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Retour sur une nuit de chaos au Capitole

Archives : Etats Unis, Automne 1977 par le groupe Tel Quel

D 11 janvier 2021     A par Viktor Kirtov - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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Philippe Labro : La guerre de Sécession n’est pas terminée

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Le chaos s’est emparé de l’Amérique. Alors que le Congrès s’apprêtait à certifier la victoire du démocrateJoe Bidenà la présidentielle américaine,une foule de jusqu’au-boutistes trumpistes a envahi mercredi le Capitole, où siègent la Chambre des représentants et leSénat, pour l’en empêcher. Des scènes de violences inconcevables, qui resteront à jamais associées à la tempétueuse fin de mandat de Donald J. Trump.

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C’est ce que Roosevelt appelait« le jour de l’infamie », débute Philippe Labro dans son intervention, à chaud,. Fou d’Amérique, le journaliste déplore le triste spectacle que nous a offert ces dernières heures la plus grande démocratie du monde. « Ce quis’est passé hier au capitole de Washington DCétait prédit, prévu etprévisible.Donald Trumpa instrumentalisé l’événement ! »accuse le journaliste. Alors, le président américain aurait-il perdu la raison ? « Certainement pas, poursuit l’écrivain. Il est ce qu’il a toujours été : un mégalomane narcissique dictatorial. »

Alors qu’une foule importante s’était emparée du Capitole, le drapeau confédéré symbole de la sanglante guerre de Sécessionet de l’extrême droite a été brandi dans le sanctuaire de la démocratie américaine. « La guerre civile n’est pas terminée », éveille l’intellectuel.Le bilan de cette journéeest terrible : des images qui ont fait le tour du monde. Cinq morts à déplorer dont on ne parle pas assez. Les ennemis de l’Amérique Chine, Russie, Iran… ironisent sur les leçons de démocratie qui leur ont souvent été données par « la plus grande démocratie du monde ».

Les États-Unis ébranlés, les autocrates confortés

ÉDITO. En soulignant la fragilité de la démocratie, l’intrusion des militants pro-Trump dans le Capitole verse de l’eau au moulin des régimes autoritaires.
Par Luc de Barochez

Publié le 07/01/2021 Le Point.fr


Xi Jinping et Donald Trump en juin 2019. ©BRENDAN SMIALOWSKI / AFP
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La démocratie américaine a fini par l’emporter. Mais l’impression s’impose qu’elle ne tient plus qu’à un fil. Le Congrès a certifié, jeudi peu avant l’aube, l’élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis. Cette validation, qui aurait dû être de pure forme, a été bouleversée par la dramatique incursion dans le Capitole d’émeutiers d’extrême droite chauffés à blanc par le président[Donald Trump. Elle a été entachée, de surcroît, par le refus de près de la moitié des représentants républicains et d’une poignée de sénateurs, républicains également, de reconnaître la validité de l’élection à la Maison-Blanche du candidat démocrate, malgré l’absence du moindre élément étayant les accusations de fraude.

Lorsque la démocratie américaine vacille, c’est tout l’Occident qui tremble sur ses bases. « Quand l’Amérique cessera d’être bonne, l’Amérique cessera d’être grande », dit une citation attribuée à Alexis de Tocqueville que le président Ronald Reagan aimait à répéter. La politique de Reagan, dans les années 1980, avait grandement contribué à l’effondrement du totalitarisme communiste soviétique. Mais aujourd’hui, c’est le système autoritaire chinois qui fait des émules à travers le monde.

Les événements du Capitole offrent aux gouvernements autoritaires à travers la planète l’occasion de marquer un nouveau point contre la démocratie libérale. La Chine, la Russie ou le Venezuela ne peuvent que se réjouir de voir les failles béantes du système démocratique américain étalées au grand jour. Le président iranien, Hassan Rohani, a fait mine de s’en inquiéter : « La démocratie occidentale est vulnérable et fragile », a-t-il dit. Dans son esprit, il s’agissait bien sûr de souligner la prétendue supériorité de la théocratie autoritaire iranienne. Sur la forme pourtant, son constat rejoint celui de Joe Biden : « Aujourd’hui nous rappelle, douloureusement, que la démocratie est fragile », a déclaré le président élu.

Les pulsions insurrectionnelles ne s’arrêteront pas le 20 janvier. Fragile, mais aussi attaquée sans relâche, de l’extérieur comme de l’intérieur. L’intrusion des radicaux pro-Trump dans le Capitole fait écho à l’assaut mené depuis des mois dans le cyberespace contre les institutions américaines, apparemment depuis la Russie, sans d’ailleurs que le président sortant ne s’en préoccupe outre mesure. Et quand la démocratie est à la peine en Amérique,[elle se meurt à Hongkong, où le Parti communiste chinois vient de faire embastiller tous les dirigeants de l’opposition. Elle s’éteint aussi dans la Turquie de Recep Tayyip Erdogan ou dans la Hongrie de Viktor Orban, et elle est sur la défensive dans de multiples pays où elle avait progressé depuis la fin de la guerre froide.

Aux États-Unis mêmes, la démocratie est mal en point, affaiblie depuis des années par la structure technocratique et par le rôle croissant de l’argent dans les campagnes électorales, qui ont grignoté peu à peu le sentiment que la souveraineté appartient au peuple. La montée en puissance de forces populistes et autoritaires hostiles à la démocratie libérale n’est en rien ralentie par la pandémie de Covid-19. Quelque 74millions d’Américains ont voté Donald Trump le 3novembre dernier – plus qu’en2016– et seule la participation exceptionnellement élevée au scrutin a permis à Joe Biden de l’emporter. Avant même que le scrutin se tienne le 3novembre, le président répétait que s’il perdait l’élection, ce serait à cause de fraudes. Jusqu’au bout, il aura tenté de secouer le cadre démocratique qui le contraint, soutenu par une fraction considérable du Parti républicain, lequel est désormais menacé de scission.

Les pulsions insurrectionnelles trumpiennes rencontrent un écho important dans la population et continueront à peser une fois que Joe Biden sera entré, le 20janvier, à la Maison-Blanche. Selon un sondage Yougov America réalisé au moment même de l’assaut contre le Capitole mercredi soir, 45% des électeurs républicains soutenaientl’intrusion violentealors en cours, contre 43% qui s’y opposaient. La démocratie elle-même n’est plus considérée comme un bien précieux par une large part des Américains. Le politiste Yasha Mounk soulignait en2018dans son livreLe Peuple contre la démocratie(Éditions de l’Observatoire) que moins d’un tiers des citoyens américains nés depuis1980jugeaient important de vivre dans une démocratie (alors que cette proportion dépassait les deux tiers pour ceux qui étaient nés dans les années1930ou 1940). Il n’étonnera personne que la présidence Trump se termine dans le bruit et la fureur. Mais ce qu’elle révèle de l’état de l’Amérique doit être une source de préoccupation pour tous les démocrates à travers le monde.

Assaut du Capitole : insurrection, putsch, exorcisme ?

Par Jean-Pierre Naugrette

REVUE DES DEUX MONDES, JAN 8, 2021


Illustration : des supporters du président Donald Trump prennent d’assaut le Capitole, à Washington, le 6 janvier 2021 . Photo :Lev Radin/SPUS/ABACAPRESS.COM.
ZOOM : cliquer l’image
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Sidérant, stupéfiant, sans précédent, impensable, inouï… Les adjectifs n’ont pas manqué lors del’assaut lancé contre le Capitole par les partisans pro-Trump, galvanisés par le discours enflammé de leur héros battu : haranguant ses troupes devant le décor de la Maison-Blanche,le président sortant les a exhortées à marcher vers le Capitole en utilisant la manière « forte ». Lesquelles lui ont obéi au doigt et à l’œil. Les choses ont dérapé lorsqu’ils ont commencé à investir les lieux tels les Gaulois, en l’an – 390 avant notre ère (si l’on en croit Tite-Live), se proposant de prendre le Capitole de Rome, par surprise, la nuit. La légende veut que les oies sacrées de Junon aient donné l’alerte, ce qui sauva Rome. Portes enfoncées, coups de feu, bureaux mis à sac, parade sauvage sur les lieux sacrés de la Constitution américaine, députés et sénateurs évacués d’urgence, hémicycles investis, ces images ont choqué le monde entier,y compris le président Macron, qui s’est exprimé dans la nuit de mercredi à jeudi pour dénoncer cette attaque sans précédent contre la démocratie : il était bien placé pour le faire, ayant subi les assauts des « gilets jaunes », avec un discours qui s’adressait tout autant aux Américains qu’aux Français, en prévision d’éventuels troubles à venir l’année prochaine, pour l’élection présidentielle française…

« Sur le parvis du Capitole, les manifestants ont cassé le matériel des journalistes comme on brûlait les livres à Berlin en 1933. »

Dans un discours sobre et grave, le président élu Joe Biden a dénoncé une « insurrection sans précédent » dans l’histoire américaine récente. Insurrection ? Oui, car l’invasion du Capitole par les barbares en treillis, arborant des casquettes d’un rouge trumpien, avait pour but affiché d’arrêter le processus de certification de l’élection présidentielle, menée comme il se doit par le Congrès, sous la houlette du vice-président Mike Pence (Républicain) et de Nancy Pelosi (Démocrate), présidente de la Chambre des Représentants. Vouloir interrompre, voire empêcher cette certification prévue par la Constitution relève bel et bien de l’insurrection. Dans l’histoire moderne, la méthode relève du fascisme ou du nazisme. L’incendie criminel du Reichstag, dans la nuit du 27 au 28 février 1933, les émeutes d’extrême-droite du 6 février 1934 à Paris, visant à s’emparer de l’Assemblée Nationale, la tentative de coup d’État du 23 février 1981 en Espagne, où l’on a vu des gardes civils, armes au poing, ouvrir le feu au beau milieu du Congrès, sont autant de coups insurrectionnels notoires contre le processus démocratique.

Très vite submergées, les forces de police protégeant le Capitole ont préféré battre en retraite plutôt que de faire feu sur la foule — mais on devait dénombrer quatre morts, plus celle d’un policier décédé de ses blessures, cinq morts au total, preuve s’il en était besoin qu’il s’agissait bien d’un coup de force (la scène est évidemment impensable au Kremlin : la foule n’aurait même pas osé s’approcher à cinq cents mètres). Sur le parvis du Capitole, les manifestants ont cassé le matériel des journalistes comme on brûlait les livres à Berlin en 1933. Puisque ce sont les médias qui ont annoncé la victoire de Joe Biden, cassons les médias : dans l’Antiquité grecque ou romaine, les tyrans mettaient à mort les messagers porteurs de mauvaises nouvelles.

« Cette fois, on a constaté avec effroi que la parole de Trump était performative, qu’elle était capable, comme dans la Rome antique, de déplacer des foules obéissant à tel tribun délirant. »

Pendant quelques heures, la démocratie américaine a vacillé sur ses bases. Sommé de prendre la parole pour calmer ses troupes, le président Trump a fini par lancer un appel au calme, non sans avoir au préalable, comme il le fait régulièrement depuis le scrutin de novembre, contesté les résultats de l’élection. C’est là qu’il est apparu dans toute sa dangerosité. Jusqu̵ici, il se contentait de s’enfermer dans le déni ou la dénégation, dont la formulation, selon Freud, relève d’une structure grammaticale : « Je sais bien… mais quand même ». Je sais bien que j’ai perdu, mais j’ai quand même gagné. C’est la posture d’un enfant de 4 ans jouant par exemple au jeu de l’Oie, refusant d’accepter le verdict du dé et avançant son pion trop loin, quitte à se faire tancer par ces compagnons de jeu. Le problème ici, c’est que ce gamin refusant la défaite est âgé de 74 ans, et qu’il est à la tête de la plus puissante nation du monde. Mais il y a plus, cette fois. Cette fois, on a constaté avec effroi que sa parole était performative, qu’elle était capable, comme dans la Rome antique, de déplacer des foules obéissant à tel tribun délirant. Le déni s’est mué en action : entre son désir infantile de nier la défaite et l’acte permettant de l’interrompre, il a franchi quelque part la ligne jaune qui sépare le fantasme de la réalité.

Avec lui, c’est une vilaine déferlante qui s’est déverséeintra muros : des nostalgiques du drapeau confédéré brandi par les états esclavagistes lors de la guerre de Sécession, des pères et des mères de famille en treillis, visiblement en guerre contre l’état fédéral soupçonné d’être marxiste et se battant pour leur soi-disant « liberté », et pui ce Jake Angeli, à demi nu, arborant un casque viking en plastique, la poitrine constellée de symboles nazis, qu’on a vu occuper le perchoir, porte-drapeau de l’inquiétant mouvement Qanon, pour qui une guerre secrète se déroulerait entre le président Trump et des élites implantées au gouvernement, dans les médias et les milieux financiers qui commettraient des crimes pédophiles ou sataniques.

« On a mieux mesuré à quel point la démocratie américaine restait fragile, fragilisée après quatre années de trumpisme pendant lesquelles les théories conspirationnistes ont tenu le haut du pavé. »

On a mieux mesuré à quel point la démocratie américaine restait fragile, fragilisée après quatre années de trumpisme pendant lesquelles les théories conspirationnistes ont tenu le haut du pavé : face à l’état fédéral, l’Américain paranoïaque moyen se sent menacé, et revendique son droit inaliénable de prendre les armes face à un ennemi non clairement identifié, et donc partout. Un reportage sur une ménagère du Michigan qui ne va jamais faire ses courses en voiture, jusqu’au supermarché, sans ses flingues et sa caisse à munitions à portée de mains dans son coffre, m’avait laissé, il y a quelques mois, pantois. Déjà, en avril 2020,[des manifestants armés de fusils d’assaut avaient pénétré, à Lansing, dans le Capitole du Michigan pour demander l’assouplissement des mesures de confinement, répétition de ce qui s’est passé récemment à Washington. Car il va de soi que pour ces gens-là, le masque contre le virus relève d’un coup de force marxiste qu’il faut dénoncer armes à la main ! Ils avaient fait le tour des lieux, ébahis de leur propre audace, puis étaient repartis.

Y a-t-il eu pour autant tentative de putsch ? Autant on peut parler du putsch raté d’Hitler le 8 novembre 1923 à Munich, ou bien du putsch des généraux à Alger du 21 avril 1961, autant on ne peut pas, littéralement, accuser Trump d’avoir lancé ses troupes à l’assaut du Capitole pour renverser Biden et proclamer son élection. Quand bien même il en aurait eu l’intention, le président sortant s’est heurté à un obstacle de taille, en la personne de son vice-président Mike Pence. Pence le colosse effacé, le béni-oui-oui hochant la tête derrière son maître lors des discours, voué aux seconds rôles, mais Pence diplômé en droit (Juris doctor) de l’Institut universitaire d’Indianapolis, avocat, membre de l’église évangéliste, profondément croyant, a refusé de faire ce qu’on lui demandait, de franchir la ligne, de monter à la tribune du Sénat qu’il préside de droit et… de déclarer Trump vainqueur. L’histoire retiendra peut-être de Pence sa foncière loyauté envers les institutions : lorsqu’il a frappé du marteau pour certifier l’élection de Biden, Nancy Pelosi l’a applaudi pour son courage. Pence, c’est l’oie du Capitole qui a sauvé Rome à Washington.

« Le nouveau président américain, qu’il s’agisse de lutter contre les fantasmes de son peuple dévoyé ou de se battre pour la démocratie, a du travail devant lui, et du souci à se faire. »

Maintenant que l’élection est certifiée, que deux sénateurs démocrates ont été élus pendant même que se déroulait l’assaut, il faut espérer que la démocratie reprendra ses droits. On peut lire l’épisode de deux manières. Soit considérer que les institutions ont failli périr dans un scénario catastrophe du genre La chute de la Maison Blanche (2013), l’un des meilleurs dans le genre, où Mike Banning (Gerard Butler), ancien garde du corps du président américain, sauve à lui seul le président, la Maison et l’Amérique investies par des forces ennemies. Dans ce cas, il faudra bien chercher les responsabilités et les causes profondes de cet assaut, afin qu’il ne se reproduise pas. Soit le considérer comme une pulsion destructrice, un ultime soubresaut, un exorcisme infantile : les assiégeants ont occupé les lieux pendant quelques heures, saccagé quelques bureaux, occupé des fauteuils, on fait des selfies, puis, constatant qu’ils n’avaient rien à y faire, ont quitté la place. Il fallait sortir du pur déni pour exorciser en acte : tribut à payer, cinq morts. Une sorte de purgation ou de catharsis ?

Quoi qu’il en soit, le nouveau président américain, qu’il s’agisse de lutter contre les fantasmes de son peuple dévoyé ou de se battre pour la démocratie, a du travail devant lui, et du souci à se faire.

Jean-Pierre Naugrette

Ancien élève de l’École normale supérieure, Jean-Pierre Naugrette est professeur de littérature anglaise du XIXe siècle à l’université Sorbonne- Nouvelle Paris-III. Il est notamment l’auteur de "Pelé, Kopa, Banks et les autres… les héros de mon enfance", (éd. La Différence, 2014). Dernier ouvrage paru : “L’Aronde et le kayak - Une famille à Viroflay 1930-1960”, Les deux soeurs éditions, décembre 2019.

Dans la tête de Donald Trump

Depuis son apparition sur la scène politique nombreuses ont été les analyses psychologiques et psychiatriques à charge, de ce président mégalomane narcissique dictatorial, menteur invétéré, dangereux par son impulsivité et son comportement imprévisible, jusqu’à se poser la question : cet homme est-il apte à gouverner les Etats Unis ? La question n’a jamais eu de prolongement politique, compte tenu de la majorité présidentielle indéfectible au Sénat.

Psychanalyste émérite et professeur de psychiatrie au George Washington University Medical Center, Justin A. Frank décortique la psyché de l’occupant de la Maison-Blanche dansTrump on the Couch : Inside the Mind of the President. Entrevue.

Mathieu Carbasse

L’actualité, 12 octobre 2018


Photo : AP / La Presse Canadienne
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Quel diagnostic posez-vous sur Donald Trump ?

Je ne fais que décrire Donald Trump dans mon livre, je n’établis aucun diagnostic. Toutefois, il ne fait aucun doute qu’il est inapte à être président en raison de ses mensonges, de son impulsivité, de sa méconnaissance des dossiers et de son mépris pour les règles de même que pour la loi.

Comment vous y prenez-vous pour analyser le profil psychologique de quelqu’un que vous n’avez jamais rencontré ?

Mon approche pour analyser la psyché des deux présidents précédents reposait sur les informations accessibles à propos de leur enfance et de leur famille. Ces données concernant Trump sont très rares en comparaison. Heureusement, les nombreux livres dont il est l’auteur ainsi que ses sorties sur Twitter fournissent une quantité de matière sans précédent pour décrire la façon dont certains schémas psychologiques qui se sont installés dans son enfance influencent encore ses comportements d’adulte.

Pourquoi dites-vous que le problème de Donald Trump, c’est un manque d’amour ?

Parce qu’il a toujours besoin d’attirer l’attention sur lui. On ne connaît pas grand-chose de ses jeunes années, mais il semblerait que sa mère n’ait jamais été réellement présente pour lui. Comme il n’a pu se sentir aimé de la façon qu’il voulait, il s’aime donc lui-même pour compenser. Il aime tout ce qu’il fait, il répète qu’il mérite un A+ pour tout ce qu’il entreprend… Il se dit à lui-même ce qu’une mère dirait à son bébé.

Donald Trump serait-il une sorte de « fils à maman » ?

Quand quelqu’un exprime son mécontentement lors d’une réunion publique, Donald Trump répond souvent « Va voir maman » [« Go home to mommy »]. Quand il agit ainsi, il effectue une projection de lui-même. Il est celui qui a besoin de rentrer à la maison dans les bras de maman, il est celui à qui la mère manque.

Vous dites aussi qu’il ressemble beaucoup à sa mère. De quelle façon ?

C’est vraiment frappant pour moi de voir jusqu’à quel point il agit comme sa mère. Mary Anne Trump avait une attirance pour le spectaculaire et la démesure, elle aimait l’or, elle aimait tout ce qui lui rappelait la royauté [elle était d’origine britannique]. En grandissant, Trump s’est intéressé à son tour à ce genre de choses. Ce qui explique que, dans ses appartements, il y a de l’or partout. Même quand il change les rideaux à la Maison-Blanche, dans le Bureau ovale, c’est pour mettre des rideaux dorés ! Il fait en sorte que toutes les choses autour de lui ressemblent à celles que sa mère aurait aimées. S’il ne peut pas être aimé par elle, alors il va devenir elle. D’ailleurs, même ses cheveux rappellent sa mère. Si vous regardez une photo de celle-ci quand elle avait 60 ou 65 ans, vous verrez que ses cheveux sont exactement les mêmes que ceux de son fils. C’est très frappant.

Compare-t-il toujours les femmes à sa mère ?

Oui, c’est le cas, ça arrive souvent chez les garçons. Sa mère était vraiment très belle quand il était jeune. Il veut donc être avec des femmes qui sont aussi belles qu’elle. Et il leur demande également la plus grande attention. Il doit être aimé, être la personne la plus importante. Ça a toujours été ainsi avec lui et je crois qu’il le tient de sa mère.

Selon vous, son père est le seul qui a réussi à le dompter. Pourquoi ?

Enfant, Donald Trump était agité, presque impossible à maîtriser. C’était un mauvais garçon, dont on dirait aujourd’hui qu’il souffrait de TDAH [trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité]. Il passait ses journées dans le bureau du directeur. À tel point que, dans son école, pour parler du temps que les élèves punis passaient dans le bureau du directeur, on faisait référence au « moment Donald Trump » !

Il était incapable d’apprendre, il était très difficile pour lui d’assimiler quelque chose. Lire demandait toujours un effort. Quand il se mettait en colère contre ses professeurs, leur reprochant de ne pas avoir expliqué certaines choses, c’est parce qu’en fait il ne les comprenait pas. Personne ne pouvait le canaliser.

Son père, qui était très dur, a été la première et la seule personne qui ait été très réaliste en disant : « Tu es trop pour moi, je ne peux pas avoir le dessus sur toi, je vais t’envoyer dans une école militaire et ils s’occuperont de toi. »

Pensez-vous qu’il craint Robert Mueller (procureur spécial chargé de superviser l’enquête sur les possibles liens entre la Russie et l’élection de Donald Trump) comme il craignait jadis son père ?

Oui. Inconsciemment, il a toujours peur de son père, et il a peur de quiconque lui rappelle celui-ci. Le problème avec Robert Mueller, c’est qu’il ne recule pas, il ne dit rien. Et de la même manière que Donald Trump avait peur que son père le mette dehors de la maison en apprenant qu’il lui mentait, il a peur que Robert Mueller fasse la même chose. Qu’il découvre qu’il est un menteur, qu’il est malhonnête et qu’il le punisse pour ça.

Justin A. Frank n’en est pas à son coup d’essai puisqu’ila déjà écrit deuxlivres sur la psyché des anciens présidents George W. Bush et Barack Obama. Cette fois cependant, il le jure,Trump on the Couch : Inside the Mind of the President sera son dernier. (Photo : D.R.)

Pourquoi ment-il constamment ?

Il se ment avant tout à lui-même, à propos de qui il est vraiment. Il veut paraître plus grand et plus fort que ce qu’il est dans la réalité. C’est une chose totalement normale… pour un enfant de cinq ans.

D’où lui vient sa fascination pour les hommes de pouvoir ?

Rodrigo Duterte, Kim Jong-un ou encore Viktor Orbán ne tolèrent pas que l’on ne soit pas d’accord avec eux. Donald Trump les admire, car il aimerait leur ressembler. Il se sent fort quand il est au côté d’hommes forts, et il a besoin de se sentir fort.

Qu’est-ce qui est plus effrayant pour Donald Trump, révéler sa feuille d’impôts ou démarrer une guerre nucléaire ?

Je vous laisse deviner ! Dernièrement, on a pu constater, par exemple, qu’il était prêt à démanteler le ministère de la Justice, en divulguant toutes sortes de documents confidentiels afin d’empêcher l’enquête russe, plutôt que de dévoiler sa feuille d’impôts. Il préfère démanteler les lois et institutions américaines qu’avoir à montrer ses déclarations de revenus.

Parmi toutes les pathologies que vous décrivez dans votre livre, laquelle est la plus incompatible avec les fonctions de président des États-Unis ?

La pathologie la plus incompatible est son besoin de mentir. Nous avons vu, par exemple, que la foule lors de son assermentation était beaucoup plus petite que celle pour Obama, mais lui a dit qu’elle était plus grande. Cela, à son niveau le plus fondamental, est une attaque contre l’expérience et la perception de chacun. C’est dangereux. Cela sape également notre confiance et le sentiment que notre président a à cœur nos intérêts. Par « notre », je veux dire « à tous les Américains ».

Vous dites que l’état de dissociation est la clé pour comprendre Donald Trump. Pourquoi ?

La dissociation est la séparation d’une partie de l’esprit avec une autre. Ainsi, pour Donald Trump, le monde est divisé en gagnants et en perdants. Il ne peut tolérer plus d’un point de vue. La dissociation est dangereuse, car elle interfère avec la pensée et empêche d’avoir une image complète d’une situation.

Vous comparez Donald Trump à Narcisse. Ce dernier tombe amoureux de son reflet et oublie de se nourrir au point d’en mourir. Quelle serait la fin de Donald Trump ?

La mort de Narcisse est liée au fait qu’il n’était pas réaliste par rapport à sa vie, par rapport au fait qu’il faille manger pour continuer de vivre. Il devait faire autre chose que de se regarder dans le miroir. Trump ne l’a pas encore compris. Inconsciemment, il pourrait donc se détruire ou tenter de détruire les États-Unis, en essayant d’être meilleur et plus fort que toutes les règles et toutes les réglementations existantes. Ça pourrait le conduire à sa perte.


Etats Unis, Automne 1977, vus par le groupe Tel Quel

Automne 1977, la revue Tel Quel N° 71/73 publie un numéro triple dédié aux Etats Unis

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POURQUOI LES ÉTATS-UNIS ?

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(Julia Kristeva, Marcelin Pleynet, Philippe Sollers)

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M. P. : Julia étant de nous trois la seule à avoir déjà écrit et publié sur un de ses séjours aux États-Unis pourrait peut-être nous dire pour commencer comment elle relit le texte « D’Ithaca à New York » qu’elle a repris dans Polylogue, comment elle le relit aujourd’hui précisément après plusieurs autres séjours à New York et aux États-Unis... ?

L’arrière-plan non évoqué dans ce dossier :
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Jimmy Carter, démocrate est élu président des Etats Unis le janvier 1977

André Glucksmann publie Les maître penseurs en mars 1977. Michel Foucault défend le livre

Bernard-Henri Lévy publie La barbarie à visage humain en mai 1977. Sollers défend le livre, dans un article du Monde,

Mao meurt le 9 septembre 1977

« Sur le thème du problème Noir, rien, sinon deux ou trois lignes. Ce n’était tout simplement pas au hit parade des préoccupations du moment et des contemporains consultés pour ce numéro. » Notions-nous dans notre article consacré à ce dossier

Rien non plus sur les « petits Blancs » déconsidérés qui ont rejoint le cœur des pro-Trump d’aujourd’hui. Ce n’était pas d’actualité.

J. K. : J’ai l’impression que ma vision des États-Unis n’est pas tout à fait française et par conséquent elle risque d’apparaître, peut-être, trop particulière. En fait, je suis partie aux États-Unis presque avec le même désir de découverte et de dépaysement qui m’avait menée, il y a dix ans, de Bulgarie à Paris. J’avais de plus en plus l’impression que ce qui se passait en France, grâce aux développements divers du gaullisme finissant d’une part, et de la montée des forces dites de masses ou.de masses petite-bourgeoises de l’autre, faisait du continent européen une histoire prévisible et que, par contre, si on s’intéressait à des ruptures de l’histoire, de la culture et du temps, il fallait changer de continent. Ce changement, j’ai essayé de le faire aussi par un intérêt pour la Chine, comprise comme un sursaut anarchiste à l’intérieur du marxisme. Mais finalement les résultats du voyage en Chine m’ont fait comprendre qu’il s’agit plutôt d’une réédition, peut-être révisée, mais de réédition quand même, du même modèle, du même modèle stalinien, disons marxiste-stalinien. C’est donc par curiosité et par désir de découvrir une autre solution de l’impasse occidentale que je me suis envolée deux fois, et une troisième fois avec un séjour plus long, aux États-Unis. C’était donc un voyage mais pas forcément « au bout de la nuit », c’est-à-dire pas forcément avec une vision apocalyptique ou désespérée, c’était un voyage plutôt avec une tentative de connaissance et en ceci, peut-être aussi, avec un regard particulier et subjectif.

Le capitalisme est un système de récupération permanente

Ce qui m’a frappée pendant mes premiers brefs séjours, et cela s’est amplifié pendant le semestre que j’ai passé à l’université de Columbia, ce sont deux choses. D’abord, j’ai l’impression que le capitalisme américain dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est le plus avancé et le plus totalisant aujourd’hui, loin de traverser une crise (et pourtant il était en période de crise, notamment la crise du Kippour, la crise de l’énergie, la crise de Watergate, la crise des élections présidentielles l’automne dernier) est un système de récupération permanente, de replâtrage de crise, et je mets dans ces termes non pas une valeur péjorative, mais plutôt un sens de possibilité de survie des plus vivables. Il m’a semblé apercevoir dans la logique politique et économique de l’Amérique une nouvelle façon de faire avec la Loi, des contraintes économiques ou politiques de plus en plus féroces, c’est inévitable pour toute société, ça l’est encore plus fortement pour un système technocratique. […]

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QUOI D’AUTRE DANS CE NUMERO "ETATS UNIS, Automne 1977" ?

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Philippe Sollers est encore dans sa phase « Paradis », avec publication en feuilleton dans la revue Tel Quel. Un nouvel épisode bous est proposé dans ce numéro, ainsi qu’un entretien avec David Hayman sur le livre.  :


DAVID HAYMAN : Vous déclarez que Paradis, votre nouveau projet, a une approche très différente de celle de H. Que voulez-vous. dire ?

PHILIPPE SOLLERS :

Le paradis a bien changé depuis Dante... Peut-être que la formule qui indique le mieux le sens de mon titre est une phrase de Sade qui dit : « Tout es paradis dans cet enfer. » Mon but est de faire passer pour agréable ou du moins acceptablc tout ce qui, ordinairement, serait le plus perturbant mentalement aussi bien que physiquement. 11 est· évident que mon approche a évolué depuis H : j’ai centré mon attention sur la Bible de manière plus radicale.

A la fin de H, il y a irruption du style prophétique. Mon type d’écriture a un pontuation accentuée sur l’oreille du lecteur et pas du tout sur son œil. Le résultat est une ponctuation située entre œil et oreille, mais qui doit être activée par la voix. Mon .expérimentation avec cette écriture m’a amené à une lecture en profondeur de la Bible : j’y ai été obligé.

Le texte biblique était après tout psalmodié et non ponctué, et donc sujet à un éventail d’interprétations. Vous savez bien que les commentaires ont joué sans fin sur ces possibilités, tout particulièrement les commentaires de la Kabbale. Ce que je veux faire, c’est relire toute la tradition biblique parce que je crois que nous avons atteint un moment historique où nous pouvons essayer de comprendre en profondeur le sens du monothéisme occidental. - Il me semble qu’aujourd’hui l’écrivain es confronté aux racines les plus profondes et les plus fondamentales de notre culture car nous traversons une période de mutation sans précédent. Je suis allé à la Bible pour découvrir ce que tout cela signifie, ce que ça pourrait signifier. C’est pourquoi mon travail sur Paradis se concentre sur ce point. Je ne parle pas seulement du Nouveau Testament. De toute évidence, j’y décris le christianisme comme une aventure à la fois pathétique et comique. En cela, j’ai été inspiré par Joyce. C’est lui qui a amorcé ce processus de divulgation de l’ambiguïté complète du phénomène, qui est en même temps absolument pathétique et irrésistiblement drôle. Le côté illusionniste du christianisme est une des choses les plus drôles de notre histoire. Mais en même temps, je veux découvrir comment cette écriture fonctionne dans la Bible, dans la Genèse, dans les livres canoniques, et particulièrement dans les textes prophétiques. […]

David Hayman, 1975

Philippe Sollers à New York, en 1977, avec le sculpteur Alain Kirilli


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Julia Kristeva nous propose un extrait de ses conférences sur « l’actualité de Céline » aux universités de Yale et Columnbia (novembre-décembre 1976)

Philip Roth, ami de Philippe Sollers, nous propose un dcryptage de son livre « Portnoy et son complexe », paru en 1969, et qui a apporté la notoriété internationale à son auteur. L’article s’intitulé « Le juif imaginaire ». Un régal d’humour juif et d’autodérision.

Marcelin Pleynet illustre la note poétique en présentant son poème « La gloire du ciel », mais aussi un poème de John Ashbery, extrait de « The double dream of spring »…

La dimension féministe est abordée dans un article intitulé « Women’s studies, USA » par Domma C. Stanton.


[…] A l’époque actuelle, la critique féministe se refuse à la notion d’une phrase, style « féminins », notions que la phallocritique a manipulées pour justifier son mépris du gynotexte.

Si différence il y a, on ne la saura/voudra/dira qu’une fois que le langage sera réparé, que les barrières linguistiques seront abattues, que la femme (et elle s’y met déjà) s’écriera, écrira sa sexualité, texte à corps, corps de textes

Dans cette longue lutte du langage qui forcément la changera, la femme saura/sera enfin sa propre parole et signification : « Language as city : Wittgenstein/Driving to the limits of the city of words/ ... when we corne to the limits of the city/my face must have a meaning [1]. »

Que veut la femme ? Je veux détruire/construire, je veux re-naitre du feu qui a brûlé ses textes, de la rage que j’ai toujours refoulée et que j’ai retournée contre moi, tant de fois, dans la prostitution, l’hystérie, la folie, même le suicide, rage qui me déborde sans m’engloutir, que je convertis en source d’une nouvelle énergie libidinale, principe de ma re-création, moi féminin. Je veux voler pour voler, voler le Logos, la parole, l’écriture qu’il m’a volés, retrouver les cendres des elles avant moi, que je remets devant moi, pour enfin voler par mes propres forces, non plus les ailes cassées, mais au-delà de l’arbre de ma non-naissance, non-essence. Et si ces deux vols inséparables sont longs, pleins de détours, de répétitions, d’hésitations c’est que le ciel est blanc d’un blanc que ma plume déchire pour m’inscrire. Texte dès maintenant sans fin qui dit sa faim, repris de mieux en mieux par une autre elle, ici ailleurs partout, par des elles auxquelles je me fie, texte dépassant le songe froid de mépris, d’un espoir qui nous délivre, chantant à voix toujours plus forte la région où vivre.

Domna C. Stanton.

Outre les thèmes ci-dessus, le focus de ce numéro spécial dédié aux Etats Unis est largement mis sur le monde artistique : peinture, théâtre, danse, cinéma, musique…


[1Rich,« Images for Godard », The Will to Change, op. cit., p. 47.

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