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Journal de Paradis

Archives inédites : Tel Quel, Peinture cahiers théoriques, 1975

D 1er septembre 2023     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook




Tel Quel 62, Eté 1975.
Zoom : cliquez sur l’image.

PEINTURE cahiers théoriques 10/11 (1975).
Pour lire le sommaire : cliquez sur l’image.

Tout porte à croire qu’on a encore rien vu.

Dans le numéro 62 de Tel Quel sorti en mai 1975, Philippe Sollers publiait quelques pages de son work in progress Paradis. Ces pages étaient précédées d’une « illustration du monde musical indien », en fait une toile du peintre indien Sindhuri Ragini représentant des Femmes nageant dans l’étang aux lotus dont j’ai retrouvé l’original au British museum (vous voyez bien qu’il n’y a pas que la Chine et un inédit de Mao dans ce numéro). La peinture est datée de 1790. Bien sûr vous allez lu Paradis, soit dans Tel Quel, soit lors de sa publication en 1981 avec ses caractères en italiques et sa belle couverture rouge-bordeaux, soit, en 2001, dans la collection Points avec des caractères romains. Mais vous n’êtes pas au bout de vos surprises. Saviez-vous que Sollers tenait un journal alors qu’il écrivait Paradis ? Non ? Eh bien, en voici un extrait publié en janvier 1975 dans le numéro 10/11 de la revue Peinture cahiers théoriques. C’est un « commentaire » des pages de Paradis qui seront publiées quelques mois plus tard (!) dans Tel Quel. En prime, vous lirez deux pages manuscrites reproduites dans Peinture. Il y a lutte et ratures. Et beaucoup d’humour ! Et comme je vous soupçonne d’être un peu paresseux, je vous ai retranscris en caractères romains la version définitive telle qu’on la trouve dans Paradis. Vous pourrez ainsi constater (nous sommes dans les années 70 du siècle passé) que, c’est le moins qu’on puisse dire, « la révolution n’a pas encore produit tous ses effets » et que « l’histoire dans le deuxième monde rentre dans un sur-place intégral ce qui compte c’est le conte de fées toujours le même ». Bonne lecture.

Femmes nageant dans l’étang aux lotus


Illustration du monde musical indien, Sindhuri Ragini. Tel Quel 62, p. 2 (en noir et blanc).
Painting. Ragamala. ’Sindhuri Ragini’ girls swimming.
Painted on Paper. Vers 1790. British Museum. ZOOM : cliquer sur l’image.

Extrait de Paradis

Tel Quel 62, Été 1975, p. 3-6
Point 879, p. 103-110

 

c’est ça croulez sombrez votre mort coma grossé à l’envers placenta cancer auréole d’où je suis je les vois chuter goutte à goutte bazooka typhon siphoné j’ai de nouveau l’enfilade masque à bascule regards craquelés des por­traits d’ancêtres galeries prunelles lueur cirée entoilée rond d’aspiration pompe à trompe transmission du quotient crétin au fretin affamant torrent chromos d’hommes cheval soufflet forge haleine bave naseaux mors babines velours c’est l’état quarantaine allumé de fièvre ils se sentent pourris dedans caviardés d’où ce grouillis vert étroit et caillé tube révolté sarbacane en pet car le rot en réalité se rôtit de vide il sonde la vésicule et le foie pour savoir si l’on est bien là vite un clin d’œil sur ce bal masqué d’androgynes incubes succubes décors rapiécés ils entrent dans leur éclairage limbique écharpes de brume foulards de brouillard plis de pus lamelles flasquées flous méduses regardez ce flot de lymphe en globules narines orbites pincées lèvre supérieure en moue rassurée possédant paraît-il l’extrait ultime de sperme bouilli en ovule leucorrhée pertes flueurs blanches mouillure de base toujours oubliée manne tourbe croûton viscéré les voilà tassés queues tressées rats de trous en butoir plombé fondu merde or donc au commencement était la valse absurde gaie harmonieuse java rumba ou bossa nova mais dieu fut jaloux et sur­ tout sa dieue et elle prit son gode à souder et il avala sa potion bromure et ils se figèrent gâteux dans la glace et depuis vagin suturé pénis ampoulé ils parlent en étant sexés comme si le sexe se laissait penser et voilà nos vies s’évanouissent odeurs sons couleurs et touchers glycines coins de noisetiers sève automne hiver bords d’été embrasse-moi mieux oui là plus bas non plus bas lèvres cerises foin cheveux dans la cave froissement d’osier au grenier tapis plancher viens demain matin dans ma chambre réveille-moi je veux être réveillé par toi ou encore soirs d’orage rendez-vous au garage tiens ici couchés sur les feuilles orangers lauriers citronniers qu’est-ce que ça peut être pour elle ma queue durcie chaude qu’est-ce qui peut l’accrocher là chaque fois elle n’en finit pas de s’en barbouiller les joues les seins elle n’en finit pas d’y bloquer sa bouche aspirant le fond couilles figues frétillant la langue longueur et largeur dis-moi quand ça vient fais-le venir encore de plus loin depuis ton fond d’os hein cale à mœlle vampire chauve-souris dracula des âges encore un effort mettons que tu sois mort maintenant je découvre ton cadavre nu je cueille ton dernier souffle ta dernière larme sueur je vais sauver l’humanité d’un désastre de stérilité tu es le dernier homme crevant mais encore bandant oh donne exsude transmets-moi le code tu sens l’histoire tout entière est penchée vers nous pense à nous oh donne ta friture 120 millions millilitre tu vas sauver l’espèce hein mon dada tu vas la livrer ta gésure sinon tu sais qu’il faudra te recrucifier hein mon niché on n’y peut rien tu vois c’est la loi imagine-t-on un monde sans cordon sans fond chaos des générations confusion des noms imagine-t-on dupont s’appelant durond ou ducon et le fils ducon se nommant duplomb et madame dutronc devenant duflon vous voyez une société une histoire dans ces conditions foi d’ombilic j’en frissonne aussi continuons à dire que ce qui est nous est à nous peut-être y arriverons-nous un jour sans détours pour l’instant ça monte degré par degré attention le petit oiseau va sortir cuicui vénus des fourrures vous qui partez laissez toute abstinence tout s’imite sauf éminence donc reprit-il je vais vous dire comment la trinité se noue en nous et autour de nous père fils saint-esprit inhibition symptôme angoisse nœud de l’omnipotence datée sous nouessence chacun dans son sac de vœux vous vous demandez sans doute qui tire ex-machina caché les ficelles formidable me chuchota ma voisine je voyais qu ’elle dessinait tout ronds carrés jamais elle n’avait vu un tel appareil papillon fripon coulant canas­ son jamais elle n’avait regardé comme ça les cravates elle vibrait tremblait intestin gordien cerveau tarte confondant tout d’ailleurs sur le pont haubans drisses écoutes vergues palans je voulais parler mais déjà la salle entonnait debout les cantiques jésus s’est fait notre frère un sauveur nous est donné il vient à nous débonnaire et de grâce couronné ah qu’il est beau qu’il est charmant une étable est son logement un peu de paille est sa couchette il veut nos cœurs il les attend difficile de les arrêter en pleine extase amoureuse mon beau sapin roi des forêts que j’aime ta verdure quand par l’hiver bois et guérets sont dépouillés de leurs attraits mon beau sapin roi des forêts tu gardes ta parure dangereux d ’essayer de les réveiller en plein vol panique théosophique ma voisine palpitait je voulu poser sa main sur mon petit arbre mais elle me foudroya du regard quelle médiocrité dit-elle tu es vraiment dégradé borné tu ne comprendras jamais le sacré bon tant pis j’allume ma télé de poche retransmission du débat à la chambre sur les différentes techniques de stérilisation cinq cents députées se demandent s’il vaut mieux ligaturer à droite ou à gauche autre chaîne discussion sur l’avortement individuel ou en groupe résumé des catastrophes de l’année 5 000 morts au pakistan 40 au liban orient moyen-orient proche-orient occident devenant orient autre chaîne nous introduisons désormais sous le nom d’orthosexuels tous les sexes n’ayant pas leur autre en eux-mêmes et par conséquent incapables de le retrouver nulle part il y aura donc les orthos hétéros-homos et les hétéros homos-hétéros femmes et hommes prenant leurs tickets au fil des surfaces écoutez-moi maintenant comme des pommes d’or dans un filet d’argent telle est la parole dite selon ses deux faces maskiyyôth ciselures mailles sphère pleine polie le découpage extérieur laisse deviner l’intérieur lisez donc ici le filet ici là ici même ça s’écrit dehors sans répit mais dedans volume jamais rien d’acquis vanité fumée buée des buées une génération passe une autre vient la terre demeure en son sein le soleil se lève il se couche il se lève glisse et revient le vent tourne va retourne et les fleuves rejoignent leur plein la mer n’est pas remplie elle s’avale les torrents reculent s’étalent tout travaille au-delà des mots sans dessein l’œil s’ouvre voit revoit l’oreille entend se retend ce qui a été est sera et ce qui se fait sera refait s’enfuira rien de neuf pas un éclat pas un chat un temps pour naître un temps pour pourrir j’ai été sage et puis fou et de nouveau sage et de nouveau fou je m’éveille sage encore fou je m’endors plus fou mais plus sage la fébrilité m’habilite ma bêtise me subtilise plus je suis con plus je tourne en rond et plus j’atteins le fond des plafonds l’idiotie rejoint le génie qu’est-ce qu’un coït en définitive sinon une autocritique mais dis-moi pourrai-je encore avancer avec ce voile de sang sur la tête le visage enfoui dans le sang pourrai-je encore tenir longtemps dans ce sang et toi dis donc mon autre vas-tu enfin me répondre je m’ennuie de toi j’ai envie de toi je rêve de toi pour toi contre toi réponds-moi ton nom est un parfum répandu ta couleur éclate, parmi les épines fais revenir mon cœur avec du vin fais-moi une couverture de matin j’étouffe sous ce masque peau drainée arasée rien n’existe à part le désir cassé jeune en hâte les vieux disent qu’ils savent ils se tâtent on est toujours trop soumis par rapport à eux et plus ils s’écroulent et plus ils roucoulent et plus ils s’éteignent et plus ils enseignent terreur des fraîcheurs répression tuteur ils essayent de te refiler leurs renvois sons mythes paupières lourdes digestion ratée les filles adorent ça long regard derrière les lunettes main farfouillant braguette oh oui vacillant papa n’est-ce pas que je suis précieuse et berceuse en vérité ce monde est une invention de vieillards-fillettes et les fils hypofils aussi sont fillettes et les mères pareil les pères tout pareil le grand secret c’est ça foirage épouvante petite monnaie sacrifiée rusée recomptée défense de l’originaire refoulant foulant chevillé conflit d’or d’argent métal mis en pièces pérou mexique égypte gênes lisbonne séville amsterdam où sont passés les indiens les carolingiens ou encore les grecs les romains notre dieu progresse en habits chrétiens dominicains charles quint crédit titres femmes flotte noire brésil esclaves transférés bref il n’y a pas de bref je tente seulement de me réveiller et parfois j’y crois mais je tombe comme on s’élance enfant vers le tranchant comme on court tendu vers la cible comme on est tiré hein comme on est tiré invincible les forces reviennent lame noire brillante attendant rasoir attendant rendez-vous secret pour chacun comme si on était attendu expérience unique pas deux fois le même trou dans ce coin non chacun brisé en chacun chacune dissoute en chacune drap des légendes jeté par-dessus combien d ’années d ’univers 16 milliards si peu pas possible et nous nos plus vieux restes 3 millions à peine où ça plis d’afrique rift afar kenya sahara ghana ainsi petit à petit moins petit squelette fragile vase d’os pilé sous pathos appel cri grognement murmure flèches glotte et voilà miss karénine poil aigri diaphane isis planant sur la flotte je reviens je reviens passage moulé à l’envers trauma mou cervelle aspirée maniable crissement des fers frisés d’air entrée classée sous le casque baby engourdi langôsha langôsha morne traîne ma résurrection se dit je me lève des morts à la verticale des morts tombeau vide c’est-à-dire aussi berceau vide et vide aussi !’entrecuisses de l’humain maman c’est pourquoi on la voit dressée au pied de la croix aux abois c’est pourquoi ils sont bien forcés de la poser vierge autrement tout fout le camp espace temps géométrie biochimie tu comprends la découverte de l’effondrement les laisse inemployés nus en rade rien à continuer à mimer point brûlant néant accablant tu n’es plus qu’un souffle une trace vestigium pedis in pelvis ils· ’écartent de toi ils le sentent et elles le devinent encore mieux dans leur creux mais rassure-toi je suis là je suis avec toi je boirai pour toi ta ciguë sangra j’ai mangé pour toi ton repas fais-toi simplement plus dormeur amibe infusoire décachette à plat ton tissu rasa un chien courant vaut mieux qu’un lion mort car là où tu vas il n’y a ni œuvre ni discours ni science caveau gelé fond d’ovaires les voilà rangés neveux tantes nièces cousins d’oncles deux heures de l’après-midi jambes mous­ tiques fleurs capital ovulaire des femmes 700 deux enfants c’est toujours ça en passant vent frais trajet des fourmis dans l’herbe moment des apparitions si je perds ma queue tranchée du milieu si j’essaye de la recoller dans le col volcan fibromé muqueuse comment la remettre maintenant écartée viandeuse comment la crocher l’agrafer plantée fusée flot rafale utéro-sacrée salpincée follicule armée du corps jaune comme si on avançait coupure par coupure allez encore un bout prostré prostaté comme si on reculait comme ça sans bouger tout en avançant en tournant figé comme si on permutait courbé sous carbure l’enfant saute sur le lit il babille et crie le voici penché capotant sans axe petit vertébré attendant son lait muscle enfant gainé tout au bout des nuits il est toujours là en chacun-chacune depuis toujours là bouchon des lacunes je ne juge pas je décris je n’invente rien je vous suis bouillon brouillé des mémoires maintenant donc nous arrivons dans la plaine le moteur chauffe on dort à moitié c’est d’abord l’odeur cachée verte sombre marée des orangers arrosés je suis allongé défoncé derrière avec les valises à côté de l’anglaise blonde rose c’est le moment où elle chante un peu et son œil bleu gauche va s’accrocher on dirait dans les branches elle reste comme ça avec cet œil .éjecté visant les montagnes et les montagnes sont bleues violettes et elles sont déjà loin à l’ouest à il y a les jets d’eau partout ziff boulés et des toits de feuilles partout aspergés voilà les fumées dit-elle on arrive 

Commentaire

(Journal correspondant à l’extrait de Paradis publié dans Tel Quel n ° 62).

Je viens de les border dans leurs lits. Maintenant, passage chuchoté de bénédiction à malédiction. Insistance sur la lettre R. Cancer, envers décalé, en impasse, de la grossesse : cellule proliférante non rejetée.
Limite de reproduction négative, explosion spasmée de l’échec à s’implanter dans l’auto-division. Auréole : signature de la figure peinte, retournement du corps sur lui-même, décollation, noir. C’est sacré, croulez. Son dans l’ombre, sombrez.

Dans l’ascenseur : vision de l’enfilade infinie des géniteurs, génitants-génités, visages tombant comme des écailles, tableaux sous tableaux, tunnel vide, Moi inconnu riant de moi connu, moi connu de moi inconnu riant de moi inconnu.

Freud (1935) : « les psychanalystes font une faute de pensée ( denkfehler ). Il ne faut pas s’obstiner, ainsi que le font la plupart, à vouloir tout expliquer du seul point de vue psycho-ontogénique. Si la féminité, si souvent, n’est pas, comme on dit, « acceptée », cela doit tenir à quelque chose de plus profond, de plus ancien, et qui est phylogénique, paléobiologique ».
« Avant toute répression morale, la sexualité en tant que telle éveille dans l’être vivant de l’angoisse ».
« Les premières masses protoplasmiques devaient redouter et la dissémination de leur substance et leur effraction ».
C’est ce que je vois.
Fièvre montant, liant et pliant : le délire aime le calcul des gouttes, des graines. Déclics, grimaces, pensée-cellules, moëlle-pensées. Narines, lèvres. Comme ils tombent, comme ils sont tombés. Trois jours de frissons, sans arrêt.

La demande d’enfant. Moi, justement, écrivant le passage dans l’« autre monde » (père impossible, abstrait). Nécessité aussi d’une vie « normale ».

Dansé toute la nuit. Le nom de celle qui m’embrassait dans l’oreille ? Bras, pupille. La tour.
Fin sur les banquettes. Ciel rose, ciel gris.

Le jardin, la maison là-bas : tout a été rasé, bâtiments, acacias, palmiers. Ce trou dans la ville en allant au cimetière. Il ne restait plus que la grille. Bulldozers, boue. Le matin dans les chambres. Elle venait, se glissait contre moi. La chapelle en face : mercredi des cendres. Tache noire, sur le front. Dies irae, dies illa. Grégorien, pierre blanche.

Visite au Séminaire. Dévotion, on les dirait prêts à chanter. Ecolières avec nœuds dans les cheveux. Appel du corps enfant fétiche pénis impossible christique. Leurs doigts. Elles le tressent. Ils notent tout, sans comprendre.

Maïmonide, Guide des égarés : « maskiyyôth sont des ciselures réticulaires, je veux dire où il y a des ouvertures formées de mailles extrêmement fines, comme les ouvrages des orfèvres ; on les appelle ainsi parce que le regard y pénètre. »
L’Ecclésiaste. Résumé : aucun sens ne remplit le sens. L’œil et l’oreille comparés aux cycles naturels (soleil, vent, fleuves, mer). Ceux qui demandent, à propos de Paradis, si « c’est fini », « où ça va », « pourquoi », « ce que ça peut faire comme ensemble ». Comme s’ils disaient : ah, non, tout ce que vous voudrez, pas la Bible (qu’ils n’ont d’ailleurs jamais lue).
Lueur du Cantique des Cantiques : « rose parmi les épines ».

Dessin rapide de pères gâteux avec filles.
Musique indienne : l’unité de division rythmique, dans le temps musical, a la durée de cinq clins d ’œil.
Le nombre cinq est consacré à Siva.
Les Apsaras et les Gand harvas sont réjouis par cette gamme de la cinquième note. Elle est appelée joyeuse. Le soleil est sa divinité.
Indra, dieu de la gamme du cheval vert.
Bharata décrit les six formes de rire employées en musique : sourire, rire, rire contenu, rire composé, rire moqueur, rire violent.

Livre médium de médias : programme ininterrompu, bulletins d’informations, conférences et cours trafiqués, articles, pseudo-scénarios, radio, télé, publicité, portraits chinois, vraies et fausses clés, charades, émanations de divans, enchevêtrement de cures, coïts, ridicules politiques et religieux, fausseté intégrale des croyances, le tout rythmé, emporté.

Haydn, quatuors : déséquilibre en haut comme en bas, sablier. Pas de fond. Violon-alto-violon, violoncelle ; violoncelle-violon-violon-alto, etc. Deux plus un, plus un.
Cristal. Vide. But : aile du mouvement perpétuel. Pourquoi 4.

Personnages : curés ; docteurs, profs, juges, flics, prostituées, artistes, militants, analystes — schizos, paranos, phobiques, hystériques, obsessionnels, pervers, etc. branchés-décalés dans l’histoire mondiale à retours d’histoires et raflés par elle.

Père, résultante des phallus possibles. Ange : signe algébrique de l’opération. Confirmé par vierge : pas réceptacle d’un phallus en particulier (d’une castration d’homme). Du coup : christ.
De quoi jouit une femme ? De l’ensemble des rapports sociaux. Père : l’espèce bafouille autour. Point mort.
Crise de paternité : hystérisation générale (fille faisant le fils, faux-père prenant ses fils pour ses filles), aplatissement de la perversion .
Baroque : trouille de découvrir que le pénis de la mère ne tient pas, n’a jamais été là. Maintien à tout prix du pénis anal (le trône et l’autel). D’où contorsion, moulage, chiure revenant devant (étoffes). Le baroque serre les fesses. Catastrophe imminente, stuc, struc. Plâtré d’horreur. Contre-réforme (vierge). Quelle idée de prendre une statue de Michel-Ange pour Moïse ou une sculpture du Bernin pour sainte Thérèse (c’est moins grave dans le dernier cas). Pourquoi la sculpture à la place d’un événement intense de castration. Fétiche : ombre portée, pétrifiée.

L’humanisme est l’apologie du ratage sexuel là où la religion en faisait un théâtre d’ombres.
Le fascisme, lui, trouve que ça n’est pas encore assez raté comme ça.

Mlle de Rousset, au fond, aime la Présidente de Montreuil. Elles jouissent de Sade en prison comme d’un enfant.

Femme : fonction d’interruption et en même temps de mise en réel de l’obsession sexuelle mâle déterminée par la castration.

Rapts de cellules, trafic de spermatozoïdes, détournement de chromosomes, virements d’ovules. Refoulement originaire.

Orfeo : il monte pour finir au ciel avec Apollon son « padre cortese ». Prairies, danses, vie immortelle. Eurydice reste en enfer.
Mallarmé

Sens-tu le paradis farouche
Ainsi qu’un rire enseveli
Se couler du coin de ta bouche
Au fond de l’unanime pli

Autre éventail de Mademoiselle Mallarmé. Inceste père-fille. « Mon aile dans ta main ».
Hölderlin : « dans le lointain brille le temps des vignes ». (Bordeaux).

Versants des sexes. D’un côté, de l’autre. Paradis : les deux impossibles, parallèles non symétriques, mais dits quand même.

Grossesse réelle : axe père-fille
imaginaire : mère-fils
symbolique : père-fils
Interruption : mère-fille

Chères petites. Comme si je n’avais pas eu deux sœurs.

En principe, on ne doit pas parler de la Genèse, mais il faut parler de la sortie d’Egypte. Déchet dont se détache le sens. Effet de percussion son-syllabe.
Comme on s’élance enfant vers le tranchant, comme on est tendu vers la cible.
Stabat mater.
Zarathoustra : « Le sud le plus chaud n’est pas encore découvert pour l’homme ».
Entre Barcelone et Valence, le soir.

Philippe Sollers 

 

Manuscrit de Paradis


Peinture cahiers théoriques 10/11, p. 10.
ZOOM : cliquer sur l’image.

Peinture cahiers théoriques 10/11, p. 11.
ZOOM : cliquer sur l’image.

La version définitive

Points, p. 63-67

de cette situation découle le flottement tactique du dollar comme de l’euro-dollar d’où flux et reflux dans les portefeuilles assurances métaux non ferreux sidérurgie construction immobilier descente et montée des titres chlorés ou peroxydés des obligations emprunts conversions dividendes notamment chez moulinex intercom air-liquide electrobel usinor nestlé pendant que hachette peut être considéré comme la deuxième affaire mondiale d’édition et de distribution de livres périodiques journaux derrière le groupe américain time effectif 5895 et qu’à mon avis les revendications féminines sont dues principalement à la féminisation accélérée du travail salarié non productif il va sans dire mesdames et messieurs que la concentration étant poussée par fusion des deux procès de capital engagé largement sur ses deux faces condensées entraîne une extension considérable de la rotation amoindrie et une diminution non moins considérable de l’hyperrotation coulante comme quoi nous pouvons envisager dès maintenant à la fois une parcellisation des sous-ensembles déjà branchés et au contraire là est la nouveauté une cristallisation progressive des branchements périodiques vous voyez à quel point sont réfutées les hypothèses de chercheurs comme l’italien malire sans parler des études plus ambiguës du britannique pressbook je garde en revanche la définition d’ensemble je dis bien d’ensemble de la prolifération profilée du marché tout en ajoutant le calcul diagonal du rétrécissement des aires d’influence supprimant dès lors la notion dépassée d’interconnexion tendancielle encore défendue c’est son droit par le soviétique kochek pour promouvoir celle de balancement centré sur fréquence variable laquelle nous amène directement à saisir l’ensemble je dis bien l’ensemble des transferts en cours les conflits inférieurs et supérieurs du moyen-orient mais aussi l’entrée de l’inde dans l’orbe atomique la crise du poisson en islande ou du mouton frisé en nouvelle-zélande de même que le nationalisme ukrainien j’ajoute que mes conclusions ont l’avantage sur celles de mes concurrents de se situer dans une fourchette beaucoup plus étroite dont la marge d’erreur n’est guère que de 0,099 % la dernière illustration de ma méthode étant les élections du monarque de la république française où j’ai réussi à obtenir la réponse en introduisant simplement dans l’ordinateur les énoncés suivants d’un côté tic facial droit claquement de langue descendance louis 15 exposant doublé tva de l’autre veillée des chaumières bassin morne hésitation dentaire décrochée mais compatissante la machine a tranché milliard de secondes comme le peuple lui-même dont vous constatez qu’on pourrait finalement se passer ok ok n’empêche que les résultats de nos services sont ces temps-ci parfaitement spectaculaires exemples le chancelier coincé au dodo le colonel avec un petit matelot le maréchal avec son propre fils le président en pleines bandes magnétiques le secrétaire général avec la dactylo du premier ministre promue depuis à la chambre des lords pendant que la sténo s’occupe maintenant des japonais peu importent les noms d’autres viennent ce seront les mêmes l’histoire dans le deuxième monde rentre dans un sur-place intégral ce qui compte c’est le conte de fées toujours le même la citrouille oui oui la citrouille très important la citrouille encore et partout en réalité je l’avais épousé sans amour je m’en aperçus de plus en plus vite surtout avec l’agrandissement de l’appartement dont j’espère qu’il va se tirer bientôt c’est normal que l’homme laisse à la femme les murs les objets les disques alors elle me dit je crois que je vais me payer une analyse avant de mourir la super bien sûr la plus chère et la voilà qui va raconter nos petites freudaines plus les siennes au grand dépotoir après quoi elle vient me trouver dis on va baiser je me sens toute chose après cette séance le dépotoir lui ne sait plus où donner de l’oreille ça sort par centaines elles veulent toutes se faire entendre en ce point lui faire miroiter le trop tard perdu sous cambrure aïe l’enfant du père cacochyme avec castration symbolique du fils insoumis ça c’est sucré croyez-moi vrai gâteau sidéral interne conséquence montée de l’abscendantal à la bouse de paris benedicat vos omnipotens deux tampax vobiscum je vous en veux pas mes chéries c’est logique il faut penser à caler un peu votre vie la vieillesse est longue autant vendre les actions à temps c’est pas moi qui vous reprocherai de tirer des traites sur mon foutre quelques gouttes distraites et hop une carrière vous voilà belles organonnes et eux de tendre leurs mains tremblantes vers ces corps rutilants qui ont connu mes montagnes mes fleuves allons allons soyons sérieux messieurs une femme touchée par la grâce par le mugissement rigoureux du rythme ça mérite que vous montiez les prix n’oubliez pas que je vous cède ici du matériel rapide haute-fréquence une expérience affinée du vide en chaleur mais non mon cher vous me proposez là tout au plus un cours moyen à peine une circulation de potins primaires je ne suis pas dans la formation des cadres moi aujourd’hui rugit-il je vous dirai ce qui sépare définitivement l’homme de la femme il y eut un frisson les minets se cramponnèrent à leurs cheveux longs les minettes mordirent leurs crayons mais d’abord nous allons relire un brin d’aristote ça y est il recommence soupira une blonde tu vois claudie je te l’avais dit mais claudie était déjà en train de draguer une valeur en hausse dans la confidence elle ignorait qu’était en train de s’écrire au tableau la formule topo­ logique l’équation centrale bien qu’obliquement présentée bref ce que son père et sa mère auraient donné cher pour l’éviter elle et en plus s’éviter l’un l’autre est-ce que claudie est en analyse mais oui pour qui la prends-tu elle est très bien je t’assure en réalité la révolution n’a pas encore produit tous ses effets ses cascades de déplacements mystifiés il reste encore beaucoup de sacré à tondre avant d’avoir sous les yeux le rapport nu direct ennuyeux la cause découpée du suicide ou du jeu sans bornes mon enseignement cria l’autre on aurait entendu voler une mouche le grand art de gueuler n’importe quoi l’air enragé sépulcral tuteur ça s’appelle faire le coup du commandeur en piqué sur la houle pressée des mineurs ça s’appelle fouler du fœtus à travers le zeus du trou d’balle les actionnaires serrèrent leurs jetons les administrateurs vérifièrent leurs cases les jurys d’hystériques ad hoc glissèrent leurs mains sous la table et entremêlèrent leurs doigts consacrés à la tête marbrée de méduse au carré de l’hypoténuse c’était beau comme du bossuet greffé sur mabuse comme de l’orson welles repris par mounet-sully mon enseignement hurla-t-il m’aimez-vous enfin oui ou merde oui dirent les filles merde dirent les garçons voilà la démonstration était faite sauf que les filles pendant un quart de seconde avaient été garçons et les gar­çons filles le temps que passe

Pour les esprits curieux, cet extrait a été publié juste après le retour du voyage en Chine du groupe Tel Quel dans le numéro 59 de Tel Quel (automne 1974) dont vous lirez le sommaire ici. J’ai publié en 2009 différents articles de Sollers dont : la Chine sans Confucius.

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