. Le grand Alberto est allé jusqu’à souhaiter la guerre pour que son ami ne puisse pas retourner au Japon.

Crédit : Magazine littéraire

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L’Ecole du mystère. Citations & Extraits
Une rencontre avec Philippe Sollers/ Rencontre avec la Revue Transfuge

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15 Messages

  • V. Kirtov | 1er avril 2015 - 11:05 1

    Dans la chronique de Bernard Morilono du Magazine littéraire N° 554, avril 2015 ON NE DOIT PAS S’EN PRIVER / ON PEUT S’EN DISPENSER, L’Ecole du mystère figure dans la première catégorie.
    Plus ICI…


  • V. Kirtov | 25 mars 2015 - 18:25 2

    Par Arthur Bitaud, Zone critique, 24 mars 2015
    Zone Critique revient aujourd’hui sur le dernier roman de Philipe Sollers, L’Ecole du Mystère. Plus à l’aise dans son époque qu’on ne pourrait le penser, l’auteur nous a maintenant habitué à ses sorties régulières, attendues à chaque fois au tournant aussi bien chez ses lecteurs que chez ses détracteurs. Sauf peut-être pour cette dernière livraison, comme en témoigne un certain mutisme de la critique à son égard. Bombe novatrice ou énième redite, que vaut cette rentrée des classes tardive ?
    La suite ICI…


  • V. Kirtov | 17 mars 2015 - 16:41 3

    C’est Dominique Brouttelande qui nous a signalé ce texte, L’Ecole du mystère à la lumière de la critique de Stéphane Guégan : « Solaire ».

    Catholique de cœur et Guelfe infatigable, Philippe Sollers a pourtant perdu la foi au début de l’adolescence. Pire, elle l’a abandonné, nous dit L’École du mystère. À cet âge, ça arrive aux meilleurs. Reste, après la perte, le vide qu’elle a creusé, ce vide qu’on dit moderne parce qu’il vous met au défi de le combler sans l’aide de Dieu, précisément. Tout espoir n’est donc pas perdu, il doit bien y avoir des moyens de retrouver « la joie enveloppante du ciel » sur cette terre orpheline… Notre adolescent va les découvrir et se découvrir, en tous sens, à travers eux. On croit choisir, on est choisi. Quelques disques d’Armstrong, achetés à Bordeaux à la fin des années 1940, sonnent comme une révélation. Il faudra saigner sur la page, puisque le trompettiste saigne sur l’instrument. Le mouchoir d’Armstrong, sainte face, sang et sueur de l’excès, nulle douleur. Rythme, phrasé, extase des formes, le jazz déroule ses stridences africaines sans mots. Très vite ensuite, à côté de la musique et du verbe, tout à côté, surgissent les corps et s’imposent les jeux amoureux. La joie commence à revenir, elle se précise, prend le visage des femmes, initiatrices inspirées, maîtresses en fantaisie, petites sœurs de Casanova : « Sois gaie, la tristesse me tue. » L’école du mystère, pour échapper au commun et illuminer ses adeptes, n’a pas besoin de dogme, ni de prophéties occultes. Les femmes y pourvoient largement, elles donnent vie aux mensonges de la littérature et de la peinture, à leur vérité propre, autrement dit. Sollers leur doit beaucoup, ses romans aussi, où circulent toujours de très beaux personnages féminins, parfaites complices d’une langue qui possède leurs cabrioles aventureuses. Cette fois-ci, Odette et surtout Manon mènent la danse, dynamisent le texte, car elles vont et viennent, les charmeuses, afin de ne pas laisser l’auteur sombrer dans sa détestation d’un monde saturé de technique mortifère. La malédiction heideggérienne a ses limites, n’est-ce pas ? L’École du mystère, bien sûr, se situe au-delà, n’enseigne que cet au-delà. Sollers n’est jamais aussi bon qu’au contact du feu et du rire, aux confins de Proust et de Bataille, ces membres dûment convoqués de la secte des heureux.

    Crédit : motsdits.blog.lemonde.fr/ , Blog de Stéphane Guégan, un blog de qualité.


  • V. Kirtov | 9 mars 2015 - 20:38 4

    Philippe Sollers a le don d’être un moraliste amoral par APAR

    Il y a un mystère Sollers, comme il y a un mystère Céline… par Jean-Michel Olivier

    Découvrez ces deux nouvelles critiques sur « L’Ecole du mystère »


  • V.Kirtov | 5 mars 2015 - 11:13 6


    « Ma sœur mon amour » (1966), film suédois de Vilgot Sjöman avec Bibi Andersson et Per Oscarsson. Un XVIIIe siècle d’estampe. © Photo DR

    Jean-Marie Planes de Sud-Ouest (22/02/2015) : Vous refermez le livre et vous allez en voir partout, des Fanny. Quèsaco, Fanny ? C’est la dernière trouvaille de Philippe Sollers. Non pas un personnage unique, plutôt un « condensé de rencontres », une figure d’aujourd’hui, on dira un « sociotype ». Dans « L’École du mystère », Fanny, partenaire d’une « liaison expérimentale », est une femme « très occupée par sa vie de famille, ses enfants, la gestion rentable de son mari, ses amours contrariées, le bavardage de ses amies et de ses amis, ses réseaux sociaux, son entreprise, son ambition à courte vue, ses fins de mois, l’agitation ? ». Il y a des Fanny politiques, des Fanny dans les médias, des Fanny artistes et, les plus redoutables, des Fanny écrivains. Toutes agressives, en lutte contre leur corps, sentimentales, pire « ressentimentales ». Les Fanny sont « tradi », défilent...
    La suite, ici : http://www.philippesollers.net/l-ecole-du-mystere/Sud-ouest-l-ecole-du-mystere.pdf


  • V. Kirtov | 4 mars 2015 - 09:02 7

    Le singe de février est une guenon mâle. Elle s’appelle Fanny et ce n’est pas qu’une imitatrice.[…]
    C’est sur « Des Branches et des Singes » en date du 3 mars 2015 que nous signale Roman Marliere. Bon vent à ce jeune blog qu’il anime avec Timothée Lemoine.
    http://desbranchesetdessinges.blogspot.fr/


  • V. Kirtov | 25 février 2015 - 10:24 8

    Critique de Nathalie Cron , Télérama : Baudelaire : « Et je fus dès l’enfance admis au noir mystère / Des rires effrénés mêlés aux sombres pleurs »


  • V. Kirtov | 15 février 2015 - 14:54 9

    Par Emmanuelle de Boysson, BSC News, 14/02/2015

    Depuis "Portrait d’un joueur", (Gallimard) Sollers poursuit son oeuvre à part. Ici, il s’agit des déambulations dans Paris d’un frère et d’une soeur aux relations troubles. Comme toujours, Sollers défend une certaine idée du roman, celle du roman philosophique. Dans la ligne des Lumières, il introduit la libre conversation. Il devise, sa pensée vagabonde. Passeur, il donne envie d’aller voir Monet au Musée d’Orsay, le Titien, à Venise, de lire Sade, d’écouter Mozart. Il est notre Diderot. « L’École du Mystère », de Philippe Sollers (Gallimard).


  • V. Kirtov | 6 février 2015 - 16:42 13

    Les Leçons de Philippe Sollers dans le Monde des Livres du 6 février par Vincent Roy.
    C’est ICI.


  • V. Kirtov | 4 février 2015 - 10:29 14

    "L’Ecole du Mystère est évidemment le contraire de l’institution scolaire en plein naufrage. La Nature est ici le seul professeur, pas de "bourse", d’habilitation, de passe-droits, de recommandations cléricales. Le coeur répond, ou pas, à la nature universelle, c’est une résonance (ganying en chinois). Je n’ai rien appris, sauf le nécessaire, à l’école, mais l’Ecole du Mystère n’a rien de socialement nécessaire, et il serait impossible de décrire son programme (il n’y en a pas). J’apprends, voilà tout. J’apprends en étudiant, soit, mais surtout en dormant, en rêvant, en parlant, en nageant, en baisant. Personne ne me dit ce qui est bien ou mal. J’apprends. Je sais que je fais des progrès en m’allongeant pour dormir. Agitation, mauvais signe. Bon signe : la sensation d’un halo bleu au-dessus de ma tête, d’une brume bienveillante, d’un encouragement, d’une protection. D’un nimbe, quoi, mais je n’ai pas dit "auréole". Je ne suis pas un saint, loin de là. Le plus drôle, c’est que j’ai pu fréquenter des écoles, m’y ennuyer férocement, mais aussi faire semblant de comprendre, rédiger des devoirs et des dissertations, passer des examens, être reçu sans difficulté, avant de décrocher, et de suivre ma voie, à l’étoile. Je revois des fonds de classe, des lycées, des amphithéâtres, certains visages, des tableaux noirs, des cours de récréation, des chiottes, des tables. J’écoute très vaguement, et je ne fais rien. Je m’arrange pour être malade, je "sèche" la plupart des cours, mais, providence, je me faufile, je passe, ni vu ni connu, tous les contrôles. Vous me demandez comment j’ai fait : je n’en sais rien."

    www.babelio.com


  • V. Kirtov | 21 janvier 2015 - 19:13 15

    Avec une légèreté érudite, Philippe Sollers continue à dresser son propre portrait. Entre portraits chinois de femmes et citations de livres,L’école du mystère creuse le sillon catholique revendiqué depuis longtemps par Sollers et qui se transforme ici en étendard. Épars et agréable.

    « Aussi loin que je me souvienne, j’a toujours voulu célébrer la messe. »

    Dès la première phrase tout est dit : le fond, le désir de retour à une pureté originelle de l’enfance et des premiers chrétiens, mais aussi la forme, pastiche un peu bancal et ampoulé de Proust. Mêlant trois influences spirituelles (Lucrèce, le zen mais surtout l’Eglise), deux femmes (une Fanny amante trop contemporaine pour sortir du matérialisme et une sœur Manon jouant courageusement avec l’interdit) et toute une kyrielle de références littéraires et artistiques, Sollers parle de ce qu’il connaît le mieux : lui.

    Mais à mesure qu’il ronchonne sur ce que le monde est entrain de devenir, sa manie de se cacher avec des maîtresses dans des palais vénitiens perd en capital sympathie ou du moins de son intérêt. On a même parfois un peu envie de jouer sa Fanny et de reprendre son Ipad pour se pencher sur des enjeux sociaux politiques et culturels plus vastes que le catholicisme délicieusement décadent d’un self-made man repenti.

    Crédit : http://toutelaculture.com/