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René Daumal poète

Un Halluciné de l’Infini

D 12 novembre 2022     A par Viktor Kirtov - Michaël Nooij - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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Cher Viktor,
Y a-t-il un moyen pour PileFace de parler de cette revue et de René Daumal, un de ses poètes fondateurs ?

Je trousserai bien quelques lignes sur cet halluciné de l’infini

"Les dernières paroles du poète" est bouleversant à écouter - on mesure la distance d’une voix d’avant et d’aujourd’hui en matière d’intensité, de mélodie, de rythme

Bien à toi,
M.N.
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Bonjour Michaël,
Je ne connaissais pas René Daumal, ni la revue qu’il cofonda « Le Grand Jeu ». Bien qu’éphémère, ses trois numéros sont publiés avec la spirale en couverture… Et ceci vaut clé d’accès à pileface.

La spirale qui pour les créateurs de la revue donnait sans doute accès à La Voie, le premier titre envisagé.

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Ce dessin dans le numéro 2 me convient aussi, ainsi que sa déclaration liminaire : « Le Grand Jeu ne cherche que l’essentiel »
Et puisque tu dis « Je trousserai bien quelques lignes sur cet halluciné de l’infini »,
GO ! cher Michaël.
V.K.

PS : Je note aussi que les trois numéros de la revue ont été republiés en 1997, qu’un numéro Carnet de l’Herne du 1er janvier 1968 lui a été consacré, ainsi qu’une section de l’Encyclopédie Universalis. Qu’une revue aussi éphémère ait laissé ces traces mérite sans doute d’y regarder de plus près.

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René Daumal, un halluciné de l’infini

L’infini on le sait, lorsqu’il se manifeste dans le fini, prend toujours le chemin le plus inattendu. Créer la surprise surréaliste est son péché mignon. Il renverse les tables, culbute les chaises, scandalise les braves gens, outrage l’élite. Sûr ! c’est bien le but de sa façon d’agir, sa nature impétueuse, imprévisible commande. Des devins du probable, des adeptes du souhaitable, des cramponnés de la normalitude il se moque. Son mode d’action est coup de tonnerre par beau temps, foudre par ciel clair, retournement instantané, définitif. Les lambins, les trop prudents, les ni-oui-ni-non l’agacent - ne savent-ils donc pas que l’infini peut tout ? Il cligne de l’œil et le monde s’évanouit. Il frappe des mains et le monde réapparaît. De cette vérité simple, le rémois René Daumal, dans la solitude du poète indigent, faisait sa vie, le bois de son arche de Noé. C’était un coriace, un acharné, un halluciné de l’infini qui savait de quoi il parlait.

La voix de René Daumal (Début du poème "Dernières paroles du poète")
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À écouter l’enregistrement de son poème "Dernières paroles du poète" on entend sa voix onduler, voltiger et mourir sur des rouleaux d’or à l’infini. Le poète parle, qui pourrait s’y opposer ? Le lion se couche à ses pieds, l’aigle le couronne, la balle du big-bang il la tient entre ses mains et la lance à l’Ange au Sourire de Reims qui l’attrape et tout en finesse la lui renvoie. L’imprévu seul prévaut.

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« L’Ange au Sourire de Reims »
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PS. Plus fort encore que le poème très fort "Dernières paroles du poète", ce qui impressionne c’est sa voix, peux-tu isoler cet enregistrement du site où je l’ai trouvé ? Je ne mettrai pas l’accent sur "l’inquiétante étrangeté" de René Daumal, il n’y a rien d’inquiétant ni d’occulte chez lui, son compagnonnage avec les gourous de son temps ne l’ont pas distrait de l’essentiel, il a inventé et pratiqué la "métaphysique expérimentale", l’absolue fidélité à l’absolu décliné au quotidien, maintenue dans la dèche au cinquième étage de la modernité

Souligner qu’il a été un maillon entre Jarry et les pataphysiciens constitués en corps est beaucoup mieux qu’évoquer son "inquiétante étrangeté", qui n’était en rien étrange mais l’exigence d’un corps, d’une action et d’un esprit unis en un bloc complet, les mots sont de la chair vivante - dans ce sens il allait plus loin que la posture de grand poète coulé dans le bronze d’un André Breton, paix à son âme.

René Daumal vivait peut-être dans la dèche, mais avec panache, du plancher des vaches il faisait sans se plaindre, avec ou sans effort, son pain métaphysique, un p... de poète pour de bon.

Le Contre-ciel de René Daumal

Le Contre-Ciel / Les Dernières paroles du poète
Poche – 23 octobre 1970

de René Daumal (Auteur), Claudio Rugafiori (Préface)

le livre sur amazon.fr

« Ne cesse pas de reculer derrière toi-même. Et de là contemple… » René Daumal (1908-1944).

Poète, critique, essayiste, indianiste, cette figure intrépide de l’avant-garde poétique à la marge du surréalisme, nous hante tant par son souffle mystique que par sa lucidité. L’auteur du Contre- Ciel (Poésie, Gallimard) se veut épris de liberté. Son cri « Qui a soif me suive » s’apprête à nous conduire vers cette quête spirituelle et « transparente » à la fois où son verbe « en noir et blanc et noir et blanc » fait l’éloge de la révolte :

Je vous parle sans passion,
noir et blanc et noir et blanc,
clac ! vous voyez qu’on s’y fait vite,
je vous parle sans amour,
et pourtant vous savez bien…
il faut être évident jusqu’à l’absurde

Le sillon poétique creusé par René Daumal empreint d’un regard critique des erreurs de jeunesse demeure onirique sans pour autant « rompre avec le silence », comme il le décrit sous un voile de déchirure mortelle :

Il suffit d’un mot Nomme si tu peux ton ombre, ta peur
et montre-lui le tour de sa tête,
le tour de ton monde et si tu peux
prononce-le, le mot des catastrophes,
si tu oses rompre ce silence
tissé de rires muets, — si tu oses
sans complices casser la boule,
déchirer la trame,
tout seul, tout seul, et plante là tes yeux
et viens aveugle vers la nuit,
viens vers ta mort qui ne te voit pas,
seul si tu oses rompre la nuit
pavée de prunelles mortes,
sans complices si tu oses
seul venir nu vers la mère des morts –
dans le cœur de son cœur ta prunelle repose –
écoute-la t’appeler : mon enfant,
écoute-la t’appeler par ton nom.
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Le Contre-Ciel, Poésie/Gallimard

LE CARNET D’ARTA SEITI

A propos de l’auteur

Né à Boulzicourt dans les Ardennes le 16 mars 1908, René Daumal fait ses études secondaires à Reims où il fait partie avec Roger Gilbert-Lecomte et Roger Vailland d’une sorte de communauté "initiatique" qu’ils appellent les "Simplistes". Il fonde la revue Le Grand Jeu avec Gilbert-Lecomte en 1928. Atteint de tuberculose, il meurt à Paris le 21 mai 1944.
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Dernières paroles du poète

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D’un fruit qu’on laisse pourrir à terre, il peut encore sortir un nouvel arbre. De cet arbre, des fruits nouveaux par centaines.

Mais si le poème est un fruit, le poète n’est pas un arbre. Il vous demande de prendre ses paroles et de les manger sur-le-champ. Car il ne peut, à lui tout seul, produire son fruit. Il faut être deux pour faire un poème. Celui qui parle est le père, celui qui écoute est la mère, le poème est leur enfant. Le poème qui n’est pas écouté est une semence perdue. Ou encore : celui qui parle est la mère, le poème est l’oeuf et celui qui écoute est fécondateur de l’oeuf. Le poème qui n’est pas écouté devient un oeuf pourri.

C’est à cela que songeait, dans sa prison, un poète condamné à mort.

C’était dans un petit pays qui venait d’être envahi par les armées
d’un conquérant. On avait arrêté le poète parce que, dans une chanson qu’il chantait sur les routes, il avait comparé la tristesse qui rongeait jusqu’à l’os la chair de son corps aux fumées meurtrières qui avaient brûlé jusqu’au roc la terre de son village.

Demain à l’aube il sera pendu.

Mais on lui a fait cette grâce qu’avant de mourir il pourra dire devant le peuple un dernier poème. Il se disait dans son cachot : Jusqu’ici je n’ai fait que des chansons pour amuser. Ce sera mon premier et mon dernier poème.
Je leur dirai

Prenez ces paroles, qu’elles ne soient pas une graine perdue ! Couvez mes paroles, faites-les croître, faites-les parler ! Mais que leur dirai-je ensuite ? Je n’ai qu’un mot à dire, un mot simple comme la foudre. Un mot qui me gonfle le cœur, un mot qui me monte à la gorge, un mot qui tourne dans ma tête comme un lion en cage. Ce n’est pas une parole de paix. Ce n’est pas une parole facile à entendre. Mais elle doit mener à la paix, mais elle doit rendre toute chose facile à entendre, pourvu qu’on la prenne comme la terre reçoit la graine et la nourrit en la tuant. Quand je serai pourri, dans quelques jours, que de ma pourriture sorte un arbre à paroles. Non pas des paroles de paix, non pas des paroles faciles à entendre, mais des paroles de vérité.

Mais encore, que leur dirai-je ?

Je n’ai qu’un mot à dire, un mot aussi réel que la corde qui me pendra. Un mot qui me démange, un mot qui me dévore, un mot que le bourreau même pourra comprendre. J’ouvrirai la bouche je dirai le mot je fermerai la bouche et ce sera tout. Dès que j’aurai ouvert la bouche, on verra rentrer sous terre les fantômes et les vampires et tous les voleurs les tricheurs au jeu de la vie, les spéculateurs de la mort : Ceux qui font tourner les tables, ceux qui balancent des pendules, ceux qui cherchent dans les astres des raisons de ne rien faire.

Les rêvasseurs, les suicidés, les maniaques du mystère, les maniaques du plaisir, les voyageurs imaginaires, cartographes de la pensée, les maniaques des beaux-arts qui ne savent pourquoi ils chantent, dansent, peignent ou bâtissent.

Les maniaques de l’au-delà qui ne savent pas être ici-bas.

Les maniaques du passé, les maniaques du futur, escamoteurs éternité.

On les verra rentrer sous terre dès que j’aurai la bouche ouverte.

Dès que j’aurai prononcé le mot, les yeux des survivants se retourneront dans leurs orbites et chacun de ces hommes et chacune de ces femmes regardera en face le fond de son sort. Abîme de lumière ! Obscurité souffrante ! Dès que j’aurai fermé la bouche, leurs yeux se retourneront vers le monde, chargés de la lumière centrale, et ils verront que le dehors est à l’image du dedans, Ils seront rois, elles seront reines, ils se verront les uns les autres, chacun tout seul comme le soleil est seul, mais tous éclairés par le feu d’une solitude unique au-dedans, comme au-dehors par le feu d’un soleil unique.

Mais je rêve et je cède à l’espoir trop facile.

Plutôt, sans doute ils diront : Ce fou, il est temps qu’on le pende. Cette bouche inutile, il est temps qu’on la ferme. Ou peut-être encore diront-ils : Ses paroles ne sont pas des paroles de paix, ce ne sont pas des paroles faciles à entendre. Ce sont des paroles de démon. Il n’est que temps qu’on le pende. Et de toute façon je serai pendu.

Eh bien, je leur dirai : Vous n’avez pas beaucoup plus longtemps à vivre que moi. Je meurs aujourd’hui, vous la semaine prochaine. Et notre misère est la même et notre grandeur est la même.

Mais ils croiront que ce sont des paroles de haine. Ces malheureux sont tellement sûrs d’être immortels ! Et de toute façon je serai pendu.

Que leur dirai-je ?

Je leur dirai bien : Réveillez-vous ! mais je ne saurais pas leur dire comment faire et ils diraient : Mais nous ne dormons pas. Pendez, pendez cet imposteur et qu’on le voie cracher sa langue !

Et je serai, de toute façon, pendu.

Et le poète, dans sa prison, se frappait la tête aux murs. Le bruit de tambour étouffé, le tam-tam funèbre de sa tête contre le mur fut son avant-dernière chanson.

Toute la nuit il essaya de s’arracher du cœur le mot imprononçable. Mais le mot grossissait dans sa poitrine et l’étouffait et lui montait dans la gorge et tournait toujours dans sa tête comme un lion en cage.

Il se répétait : De toute façon je serai pendu à l’aube.

Et il recommençait le tam-tam sourd de sa tête contre le mur. Puis il essayait encore : Il n’y aurait qu’un mot à dire. Mais ce serait trop simple. Ils diraient Nous savons déjà. Pendez, pendez ce radoteur.

Ou bien ils diraient : Il veut nous arracher à la paix de nos cœurs, à notre seul refuge en ces temps de malheur. Il veut mettre le doute déchirant dans nos têtes, alors que le fouet de l’envahisseur nous déchire déjà la peau. Ce ne sont pas des paroles de paix, ce ne sont pas des paroles faciles à entendre. Pendez, pendez ce malfaiteur !

Et de toute façon je serai pendu.

Que leur dirai-je ?

Le soleil se levait avec des bruits de bottes. Il fut mené, les dents serrées, vers la potence. Devant lui ses frères, derrière lui ses bourreaux.

Il se disait en lui-même : Voici donc mon premier et mon dernier poème. Un mot à dire, simple comme d’ouvrir les yeux. Mais ce mot me mange du ventre à la tête, je voudrais m’ouvrir du ventre à la tête et leur montrer le mot que je renferme. Mais s’il faut le faire passer par ma bouche, comment en franchira-t-il l’orifice étroit, ce mot qui me remplit ?

Alors il se tut une première fois : sa bouche garda le silence. Une deuxième fois il se tut : son cœur se ferma. Une troisième fois il se tut : tout son corps devint comme un roc silencieux. (Il était comme un rocher blanc, comme la statue d’un bélier devant un troupeau de moutons endormis ; et derrière lui les loups ricanaient déjà.)
On entendit des bruits de baïonnettes et d’éperons. Le délai accordé prenait fin. Sur son cou le poète sentit le chatouillement du chanvre et au creux de l’estomac la patte griffue de la mort. Et alors, au dernier moment, la parole éclata par sa bouche, vociférant :

Aux armes ! A vos fourches, à vos couteaux,
A vos cailloux, à vos marteaux,
vous êtes mille, vous êtes forts,
délivrez-vous, délivrez-moi !
Je veux vivre, vivez avec moi !
Tuez à coups de faux, tuez à coups de pierres !
Faites que je vive et moi, je vous ferai retrouver la parole !

Mais ce fut son premier et son dernier poème. Le peuple était déjà bien trop terrorisé. Et pour avoir trop balancé pendant sa vie, le poète se balance encore après sa mort. Car c’est souvent le sort, ou le tort des poètes, de parler trop tard, ou trop tôt.

vagabond-des-etoiles.com

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Patti Smith, fan de René Daumal

« Le Mont Analogue », le roman inachevé du Rémois, influence de nombreux musiciens : de Patti Smith à Bertrand Belin. Une filiation qui doit autant à la contre-culture psychédélique qu’aux disciples du guide spirituel Georges Gurdjieff.

Par Aureliano Tonet
Le Monde, 11 août 2021


Les membres des « Phrères simplistes », à l’origine de la revue « Le Grand Jeu », vers 1922, à Reims. MARC GARANGER/AURIMAGES VIA AFP
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C’est une question qu’on lui rabâche ad nauseam : quel est le premier groupe punk ? Parce qu’elle n’a rien perdu de sa morgue adolescente, malgré ses 74 ans, Patti Smith répond systématiquement : le Grand Jeu, un mouvement animé par l’écrivain rémois René Daumal (1908-1944), avec trois copains de lycée, au tournant des années 1930.

Si ça ne vous dit rien, pas de panique : trop radical et éphémère, souffrant de la concurrence du surréalisme, il végète aux marges de l’histoire littéraire – du moins en France. Pour la pythie punk, c’est un scandale : « En 2008, à l’occasion du centenaire de Daumal, j’ai organisé un cycle de lectures dans son café préféré, Le Rouquet, à Paris, confie Patti Smith. Je m’attendais à des célébrations nationales, mais tout le monde avait l’air de s’en foutre. Ça m’a choquée. »

En 2020, avec quelques amis, elle consacre un disque à l’écrivain, intitulé Peradam. Le terme désigne les pierres précieuses qui servent de monnaie d’échange dans le roman inachevé de Daumal, Le Mont Analogue, paru en 1952. Pour ce disque, la chanteuse a marché sur ses traces au cours d’un pèlerinage plus ou moins fantasmé, des Ardennes à l’Himalaya. A la rentrée, elle participera à divers hommages daumaliens : une exposition à Reims, un beau livre chez Gallimard… « Il était aussi arrogant qu’un punk rockeur, mais c’était aussi un humaniste, baigné de spiritualité. Comme Rimbaud et Artaud, il savait ce qu’était la beauté. » Et son envers, la laideur.


Pochette de l’album « Peradam » (2020), de Patti Smith & Soundwalk Collective. Dans le roman « Le Mont Analogue », de René Daumal, ce néologisme désigne les pierres précieuses servant de monnaie d’échange. PATTI SMITH / BELLA UNION
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Daumal décochait des « punchlines » acides, raillant les rivaux du « sussurâlisme », moquant toute forme de conservatisme. Exemple : « Il y a plus de choses dans l’espoir d’un crapaud que dans les fumées de vos cervelles d’anchois. » Le garnement meurt de tuberculose, à 36 ans, alors qu’il bûche sur son grand œuvre, Le Mont Analogue. Conséquence des substances dont il avait abusé, ado : benzine, alcool, tabac… Et même tétrachlorométhane, qu’il avait découvert en tuant des coléoptères – il en faisait collection.

Un éclat particulier

Patti Smith est tombée sur Le Mont Analogue en 1971, en farfouillant dans une librairie new-yorkaise. « Comme beaucoup de gens de mon âge, je raffolais des auteurs français. Ils étaient les plus novateurs, avant que n’arrive la Beat Generation [1]… » C’est en partie grâce à ses adeptes, les beatniks, que Le Mont Analogue traversera l’Atlantique.
Traduit en 1959, le roman attire l’attention des communautés gravitant autour de l’écrivain Ken Kesey et du psychologue Timothy Leary, chantres du LSD. Dans les bus multicolores, sur les campus bariolés, on s’arrache le « péradam » de Daumal. Au point que City Lights, dirigée par le poète Lawrence Ferlinghetti, le réédite, en 1968. Psychédélique à souhait, la couverture reprend un montage graphique paru en 1967 dans le San Francisco Oracle, la bible de la contre-culture : une pyramide et un troisième œil s’y greffent au visage d’un vieil Indien, hirsute.


Couverture de l’édition américaine du « Mont Analogue », publiée en 1968 chez City Lights.
CITY LIGHTS
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Si Le Mont Analogue brille d’un éclat particulier pour nombre de musiciens, ce foyer hippie n’y est pas étranger. De même qu’un autre réseau, aussi souterrain qu’international : celui des disciples du guide spirituel arménien Georges Gurdjieff (1866-1949), dont Daumal suivit les enseignements. « En 1971, j’avais 17 ans, j’explorais tout ce qui se rapportait au surréalisme et à Gurdjieff. Le Mont Analogue se situait pile à l’intersection de ces deux passions », témoigne le saxophoniste new-yorkais John Zorn, auteur d’une belle dérive autour du roman, en 2012.
Figures des musiques expérimentales, les Italiens Stefano Battaglia et Francesco Messina ou le Français Pierre Schaeffer ont pareillement découvert Daumal par les cercles gurdjieviens.[…]

Fin connaisseur du sanscrit

Autre porte d’entrée musicale vers Le Mont Analogue, l’Inde. En 1932 et 1933, Daumal, fin connaisseur du sanscrit, joue les attachés de presse pour le danseur Uday Shankar (1900-1977), lors d’une tournée aux Etats-Unis. Son frère, le virtuose du sitar Ravi Shankar (1920-2012), sera adoubé par bien des rockeurs, à partir des années 1960 – à commencer par les Beatles. « Le duo que formait Daumal avec Roger Gilbert-Lecomte, au sein du Grand Jeu, m’évoque la paire Lennon-McCartney, s’enflamme l’écrivain Pacôme Thiellement, 45 ans. J’y trouve la même électricité, la même jeunesse fusionnelle, la même déflagration des perspectives esthétiques. »
[…] Cité par des artistes aussi divers que Marilyn Manson, Jean-Louis Aubert, Ghédalia Tazartès ou Idlewild, Le Mont Analogue a donné son nom à une demi-douzaine de formations, de l’Espagne aux Etats-Unis.
[…] Il existe un disquaire Mount Analog, à Los Angeles, ainsi qu’un studio d’enregistrement Peradam, à Atlanta.

[…] Comme un instrument qui circulerait de main en main… « Les musiciens aiment s’échanger des fétiches, qui symbolisent l’appartenance à un groupe, raconte Bertrand Belin, qui a mis un extrait du Mont Analogue en exergue de son roman Requin (P.O.L, 2015). Cette équipée inachevée, ça me parle autant qu’Ulysse ou Don Quichotte » […] Le Breton rentre d’une pêche mémorable, à Quiberon : dans ses filets, il a ramené deux homards, une sole, deux rougets, une araignée… Et même, paraît-il, quelques péradams.

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Cahier de l’Herne n°10 : Le Grand Jeu

Date de parution : 31/12/1967

Le Grand Jeu n’est pas une revue littéraire, artistique, philosophique ni politique. Le Grand Jeu groupe des hommes dont la seule recherche est une évidence absolue, immédiate, implacable, qui a tué pour toujours en eux toute autre préoccupation. Ce Cahier rassemble les trois premiers numéros de cette formidable revue née en 1924. Le Grand Jeu groupe des hommes qui n’ont qu’un Mot à dire, toujours le même, inlassablement, en mille langages divers ; le même Mot qui fut proféré par les Rishis védiques, les Rabbis cabalistes, les prophètes, les mystiques, les grands hérétiques de tous les temps, et les Poètes, les vrais. "Le Grand Jeu est irrémédiable ; il ne se joue qu’une fois. Nous voulons le jouer à tous les instants de notre vie. C’est encore à « qui perd gagne ». Car il s’agit de se perdre. Nous voulons gagner. Or, le Grand Jeu est un jeu de hasard, c’est-à-dire d’adresse, ou mieux de « grâce » : la grâce de Dieu, et la grâce des gestes."

La Recherche d’une certitude : Portrait de René Daumal (Les Nuits de France Culture)


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