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Miquel Barcelo - Dante Alighieri, dialogue aux marges du ciel

Purgatoire et Paradis illustrés par Miquel Barceló

D 26 octobre 2023     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Après L’Enfer de Dante illustré par Miquel Barceló dans une traduction de Danièle Robert publié par Actes Sud en 2021, la maison d’édition fait paraître ce 13 octobre 2023, Purgatoire et Paradis. L’ensemble est complet, le lecteur comme l’amateur d’art sont comblés, ils ont maintenant la trilogie en mains, en édition d’art grand format.


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TRADUCTION DE DANIÈLE ROBERT
Le travail réellement extraordinaire de traduction d’un texte difficile par Danièle Robert couronne ces deux nouveaux volumes. Après la publication de L’Enfer en 2021, la maison d’édition fait paraître Purgatoire et Paradis.

Miquel Barceló-Dante Alighieri, dialogue au bord du ciel

Par Dominique Vergnon
19/10/2023

Défiant les règles habituelles de l’histoire, voici une rencontre par-dessus les siècles entre Il sommo poeta, le grand poète ou plus simplement, Il poeta, immense titre suffisant à établir son universalité, et un artiste célébré également partout dans le monde pour son œuvre majeure. Entre Dante qui naquit en 1265 et Miquel Barceló, né en 1957. Entre l’écriture et la peinture, la première constituée d’un poème de plus de quatorze mille vers, la seconde composée de plus de 300 tableaux.

La plume converse avec le pinceau, l’encre avec l’aquarelle. Le style italien classique d’alors croise la facture contemporaine, l’un offrant à l’autre une matière infinie pour son imagination, l’autre illustrant l’une à travers une créativité sans limites.

Il fallait oser, croire et organiser cette rencontre, espérer en sa réussite. Il y a en effet toujours un risque quand on associe des talents aussi opposés et des sujets aussi éloignés. Actes Sud s’est lancé dans cette aventure. Le travail réellement extraordinaire de traduction d’un texte difficile par Danièle Robert couronne ces deux nouveaux volumes. Après la publication de L’Enfer en 2021, la maison d’édition fait paraître Purgatoire et Paradis. L’ensemble est complet, le lecteur comme l’amateur d’art sont comblés, ils ont maintenant la trilogie en mains. Le critique littéraire et écrivain Alberto Manguel, dans sa postface, donne une vision élargie et passionnante de cette étonnante union, rappelant que le lecteur s’il veut entrer dans ce monde profond et d’une dimension surnaturelle se doit de cheminer pas à pas à côté de Dante. Il se doit également de suivre page après page cette ligne de grâce que suit Barceló dans chacune de ses feuilles pour donner au texte sa lumière.

Lire ou relire dans de telles conditions La Divine Comédie, faut-il le souligner, est un double enchantement. A la musicalité des phrases répond une sensibilité des tonalités qui font que ce sont de perpétuels échos de sonorité et de visualisation qui discourent.

À l’instant même où la flamme bénie eut prononcé la fin de son discours la sainte meule à tourner se remit et n’avait pas achevé son tour qu’une autre dans son cercle l’enfermait en reprenant danse et chant tour à tour.

La légèreté des pigments choisis par le peintre suit et se marie à la fluidité des termes retenus par l’écrivain. Nous sommes dans les gris diaphanes et les roses plus marqués. Le vert s’allie au vermillon, le jaune d’or tempère le noir qui accentue les contours.
De même que cristallise renvoie à convoitise, augure annonce mesure, éblouir succède à réjouir, et que s’enchaînent en peu de lignes flamboiement, rayonnement, ruissellement, les couleurs s’associent pour diluer sans les confondre les formes venues d’une espèce d’au-delà des volumes habituels.

En face des rimes, par exemple, un cavalier brandissant une sorte de lance chevauche sa monture crinière au vent qui ressemble à quelque fabuleuse licorne.


La dominante bleue du Paradis
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Si pour le Paradis, une large gamme de bleus domine, avec des variantes azur, pervenche, lavande, turquoise, il était bienvenu que pour le Purgatoire ce soit le brun qui préside, avec des nuances brique, ocre, marron, bistre. En clair, à la fraîcheur du premier lieu contraste la chaleur


La dominante brune du Purgatoire
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Danièle Robert ; dans sa préface "Entrelacs Musaïque", cite cette phrase du poète russe Ossip Mandelstam (1891-1938) : La Divine Comédie= ne se contente pas d’arracher le lecteur au temps, elle amplifie le temps comme fait une œuvre musicale lorsqu’on la joue. À mesure qu’il se prolonge, le poème nous éloigne de son achèvement, la fin elle-même survient à l’improviste et sonne comme un commencement. Elle note en outre qu’il ne faudrait pas penser pour autant que la Commedia ne s’adressait qu’à une élite de gens cultivés ; en effet, très vite le poème s’est transmis de bouche à oreille, par fragments, à toutes les couches sociales, tous les milieux, les uns retenant ce qui avait trait à la navigation, les autres à l’agriculture, d’autres encore à l’observation du ciel, au vol des oiseaux.

Ces confrontations aux marges du ciel entre les plus grands textes de l’humanité et les artistes sont merveilleuses. Par exemple pour Le Cantique des Cantiques dont Chagall a illustré quelques scènes, Emile Bernard aussi. Illustrer de tels monuments qui transcendent leur époque et le lieu de leur élaboration n’est pas à la portée de quiconque. Cela exige un savoir-faire éprouvé et une vraie connaissance des textes. Après Botticelli et sa vision renaissante, Gustave Doré et sa version romantique, Miquel Barceló exécute une œuvre éminemment personnelle, bien sûr moderne, mais s’inscrivant dans une tradition qui la rend pourrait-on dire lisible par tous.

Parfois hérissée, échevelée, galopante, flamboyante, parfois apaisée, reposée, priante, elle est comme éthérée et finalement édénique. Si Béatrice Portinari, la muse immortelle qui inspira son maître italien et certains Préraphaélites ouvrait ces livres, quelles louanges ne chanterait-elle pas ?

Dominique Vergnon

Miquel Barceló, La Divine Comédie de Dante Alighieri, Purgatoire, Paradis, traduction de Danièle Robert, Actes Sud, octobre 2023, 240x320 mm, 176 p.-, 49 € chaque volume

*

A propos de Miquel Barceló, l’illustrateur de cette édition ,

Né le 8 janvier 1957 à Felanitx (Majorque, Baléares), est un peintre, dessinateur, graveur, sculpteur et céramiste espagnol associé au mouvement néo-expressionniste.

Bien qu’il se soit initialement consacré à la peinture et au dessin — grâce auxquels il a obtenu très jeune une reconnaissance internationale, devenant l’un des artistes contemporains les plus en vue2 —, il s’est également orienté dans le courant des années 1990 vers la sculpture et le travail des céramiques comme supports alternatifs de ses créations artistiques. Miquel Barceló a également reçu deux importantes commandes, l’une pour la réalisation des décorations de la chapelle Sant Pere de la cathédrale de Palma de Majorque en 2007 et l’autre de la part de l’État espagnol pour la coupole du Palais des Nations de l’ONU à Genève en 2008.

*

A propos de Dominnique Vergnon

Dominique Vergnon, est l’auteur de Comment dire l’instant en peinture – de William Blake à Antoine Watteau, 195 x 225, une quarantaine d’illustrations couleur, Michel de Maule, octobre 2014, 330 p. – 36,00 €

Purgatoire. La préface de Danièle Robert

Mystérieuse est la lumière
et non l’obscurité du livre.

Edmond Jabès


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Le terme "purgatoire", d’abord utilisé par le christianisme comme adjectif dans dcs locutions latines telles que ignis purgatorus, pocna purgatorta, n’est apparu comme substantif qu’entre 1150 et 1200 et n’a été défini comme lieu intermédiaire entre l’enfer et le paradis qu’en 1274 par le second concile de Lyon. Ce passage d’un qualificatif associé à la notion de peine, d’expiation, de purgation par le feu à un nom qui désigne l’espace transitoire où sont mises en attente les âmes de ceux qui sont non pas damnés mais non encore élus constitue, ainsi que l’analyse Jacques Le Goff, un moment très important de l’histoire des idées et des mentalités : "Organiser l’espace de son au-delà a été une opération de grande portée pour la société chrétienne. Quand on attend la résurrection des morts, la géographie de l’autre monde n’est pas une affaire secondaire [1] " Cet espace aux contours encore vagues et variables d’un théologien à l’autre, le génie de Dante le dessine dans la Commedia et le fixe pour des siècles dans l’imaginaire des peuples d’Occident.

Contrairement aux diverses descriptions qui situaient le purgatoire au centre de la terre, près de l’enfer, Dante le place à l’air libre - une île aux antipodes de Jérusalem, donc dans l’hémisphère sud - et lui donne la forme d’une montagne autour de laquelle il faut tourner pour accéder au sommet où se trouve le paradis terrestre. On retrouve dans cette organisation, mais selon une image renversée, la même structure et le même mouvement circulaire que dans !’Enfer, la même avancée laborieuse - dans le sens de la montée, cette fois, et de gauche à droite alors que la descente en enfer se faisait de droite à gauche -, ponctuée de haltes, de rencontres, de dialogues et d’explications ; on retrouve aussi les cercles où les âmes se purifient des sept péchés capitaux, une condition nécessaire pour l’entrée au paradis, laquelle s’accompagne de l’intercession des vivants qui, par leurs prières, peuvent réduire le temps du châtiment. Ainsi, comme le souligne Carlo Ossola : "À travers le Purgatoire, Dante libère l’humanité de sa solitude terrestre. Si la damnation prescrite en enfer et la gloire contemplée au paradis sont bien au-delà de toute volonté humaine, le purgatoire est le lieu de l’amitié et de la solidarité entre les générations, les familles, les arts : le ciel se peuple de voix humaines, et Dante est chargé - par les âmes qu’il rencontre - de missions, de souvenirs, de suppliques, d’admonitions pour son retour sur terre [2]" Cet élément de foi -ébauché dans les Confessions de saint Augustin et relié par les Pères de l’Église à la notion de purification après la mort et avant le Jugement dernier - est donc développé sous forme allégorique par Dante, qui présente un purgatoire dont l’atmosphère est radicalement différente de celle de l’enfer : les peines, tant physiques que morales, ont beau y être douloureuses, elles sont acceptées et vécues dans une sorte de sérénité qui peut aller jusqu’à la joie ; les âmes qui partagent un même sort ne sont pas hostiles ni agressives entre elles, en dépit de ce qui a pu les opposer durant leur vie ; elles se soutiennent, se pardonnent, s’entraident au sein même de la souffrance car elles ont la certitude d’être sauvées et ne connaissent pas le désespoir des damnés puisque, contrairement à eux, elles ont été touchées par le repentir. C’est pourquoi Carlo Ossola qualifie ce deuxième règne d’"épiphanie la plus majestueuse de l’Attente [3]".

Le climat de douceur et de quiétude qui en découle ("La douce couleur d’oriental saphir’’) et entoure toute la cantica est dû, en grande partie, à la profusion de chants, hymnes, psaumes et prières qui ponctuent chaque étape de la marche vers l’Éden. Dante s’exclame au chant XII :

Ah ! que sont différentes ces entrées
des infernales ! Car ici c’est par chants
que l’on entre, là-bas par cris éraillés.

Le Purgatoire est le règne des voix qui accompagnent ou précèdent les rencontres : voix des âmes croisées à chaque arrivée sur une nouvelle corniche, psalmodiant en choeur ou se répondant ; voix des anges placés à chaque entrée d’un nouveau cercle. Aucun instrument de musique conçu par la main des hommes dans ce lieu où les êtres sont dépourvus de leur corps mortel mais non de leur souffle : l’art du "répons" qui s’y déploie est directement lié à l’organum, découlé du chant grégorien. Destiné à mettre en exergue un moment du plain-chant, ce procédé d’écriture musicale fondé sur l’adjonction d’une ou plusieurs voix à la voix principale a donné naissance au contre-chant puis, à partir du XIe siècle, au "déchant", c’est-à-dire aux prémices du contrepoint. Il a connu son apogée au XIIe siècle avec l’école de Notre-Dame et s’est enrichi de nouveaux apports tout au long du XIIIe siècle [4]. Dante y fait une allusion précise à la fin du chant IX, établissant un parallèle subtil pour faire comprendre au lecteur de son temps l’impression qu’il a ressentie au seuil de cet espace inconnu des vivants qu’est le purgatoire :

Et ce que j’entendais me renvoyait
l’image même de ce qui prévaut
quand à chanter l’organum on s’essaie
et que s’entendent alors, ou non, les mots..

Or, la création et le développement de l’organum témoignent, écrit Guillaume Gross, d’une "nouvelle logique du discours qui engendre une nouvelle intelligence de la représentation et de la perception du monde : dans cette perspective, et au-delà du rapprochement entre musique et rhétorique, les structures de l’organum pourraient refléter certaines caractéristiques fondamentales de l’esthétique « gothique » comme, par exemple, le goût pour les effets de correspondance et d’écho qui se manifeste dans l’architecture sacrée, ou la calligraphie [5].

On peut y ajouter l’écriture poétique, et notamment celle de Dante dans la Commedia ; on observe en effet que le chant IX par sa relation étroite avec ses homologues de l’Enfer et du Paradis, établit un pont entre les trois règnes et illustre aussi, structurellement si l’on peut dire, cet art du "répons" : ouvrant la porte du purgatoire proprement dit, ce chant - multiple de trois, bien entendu - vient en contrepoint de l’arrivée devant la porte de Dis au chant IX de l’Enfer comme le fera, par rapport à lui, le chant IX du Paradis avec l’ultime étape de l’ascension vers le ciel de Vénus. Il s’agit là d’une composition véritablement "organale".

*

[ ; ;]

(un peu plus loin)
Impatient d’explorer dans tous ses détours
l’épaisse, vive et divine futaie
qui tamisait aux yeux le nouveau jour,

sans plus attendre du bord je m’éloignai,
arpentant la campagne à pas lents, lents,
sur un sol qui de toutes parts embaumait.
(etc)

[...]

Trois jours et trois nuits constituent le temps de la montée jusqu’à l’arrivée dans l’Éden, à l’aube du quatrième jour : là, durant les six derniers chants XXVIII à XXXIII, la scansion des heures semble comme effacée et l’on assiste à la lente éclosion d’une matinée qui s’épanouit, telle la rose mystique, dans la splendeur du soleil de midi : avant-goût du temps immuable de la contemplation, celui du Paradis.

Le temps de la purification, quant à lui, varie selon la nature des péchés à expier, leur gravité, le moment où a eu lieu le repentir, d’une part ; et, d’autre part, l’intercession sur terre par les vivants qui veulent bien se souvenir des défunts et les aider de leurs prières. C’est pourquoi les âmes rencontrées, qui semblent toujours pressées, s’arrêtent soudain devant cet être qu’elles devinent, à l’ombre que projette son corps en fonction de la position du soleil, comme étranger au lieu ; et, passée leur stupeur de voir pour la première fois un vivant dans le monde des morts, l’espoir de pouvoir hâter un peu plus leur sortie du purgatoire les dynamise. Leurs remarques sur cette ombre et l’étonnement qu’elle suscite reviennent tout au long de la cantita comme un leitmotiv.

Mais il est une autre approche du temps durant cette ascension et au fil du dialogue que Dante amorce avec ces ombres qu’il a connues, pour la plupart, durant leur vie sur terre : c’est celle qui concerne l’art. La rencontre avec Oderisi da Gubbio, au chant XI, par le parallèle que celui-ci introduit tout d’abord entre lui et Franco Bolognese - tous deux ayant travaillé dans le domaine de l’enluminure - puis entre Cimabue et Giotto pour la peinture et enfin entre Guinizzelli et Cavalcanti pour la poésie, pose la question du rapport de l’artiste à son oeuvre, à la valeur de celle-ci, de l’époque dans laquelle elle s’inscrit et de la durée de la renommée que son auteur peut en espérer. Réflexion complexe, mettant le doigt à la fois sur la caducité des entreprises humaines les plus nobles - la gloire éphémère que l’artiste en retire - et le fait que l’art résiste envers et contre tout à l’épreuve du temps même si les oruvres semblent pour un moment détrônées par de plus modernes, auxquelles Oderisi reconnaît, du reste, une valeur indéniable tout comme à celles qui les ont précédées.

On retrouve au chant XXVI un parallèle analogue - établi par Guido Guinizzelli à propos de lui-même et du troubadour Arnaut Daniel - quant à la relation plus spécifique de la poésie à l’amour. Or - et c’est ici un autre exemple de l’architecture organale de la Commedia -, cette question est présente, même si à peine esquissée, dès la rencontre avec Casella puis avec le luthier Belacqua (IV) et elle trouve son plein développement lors des retrouvailles de Dante avec son parent et ami Forese Donati (XXIII) puis avec Bonagiunta da Lucca (XXIV). Reconnu par ce dernier comme l’auteur de la canzone "Donne ch’avete intelletto d’amore [6], Dante est salué comme le poète des "vers nouveaux" en rupture avec la génération de Bonagiunta (1220- 1290) ou plutôt, dialectiquement, en prolongement naturel de celle-ci, de la même façon que Bolognese par rapport à Oderisi, Giotto par rapport à Cimabue, Cavalcanti par rapport à Guinizzelli. Au lieu d’acquiescer à la question de Bonagiunta par un "oui, c’est bien moi", il lui répond :

Pour moi, je suis quelqu’un qui,
quand Amour m’inspire, le note et, sentant
comment il dicte en moi, le signifie.

Il fait ainsi écho, à quelque vingt ans d’intervalle, aux premiers mots de la canzone de la Vita Nova évoquée par Casella, et les prolonge, affirmant en trois vers ce que Roger Dragonetti commente dans une formule lumineuse : "L’acte poétique est un acte d’Amour dont la respiration appartient à la puissance créatrice de l’oeuvre [7] .’’ Souffle d’ Amour qui permet à la voix du poète de proférer le chant, c’est-à-dire qui fonde l’activité poétique. Désir si puissant de louer sa Dame qu’il n’a d’autre choix que de forder une langue nouvelle et de créer une forme spécifique pour en célébrer la souveraineté.

La langue nouvelle est puisée aux sources de la linga madre : le latin, les diverses langues vernaculaires, mais emprunte aussi à d’autres langues tel le provençal et s’orne en outre de néologismes. Quant à la forme conçue pour incarner la vérité que veut nous transmettre le poète, c’est cette inscription géniale dans le corps même du poème d’un jeu de rimes qui le "signifie" magistralement, ainsi que le souligne Bruno Pinchard : "Dante est le « maitre intérieur » parce qu’il est le maître des assonances qui font des langues le foyer de toutes les correspondances. En s’arrachant à la conjonction de l’idée et de la rime, Dante se tient en effet au carrefour d’un des acres les plus secrets sans doute, mais les plus fondateurs de notre civilisation [8]"

Cet acte fondateur, qui ne dissocie pas l’esprit du corps, c’est-à-dire l’idée de la forme - en l’occurence de la rime -, qui réalise l’union de toutes langues au sein même de leur spécificité, est précisément ce qui témoigne de la profonde modernité de l’oeuvre de Dante une modernité qui ne connaît ni fléchissement ni décadence.

Nota : Les soulignements ainsi notés sont de pileface :V.K.

*

Assonances, correspondances : conjugués à l’art· "répons" ces maîtres-mots de la poésie dantesque forment un tissage harmonieux dans cet espace-temps où se mêlent la mémoire du passé et la projection dans le futur via le mouvement tournant de la marche du poète pendant qu’il se dépouille peu à peu de tout ce qui a occupé voire préoccupé son temps humain afin d’atteindre la pureté donne accès aux étoiles. "Qµe le franchissement écrit Franc Ducros, soit, dans le pas, franchissement de
soi-même ; dans l’acte poétique suprême franchissement des limites de la mémoire et de parole ; ou, dans le poème qui se donne selon mouvement d’un homme singulier, franchissement des lieux de l’univers, des hommes rencontrés, des savoirs accumulés, des temps révolus et à venir, franchir est l’expérience par laquelle l’homme éprouve - et connaît -à la fois sa limite essentielle et ce qui excède sa limite. Ce qui se tient en lui et ce qu’il atteint au-delà de lui-même [9]."

Ainsi Dante aborde-t-il, en franchissant chaque étape, les questions qui ont été toute sa vie à la base d’un engagement total, à savoir les problèmes éthiques et politiques étroitement liés entre eux et, de toute évidence, liés aux problèmes philosophiques et théologiques

.

Nombreux sont les passages où l’on retrouve les invectives déjà présentes dans !’Enfer à l’adresse de l’Italie, Rome, Florence, la papauté : objets d’ opprobre auxquels s’ajoutent ici les Capétiens et la Maison de France ; où l’on retrouve à cette occasion -contrairement au langage courtois et serein de l’ensemble du Purgatoire- la crudité de termes qui stigmatisent la goinfrerie, la ruse, l’appât du gain, la corruption, la bestialité sous toutes ses formes.

Le point culminant de sa réflexion éthique et politique se trouve au chant XVI, qui est également le cinquantième chant de la Commedia, situé donc à l’exacte moitié de l’œuvre. Moment de renversement, comme lors du passage de l’hémisphère nord à l’hémisphère sud, à la fin de l’Enfer (XXXIV) :

Dante et Virgile arrivent sur la corniche de la colère et l’on est soudain comme renvoyé de nouveau en enfer dans une atmosphère ténébreuse, enfumée, un air "âcre et gras" qui ôte toute possibilité d’y voir clair si bien que le premier personnage rencontré pourra dire : "L’ouïe nous réunira à la place / de la vue si nous l’interdit la fumée.’’ Ce personnage est Marco di Lombardia, dont Dante fait son porte-parole tant pour la dénonciation de la dégradation des mœurs que pour celle de la confusion des pouvoirs temporel et spirituel puis pour aborder la question du libre arbitre, qui sera par la suite reprise et développée. C’est donc le sage et vertueux Lombard qui emploie la métaphore des deux "soleils" créés pour éclairer le monde et dont "l’un a éteint l’autre, ajoutant l’épée / à la crosse..." : : condamnation sans appel de l’Église de Rome qui a voulu concentrer à la fois le pouvoir spirituel - qui légitimement lui revenait - et le temporel dont le détenteur devrait aux yeux de Dante, le monarque, afin de garantir l’indépendance des ordres divin et humain [10]".

Ce retour sur le passé lié à la constatation de l’état désastreux du présent, que traduit allégoriquement le chant XVI, se double d’une projection dans un futur proche au moyen des rêves et des visions prophétiques dont le poète émaille la cantica avec un art consommé du jeu entre le moment où est censée se dérouler l’action (avril 1300) et les événements qui ont effectivement eu lieu juste avant ou pendant l’écriture du poème, soit durant les vingt premières années du XIVe siècle, qui sont aussi les dernières de sa vie.

La thématique des rêves est empruntée à la fois à la tradition gréco-latine - d’ordre philosophique comme poétique - et à celle des Écritures, mais entièrement remodelée : les trois rêves prophétiques des chants IX, XIX et XXVII qui scandent la cantica permettent au pèlerin Dante de reprendre en quelque sorte son souffle afin de poursuivre la quête avec plus de courage et de détermination : on ne trouve ces temps de repos ni en enfer ni au paradis. Là se conjuguent parfaitement les quatre sens - littéral, allégorique, moral et analogique ¬ définis dans le Convivio (II, 1), et les diverses interprétations de ces rêves sont nombreuses, qu’il s’agisse de l’aigle qui emporte le dormeur tel un nouveau Ganymède puis qui flambe avec lui (IX),


L’aigle qui emporte le dormeur
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de la femme décrépite, sorte de sorcière soudain transfigurée par le regard de Dante et transformée en Sirène (XIX) ou de l’apparition de Lia évoquant sa sœur Rachel et ce qui les oppose ou plutôt les complète, la première incarnant la vie active, la seconde la vie contemplative (XXVII).


La femme décrépite transformée en Sirène
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Ces trois rêves trouveront des correspondances au chant XXIX, lorsque Dante sera parvenu au paradis terrestre et aura franchi le Léthé, conduit par la mystérieuse dame dont le nom, Matelda, ne sera révélé que plus tard ; là se déploiera devant ses yeux une vaste vision qui reprendra en partie celles de ses rêves prémonitoires : l’aigle au plumage d’or - symbole de Jupiter emportant Ganymède- fait place à un griffon aux ailes d’or image du Christ) monté sur un char que Dante compare au char du Soleil et au vol tragique de Phaéton relaté par Ovide dans l’un des plus beaux chants des Métamorphoses [11]

[...]

*

Purgatoire IX (extrait)

Vers le purgatoire
Le songe de Dante, l’aigle, l’ange de la purification

[…] je crus voir en rêve, comme accroché
en plein ciel, un aigle au plumage d’or,
ailes ouvertes
, sur le point de piquer ;

et j’eus l’impression d’être au lieu, alors,
où Ganymède les siens abandonna
et prit vers le banquet divin son essor
.
Je me disais : "Peut-être est-ce par là
qu’il chasse d’habitude, et qu’en d’autres lieux
user de ses serres ne lui plaît-il pas."

Puis j’eus l’impression qu’ayant tourné un peu,
comme la foudre terrible il descendait
et m’emportait dans la sphère du feu

J’eus l’impression qu’avec lui je flambais ;
l’incendie rêvé si fort me brûla
que le sommeil ne pouvait que cesser.

Non autrement Achille s’ éveilla,
regardant, l’air surpris, autour de lui
et ne comprenant pas ce qu’il faisait là…

quand sa mère l’eut porté, endormi,
de chez Chiron à Scyros, dans ses bras,
là d’où avec les Grecs il repartit-
queje ne fis quand le sommeil quitta
mon visage et je fus pâle comme un mort,
comme quelqu’un qui se glace d’effroi.

Seul était près de moi mon réconfort ;
le Soleil était monté depuis deux heures
et j’avais toute la mer pour décor.

[...]

*

Purgatoire XIX (extrait)

Vers la cinquième corniche
Le songe de Dante. Repentir des âmes attachées aux biens terrestres
Le pape Adrien V

À l’heure où ne peut plus la chaleur diurne
rendre plus tiède la fraîcheur de la Lune,
vaincue par la terre et parfois par Saturne,

quand les géomanciens Majeure Fortune’
voient, avant l’aube, monter à l’orient
- chemin qui peu de temps la laisse brune -,

me vint en songe une femme bégayant,
les yeux louches, le teint décoloré,
les mains coupées, marchant en claudiquant.

Je la fixai ; et comme est ranimé
par le Soleil un corps lourd et glacé
par la Nuit, mon regard lui déliait

la langue, puis toute la redressait
en peu de temps, et ce visage brouillon,
comme il sied à l’amour, le colorait.

Après avoir libéré sa diction,
elle entonnait un chant tel qu’avec peine
j’aurais détourné d’elle mon attention.

"Je suis", chantait-elle, "suis douce sirène
qui par les mers affaiblis les marins,
tant de plaisir à ouïr je suis pleine !

J’ai détourné Ulysse de son chemin
errant, par mon chant. Qui reste à mes côtés
repart rarement : tout entier je le tiens !"

Sa bouche n’était pas encore fermée
quand une dame apparut près de moi,
sainte et vive, afin de la démasquer.

"Ô Virgile, Virgile, qu’est cela ?"
disait-elle sévère ; et lui venait,
les yeux rivés sur celle de bon aloi.
Il prenait l’autre et par-devant l’ouvrait,
fendant sa robe, et me montrait son ventre ;
m’éveilla la puanteur qui en sortait.

J’ouvris les yeux, mon bon maître disant :
"Trois fois que je t’appelle ! Debout et viens :
trouvons la brèche où entrer là-dedans."

Je me levai ; ils étaient déjà pleins
de lumière, les cercles du saint mont,
et nous marchions, Soleil nouveau aux reins.

En le suivant,j’inclinais bas le front
comme quelqu’un de pensées alourdi
qui fait de soi un demi-arc de pont’,

quand j’entendis : "Venez, on passe ici",
dit sur un ton suave et empressé
qui dans ce monde mortel ne s’ouït.

[…]

Miquel Barceló et la Divine Comédie par Alberto Manguel (Postface)


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Postface

La Divine Comédie relève d’un accomplissement collaboratif. Pas seulement parce que le voyage décrit par Dante exige que le lecteur chemine aux côtés de Dante au centimètre près, du premier pas du pèlerinage au dernier, jusqu’à ce que le pèlerin atteigne son but, mais parce que, tout au long du voyage, Dante requiert de son compagnon-lecteur que celui-ci visualise, se remémore et imagine ce que Dante lui-même a vu et vécu, et qu’il est à présent en train de revoir et revivre en compagnie du lecteur. Et parce que le périple est si ingénieusement réel, si parfaitement façonné par les vers, le lecteur peut s’abandonner à ces images, les imagines rerum, à travers les mots de Dante et les cadences qu’il leur imprime. Le fait que ces images soient verbales ne fait qu’accroître chez le lecteur la conviction qu’il est réellement en train de voir ce que Dante dit avoir vu. Quintilien, discourant sur la façon dont les émotions sont provoquées dans l’art oratoire, explique qu’un tel processus peut être secondé par "ce que les Grecs appellent des fantasiai, par lesquelles nous nous représentons mentalement les images de choses absentes au point d’avoir l’impression de les voir de nos propres yeux et de les tenir devant nous [12]".
Ainsi en va-t-il de la stratégie de Dante : il s’agit de nous faire marcher, au sens le plus littéral du terme.

L’expérience que Dante fait du monde, ici-bas et dans l’au-delà, est physique au plus haut point. Peut-être que ce qui différencie son récit de tous les autres récits à dimension surnaturelle qui l’ont précédé réside dans ce côté matériel du propos, dans son exactitude s’agissant de mesure, de texture et de présence. La voie que Dante nous dit avoir empruntée est bel et bien là, ouverte devant nous : nous nous y avançons avec lui, y trébuchons avec lui, y faisons halte avec lui. C’est ce caractère tangible qui permit à Galilée de cartographier l’enfer de Dante à la manière dont un géographe cartographierait un pays nouvellement découvert.

Si nous prenons Dante au mot, la Divine Comédie est, fondamentalement, un atlas de l’ Autre monde. Si l’on admet que Boccace dit vrai et que Dante ait vraiment dit au frère Ilario de Corvo que son intention première avait été de composer sa Comédie non pas en vulgaire dialecte florentin mais en latin, et que les premiers mots du poème qu’il traça furent effectivement "Ultima regna cano" (" Je chante les royaumes de l’ Au-delà"), alors nous pourrions supposer que l’intention de Dante était tout simplement d’endosser à son tour le rôle prestigieux d’un géographe des mondes au-delà de ce monde. L’édifiant pèlerinage destiné à rédimer son âme en peine, l’aide et l’amitié que lui offre Virgile, les rencontres fécondes avec amis et ennemis perdus de longue date, les retrouvailles différées avec Béatrice aux yeux incandescents et à la langue cinglante comme un fouet et, par-dessus tout, la prise de conscience finale, par le poète, de ce que les mots des humains sont incapables de trasumanar, ne seraient guère plus que l’émanation aléatoire - bien qu’admirable —d’un complexe récit de voyage dont le projet affiché est cartographique, dépourvu de toute visée morale ou politique, autrement dit une entreprise moins comparable à celle menée par un Énée ou un saint Paul qu’à celle d’un Marco Polo et d’un Ibn Battuta. Aussi peu satisfaisante que soit pareille hypothèse, elle ouvre néanmoins la voie à quelques considérations qui pourraient se révéler utiles.

Il ne fait aucun doute que la Divine Comédie va bien au-delà de la simple entreprise cartographique. Tout atlas est aussi un théâtre, un Theatrum Orbis Terrarum établi en fonction d’hypothèses courantes que partagent le cartographe et ses lecteurs. Georges Didi-Huberman a soutenu qu’un atlas existe tout à la fois en tant que paradigme visuel sur le plan esthétique et en tant que paradigme de la connaissance sur le plan épistémologique, "parce qu’il a un pied dans chaque camp, l’atlas bat en brèche l’antique préjugé selon lequel art et science constitueraient des domaines dissociés [13]". De son côté, Carlo Ossola, prenant en considération la thèse que la Divine Comédie serait un théâtre, a souligné (comme Borges, ainsi que plusieurs autres éminents lecteurs l’ont suggéré) le fait que, bien davantage que la mise en scène ? de la quête de l’imprenable Béatrice, la Divine Comédie est, en réalité, l’assignation à comparaître, sur une scène colossale, du casting intégral de l’histoire de l’humanité, "convoquée en une « représentation sacrée » de destins individuels et collectifs devant le tribunal de l’Éternel". Le cadre complexe de cette comédie universelle correspond à rien de moins qu’à l’architecture du monde chrétien lui-même, de ses racines les plus sombres telles que les y ont enfouies les pieds de Lucifer lors de sa chute, au "deiforme regno" ("le royaume qui a la forme de Dieu"), dans les cieux. Par conséquent, li>a <Divine Comédie serait le script, théâtralisé, de "quella materia ond’io son fatto scribaé", l’univers comme carte verbale. Certains atlas médiévaux (ainsi, par exemple, au XIIIe siècle, du Monialium Ebstorfensium Mappamundi) font coïncider le monde vivant avec le Rédempteur en personne, dont les mains transpercées s’étendent d’Est en Ouest, dont la couronne d’épines est la Jérusalem céleste et dont les pieds sanglants s’enfoncent dans la pointe la plus au sud du "mondo sanza gente".

Selon cette représentation, toutes les actions dépeintes dans ce monde sont sujettes à l’impénétrable justice de Dieu et connaissent, comme il se doit, le châtiment, l’éradication ou la récompense "nel commensurard’i nostrigaggi [14]" jusqu’à l’avènement du Jour du Royaume. Ce territoire au tracé toujours incomplet est apparemment celui que Dante voulait cartographier. Et c’est le territoire que Miquel Barcelo a choisi de représenter.

Tout, dans l’Autre monde, est réel, fait de terre, d’air, de feu et d’eau. Jusqu’au paradis, lequel est doté d’une présence physique (pour Dante, en tout cas) bien qu’il n’existe ni temps ni espace au paradis, pas au sens humain de ces notions. Tirant parti d’une expérience empirique qui convoque une chandelle et deux miroirs, Béatrice montre à Dante que ce qu’il perçoit comme tangible est une illusion créée pour étancher son humaine soif de matérialité. De la même façon, c’est par politesse que les âmes abritées par le paradis - entités qui, en fait, sont dépourvues de traits - revêtent une apparence sensible afin que Dante puisse les voir, se dépeignant elles-mêmes, en quelque sorte, au bénéfice du seul public qu’il constitue. Dante, tombant dans l’erreur inverse de celle de Narcisse découvrant son image dans la fontaine, croit que les âmes qu’il voit ainsi sont des reflets. Il perçoit de nombreux visages "qual peri vetri trasparenti e tersi / o ver per acque nitide e tranquille, /non si profonde che ifondi sien persi,/ tornan di nostri visi le pastille/ debili si che perla in biancafronte / non vien men tosto a le nostre pupille [15]", ce qui correspond à la description exacte des portraits que Barcelo fit, en pays dogon, d’indigènes albinos, en laissant agir du décolorant pour créer leurs traits sur le papier.

Mais, dans la Comédie, toute chose a son contrapasso  : l’intangibilité suscite la tangibilité. Le manque même de réalité physique des âmes qui ont abandonné leurs corps au moment de leur mort connote le contraire, dès lors qu’il s’agit de l’environnement qui est le leur. L’existence matérielle fait défaut aux âmes. Par deux fois dans la Comédie une tentative est faite pour étreindre une âme, qui confirme la chose de façon inexorable : la première quand Dante essaie de serrer dans ses bras son ami Casella sur les rivages du purgatoire ; la seconde quand Stace essaie d’embrasser les pieds de son vénéré Virgile et s’entend dire : "Frate,/non far, ché tu se’ ombra e ombra vedi [16]". Les ombres ne peuvent être étreintes parce que tout le reste le peut. De même que la montagne du purgatoire, le puits de l’enfer ou les sphères du paradis sont dotés d’une réalité palpable.

Il existe de nombreux précédents d’Autres mondes substantiels qui se prêtent au jeu de l’exploratio.n La littérature visionnaire du Moyen Âge fournit, s’agissant du monde de l’au-delà, d’étonnants exemples d’inventivité cartographique : ainsi de ces sols à ce point inclinés qu’ils sombrent dans un puits sans fin (dans l’ Apocalypse de Paul), de ces portes destinées à ne servir à rien (dans l’ Apocalypse d’Esdras), de ces murs dépourvus de toute fenêtre (dans le Livre d’Énoch) ou n’en ayant que trop (si l’on se réfère à l’ouvrage de l’abbé Suger, La Vie de Ludovic Le Gros), ainsi de ces toits à travers lesquels l’œil peut voir, mais que la lumière ne peut transpercer (dans La Passion des saint Perpétue et Félicité) ou de ces demeures aux espaces infinis abritant des pièces innombrables (dans l’Évangile selon saint Jean).
L’atlas de Dante, néanmoins, fait preuve, dans le souci du détail, d’une ambition bien supérieure à celle de tous ces atlas antérieurs. Enfer, purgatoire et paradis sont, dans la Comédie, des lieux matériels reconnaissables, en lien avec les lois de la physique, et qui se définissent par de rigoureuses caractéristiques géologiques. Les sentiers par lesquels le pèlerin chemine péniblement, les gouffres à enjamber au prix de moyens surnaturels, les fleuves à traverser en recourant à des passeurs expérimentés, les abrupts raidillons qui requièrent des talents d’alpiniste, les distances, mesurables, et les sites d’une exactitude implacable sur le plan topographique, tous tant qu’ils sont, se voient détaillés sous le regard du géomètre, sachant que même les neuf cercles du paradis se trouvent décrits en fonction, strictement, des lois physiques spécifiques qui les gouvernent. Sauf que ces lois s’appliquent au sein d’un temps qui n’est pas temporel, un temps qui est l’éternité même. Quand Dante, s’adressant à Forese, dit : "dove tempo per tempo si ristora [17], "
il donne la définition de l’éternité. Tout temps utilisé à mauvais escient sur cette terre se paie, multiplié par mille, en enfer ; cependant que le temps que nous avons utilisé à bon escient est défrayé mille fois dans les cieux.

Le temps créé - le temps matériel ¬nrest totalement intelligible que lorsqu’il prend fin pour se muer en éternité. Le temps est né de l’éternité au moment de la Création et retourne à l’éternité au jour du Jugement dernier.

Mais comment le lecteur ordinaire peut-il comprendre et un artiste se représenter de telles immensités ? Dante, conscient qu’il est lu s’adresse directement au lecteur, et ce, à seize reprises dans la Comédie (cinq fois dans Enfer, sept dans Purgatoire et quatre dans Paradis), mais ce qu’il veut, ce n’est pas simplement être lu : il veut être vu .. La Comédie est un voyage qui passe par les cinq sens, mais avant tout par la vue. Jusqu’au langage adopté qui charme l’intelligence par le biais du regard : la plupart des mots renverront, quel que soit l’idiome du lecteur, à des images familières, intimes et plaisantes. aux antipodes de l’austère latin de la philosophie et de l’Église.

Boccace note que Dante souhaitait destiner la Comédie aux gens ordinaires, d’où son choix de se détourner du latin pour recourir au langage parlé de Florence. Même si l’on peut concevoir quelques doutes sur la capacité du public du XIIIe siècle en général à partager les stupéfiantes connaissances détenues par Dante en maitère de théologie, de philosophie, de psychologie, d’astronomie, de géologie, etc., il est vrai que certains aspects fondamentaux de son univers concetpuel étaient reconnus par tout un chacun au sein de la galaxie chrétienne.

Par exemple, quand Dante évoque Fortuna, Conoscenza ou Velle, ceux qui le lisaient ou ceux qui l’écumai alors savaient, intuitivement, ce dont il parlait dans la mesure où les concepts en question étaient inhérents à leur univers culturel, pas simplement en tant qu’allégories mais en tant que faits du quotidien dépendant d’un univers placé sous l’ombre d’un Jugement dernier toujours imminent. On peut à bon droit, dès lors, se demander comment Miquel Barcelo, dans l’optique appauvrie du XXIe° siècle, pourrait prétendre reproduire pareille réceptivité. Nous sommes tous, plus que jamais, en train de suivre le pèlerin à bord de notre "barque frêle [18] ".

Un seul exemple, parmi bien d’autres, peut contribuer à illustrer la question Justitia est l’une de ces hypothèses courantes. La Justice est, dans le domaine des arts, la mesure escomptée de toute chose au monde, un nombre d’or, tout comme l’est la justice née de l’amour de Dieu, laquelle s’épanouit dans la vie après la mort au sein de l’universel système du contrapasso. Pécheurs châtiés, aux enfers, par les effets de leurs propres péchés, âmes promises au salut débarrassées des vestiges de leurs fautes au fil de leur lente ascension du purgatoire, âmes bienheureuses récompensées par une radieuse bénédiction au sein d’un paradis hiérarchiquement structuré où les hiérarchies n’impliquent aucune gradation en termes de bonheur : les trois royaumes mystiques de Dante sont gouvernés par une même logique, aussi indiscutable qu’équilibrée.
[…]

La notion de Justice en tant que segulah du monde (ou, du moins, en tant que séduisante qualité inhérente au monde) provient du Livre V de l’Éthique à Nicomaque, le texte aristotélicien préféré de Dante qui l’a peut-être lu dans la traduction qu’en a donnée Robert Grosseteste dans les années 1240"°. Selon Aristote, la Justice est la condition qui nous transforme en simples agents désireux d’exercer la justice. Ce raisonnement circulaire se précise quand Aristote ouvre le débat sur ce qui est légitime et juste. Son argumentation repose sur l’idée que ce qui entre en concordance avec la loi d’un État est profitable au bien commun tout comme à celui de ses dirigeants si bien que, de manière générale, tous les citoyens, pour être justes, devraient souscrire à une telle loi.

Être juste, c’est se tenir entre deux extrêmes, entre deux postulations injustes contradictoires : celle consistant à avoir trop, soit un "excès disproportionné", et celle consistant à avoir trop peu, soit un "manque disproportionné17

Les idées que saint Thomas d’Aquin se faisait de la justice, tant divine qu’humaine, dérivent à la fois d’Aristote et de saint Augustin, et étaient familières à Dante parce qu’elles faisaient partie de l’ordinaire du système de la pensée sociale. <

Justitia
Ces propos sur la notion de Justice dans le temps de La Divine comédie résonnent aussi dans le temps de l’actualité : l’attaque meurtière et barbare du Hamas le 7 octobre 2023 contre des civils israéliens : les soutiens d’Israël, dont la France, lui reconnaissant le droit de se défendre par les armes, mais appelant aussi à une réponse proportionnée, dans le respect du droit international.

En matière d’agissement les notions de juste et d’injuste étaient ancrées dans la conscience collective. Le vol était du côté de l’injuste, dans la mesure où nous acceptons le principe du droit à la propriété privée, Tuer un ennemi pour se défendre est du côté de ce qui est juste dans la mesure où nous avons l’obligation de préserver la vie dont Dieu nous a gratifiés Est également du côté de ce qui est juste le fait de se livrer à la persécution des hérétiques puisqu’il ne faut pas réfuter la parole de Dieu, ni décider délibérément de mal la comprendre. Pour Dante, cette idée répandue de justice universelle engendrait un ordre des plus nécessaires se manifestant sous les espèces de "la juste gouvernance". Mais est-il possible d’exposer pareil ordre au sein d’un récit intelligible ? Et peut-il, ce récit, se voir traduit en images intelligibles.

Une réponse pourrait résider dans ce que Paul Ricœur veut signifier quand il parle de l’utilité d’une "fictionnalisation du discours historique" (discours historique juridique, dans le cas de Dante) parce que le recit donne à comprendre et voir.A l’opposé d’un récit épicurien désordonné, la Justitia de Dante. tout à la fois divine et terrestre. requérait une histoire ordonnée, comportant un début, un milieu et une fin. et accompagnée d’images et de dialogues. Brunetto Latini soutenait que la narration, le discours narratif, était essentielle à la constitution d’une société. "En l’absence de rhétorique, il n’existerait aucune cité, aucun établissement de justice, aucun compagnonnage entre les êtres humains."

Pour Latini, la société humaine ne fait qu’un avec les mots : les mots qui suscitent des images, des images qui deviennent indispensables pour que l’imagination nourrisse la pensée.

L’idée de Ricœur selon laquelle "le récit donne à comprendre et à voir" inclut celle d’un dialogue entre dimension iconographique et dimension graphique. Quelque chose se voit transféré du domaine du verbe à celui de la vue et, dans le cours de cet échange, les mots sont vus comme des images et les images se lisent comme des mots. Illustrer, dans ce cas, est un travail de traduction. Mais pareille traduction est-elle seulement possible ? Barcelo en est persuadé.
Dans le premier cercle du paradis, Béatrice met Dante en garde :

[ ... ) Tu stesso ti Jai grosso
col falso imaginar, si che non vedi
cio che vedestri se l’avessi scosso
 [19]

Et, plus loin :

Vero èche, comeforma non s’accorda
molte fiate a l’intenzion de l’arte,
perch’ a risponder la materia è sord£C
 [20] […]

L’avertissement s’applique à tous les illustrateurs de la Comédie, depuis les premières gravures sur bois réalisées par Cristoforo Landino, qui en accompagnèrent l’édition, en 1481, jusqu’à Botticelli, William Blake, l’incontournable Gustave Doré et, aujourd’hui, Miquel Barcelo. Ce des "fausses idées", couplé à la surdité de la matière "à l’intention de l’art", entrave chaque tentative pour coucher sur la toile ou sur le papier les images dantesques. Pour des raisons mécaniques, certes, mais, il en est une, plus importante, qui rend toute tentative d’illustrer Dante analogue à des impossibilités classiques comme représenter le visage du vent ou tresser une corde faite de sable.
Il ne fait pas l’ombre d’un doute que le poème composé de mots advient à plusieurs niveaux spatiotemporels simultanés, tous ensemble et chacun séparément, alors qu’une illustration faite de traits et de couleurs s’ancre nécessairement dans un moment singulier du temps et un fragment singulier de l’espace, s’efforçant d’endosser une séquence narrative en guidant le regard tout au long de son fluctuant parcours en deux dimensions. C’est ce que Hogarth définissait, au XVIIIe siècle, comme une "ligne serpentine qui semble se mouvoir en différents sens oblige l’œil à suivre ses contours variés [qu’]on ne saurait rendre sur le papier par une seule ligne prolongée sans le secours de l’imagination ou au moyen d’une figure. Cette ligne [...] je l’appellerai [... ] ligne de grâce [21]".
[…]

Dans un sens, les représentations de Barcelo se posent "en face" de notre lecture de la Comédie : elles la contrarient pour la rendre plus riche, la questionner, la prolonger dans la conscience de chaque lecteur pris séparément. Dante, parce qu’il a fait l’expérience de l’injustice telle qu’elle se pratiquait dans sa bien-aimée ville de Florence, a bâti sa Comédie sur la pierre angulaire de la Justitia. Et cependant, de par la nécessité d’une dialectique poétique, le poète représente de multiples actions divines comme injustes au regard du pèlerin et, par conséquent, au regard du lecteur. En guise de rappel du critère absolu, Dante fait se confronter son pèlerin à l’image de la Justice céleste, le forçant ainsi à être le témoin de son effrayante majesté, de même qu’il l’avait, précédemment, en enfer, mis face à l’horrible châtiment du damné pendant que Virgile le pressait d’y donner son aval au nom de la loyauté. C’est avec une habileté incroyable que Dante, à travers les réactions, humaines, trop humaines, du pèlerin, nous fait partager, à nous ses lecteurs, la compassion et la peine éprouvées pour certaines de ces âmes dont les péchés sont si désagréablement proches des nôtres. Avec son trait et ses couleurs, Barcelo fait, en réalité, la même chose. Dante nous conduit, nous et son pèlerin, à nous rebeller contre ce que nous savons être l’infaillible Justitia de Dieu. Barcelo, lui, nous conduit à nous rebeller contre ce que nous savons de la Comédie
[…]

Et nous voici revenus à l’impossibilité d’illustrer Dante. Comment toutes ces connotations, implications, allusions peuvent-elles se traduire sur le plan iconographique ? Miquel Barcelo a miraculeusement réussi en développant une stratégie pour contrecarrer l’impossibilité en question : réfutant les lectures consacrées, bâtissant des contre-préjugés, bravant le commentaire universitaire. La perspective (ou son absence), la chromie des ombres, les contours et le trompe-l’oeil, visent à suggérer l’espace dans sa multiplicité, à la façon dont tentèrent de le proposer les cubistes, en même temps qu’un déplacement sur l’échelle du temps, comme dans les séquences des retables médiévaux ou les tentatives combinatoires d’un Marcel Duchamp (Nu descendant un escalier). Les stratégies de lecture -de gauche à droite ou bien de droite à gauche, ou encore de haut en bas - impliquent une progression temporelle qui n’intervient pas vraiment à l’intérieur du cadre d’une représentation plastique mais que l’esprit, néanmoins, révèle dès que l’observateur regarde une image. Tout texte se lit dans l’ordre, ligne après ligne, et page après page ; toute lecture d’image est instantanée avant de se déplier au fil d’un mouvement que le cerveau de l’observateur construit arbitrairement. Barcelo a compris que la Comédie est un drame, théâtral ou cinématographique.

Le mot diligite qui se forme dans le ciel jupitérien avant l’apparition de l’ Aigle

La figure de l’Aigle
Largement représenté dans La Divine Comédie, avec notamment l’Aigle de la Justice, mais on trouve plusieurs exemples d’aigles dans la Comédie. Un aigle couronne le blason de Cangarande, en signe d’autorité politique ; un autre accompagne la figure de Jules César, dont il symbolise le pouvoir impérial ; plus en amont dans le texte, on trouve l’aigle jupitérien qui se saisit de Dante dans Purgatoire. Dans ce dernier exemple, l’acte de l’aigle se révèle transformatif : il permet à Dante d’accomplir l’ascension du purgatoire, tout comme il avait permis à Gianymède de prendre place sur le mont Olympe. Béatrice, est, elle aussi comparée à un aigle capable, sans ciller, de fixer le soleil en face, comme l’est ce rapace adonné à la contemplation et qui, d’après les bestiaires médiévaux astreint ses petits à fixer le soleil : en cas de refus, ils se voient éjectés du nid
(note pileface -d’après Alberto Mangue)

est essentiel. Diligite signifie "choisissez", ou "aimez" dans le sens que saint Jérôme confère à ce mot dans sa traduction d’Exodus : "[ ... ] et faciens misericordiam in milla his, qui diligunt me et custodiunt praeceptam [22]" Ce "qui m’aiment" inextricablement associé avec "gardent mes commandements" renvoie à l’enseignement que Virgile
prodigue à Dante avant qu’ils ne parviennent à la quatrième terrasse de la montagne du purgatoire : "Quinci comprender puai ch’esser convene / amor sementa in voi d’ogne virtute / e d’ogne operazion che merta peneso" [23]

La question relative à la manière d’illustrer cette coalescence entre amour et justice se trouve résolue par les coups de pinceau de Miquel Barcelo qui posent la couleur et la mesure de la forme dans un geste d’écriture qui suggère, sans jamais la rendre explicite, la lointaine possibilité d’une lecture

Traduit de l’ anglais par Marie-Catherine Vacher

Video : Dante Alighieri et la Divine Comédie ( enfer, purgatoire et paradis )

Voici l’histoire de Dante Alighieri, l’un des plus grands auteurs médiévaux, mais également un politicien engager pour la cité de Florence lors de la lutte entre les guelfes (partisans du Pape) et les gibelins (partisans de l’empereur). Si Dante est entré dans la légende, ce n’est pas à cause de son implication politique, mais pour son œuvre littéraire et notamment la «  Divine Comédie  ». Il s’agit d’un voyage onirique en trois parties où l’auteur nous présente successivement l’enfer, le purgatoire et le paradis. Nous tenterons de percer les mystères de Dante, de Béatrice, la muse littéraire de l’auteur «  réelle ou imaginaire  » et de Virgile, le guide de Dante lors de son voyage.
Arcanatv


[1Jacques Le Goff, La Naissance du Purgatoire [1981], in Un autre Moyen âge, Paris, Gallimard, coll. "Quarto", 1999, p.779.

[2Carlo Ossola, Introduction à La Divine Comédie [édition augmentée et révisée d’Introduzione alla Divina Commedia, 2012], traduit de l’italien par Nadine Le Lirzin et Pierre Musitelli, Paris, Éditions du Félin, coll. "Les Marches du temps", 2016, p. 68.

[3Ibid

[4On en prendra mesure à l’écoute- par exemple - du disque anthologique que le Hilliard Ensemble a majoritairement consacré à Pérotin le Grand (vers 1160¬vers 1230) : Perotin, The Hilliard Ensemble sous la direction de Paul Hillier, Munich, ECM "New Series", ECM 1385, 1989.

[5Guillaume Gross, "L’organum, un an de cathédrale ? Musiques autour de saint Guillaume", Cahiers de recherches médiévales et humanistes (Paris), n" 26 ("Héritage et témoignage des travaux de Pierre Aubry et Jean Beck"), 2e semestre 2013, D. 50-51.

[6Canzone tirée de la Vita Nova, XIX, dont l’écriture est contemporaine de celle du "Donna me prega" de Guido Cavalcanti (1292-1294). On y mesure la divergence de points de vue des deux amis en même temps que leurs préoccupations communes quant à la poésie. Voir à ce sujet "Guido me prega...", ma préface aux Rime de Cavalcanti (Senouillac, Vagabonde, 2012), et, à la fin du présent livre, ma traduction de "Donna me prega".

[7Roger Dragonetti, Dante. La Langue et le Poème, études réu¬nies et présentées par Christopher Lucken, Paris, Librairie classique Eugène Belin, coll. "Littérature et politique", 2006, p. 285.

[8Bruno Pinchard, "Pour Dante", in Bruno Pinchard (dir., avec la collaboration de Christian Trottmann), Pour Dante. Dante et l’Apocalypse. Lectures humanistes de Dante, Paris, Honoré Champion Éditeur, coll. "Le savoir de Mantice/Travaux du Centre d’études supérieures de la Renaissance de Tours", n"7, 2001, p.10.

[9Franc Ducros, L’Odeur de la panthère. Dante, la poésie, Saint-Maximin, Théétète éditions, coll. Esthétique", 1997, p. 24.

[10Cf. Ernst Kantorowicz, "La royauté centrée sur l’homme : Dante", in Les Deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge [1957), traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Philippe Genet et Nicole Genet, in Oeuvres, Paris, Gallimard, coll. "Quarto", 2000, p. 965-968 s4. [Editio princeps : Gallimard, coll. "Bibliothèque des histoires", 1989.]

[11Ovide, Métamorphoses, texte établi, traduit du latin, présenté et annoté par Danièle Robert, édition bilingue, Arles, Actes Sud, coll. "Thesaurus", 2001, 11, v.1-366, p. 71-89. [Rééd. : Actes Sud, coll. Babel", n° 1573, p. 60-66.]

[12Quintilien, L’Institution oratoire, VI,

[13cité in Mary J. Carruthers, The Book of Memory : A Study of Memory in Medieval Culture, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, p. 148. z Georges Didi-Huberman, Atlas ou Le Gai Savoir inquiet, Paris, Les Éditions de Minuit, 2011, P.5.

[14"Dans le rapport du salaire au service" (Paradis, VI, 118).

[15"Comme des verres purs et transparents,/ ou des eaux d’une calme limpidité/ dont le fond peut se voir facilement,/ nous renvoient de nos visages des traits/ si flous qu’une perle sur le blanc d’un front/ n’est pas moins vite par nos yeux décelée" (Paradis, III, 10-15).

[16"Non, frère, entre ombres cela ne se fait" (Purgatoire, XXI, 131-132)

[17"Où le temps compense le temps perdu", (Purgatoire, XXIII, 84)

[18Paradis, II,1

[19"Te voilà embourbé/ dans de fausses idées ; tu ne vois pas/ ce que tu verrais si tu les secouais" (Paradis, I, 88-90).

[20"Mais de même que ne s’accorde pas/ souvent la forme à l’intention de l’art,/ du fait que la matière est sourde à sa voix" (Paradis, I, 127-129).

[21William Hogarth, The Analysis of Beauty, Londres, John Reeves, 1753, p. 53 (L’Analyse de la beauté, traduction française de 1805 sur Gallica. 2t.).

[22"Et qui fait misericorde jusqu’en mile générations a ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements"Vulgate. Exodus. 20.6.

[23"De là tu peux comprendre qu’il convient que l’amour sème en vous toute vertu / et ce qui au châtiment vous contraint" (Purgatoire, XVII. 103-105)

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