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Les années 30 sont devant nous

Giorgio Agamben, lecteur de Gérard Granel

D 15 janvier 2024     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Il m’est arrivé, tel Cassandre, il y a une dizaine d’années, d’attirer l’attention sur la résurgence d’un nouveau fascisme qui, bien sûr, ne dirait pas son nom, et d’inviter les lecteurs de Pileface à relire certains textes de Sollers (mais pas que...). On trouve ça par exemple dans Éléments pour une analyse du fascisme, dans République ou Révolution ? ou dans La Fête à Venise : Contre la grande tyrannie. Bon. L’extrême-droite progresse aujourd’hui partout en Europe, en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne, etc... et, en France, Emmanuel Macron et ses divers gouvernements en sont les maîtres d’hôtel tandis qu’une Marine Le Pen, « dédiabolisée » par une pléiade de commentateurs (journalistes et intellectuels), vient de reconnaître, à propos de la énième loi « immigration », une «  victoire idéologique  » et attend avec gourmandise son heure [1]...
Dans son dernier billet publié sur le site Quodlibet, ce 15 janvier, Giorgio Agamben, le philosophe le plus lucide sur ce qui se profile dans nos sociétés occidentales (mais pas que...) depuis tant d’années et, surtout, depuis la gestion de l’épidémie covidiste de 2020, nous invite à relire un texte du philosophe Gérard Granel, traducteur, entre autres, de Heidegger et de Gramsci : Les années 30 sont devant nous... C’est ce que nous vous proposons de faire avec lui.

Les années 30 sont devant nous

par Giorgio Agamben

En novembre 1990, Gérard Granel, l’un des esprits les plus lucides de la philosophie européenne de l’époque, donnait à la New School for Social Research de New York une conférence dont le titre, certes significatif, n’a pas manqué de susciter quelques réactions scandalisées chez les bien-pensants : Les années trente sont devant nous. Si l’analyse menée par Granel était authentiquement philosophique, ses implications politiques étaient en effet immédiatement perceptibles, puisqu’il s’agissait, dans le syntagme chronologique apparemment anodin, purement et simplement du fascisme en Italie, du nazisme en Allemagne et du stalinisme en Union soviétique, c’est-à-dire des trois tentatives politiques radicales pour « détruire et remplacer par un "nouvel ordre" celui dans lequel l’Europe s’était jusqu’alors reconnue ». Granel a eu beau jeu de montrer comment la classe intellectuelle et politique européenne avait été aussi aveugle à cette triple nouveauté qu’elle l’était — dans les années 1990 comme aujourd’hui — à sa résurgence inquiétante, quoique modifiée. On a peine à croire que Léon Blum, chef de file des socialistes français, ait pu déclarer, commentant les élections allemandes de juillet 1932, que, face aux représentants de la vieille Allemagne, « Hitler est le symbole de l’esprit de changement, de renouveau et de révolution » et que, par conséquent, la victoire de von Schleicher lui paraîtrait « plus désolante encore que celle d’Hitler ». Et comment juger de la sensibilité politique de Georges Bataille et d’André Breton qui, face aux protestations suscitées par l’occupation allemande de la Rhénanie, pouvaient écrire sans honte : « nous préférons de toute façon la brutalité anti-diplomatique d’Hitler, plus pacifique d’ailleurs que l’excitation baveuse des diplomates et des politiciens ». La thèse de cet essai, dont je recommande vivement la lecture, est que ce qui définit le processus historique en cours, dans les années 1930 comme dans les années 1990 où il écrit, c’est le primat même de l’infini sur le fini, qui, au nom d’un déploiement qui se veut absolument illimité, cherche à abolir dans tous les domaines — économique, scientifique, culturel — les barrières éthiques, politiques et religieuses qui l’avaient jusqu’alors contenu d’une manière ou d’une autre. Et en même temps, à travers les exemples du fascisme, du nazisme et du stalinisme, Granel a montré comment un tel processus d’infinitisation et de mobilisation totale de tous les aspects de la vie sociale ne peut que conduire à l’autodestruction.
Sans entrer dans le détail de cette analyse certainement convaincante, il m’intéresse plutôt de souligner les analogies avec la situation que nous vivons actuellement. Le fait que les années 30 soient encore devant nous ne signifie pas que nous voyons les événements aberrants en question se reproduire aujourd’hui exactement sous la même forme ; cela signifie plutôt ce que Bordiga voulait dire lorsqu’il écrivait, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, que les vainqueurs seraient les exécuteurs des vaincus. Partout, les gouvernements, quelles que soient leur couleur et leur localisation, agissent comme des exécutants de la même volonté, acceptée sans bénéfice d’inventaire. De tous côtés, on voit se poursuivre aveuglément le même processus illimité d’accroissement productif et de développement technologique que dénonçait Granel, dans lequel la vie humaine, réduite à sa base biologique, semble renoncer à toute autre inspiration que la vie nue et est prête à sacrifier sans réserve, comme on l’a vu au cours des trois dernières années, son existence politique. Avec cette différence, peut-être, que les signes d’aveuglement, d’absence de pensée et d’autodestruction probable et imminente, évoqués par Granel, se sont multipliés de façon vertigineuse. Tout indique que nous entrons — au moins dans les sociétés post-industrielles occidentales — dans la phase extrême d’un processus dont la fin ne peut être prédite avec certitude, mais dont les conséquences, si la conscience des limites ne revient pas, pourraient être catastrophiques.

Giorgio Agamben, 15 janvier 2024.

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Gérard Granel. Années 1990.

Sur Gérard Granel

Les années 30 sont devant nous a été publié dans Etudes.

« ETUDES » doit s’entendre au sens des peintres : "étude d’une main", "étude d’une tête de vieillards", etc. Autant dire qu’on ne trouvera ici que des textes autonomes, qui ne sont les parties d’aucun ensemble. Cependant, ils appartiennent bien tous à une même manière, et ils n’ont tous comme ressource qu’une seule question : l’être - monde du monde. Ces études sont sept. Elles vont pour ainsi dire de Socrate à Socrate, puisqu’elles s’ouvrent sur une lecture de J.T. Desanti et se closent par des réflexions sur le Phédon. Les trois premières sont regroupées sous le titre : "Les maîtres" et concernent successivement Desanti, Heidegger et Lacan. Sous le titre "archipolitique" vient ensuite une étude isolée, qui fit en son temps quelque bruit et dont j’oserai dire qu’elle devient de plus en plus actuelle : "Les années 30 sont devant nous". Puis l’on voit apparaître un couple de notions : "Voir et peindre", soit un texte sur le champ visuel et l’infini chez Wittgenstein ("le Monde et son expression") et un autre qui illustre la peinture du Quattrocento à la lumière du Traité de la peinture de Léonard de Vinci. L’ensemble enfin se referme (ou s’ouvre) sur ce qui constitue en effet les deux termes de toute existence : la naissance et la mort. La sixième de ces études oppose à la problématique husserlienne de la chair dans les Ideen II une "définition" de la naissance (téméraire, bien évidemment), tandis que la dernière, déjà mentionnée, cherche en quoi consiste l’exemplarité de l’attitude de Socrate au cours de son dernier soleil.

Extraits

Site consacré à Gérard Granel

LIRE :

Gérard Granel, Les années trente sont devant nous
OU ICI : Gérard Granel, Les années trente sont devant nous

Nicole Raymondis, L’« Im-monde Mondial » selon Granel
Nicole Raymondis, L’« Im-monde Mondial » selon Granel (suite)

Agamben cite les propos de Breton et de Bataille à l’époque de Contre-Attaque, propos malheureux, qu’il faut cependant replacer dans leur contexte avec Michel Surya :
Michel Surya, « Contre-Attaque ». L’offensive révolutionnaire ou la mort.

Quant à Bataille, rappelons qu’il fut d’abord l’auteur, dès 1933, des Structures psychologiques du fascisme.

LIRE AUSSI :

Michaël Fœssel, Les années 30 sont devant nous

L’avant-dernier billet d’Agamben...

Deux nouvelles (pas parmi d’autres)

La revue "Nature", qui fait autorité en la matière, a publié les résultats d’une recherche menée par un groupe de scientifiques de l’université de Cambridge, sous la direction d’Anne Willis, montrant que les vaccins à ARNm, tels que ceux utilisés lors de la récente pandémie, produisent des protéines indésirables dont les effets sur l’organisme peuvent être néfastes. Si l’histoire des maladies souvent graves, voire mortelles, dont souffrent les personnes vaccinées constituait déjà une preuve suffisante pour nous, cette recherche en apporte pour la première fois la preuve scientifique.
La deuxième nouvelle concerne l’augmentation significative, par rapport aux années précédentes, du nombre de personnes atteintes de syndromes grippaux et de Covid (environ 2 552 000 depuis le début de la saison). Il ne semble pas illégitime de suggérer que cette augmentation pourrait être liée aux résultats des recherches mentionnées ci-dessus.
Il est peu probable que les médecins, les politiciens et les experts qui ont imprudemment forcé la majorité de la population à se vacciner remettent en question ces deux faits, alors qu’ils devraient le faire.

Giorgio Agamben, 30 décembre 2023

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