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Requiem et Background de Philippe Sollers (et autres nouvelles)

Les meilleures nouvelles françaises du XXème siècle

D 6 décembre 2022     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


J’avais signalé dans une Note il y a quelques semaines la publication par les éditions Rue Saint Ambroise — sous la direction de Florence Didier-Lambert — d’un volume de près de 400 pages intitulé Les meilleures nouvelles françaises du XXème siècle (préface de Gilles Philippe). Les nouvelles sont plus ou moins longues. On parcourt l’histoire du siècle passé de Colette (1911) à Annie Ernaux (1996) en passant par Apollinaire, Aragon, Montherlant, Aymé, Sartre, Yourcenar, Simone de Beauvoir, Sagan, etc... Drôle de siècle. Le temps de lire le livre (une nouvelle de temps à autre, les styles sont trop différents, ça ne se lit pas comme un roman), j’y reviens.
Entre autres écrivains retenus, Philippe Sollers et Marcelin Pleynet. De Sollers, deux textes de jeunesse Requiem et Background (choisis par Sollers, « avec comme toujours l’Histoire dans le viseur », me précise Florence Didier-Lambert), publiés au début des années 60 dans les tout premiers numéros de la revue Tel Quel et repris dans L’intermédiaire en 1963. De Pleynet, un extrait de L’expatrié, écrit en 1988, que j’avais présenté lors de la sortie de ce qui deviendra près de trente ans plus tard la première partie d’un roman éponyme dans la collection L’infini (2017).
L’Histoire : la guerre d’Algérie. 1960. 1962. Le texte de Sollers Requiem fait l’objet d’une lecture (que vous pourrez écouter ci-dessous) ainsi que d’une précieuse notice de Frans de Haas [1]. Quant à Background, récit froid du séjour dans les hôpitaux militaires de Montbéliard et de Belfort sur lequel Sollers reviendra souvent, il a exactement soixante ans.
Les éditions Rue Saint Ambroise ne se contentent pas de publier des nouvelles d’écrivain(e)s français (la dernière, qui clôt le livre, étant d’Annie Ernaux, récente prix Nobel de littérature, que vous pourrez aussi écouter (Fragments autour de Philippe V., 2 pages) [2]) Dans la collection « Les meilleures nouvelles » (directeur : Bernardo Toro), figurent évidemment des écrivains étrangers (Flannery O’Connor, Francis Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway, Jorge Luis Borges, Julio Cortazar, etc.). Et puis je découvre qu’il y a également une nouvelle collection « Suites » dans laquelle Florence Didier-Lambert vient de publier Autoportrait d’une danseuse (8 novembre 2022 ). Fondée en février 1999, « Rue Saint Ambroise », c’est enfin une revue. Présentation.

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REQUIEM de Philippe Sollers

Nouvelle extraite du recueil Les meilleures nouvelles françaises du XXème siècle et du n°50 de la revue « Rue Saint Ambroise ».

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LE TEXTE INTÉGRAL (Tel Quel n°1, printemps 1960)

Notice

REQUIEM

En pleine guerre d’Algérie, le 24 août 1959. Pierre de Provenchères, grand ami de Philippe Sollers, est tué pendant son service militaire en grande Kabylie. Sollers avait fait sa connaissance au Lycée Sainte-Geneviève de Versailles où ils étudiaient ensemble. C’est aussi par l’entremise de Provenchères que Sollers rencontrera non seulement un autre condisciple, Jacques Coudol, mais aussi Fernand de Jacquelot de Boisrouvray. Tous deux seront co-fondateurs de la revue Tel Quel.
La mort brutale de Provenchères bouleverse profondément le jeune écrivain. En témoigne notamment sa lettre à Dominique Rolin du 3 septembre 1959 où il écrit :« Mon amour, je ne peux écrire... Les larmes brouillent tout, aussitôt... Pas de littérature pour un esprit qui s’en méfiait tant... ». En vérité, le texte qu’il va écrire se présentera comme une évocation froide, précise et distante, des pompes accompagnant les funéraille s du soldat. Intitulé Requiem, le récit paraîtra dans le premier numéro de Tel Quel (printemps 1960) et sera repris en volume dans L’intermédiaire (Le Seuil. 1963).
Requiem met principalement en scène trois dramatis personae dont deux indexés par un pronom : le narrateur, une amie (« elle »), tous deux liés au jeune militaire (« il ») dont les obsèques ont lieu dans une ville de province. C’est l’été, il fait chaud, la lumière est éclatante. Le narrateur et l’amie vont se trouver successivement dans des lieux dont le premier et le dernier coïncideront. Le récit commence dans un train qui les mène à la petite ville à la tombée du soir. Il y aura ensuite l’hôtel, la mairie drapée de noir où est exposé le cercueil entouré et couvert des couleurs nationales, puis à nouveau l’hôtel. Le lendemain ils se retrouvent à la mairie où a lieu une première cérémonie, suivie de deux autres se déroulant respectivement à l’église et au cimetière ; enfin, il y aura un autre train du soir, celui qui ramène le narrateur et son amie vers leur lieu de départ. Dans le compartiment ils regardent une photo de l’ami en uniforme, occupé à écrire dans un carnet. Littéralement, le récit se termine « ... sur cette longue main nerveuse en train d’écrire ». Aller-retour, vie et mort, s’inscrivent ainsi dans le mouvement du texte même.
Mais l’essentiel semble se jouer dans le contraste entre ce langage précis, ironiquement détaillé, de la narration et le surgissement — plutôt l’évocation par petites touches — d’un langage tantôt morcelé (quelques propos d’« elle » suspendus par l’affliction), tantôt grammaticalement correct mais d’une inanité ridicule. Ceci est à l’évidence la marque des discours officiels, à commencer par celui prononcé à la mairie dont ni mots ni phrases ne sont cités mais qui est accompagné par la lente traversée de la place par une carriole portant l’inscription « l’entreprise de déménagements ». Suivent alors, à l’église, l’homélie du prêtre et, au cimetière, l’hommage prononcé par un colonel. Ces deux discours présentent un curieux point commun. Lorsqu’il commente sans les citer les propos du religieux, le narrateur ne peut s’empêcher de constater que « se succèdent des verbes au présent, puis à l’imparfait, puis au futur ». Et plus loin, écoutant les phrases du colonel dont surnagent quelques bribes (des clichés du genre « exemple à suivre »), il observe : « Là aussi, on peut remarquer la progression des verbes, du présent au futur en passant par l’imparfait ». Qu’est-ce que ces temps bien réglés apprennent, sinon le bouclage d’une vie dans la mort, au travers d’une « dramaturgie » aux allures convenues (le deuil à présent, l’héroïsme au passé, l’espérance et l’exemple au futur...) mais abjecte dans sa fausseté. Seule une écriture au présent (et présente à elle-même) était susceptible de démasquer pareille abjection.
Il y a plus. Au cours du sinistre spectacle décrit avec une implacable précision se produit un oubli, un lapsus si l’on veut, qui va trahir la déchirure et le « déchet » de ces scènes. Déjà le premier soir, devant le cercueil exposé à la mairie, le narrateur remarque plusieurs objets qu’il nomme sans difficulté, mais il s’y trouve aussi « un seau en argent d’où sort le manche d’un objet invisible » ; de ce dernier quelqu’un s’empare pour faire semblant, observe le narrateur,« de le jeter devant lui ». Durant la messe du lendemain, le célébrant fait, lui aussi,« mine de jeter un objet de forme allongé ». Un peu plus tard, au cimetière, le père du défunt, placé devant « l’objet dans un seau d’argent », fait à son tour « mine de le jeter en avant ou d’arroser le cercueil du liquide que doit contenir le récipient ». La fonction de l’objet étant alors plus ou moins spécifiée, ce sont les derniers assistants qui feront surgir le signifiant évité ou rejeté par celui qui rend scrupuleusement compte de l’événement : ils « prennent le goupillon et aspergent une dernière fois le cercueil ». Or, le narrateur ne vient-il pas d’observer un papier attaché à ce cercueil portant la cynique inscription : « Souvenir français » ? Le geste et l’instrument de la bénédiction ne pouvaient que le révulser par leur incongruité.
La fin du récit fait état. rappelons-le, d’une photo du mort sur laquelle on perçoit sa « longue main nerveuse en train d’écrire ». Ultime notation qui n’est pas sans préfigurer la fin du deuxième roman que Sollers publie en 1961 au Seuil, intitulé Le Parc, un livre qui reconduit les trois dramatis personae de Requiem, tout en complexifiant les multiples rapports entre pronoms, lieux et temps. Au vrai, Le Parc s’achèvera sur une phrase non pas identique mais analogue à celle qui marque la fin du récit publié un an plus tôt dans Tel Quel : Cette fois c’est le cahier du narrateur qui s’avère rempli d’une « écriture régulière [...] conduite jusqu’à cette page, cette phrase, ce point, par le vieux stylo souvent et machinalement trempé dans l’encre bleu-noir ».

Frans de Haas.

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BACKGROUND

L’illusion est un ouvrage de la vérité.
STOBÉE.

S’il est trop chargé en définitive, la gratuité, l’inutilité des objets qu’il a choisis le rassurent, ne le compromettent pas vraiment. La route monte, selon les indications, et, bien qu’on lui ait dit cinq cents mètres, il atteint déjà les faubourgs. Il pourrait attendre, mais il est désormais pressé d’en finir. Prévoyant le piège ; voulant être pris au piège. D’ailleurs, le décor uniforme et sale semble couler maintenant dans une seule direction qu’un souille continu décèle, soutient et voile. Les réponses des passants deviennent en même temps plus précises, identiques dans leur brièveté : cha­cun d’eux, avant même d’avoir écouté, désigne sans hésiter le tournant du fond. Aussi, dès qu’il aperçoit les grilles de l’entrée, est-ce presque en courant, mal­gré la lourdeur de sa valise dont la poignée lui brûle les doigts, qu’il franchit les derniers mètres. Exprès, il ne regarde rien, s’entend interroger, répond, s’explique, signe un registre sans le lire, suit un homme qui lui fait traverser la cour (exprès, de nouveau , il garde les yeux baissés vers le sol ), le précède dans les couloirs, le laisse devant un guichet. Formulaire devant les yeux, à remplir. Vite écrit. Signature. « Allez au vestiaire. » « Déshabillez-vous. » « On ne garde pas ses vêtements ? » « Mais non. » « La valise ? » « Vous la laissez, prenez ce dont vous avez besoin. » Cette fois, une porte fermée. La pièce est basse de plafond, mal éclairée par une seule ampoule. Une vieille femme décroche avec impatience une sorte de pyjama bleu sombre en lainage grossier. Le bras droit tendu, raide, elle répète ce geste depuis combien de temps, sans rien voir.
Couloirs (l’endroit doit être souterrain, et pourtant il ne se rappelle pas avoir descendu de marches), couloirs. Puis, large escalier tapissé de caoutchouc jusqu’au cinquième étage. Couloir. Chambre. « Le lit près de la fenêtre. » Les autres se sont tus quand il est entré, l’observent. Il a droit, entre le mur et le lit, à la petite table de fer à trois étagères. Haute fenêtre à barreaux. Vue sur des toits. Eux sont couchés, lisent ou font semblant (l’épient). Il s’allonge, essaie de dormir.

De tous côtés, le bâtiment est entouré de collines boisées couvertes de neige. Au nord, par la fenêtre du palier principal, il découvre l’alignement continu des arbres. A l’est, depuis la chambre, les plants sont plus clairsemés et variés. Deux sapins se détachent sur la crête du vallonnement qui descend en pente douce jusqu’aux maisons les plus excentriques de la ville.

Par beau temps, sa vue porte jusque-là, mais le plus souvent, à cause des rafales neigeuses et du ciel bas prolongé en brouillard, il doit se contenter du spectacle de l’arbre le plus proche où un chiffon est resté inexplicablement accroché, flottant au vent. Ce n’est qu’en allant aux toilettes, de temps en temps, qu’il peut sentir un moment l’air du dehors, en ouvrant la lucarne : il respire vite alors, à pleins poumons, plusieurs fois. Non loin de l’autre côté d’une cour boueuse, immédiate­ment après le mur surmonté de fil de fer barbelé : des maisons. L’autre soir, une femme est restée longtemps près d’une fenêtre (rideau rejeté par-dessus l’épaule), mais les lumières se sont éteintes brusquement, comme si les plombs de l’immeuble avaient sauté tous à la fois. Le jour, il n’a réussi encore à distinguer personne, et d’ailleurs il ne pourrait se faire remarquer sans crier — son visage venant à peine au niveau de la lucarne juste contre une pelure d’orange abandonner là, qu’il se garde bien d’enlever. Crier, il n’y faut en outre pas songer, étant donné l’homme qui creuse près du mur d’enceinte un trou sans raison apparente : jeune, il travaille pratiquement sans arrêt. Un autre, commandé du dehors, est pourtant venu réparer le tapis en caoutchouc du couloir qui avait été, comme à dessein, décollé pendant la nuit sur une assez longue distance. Mais celui-là, la surprise l’aurait fait parler trop fort, peut-être se serait-il cru obligé de prévenir naïvement les employés qui passent sans arrêt par ici... Bien que leurs regards se soient rencontrés plusieurs fois, l’autre a hésité à engager la conversation, sans doute une phrase banale sur la saison... L’occasion était cependant inespérée mais encore peu sûre. Il aurait fallu avoir la lettre, demander simplement de la poster en ville, pour gagner du temps ... Or, des cas semblables ont déjà dû se produire, des instructions être données à l’ensemble du personnel...
Mieux vaut attendre.

(à moins de déprécier entièrement la matière même, innocente, de sa peau, sous laquelle, profondes et superficielles, plus vivantes que lui, racines où sa vision s’élabore, se ramifient les veines. Difficile de trouver exactement l’image de pourriture qui conviendrait à cet endroit. Il suffirait pourtant de prévoir l’emplacement exact, une série de provocations de plus en plus radicales... Ainsi la formule de tension paraîtrait, enfin, seule, gagner la partie)

Dès la cinquième fois, il se roule par terre en étouffant. « Allons, un peu de courage. » La machine — dont les inscriptions sont rédigées dans une langue inconnue de lui — comporte un masque de caoutchouc muni d’une languette qu’il faut serrer entre les dents (le nez est pincé durant l’expérience). Le tuyau lui aussi de caoutchouc, part du masque et se raccorde à un appareil enregistreur comparable à un baromètre (aiguille sensible imbibée d’encre bleue sur cylindre tournant recouvert de papier millimétré). L’ensemble est prévu de façon que le souffle, rendu de plus en plus court par le liquide offusquant vaporisé latéralement à l’intérieur du masque, passe dans des cylindres trans­ parents pleins de granulés roses et verts, et aille ins­crire de lui-même ses variations sur la feuille. Quand il donne des signes trop manifestes d’épuisement, la femme qui l’observe de très près — son visage à quelques centimètres du sien — enlève le pince-nez, le masque, et lui fait respirer un autre produit vaporisé dont les résultats sont plutôt apaisants en dépit d’un accroissement anormal du rythme cardiaque. Ce dernier liquide dégage une odeur d’amandes amères qu ’il est le premier, paraît-il, à identifier sitôt l ’ouverture de l’ampoule. Une telle aptitude lui vaut une certaine considération. C’est maintenant avec curiosité que la femme suit ses réactions. Il semble qu’elle soit désor­mais plus rapide, qu’elle se laisse tacitement abuse . Elle va même jusqu’à lui passer rapidement la main sur le front, rebroussant en arrière les cheveux collés par la sueur.

On lui donne vingt minutes de repos. Il remonte de la cave, et sort du côté qu’il ne connaît pas. Quatre heures. Il marche, cherche en vain du regard de nouveaux murs : seul un réseau de fils de fer barbelés limite le terrain vague. Il s’asseoit, ferme les yeux. Ses mains mouillées, il les passe sur son visage, arrache de l’herbe, la respire, la mâche un moment, la crache. Silence. La brume, en bas, couvre entièrement la ville, la vallée.

... ils recommencent. Le cœur, cette fois, ne bat plus que pour son propre compte, à coups redoublés. « Encore une fois. » La femme est très douce, très patiente. « Vous sortez, ce soir ? » « Mais oui, pourquoi ? » « Est-ce que vous pourriez ?... » « Mais c’est interdit. » Elle ne peut s’empêcher de faire tourner avec la main droite son alliance autour de l’annulaire gauche. Il regarde cette alliance. Puis les jambes de la femme. Alors elle sourit, prend la lettre.
A présent, jusqu’à la fin de l’expérience, il fixe le mur crépi à la chaux où sont accrochées deux planches anatomiques, l’une jaune (squelette), l’autre rouge (les muscles), juste en face du siège où il est assis.
Plus tard, allongé sur le brancard posé à même le sol il a le choix entre la vision immédiate de ses chaussures (à l’intérieur desquelles il doit faire l’effort constant d’imaginer ses pieds), et celle du ciel rose et bleu. Il laisse les doigts de sa main gauche toucher la boue.

Un peu avant minuit, l’incendie se déclare dans l’immeuble voisin. Le feu se développe de l’autre côté, seulement visible par le rougeoiement soutenu qui découpe la masse de pierre sombre, des étincelles, des flammèches, une colonne droite de fumée. L’agitation doit grandir dans la rue qui borde l’autre façade, en coulisse ; des hommes courent sur les toits, difficile­ ment repérables, mais leurs casques, par moments, brillent dans la nuit.
Eux, sont massés pour voir derrière les fenêtres, lui parmi eux. Ils ne parlent pas.

Dans l’encadrement de la porte sur le seuil de laquelle il attend son tour, il aperçoit le bras garrot té, tendu poing fermé à l’horizontale, de celui qui le précède. Une femme enfonce maladroitement , à plusieurs reprises, l’aiguille dans la veine. Le sang coule dans le tube transparent. Enfin, l’aiguille est arrachée d’un geste sec, le bras replié. « Au suivant. » En avançant dans la pièce étroite, il découvre, de l’autre côté de la fenêtre, les murs intérieurs éclairés par le soleil levant, et l’arbre le plus proche où les oiseaux se rassemblent. Tous à la fois, ils chantent. C’est chaque jour la même surprise ; le matin, le soir.

Une éclatante pensée se joue dans le ciel frappé de mouvements lents. Colonnes blanches, fumeuses... Détaché là-haut de cercles vibrants, le retour a lieu dans une retombée assourdissante. Deux hommes sou­ lèvent le brancard, avancent, tandis que, sous la cou­verture qui le dissimule jusqu’au menton, il s’attache à rester immobile, se hasardant à peine à entrouvrir les paupières. De nouveau par terre. Il sent une main autour de son poignet gauche. Il ouvre les yeux : « Qu’est-ce qu’il y a ? » « Rien, c’est fini. » L’un d’eux le regarde ; l’autre allume une cigarette. Ils ressaisissent le brancard, reprennent leur marche un peu balancée, rentrent dans les couloirs que l’on vient de cirer. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » « Attention — répond, sans tourner la tête, celui qui fume —, attention au sommeil, ne t’endors pas trop. »
Ils s’arrêtent. « Tu peux marcher ? » « Essayons. » Ils le soulèvent, le lâchent, le rattrapent à temps. « Je l’accompagne », dit le premier. L’un soutenant l’autre, ils gagnent les lavabos. « Reste assis. » Il sent l’eau couler sur ses cheveux, un peigne ramener ses cheveux en ordre. Puis il a sous les yeux l a main tenant un morceau de pain. « Dépêche-toi. » « Pas faim. » « Allez, c’est fini, tu as tort. » « Non, un peu d’eau seulement. » Il boit quatre verres d’affilée, renversant exprès la moitié du dernier.

... pour revenir, il faut abandonner toute volonté apparente, contrôler les muscles du visage, garder l’expression hésitante d’où il pourra basculer s’il le veut. Mais on l’a oublié. Le circuit ne passe plus par lui. Pourtant, chaque fois que la lampe électrique est braquée sur son lit - c’est-à-dire toutes les heures, qu’il s’oblige à entendre sonner -, il se dresse brusquement, les yeux fixes. Après, il se rend aux toilettes, ouvre la lucarne, respire un moment l’écorce d’orange, jette l’ampoule et reste là, le menton appuyé contre la pierre, figure lentement paralysée par le froid.

Il y a encore soudain, devant lui, l’arrêt de ce merle, sur la main droite tendue de la statue élancée (dans le fond de la cour) ; statue de femme foulant aux pieds un homme qui s’accroche à son voile ; voile qu’elle emporte avec elle, drapeau, en l’assurant de sa main gauche contre son épaule. Le mouvement figé du corps
de la femme — départ, victoire, saut — enjambant l’homme défait dans la poussière, est donc couronné, pour le spectateur, de la présence terminale et fortuite de l’oiseau. Celui-ci, comme s’il était vraiment retenu par la main apparemment fermée sur ses pattes, demeure immobile. Et s’envole.

Dans la rue qui monte vers la colline, il passe devant les décombres noircis de l’immeuble. Il croit reconnaître cette femme qui détourne la tête. Essoufflé, il pour­ suit sa marche, les maisons se font plus rares, c’est maintenant un chemin coupé de flaques, creusé d’ornières. Enfin, il atteint le sommet arrondi qu’il avait en vue. Voici les deux sapins : il se place entre eux. En contrebas, le bâtiment se détache nettement de la partie haute de la ville, elle-même environnée des vallonnements boisés. D’ici, la construction de dix étages paraît minuscule, figurant un E couché, avec son mur d’enceinte continu. Impossible de situer le terrain vague où il se trouvait l’autre jour. Mais la fenêtre est la cinquième du cinquième étage, en partant de la gauche (du quatrième au dixième, tous les carreaux brillent au soleil couchant).
L’endroit est suffisamment dégagé. Il regarde autour de lui comme pour s’assurer qu’il n’est pas observé, et se jette à terre, se roule d’un côté et de l’autre, long­ temps. Puis il se redresse, chantonne. Un premier cri, la voyelle E, de manière assez retenue. Ebranlée dans son immobilité glacée, la vallée résonne. Plus fort. A présent, il crie à intervalles réguliers, et la forêt tout entière, dans sa profondeur obscure et détaillée, renvoie l’appel parti du cercle qu’il vient de tracer dans l’une des dernières plaques neigeuses, jusqu’à ce que, criant toujours, désormais suspendu à la respiration générale et sonore enfin déclenchée, il ait l’air naturellement, sans efforts, de répondre à l’écho lui-même.

1962

BACKGROUND

Il faut lire Un vrai roman, Mémoires de Philippe Sollers, mais également ses lettres à Dominique Rolin de janvier à mars 1962 pour comprendre l’épreuve que fut pour le jeune homme un séjour de trois mois dans les hôpitaux militaires où il sera soumis à de pénibles examens, malgré un dossier médical signalant les séquelles de fréquentes otites et de graves crises d’asthme.
A bout de forces, Sollers poussera les choses à leur limite et se fera, au terme de trois longs mois, réformer pour schizoïdie aiguë. En réalité, il refuse a tout prix le service en Algérie et la participation à une sale guerre dans laquelle son meilleur ami avait laissé la vie. Background est donc lié à Requiem et raconte, à la troisième personne et au présent, l’arrivée d’un conscrit à un hôpital militaire de province, son séjour, les traitements subis, les états seconds qui en résultent et, enfin, une échappée dans les collines enneigées avoisinantes. Comme Requiem, Background paraîtra d’abord dans Tel Ouel (n°11, 1962) pour être également repris dans le volume intitulé L’intermédiaire (Seuil, 1963). Ce livre étonnant est à relire : il combine essais et textes autobiographiques dans lesquels rêves et moments de ravissement soulèvent et mettent régulièrement en question la continuité de la prose. Avec l’auteur on est en droit de dire que des « flaques de temps » y brillent dans un « présent intégral ». Tous les textes du volume existent non pas l’un à côté de l’autre mais « de l’un à l’autre », exactement comme les tableaux de Poussin, admirablement commentés dans le même livre, lequel se révèle ainsi un « intermédiaire » entre vie et mort, maladie et santé rêve et éveil, essai et fiction.
À l’exception de brefs intervalles où pointent hallucination et semi-délire, le style de Background se rapproche de celui de Requiem : le ton est froid, le récit rapide et la description précise (le paysage hivernal alentour, le bâtiment avec ses rares trouées vers l’extérieur, les couloirs, la chambrée, les toilettes, la cave, les appareils médicaux...). À trois reprises, nausée et asphyxie menaçante sont figurées par l’omniprésence d’une matière bien concrète : le caoutchouc. Non seulement il tapisse le grand escalier mais il compose tuyau et masque de l’appareil médical dans lequel médecins et infirmières versent un liquide provoquant la crise d’asthme.
Davantage que Requiem, le récit est coupé de passages en rupture avec le ton dominant et liés à l’état physique extrême du sujet. Relevons d’abord une expérience abrupte, vertigineuse du « rien » (« [...] à moins de déprécier entièrement la matière même, innocente, de sa peau... ») mais aussi l’illumination qui dénote chez l’homme couché sur un brancard une constante et active imprégnation de Rimbaud (« Une éclatante pensée se joue dans le ciel frappé de mouvements lents. Colonnes blanches, fumeuses ... »). Ajoutons-y l’incessante aspiration vers le dehors et les rares sensations qui sauvent l’individu : les arbres et les oiseaux entr’aperçus, une femme à sa fenêtre dans le bâtiment qui jouxte l’hôpital, la pelure d’orange humée sur le rebord de la fenêtre des toilettes, l’ironie du merle perché sur une statue patriotique dans la cour...
Au bout du récit se produit une échappée pendant laquelle « il » rejoint, en haut d’une colline, les deux sapins qu’il avait remarqués déjà à la première page. De la sorte, comme Requiem, le texte offre une sorte d’inclusion. C’est aussi le moment où le sinistre bâtiment de l’hôpital contemplé de haut se présente au narrateur en forme d’un E couché, voyelle qu’en criant il transforme aussitôt en un É crié et que le lecteur ne manquera pas de lire comme un É-crit (autre rappel tant de la fin de Requiem que de celle du roman en cours, Le Parc).
Alors pourquoi le titre anglais ? En réalité le terme Background venait d’être intégré au français (très précisément en 1955 si l’on en croit le dictionnaire) avec le sens d’arrière-fond physique, génétique ou mental. Mais il faut considérer aussi le fait qu’en anglais le substantif désigne également « that what is dimly seen » (Webster), « ce qui est vu de façon trouble ». On lit donc une trouble et blafarde saison en enfer dont quelqu’un, à la fin, se dégage.

Frans De Haes

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Jeunesse d’un écrivain français

L’hôpital militaire

Sollers lit l’extrait de Un vrai roman, Mémoires dont parle Frans de Haes dans sa notice (folio 4874, p. 110 et suivantes).

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VOIR : Conférence-débat du 29 juin 2010 au Collège des Bernardins

Donc, je tombe malade, mon sursis est sup­primé, je suis obligé de partir. D’abord à l’hôpi­tal Villemin (à côté de la gare de l’Est, quartier maudit), pour des examens médicaux. Je pense pouvoir m’en tirer avec mon dossier : asthme plus otites à répétition, plus mastoïdite (10 % d’audition en moins), plus violente hépatite mal guérie, mais peine perdue, l’armée ratisse le plus large possible. On m’expédie à Montbéliard, sous la neige, dans un bataillon disciplinaire. Là, ça va devenir coton.
À Villernin, les rencontres furtives avec Domi­nique, moi en pyjama bleu marine en laine grossière, elle en manteau d’astrakan, ont lieu clans le seul endroit que j’ai repéré comme désert : la chapelle .
J’ai l’air d’inventer un film, mais c’est comme ça. Il y a aussi un banc isolé où je peux me réfu­gier, les pieds dans la boue, pour regarder la lune. Sinon, c’est la promiscuité des dortoirs, l’arrivée de plus en plus massive des blessés et des traumatisés d’Algérie, le type à côté de moi, le visage couvert de croûtes, qui vient régulièrement se pencher sur moi pour me regarder dor­mir. Il a sauté là-bas sur une mine avec sa Jeep. Il est fou.

En principe, le général Hallier doit s’occuper d’obtenir ma réforme. J’ai confiance. J’ai tort. J’apprendrai par la suite que mon dossier mili­taire est finalement arrivé à la frontière électrifiée avec la Tunisie, région à haut risque où on se faisait tuer comme des mouches. Cette gracieu­seté fera exploser mon amitié méfiante (mais pas assez) avec son fils. Étrange famille. Dispari­tion du petit Sollers ? Cadeau de revue pour le jeune mythomane à prétentions littéraires de l’avenue Victor-Hugo ? On peine à le croire, et d’ailleurs je n’ai jamais été cru sur cette question, pourtant essentielle, de ma biographie. Mes amis ou mes proches pensent que j’ai eu assez de chance et de privilèges comme ça (bour­geois). De quoi me plaindrais:je ?Je ne me plains pas, je raconte, mais personne n’écoute. Voilà des rapports sociaux à l’état brut. Je ne vais me sortir de cette misère que de justesse.

Arrivée à Montbéliard, donc. Mon dossier médical ne suffit pas, et j’ai été repéré comme ayant signé une pétition contre la torture. Imprudence : j’ai un livre avec moi, qui n’inspire aucune confiance aux surveillants locaux, le Tractacus de Wittgenstein. J’aime la littérature et la poésie, mais aussi (et c’est plus grave) la philosophie. Les Recherches logiques, de Husserl, m’enchantent. L’ego transcendantal, la réduction phénoménologique sont pour moi des sensations nettes. Ce goût ne me quittera plus, avec des embardées du côté des mystiques (Ibn Arabî) et de l’ésotérisme (Guénon). Amateur, sans doute, mais l’expérience intérieure m’est familière, elle me permet de tenir le coup dans ce chaos.

Le camp est situé sur un plateau neigeux en plein vent. Il fait -10 °C :, je tombe sur la chambrée, c’est tout dire. J’ai déjà remarqué, à Paris, que les « appelés » ayant de très bons dossiers de réforme ne veulent pas les utiliser, la « réforme » leur paraissant une honte, l’un par rapport à ses parents, l’autre aux yeux de sa fiancée. La servitude volontaire saute ici aux yeux, pas besoin d’avoir lu La Boétie, masochisme effarant, logique, implacable. Je n’ai connu aucun réfractaire, aucun déserteur : c’est pourtant ma déci­sion immédiate.
On n’entre à l’infirmerie du camp qu’à partir de 39,5 °C : de fièvre. Comme attacher mes guêtres me gonfle, et que j’en ai plus qu’assez d’entendre, chaque soir, les désolantes obscénités de mes camarades, je vais donc me lever de ma couchette en douce, et me promener pieds nus et torse n u dans la neige, en espérant que la fièvre finira bien parvenir.

Elle vient. A l’infirmerie, un gradé, sentant la supercherie, vient me dire que l’armée a droit à 2 % de décès par malade, ce qui n’est pas grave. Je jette évidemment les médicaments et la nour­riture, je décline assez vite avec satisfaction (la liberté ou la mort), et mes parents, sans nou­velles, finissent par s’inquiéter, surtout ma mère qui, une fois en mouvement, est très décidée et coriace. On me transporte en ambulance à l’hô­pital militaire de Belfort, elle suit dans un taxi. Montbéliard ? Belfort ? Voilà au moins deux villes où je ne mettrai plus jamais les pieds.

Maintenant, c’est la guerre d’usure. J’ai deux objets fétiches : une écorce d’orange, que je vais respirer en ouvrant la lucarne des chiottes, et des lames de rasoir que j’ai dissimulées dans un our­let de mon pyjama. J’ai bien l’intention de m’en servir si ça dure. En même temps, je cesse de par­ler et garde le regard obstinément fixé sur le sol (très bonne connaissance des sols). Ce compor­tement finit par intriguer, donc psychiatre.
Avant de poursuivre, un tuyau à qui voudra s’en servir, un de ces trucs qu’on se refile à mi­ voix dans les couloirs : pour perturber un élec­tro-encéphalogramme, serrer et faire grincer légèrement les dents. Il paraît que ça marche. Un type me dit ça dans la banlieue de Paris, pendant que je subis des expériences-tests, dans une cave, au sujet de mon asthme. Tenez, respirez ça : odeur d’amandes amères, violente crise immédiate, étouffement, convulsions, et retour titubant à l’air libre pour contempler Paris de haut, grotesque Rastignac transporté, via le Val­ de-Grâce, en camionnette grillagée comique (le texte qui raconte ça, pas mauvais du tout, se trouve dans le recueil L’lntermédiaire, et a pour titre Background).

Psychiatre, maintenant. C’est un capitaine, plutôt brave con. Il m’interroge, et je me tais, trois fois, quatre fois, cinq fois. Il me demande alors de dessiner un homme et une femme nus. Oh, le gros malin, c’est trop beau. Adam et Eve ? Comme dans Cranach ? Sans feuilles de vigne ? Je m’y mets avec application, je dessine très mal , mais j’y parviens. Un homme et une femme par­faitement reconnaissables, puisque je m’attarde longuement sur les sexes et les poils, bien diffé­renciés, bien visibles, seulement voilà, ils n’ont pas de bras. Le type me regarde, incrédule, mais ses yeux brillent, il tient son cas. « Il ne leur manque rien ? ». Je secoue négativement la tête. « Regarde bien, tu n’as rien oublié ? » Ce tutoie­ment risque de me faire réagir, mais du calme. Cette absence de bras est grosse comme un immeuble, mais plus c’est gros, plus ça marche.

Je continue ma grève de la faim et mon mutisme buté. Entre-temps, mes parents ont alerté Ponge qui, lui-même, a prévenu Malraux. Je passe donc devant un nouveau tribunal qui me signifie ma Réforme (quel beau mot, réforme, pas en religion mais en armée), « sans pension, pour terrain schizoïde aigu ».
Le schizoïde aigu vous salue.
J’enverrai un mot de remerciement à Mal­raux, qui me répondra sur une carte de deuil par ces mots incroyables : « C’est moi qui vous remercie, Monsieur, d’avoir eu l’occasion, une fois au moins, de rendre l’univers moins bête. »

Je sors de cette ridicule petite saison en enfer, j’ai maigri de vingt kilos, je tiens à peine debout, toutes mes affaires ont disparu, et mon père est obligé d’aller m’acheter en ville des vêtements et des chaussures. Ma mère a apporté (grand sym­bole !) la canne à pommeau d’argent de son père, Louis. Je rentre dans un Paris étrange où explosent, chaque nuit, des bombes OAS. Ce sont les « nuits bleues ». J’emménage dans l’ap­partement-studio où j’écris ces lignes, boulevard de Port-Royal, en face de l’ancien couvent, trans­formé après la Révolution en maternité. La cha­pelle est désaffectée, où a eu lieu, le 24 mars 1656, le miracle de la Sainte Épine. Je suis un somnambule qui relit Pascal. Le beau cloître, alors sans grille, est très agréable dans les nuits d ’été.
Inutile de dire que mes amis sont consternés de me revoir. Je me tais, je me remplume douce­ment, Dominique est là, il ne peut plus rien m’arriver pour l’instant, je commence à écrire mon premier vrai livre, Drame. Pour ce qui est de l’entourage, ça va chauffer.

Un vrai roman. Mémoires, 2007, folio, p. 110-116.

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Les meilleures nouvelles françaises du XXème siècle

Date de parution : 20/10/2022

Bonjour,

Nous sommes heureux de vous présenter le nouveau titre de notre collection Les meilleures nouvelles, consacré à la nouvelle française, qui paraîtra en librairie le 20 octobre prochain.
Cette anthologie rassemble vingt et un écrivains parmi les plus importants de ce siècle. De Colette à Annie Ernaux, en passant par Aragon et Sollers, ces auteurs donnent à lire une certaine idée de la forme brève. Portrait, fragment, récit bref, conte ont en partage l’inventivité, la variété et l’esprit critique qui sont au coeur de la langue française.
En France la nouvelle n’a pas bonne presse. Or la forme courte y tient une place particulière.
La plupart des écrivains, nouvelliste ou pas, ont développé cet art de l’ellipse. Publiée dans les journaux, la nouvelle met en abyme les informations du jour. Elle capte de façon efficace l’esprit de son temps. Chacun des textes de cette anthologie reflète des enjeux esthétiques de son époque. Ils constituent ainsi une source inépuisable de réflexions, tant du point de vue littéraire que politique.
Le recueil est préfacé par Gilles Philippe. Chaque nouvelle est accompagnée d’une notice, écrite le plus souvent par un spécialiste de l’auteur. Un riche dialogue s’établit entre les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, qui contribue à prolonger la lecture des textes et leur interprétation.

Ce volume contient des nouvelles de Colette, Apollinaire, Morand, Aragon, Radiguet,
Montherlant, Aymé, Vialatte, Yourcenar, Sartre, Némirovsky, Green, Mandiargues, Duras, Sollers, Beauvoir, Sagan, Cayrol, Pleynet, Berthet et Ernaux.

Les notices sont de Julie Wolkenstein, Florence Didier-Lambert, Agathe Salha, Adrien
Cavallaro, Simon Galvani, Jean-François Louette, Alain Schaffner, Christelle Reggiani, Brigitte Ferrato-Combe, Frans De Haes, Delphine Nicolas-Pierre, Céline Hromadova, Nathalie Froloff.

Nous espérons que vous serez sensible à notre démarche.
Avec cette collection, nous faisons le pari que la forme brève, trop souvent délaissée, offre une chance à la littérature d’explorer de nouvelles voies.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur notre site : RUE SAINT AMBROISE

Très cordialement,
Les Éditions Rue Saint Ambroise

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Autoportrait d’une danseuse de Florence Didier-Lambert

De l’Opéra de Paris à New York, de Georges Balanchine à Merce Cunningham, cet Autoportrait retrace la vie d’une danseuse, depuis ses années d’apprentissage jusqu’à son accomplissement artistique. Il est composé de onze épisodes indépendants, reliés par un récit, convergeant en un portrait unique. Avec ce premier titre de leur collection « Suites », les Éditions Rue Saint Ambroise inaugurent une nouvelle forme littéraire qui conjugue l’unité du roman et la variété du recueil. Ancienne danseuse de l’Opéra de Paris, Florence Didier-Lambert vit et travaille à Paris.

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Les lecteurs de Pileface se souviennent sans doute que lors de la publication du film qu’elle avait réalisé avec Marcelin Pleynet Vita Nova, Florence Didier-Lambert m’avait proposé de publier le texte qu’elle avait écrit à cette occasion et qui ne s’appelait par hasard Écrit en dansant. La voici dansant dans un extrait du film Vita Nova.

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Vous pouvez aussi relire ce passage de mon article sur Le temps français et le temps chinois qui n’est pas sans Correspondances.

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La collection Meilleures nouvelles

Présentation

La France a été un grand pays de la nouvelle. Certains l’ont oublié, qui prêtent aux lecteurs français un penchant inné pour le roman. L’attrait pour la nouvelle qui faisait au XIXe siècle le succès des journaux semble faire retour aujourd’hui par un biais particulièrement fécond, celui de la création. Partout en France des ateliers d’écriture s’ouvrent, des concours se créent, des blogs d’auteur remettent la forme courte au centre de la pratique littéraire. Pour répondre à cet intérêt grandissant, les Éditions Rue Saint Ambroise lancent aujourd’hui une collection qui rassemble l’essentiel de l’œuvre de grands nouvellistes du XXe siècle. Une sorte de bibliothèque idéale de la nouvelle contemporaine qui permettra au public français de découvrir ou redécouvrir des œuvres phares grâce à des traductions modernes et soignées.

Si nous employons le mot nouvelle, c’est simplement par commodité. Il serait plus pertinent de parler, comme Virginia Woolf, d’un « nouveau genre qui n’a pas encore de nom ». Une sorte de nouvelle nouvelle dont la source semble être l’œuvre d’Anton Tchékhov. Tous les grands nouvellistes du XXe siècle que nous publierons dans cette collection (Katherine Mansfield, Flannery O’Connor, Carson McCullers, Francis Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway, Raymond Carver, Jorge Luis Borges, Julio Cortazar, etc.) ont été de grands lecteurs de Tchékhov et, d’une manière souvent revendiquée, ses héritiers.

Aucun auteur français ne figure dans cette liste et pour cause, au XXe siècle, la nouvelle en France est devenue un genre mineur. Si le constat est indiscutable, l’explication l’est moins. À nos yeux, le déclin de la nouvelle française obéit moins à un engouement croissant pour le roman qu’à une incapacité propre à la fiction courte de se renouveler. En France tout se passe comme si la nouvelle n’avait jamais vraiment réussi à se défaire de la forme héritée du XIXe siècle dont Maupassant constitue à la fois l’aboutissement et le point de fixation. Le génie de Maupassant, dont on continue à lire et à enseigner les nouvelles comme des modèles du genre, a minimisé la révolution apportée par Tchékhov et par là même, empêché la nouvelle forme de faire évoluer l’ancienne. Privée de cette approche moderne, la nouvelle est devenue en France un genre somptueux, brillant et suranné qui ne parvient plus à saisir la complexité de notre monde. Il est donc urgent de rouvrir ces textes et de les lire avec attention comme s’ils étaient non pas derrière, mais devant nous, très en avance sur notre propre conception de la nouvelle. C’est l’objectif de cette collection, faire redécouvrir cette littérature qui, à partir de Tchékhov, développe un genre littéraire aussi mal connu en France que les nouvelles de l’écrivain russe (nous publierons en 2020 un grand volume consacré à Tchékhov), une nouvelle nouvelle qui s’épiphanise avec Virginia Woolf, se perfectionne avec Katherine Mansfield, se dépouille avec Raymond Carver et nous parvient encore aujourd’hui des quatre coins du monde avec des accents toujours inattendus.

LECTURES VIDEOS ICI

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La revue Rue Saint Ambroise

Présentation du n°50

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[1Frans de Haas a également fait la notice pour L’expatrié de Pleynet.

[2Annie Ernaux a eu le Nobel. Rushdie ne l’a pas eu. On peut le regretter. On aime ou on n’aime pas Annie Ernaux. On peut être en désaccord avec certaines de ses positions politiques (c’est mon cas). Fallait-il pour autant, critiquant ce que certains ont appelé son « ressentiment », se livrer à un tel... ressentiment à son égard comme ce fut le cas dans l’émission Répliques du 26 novembre ? J’en doute. A ce compte-là, peu d’écrivains risquent d’échapper à l’opprobre. Il est vrai que c’est aussi un Signe des temps (le 27, toujours sur France Culture).

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