Défense des libertés ou myopie ? Un article très critique qui soutient ce deuxième point de vue.
LA CULTURE
Les intellos les plus myopes du monde L’affaire Battisti, sur laquelle paraît un livre polémique, le confirme : nos penseurs continuent à voir le monde avec des oeillères.
Alain Krivine, Philippe Sollers, Dan Franck et Régine Deforges (de gauche à droite) manifestant pour Battisti. Un pâle remake des années 60.
PHOTO AFP.
La scène se passe au Théâtre de l’OEuvre, le 26 juin 2004. Le cas Battisti défraye alors la chronique. Cet Italien est fixé en France depuis treize ans. S’étant fait un nom avec ses romans policiers, il est lié avec ce qu’il y a de plus à gauche dans le petit monde des lettres parisiennes. Mais il vient d’être rattrapé par son passé : ancien militant marxiste, il se trouve sous le coup d’une demande d’extradition que l’Italie a présentée pour deux crimes de sang qu’il a perpétrés au cours des années de plomb du terrorisme transalpin, et pour complicité dans deux autres assassinats. En 1981, alors qu’il était en prison, il avait été libéré par ses amis des PAC (Prolétaires armés pour le communisme). Sa cavale l’avait emmené jusqu’au Mexique, avant qu’il ne rejoigne la France où le pouvoir mitterrandien était réputé refuser les demandes d’extradition émanant de Rome. En 2004, son dossier ayant été relancé, l’écrivain - condamné à la prison à vie - est à nouveau réclamé par la justice de son pays. Du côté de Saint-Germain-des-Prés, c’est le branle-bas de combat : il faut sauver le soldat Battisti, généreux combattant anticapitaliste.
Au Théâtre de l’OEuvre, donc, un lieu pourtant habitué à toutes sortes de spectacles, la comédie jouée ce soir de juin 2004 vaut le détour. Sous une photo géante du héros, et sous le slogan « Résistances », Fred Vargas, Philippe Sollers et Bernard-Henri Lévy se succèdent à la tribune afin de proclamer leur solidarité avec Cesare Battisti. Mais il n’y a pas que des écrivains : Guy Bedos, Lio, Jacques Higelin, Miou-Miou et Georges Moustaki sont là aussi. Tandis que les orateurs stigmatisent le système pénal italien et ses lois « scélérates », les chanteurs, dans une ambiance Sorbonne-Mai 68, entonnent le grand air de la « révolution permanente ».
Guillaume Perrault, un journaliste du Figaro, raconte l’épisode dans un livre à paraître le 3 novembre et dont nous publions des extraits plus loin. De son enquête, il ressort que ceux qui se sont engagés derrière Battisti l’ont fait parce qu’ils se sont « sentis mis en cause personnellement ». « La plupart de ses défenseurs, remarque l’auteur, étaient prêts à cautionner tous les mensonges pour préserver leurs croyances et leurs souvenirs. La génération Battisti existe : ses membres ont "fait Mai 68", sont aujourd’hui aux commandes - dans les milieux intellectuels, les médias, la politique -, et ils ne voulaient pas savoir. » [...]
Auteur : Jean SÉVILLIA
Source : Figaro Magazine
Date : 29 octobre 2005
Lien : L’article dans son contexte
2 Messages
Cesare Battisti, une histoire française, Viktor Kirtov | 16 janvier 2019 - 10:48 1
L’ex-activiste italien Cesare Battisti est escorté par des policiers sur le tarmac de Rome-Ciampino (Italie), le 14 janvier 2019. (ALBERTO PIZZOLI / AFP)
Cesare Battisti n’est devenu un symbole que tardivement. Il faut dire qu’après un court passage en France en 1981, alors en fuite depuis une première condamnation en Italie, il préfère mettre le cap sur le Mexique.
C’est donc loin de la France que Battisti entend parler de la "doctrine Mitterrand". Face aux demandes des gouvernements italiens d’extraditions de centaines d’Italiens, des demandes répétées régulièrement au début des années 1980, en 1985, François Mitterrand, aux côtés du premier ministre italien Bettino Craxi précise sa position et donc celle de la France. A cette date, on considère que la France accueille 150 Italiens poursuivis pour terrorisme de l’autre côté des Alpes.
C’est la raison pour laquelle, peu de temps après son arrivée sur le sol français, Battisti est arrêté par la police française, à la demande de l’Italie. Mais en 1991, au grand dam des Italiens, la justice française refuse l’extradition notamment parce qu’en Italie il n’aurait pas été rejugé, contrairement à la justice française où la présence d’un condamné par contumace entraîne un second procès.
Protégé par la justice française, Battisti s’installe en France, écrit des polars, ne se cache pas. Il devient un symbole pour la gauche française.
Battisti lâché par la France ?
En février 2004, Battisti est à nouveau arrêté et la menace d’extradition plane de nouveau. François Mitterrand n’est plus là, la droite est au pouvoir, le vent tourne. Deux ans plus tôt, l’extradition d’un autre Italien, l’universitaire Paolo Persichetti, a prouvé que les extraditions d’anciens militants d’extrême gauche n’étaient plus impossible
L’arrestation mobilise tout ce que la gauche compte d’intellectuels et d’artistes. Philippe Sollers y voit "une vengeance".
[On peut entendre Philippe Sollers, en février 2004, dans l’extrait audio de l’émission, ci après :]
Mais cette mobilisation est inutile. Le 30 juin 2004, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris rend une décision favorable à son extradition. Et Jacques Chirac est bien décidé à la faire appliquer.
Pourtant, en août, peut-être aidé par les services français - c’est en tout cas ce que prétend Battisti - l’écrivain s’enfuit vers le Brésil où il aura vécu pendant 15 ans. L’histoire française de Cesare Battisti s’achève, laissant les intellectuels et artistes désemparés, et, selon certains, toujours aveuglés.
Thomas Snégaroff
« Histoires d’info » sur France Info, 14/01/2019
L’affaire Battisti (suite), Albert Gauvin | 14 janvier 2019 - 11:17 2
Lu sur France Info...
Condamné à perpétuité en Italie pour homicides, l’ex-militant d’extrême gauche Cesare Battisti a été arrêté en Bolivie
[...] Le président Bolsonaro favorable à une extradition
L’ex-président brésilien Michel Temer avait signé mi-décembre l’acte d’extradition réclamé depuis des années par l’Italie, où Cesare Battisti a été condamné par contumace en 1993 à la prison à perpétuité pour quatre homicides et complicité de meurtres dans les années 1970. Ancien militant d’un groupe d’extrême gauche classé comme terroriste par la justice italienne, les Prolétaires armés pour le communisme, Cesare Battisti affirme être innocent et vivait exilé au Brésil depuis 2004, après avoir passé près de quinze ans en France.
Au terme d’un séjour en prison et d’un long processus judiciaire pour l’extrader, le président brésilien de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2011) avait décidé en 2010 de ne pas livrer le fugitif à l’Italie. Jair Bolsonaro, président d’extrême droite qui a pris ses fonctions le 1er janvier, avait, lui, réitéré en décembre son intention d’extrader l’ancien militant, affirmant sur Twitter que le gouvernement italien pouvait "compter" sur lui pour le renvoyer vers son pays d’origine.
"Le Brésil n’est plus une terre de bandits. Matteo Salvini [le ministre de l’Intérieur italien], le ’petit cadeau’ va arriver", s’est félicité le fils du nouveau président brésilien, le député Eduardo Bolsonaro. L’ambassadeur d’Italie au Brésil, Antonio Bernardini, a également accueilli la nouvelle avec satisfaction : "Battisti est en prison ! La démocratie est plus forte que le terrorisme." (sic. Cf. franceinfo)
Rappelons que, en France, L’arrestation de Battisti avait été refusée en décembre 2003 avant que son extradition ne fût décidée en 2004.
Patrick Besson écrivait alors dans une chronique du Point :
Au point : Journal d’un Français sous l’empire de la pensée unique.
ZOOM : cliquer sur l’image.
Et Philippe Sollers écrivait encore en 2011 (JDD, 29 janvier) :