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La malveillance organisée, par Yannick Haenel

Charlie Hebdo. Soutien total à Coco.

D 20 mars 2024     A par Albert Gauvin - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


La malveillance organisée

Yannick Haenel

Mis en ligne le 20 mars 2024
Paru dans l’édition 1652 du 20 mars

Le flot d’insultes et de menaces déclenché par un dessin publié dans Libération par notre amie Coco me consterne. On lui reproche de se moquer du malheur des Gazaouis alors que c’est le contraire qui saute aux yeux : Coco donne à voir les ruines de Gaza, représentées par des immeubles éventrés, et au milieu de ces ruines, la mort et la famine. Une main, terrible, sort des décombres ; elle nous appelle. Un homme affamé, en guenilles, court après des rats et des cafards. Une femme, assise sur le bord du chemin avec son enfant, lui aussi affamé, rappelle à l’ordre le chasseur de rats en lui tapant sur la main : «  T-t-t… Pas avant le coucher du soleil !  » Le sens de cette situation est clairement explicité par un encadré qui dit : « Ramadan à Gaza. Début d’un mois de jeûne. » Ainsi comprend-on (et il faut vraiment VOULOIR être aveugle et sourd pour ne pas comprendre) que ce dessin souligne l’absurdité de ce qui a lieu actuellement à Gaza : non seulement la famine sévit, mais en plus les Gazaouis, réduits à manger ce qu’ils trouvent, doivent subir une interdiction de se nourrir prescrite par leur religion, l’islam imposant en effet le jeûne durant la journée.

Notre scandaleuse impuissance

Ce qu’on voit dans ce dessin de Coco, c’est le drame abominable du peuple gazaoui enfermé dans une double peine : celle de la famine consécutive aux bombardements infâmes de l’armée israélienne, et celle d’une prescription religieuse qui les empêche de se nourrir. Coco met ­l’accent sur cette coïncidence malvenue qui aggrave l’impasse dans laquelle Gaza se meurt : elle ne se moque pas des Gazaouis, une telle chose serait abjecte, et proprement impensable  ; elle donne à voir combien la prescription religieuse les enfonce plus encore dans la mort. Le dessin de Coco ne désigne aucun responsable, ne dit rien contre l’islam  ; il se contente de relever, comme c’est le cas dans l’art du dessin, du constat implacable. Ainsi se dégage-t-il une impression de tristesse sans recours : lorsque nous le regardons, nous sommes renvoyés à l’accablement, ainsi qu’à notre scandaleuse impuissance.

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Tous ceux qui crient à l’offense et qui voient dans ce dessin un outrage à Gaza révèlent non seulement leur lamentable incompétence à voir et à déchiffrer, mais surtout la malveillance automatique qui les anime. Ils VEULENT que ce dessin soit offensant  ; ils en ont besoin pour que la haine dont ils sont les porteurs continuels trouve un objet de plus sur lequel se déverser. Leur incompréhension est militante : elle fabrique de la manipulation. La VOLONTÉ de ne pas comprendre, c’est-à-dire la mauvaise foi organisée, conduit toujours au crime. Et de fait, lorsqu’ils CHOISISSENT de prendre ce dessin pour cible afin de nourrir leur intarissable besoin de haine, c’est pour assouvir leur logique de lynchage. On en est donc là. Soutien total à Coco.

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