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Le J’accuse de Roman Polanski

Philippe Lançon, Eric Neuhoff et... Philippe Sollers

D 22 novembre 2019     A par Albert Gauvin - C 24 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



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Faut-il revenir sur la polémique qui agite les médias autour de la personne de Roman Polanski suite aux accusations de viol dont il fait l’objet ? Je préfère la lenteur et les imperfections de la justice — si elle est saisie — au lynchage médiatique expéditif. Faut-il séparer l’homme de l’artiste, l’artiste de l’oeuvre ? Vieille question à laquelle on serait bien en peine de donner une réponse univoque. Faut-il s’attarder sur les prises de position récentes de certains « professionnels de la profession », les dénégations, les contradictions et les revirements des politiciens de tous bords (cela jusqu’au sein du gouvernement) ? C’est dans l’air tourbillonnant du temps.
Faut-il enfin voir J’accuse, le dernier film du réalisateur plutôt que céder aux appels, d’ailleurs contre-productifs, au boycott et à la censure [1] ? Compte tenu du sujet, l’affaire Dreyfus, et du regain d’antisémitisme dans notre beau pays [2], oserai-je l’avouer : j’ai vu le film. Je l’ai trouvé bon, classique, faussement académique dans sa facture (l’apparition furtive, à la Hitchcock, de Polanski, non pas en Dreyfus, mais en habit d’académicien dans une assemblée de notables antidreyfusards, est volontairement ambigüe, peut-être auto-ironique [3]), très original et efficace dans les choix cinématographiques opérés pour l’approche historique des faits et le dévoilement de la mécanique militaire et de son goût du secret (le mensonge et la falsification ne sont-ils pas au fond la tentation de tout pouvoir [4] ?),— et admirablement interprété par l’ensemble des comédiens (Jean Dujardin dans le rôle principal — et historiquement capital — du lieutenant-colonel Picquart est excellent et c’est sans doute son meilleur rôle).
Des historiens et des historiennes en débattent de manière raisonnée, sans hystérie [5]. Deux écrivains racontent : Philippe Lançon, auteur du Lambeau (prix Femina 2018), déclare dans un très bel article de Charlie hebdo : « Je n’accuse pas...! », et Eric Neuhoff, auteur intransigeant de (Très) cher cinéma français (prix Renaudot essai 2019 [6]), voit dans le J’accuse de Polanski « le parfum d’une leçon à l’ancienne ». La réception de J’accuse étant inséparable du contexte mouvementé actuel qui a peu de choses à voir avec le film, un flash back était nécessaire sur la seule « affaire Polanski » ayant fait et faisant encore (aux Etats-Unis) l’objet de diverses procédures judiciaires. A vous de juger, c’est-à-dire de vous forger un point de vue (ici vous en avez et la possibilité et le droit).

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L’histoire sur grand écran :
« J’accuse » de Roman Polanski, qu’en pensent les historiennes et les historiens ?


Jean Dujardin dans rôle du Colonel Picquart, J’accuse de Roman Polanski, 2019.
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À l’été 1894, les Parisiens et les Parisiennes se régalent des séances du kinétographe que leur présente Thomas Edisson, le génial inventeur américain. La même année, 1894, un capitaine est accusé de haute trahison, il est même condamné. Il s’appelle Alfred Dreyfus. L’année suivante, en 1895, les frères Lumières présentent La Sortie de l’usine Lumière à Lyon, souvent présenté comme le premier film de notre histoire. La même année, 1895, le capitaine Dreyfus est dégradé dans une cour de l’École militaire. Quatre ans plus tard, en 1899, Alfred Dreyfus fait l’objet d’un nouveau procès, mais il est une fois encore condamné, avec « circonstances atténuantes ». Cette année-là, 1899, Georges Méliès, réalisateur de génie, propose un film sur l’affaire Dreyfus, en pleine polémique (Méliès joue lui-même le rôle de l’un des deux avocats d’Alfred Dreyfus : Fernand Labori). Nous voici cent-vingt ans plus tard, en 2019, quand un nouveau réalisateur, Roman Polanski, porte son regard sur l’affaire Dreyfus, avec de nouvelles polémiques. Le cinématographe et l’affaire Dreyfus, une longue histoire qui mérite d’être auscultée par le regard des historiens et des historiennes.

Qui était le colonel Picquart ? Était-il le héros dépeint par Roman Polanski ? Aujourd’hui dans Le Cours de l’histoire, les historiennes et les historiens croisent leurs regards sur un film qui soulève bien des controverses. Autour de la table seront réunis pour en parler :

Marie Aynié, professeure agrégée, enseignante à Sciences Po, elle est l’auteure de l’ouvrage Les amis inconnus : se mobiliser pour Dreyfus, 1897-1899, Privat, 2011.
Marie-Neige Coche, professeure d’histoire-géographie et d’enseignement moral et civique en lycée à Versailles, elle a co-édité avec Vincent Duclert les correspondances d’Alfred Dreyfus, Lucie Dreyfus Écrire, c’est résister. Correspondance (1894-1899) aux éditions Folio Histoire, 2019.
Pauline Peretz, maître de conférences en histoire contemporaine à Paris 8, chercheuse à l’Institut d’histoire du temps présent, et entre autres, l’auteure, avec Pierre Gervais et Pierre Stutin, du Dossier secret de l’Affaire Dreyfus, Alma, 2012.
Pierre Gervais, historien, spécialiste d’histoire économique et sociale américaine du 18e et 19e siècle et qui a également travaillé sur les questions archivistiques entourant l’Affaire Dreyfus, il est le co-auteur du Dossier secret de l’Affaire Dreyfus, Alma, 2012.

Archives :
Blanche Gardin lors de La cérémonie des Molières, sur France 2, le 29/05/2017
Extrait du feuilleton : « L’affaire Dreyfus » réalisation Solange Yanowska, diffusion décembre 1993 sur France Musique

Lectures :
Lecture par Yves Nayrolles d’une extrait de J’accuse par Émile Zola, édité chez Folio
Lecture par Camille André d’un extrait d’Écrire c’est résister, correspondances 1894-1899 de Lucie et Alfred Dreyfus, édité par Vincent Duclert et Marie-Neige Coche, publié chez Gallimard

Musiques :
Bande Originale de J’accuse par Alexandre Desplat
« Dreyfus » par Catherine Sauvage

Extraits de film : J’accuse de Roman Polanski


Le lieutenant-colonel Picquart au moment de l’affaire Dreyfus et des procès Zola.
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Qui est le colonel Picquart ?

Répliques, 23 novembre 2019. Avec ses deux invités Christian Vigouroux, auteur de Georges Picquart, dreyfusard, proscrit, ministre. La justice par l’exactitude (2008) et Philippe Oriol, auteur de Le faux ami du capitaine Dreyfus : Picquart, l’affaire et ses mythes (2019), Alain Finkielkraut ouvre le débat sur le rôle du Colonel Marie-Georges Piquart dans la révision du procès du Colonel Alfred Dreyfus.

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VOIR ICI.

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Philippe Lançon

En 1983, j’avais 20 ans, je faisais des études de droit, et un livre, entre autres, m’avait impressionné : L’Affaire, de Jean-Denis Bredin. Je connaissais en gros le déroulé de l’affaire Dreyfus. Ce livre me l’exposa dans la plupart de ses dimensions, avec éloquence, suspense et précision. Je n’exagère pas si j’affirme qu’il m’a fait pour la première fois vivre de l’intérieur une injustice liée à la raison d’État, le courage de ceux qui l’avaient révélée, mais aussi le vieil antisémi­tisme de la société française. Après l’avoir fini, j’ai lu et relu « J’accuse... ! », l’article de Zola publié dans L’Aurore, puis les textes de Charles Péguy et de bien d’autres : un fil culturel était tiré. J’ai pris ce temps de lecture sur des études de droit qui, pour l’essentiel, m’ennuyaient. À cette époque, Edgar Degas commençait à me passionner. Son antidreyfusisme et son antisémitisme m’ont attristé. J’ai cherché à les comprendre en lisant, en les plaçant dans leur contexte, sans excès de vertu anachronique. Il ne me serait pas venu à l’idée de renoncer à voir ses œuvres à cause de ses opinions. Ce n’était pas l’idée que je me faisais de la faculté — de la liberté — de juger. J’ai vite compris qu’il fallait me démerder, tout seul, avec ça. J’ai du mal à juger les vivants, soit parce que je les connais, soit parce que je ne les connais pas ; j’en ai plus encore à juger les morts.
Trente-six ans plus tard, voici J’accuse, le film de Ro­man Polanski, 86 ans, des Érinyes autour du crâne et des procédures au cul. Ce n’est pas un grand film, mais c’est un bon film : sobre, bien fait, presque austère, un peu haché au montage, avec de splendides lumières essentiellement crépusculaires. Inspiré par un livre de l’Américain Robert Harris, qui en a écrit le scénario, il raconte l’affaire Dreyfus du point de vue de celui qui la fit exploser : le lieutenant-co­lonel Picquart. C’est un bon choix historique et dramatur­gique. Comme dans toute bonne tragédie, Picquart est le héros sur qui reposent les tensions et les contradictions ; celui qui, étant d’abord antisémite et viscéralement lié à l’armée, va peu à peu, douloureusement, fermement enquêter, com­prendre, changer. Il est l’homme clé de l’affaire Dreyfus, celui qui a pris les plus grands risques ; qui a affronté, seul, son destin face à une institution militaire, la sienne, muette et mensongère. Jean Dujardin l’incarne à merveille : sans fioritures, sans effet comique, sans second degré ; frontal et digne, presque muet. La marque d’un grand acteur est de faire oublier, en quelques plans, les rôles qui l’ont fait connaître. Il y a aussi, dans ce film, de nombreux comédiens de la Comédie-Française. Pourquoi ? Je n’en sais rien. J’y vois de leur part, peut-être à tort, un soutien discret, implicite, à la liberté de créer.

Pendant l’essentiel du film, Picquart est seul avec sa conscience, sans rien pouvoir partager : ses supérieurs et ses collègues sont devenus ses ennemis. C’est cela, visiblement, qui a le plus intéressé Polanski. Il filme, comme toujours, avec ce mélange dérangeant de simplicité et de brutalité, naturaliste et enfantin. Il y a quelque chose de Daumier, mais, comme dans les autres registres où il a excellé, on ne sait jamais tout à fait ce qui relève de la caricature ou de la réalité. Les monstres l’intéressent, peut-être parce qu’il les a subis, peut-être parce qu’il en est un. Le film s’achève par une entrevue, onze ans plus tard, entre Dreyfus, réintégré dans l’armée sans ce qui lui est dû, et Picquart, devenu ministre de la Guerre. Le second est impuissant à satisfaire la juste demande du premier. Le pessimisme de Polanski conclut l’histoire d’une manière sourde : si le combat pour la justice et la vérité a été gagné, c’est sans joie, avec trop d’efforts, laissant chacun plus raide, plus lourd, plus seul, plus fatigué. Il y a eu épreuve, connaissance, apprentissage, et, s’il y a bien victoire, elle est amère.

La croisade contre le mal tourne au procès expéditif
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On remarque dans une scène, juste un plan, Roman ­Polan­ski, tel Hitchcock apparaissant furtivement dans ses films. Il est en habit, dans une soirée de type Verdurin, où Picquart, qui était un homme cultivé, est invité par sa maîtresse. Polan­ski est un invité parmi d’autres. Il est filmé de loin, une seconde, tout petit, au milieu d’un groupe. On ne sait pas qui c’est : une silhouette. C’est le moment de dire que la polémique qui a cherché à étouffer le film sous le refrain « Polanski le violeur » est d’une confondante ineptie. À aucun moment on ne peut croire que le metteur en scène se compare à Dreyfus, quand bien même il l’aurait dit dans un moment de paranoïa ou d’agacement. Ce qu’il raconte, c’est simplement, nettement, l’affaire Dreyfus. Mais, comme dans d’autres polémiques contemporaines, la croisade contre le Mal tourne au procès expéditif. Elle paraît s’appuyer sur les certitudes de l’ignorance plus que sur les prospérités de la vertu. S’il est en effet toujours question, chez celles et ceux qui poursuivent ­Polanski, des crimes que l’homme a ou aurait commis, il n’est jamais question de ce qu’il a vécu, l’enfance au ghetto de Craco­vie, la famille exterminée par les nazis, l’assassinat de sa femme enceinte, Sharon Tate, la campagne de presse infâme qui suivit. Il n’est pas davantage question de ses grands films, Rosemary’s Baby, Répulsion, Le Locataire, Chinatown, Tess, Le Pianiste. C’est comme s’ils ne devaient pas exister – comme s’ils n’existaient plus. On efface de la photo tout ce qui pourrait nuancer le refrain de « Polanski le violeur ». L’affaire Dreyfus et l’affaire Esterhazy, dit Picquart à ses supérieurs, c’est la même affaire. Il a raison. Les films de Polanski et « Polanski le violeur », pour certains, c’est aussi la même affaire. Pourquoi  ? Pourquoi tant de rage, quand on n’est ni flic ni juge, à vouloir être flic et juge exclusivement à charge, de surcroît dans le sens du vent  ?

***

Signalons la publication par Riss de Une minute quarante-neuf secondes ; « récit intime et raisonné d’un événement tombé dans le domaine public : l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 » (Actes Sud, 2019).

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J’accuse : le parfum d’une leçon à l’ancienne signée Polanski

CRITIQUE - Dans une reconstitution très soignée, le réalisateur dresse le portrait du défenseur de Dreyfus qui se sauve de son antisémitisme à travers son combat pour la vérité.

Par Eric Neuhoff

Polanski joue aux soldats de plomb. L’affaire date de 1894. Le film aurait pu être tourné à la même époque, tant il est classique, sérieux, prévisible. Ce ne sont pas forcément des défauts. Le réalisateur a tout mis, comme un enfant qui remplit sa chambre de jouets. Son astuce consiste à centrer son propos non sur le capitaine accusé à tort, mais sur son défenseur le plus ardent, le colonel Picquart.

Dans la première séquence, Dreyfus est dégradé. La chose se déroule au son des tambours, devant l’état-major. Une pluie fine est tombée. Louis Garrel, presque méconnaissable, reste fier et stoïque. On le reverra assez peu. Il faut dire que c’est loin, l’île du Diable, où il passera les années suivantes. Accoudé au manteau de la cheminée, un vieil oncle nous raconte les faits en tirant sur sa pipe. On l’écoute sans oser l’interrompre, même si son discours ne quitte pas une seconde les sentiers balisés. Il pénètre dans les bureaux des ministères, a son banc dans les tribunaux. On lui reprochera de s’écouter un peu parler.

On a droit à un défilé de moustaches, un inventaire d’uniformes, une succession de garde-à-vous. Il ne manque pas un bouton à la garde-robe

Les militaires poussent sans arrêt des « Bon Dieu », des « Bonté divine ». Cela fait authentique. Les artisans du Faubourg Saint-Antoine agissaient ainsi pour confectionner leurs imitations de meubles anciens (le héros n’aurait pas été dupe de ces contrefaçons, lui qui au musée distingue faux et copie). Dujardin étonne. Il est digne, droit comme un menhir. Cela ne l’empêche pas d’être tourmenté. Il est, oui, antisémite, comme tout le monde. Son combat pour la vérité le sauve. Cela lui vaut néanmoins bien des ennuis. Sa maîtresse (Emmanuelle Seigner, vaguement hagarde en crinoline) le paiera cher aussi.

Le générique convoque autour d’eux la quasi-totalité de la Comédie-Française. Éric Ruf agonise en proférant des phrases définitives sur la décadence de la France. Apparemment, la syphilis encourageait le patriotisme. Grégory Gadebois est chafouin à souhait. Tous ces papiers à consulter, ces lettres à examiner. Mais puisqu’on vous dit, Picquart, que Dreyfus est coupable. Vous nous fatiguez, avec votre Esterhazy.

Les talons claquent. On ouvre des tas de portes, on parcourt de nombreux couloirs, on écarte des rideaux. Les spectateurs vigilants apercevront Polanski dans le public d’un concert. Il y a un duel. Les retours en arrière s’annoncent en fanfare. Les plans se terminent souvent par une cigarette qu’on écrase, une lèvre supérieure qui tremble d’énervement. On a droit à un défilé de moustaches, un inventaire d’uniformes, une succession de garde-à-vous. Il ne manque pas un bouton à la garde-robe. Zola se présente. Le fameux numéro de L’Aurore sort dans les kiosques. Il faut voir chacun des officiels lire en bougonnant le passage qui le concerne. Il y en a un qui roule le journal en boule.

Le procès a lieu. L’avocat Melvil Poupaud hurle au scandale. Garrel ne moufte pas. Dujardin devient de plus en plus minéral. Il finira ministre. Il aurait peut-être été judicieux de montrer davantage le séisme que représenta tout cela dans le pays (juste un bref autodafé). J’accuse est un solide bahut à l’ancienne. Même la poussière est émouvante. D’où cette image poudreuse, avec des références à des toiles de maître. Au bout de deux heures et quelques, nous ne sommes pas tellement plus avancés. Bonté divine !

lefigaro.fr/, 11 novembre 2019.


Manifestation devant le cinéma Le Champo le 12 novembre à l’occasion de la projection de J’accuse.
Christophe Archambault / AFP. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Hervé Temime : « S’il vivait aujourd’hui, Coluche serait en prison »


Le Point, 19-26 décembre 2019.
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Flash back

En 2008, la réalisatrice Marina Zenovich tourne un documentaire Roman Polanski : Wanted and Desired.

Avec "Le Bal des vampires" et "Rosemary’s Baby", le jeune cinéaste polonais marqué par la guerre devient, à Hollywood, un réalisateur à qui tout réussit. Mais l’assassinat de son épouse Sharon Tate vient mettre un terme à sa fulgurante ascension. Après ce drame, Polanski se recontruit une nouvelle carrière jusqu’à ce qu’une accusation de viol sur mineure le pousse à fuir les Etats-Unis… "Roman Polanski : Wanted and Desired" propose une relecture complète de l’affaire tout en posant des questions, qui sont toujours d’actualité, sur les médias, sur le culte occidental de la célébrité et sur la machine judiciaire américaine.

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« Passionnante enquête sur l’affaire Polanski et tous ses paradoxes… Ce documentaire sans jugement permet de mieux connaitre le personnage énigmatique qu’est Roman Polanski, un cinéaste à la fois "désiré" en Europe et "recherché" aux États-Unis. Ce documentaire d’une précision inédite, secoue l’actualité internationale et relance juridiquement et médiatiquement l’affaire. "Face au bruit et à la fureur de cette histoire à rebondissement, ce documentaire a eu pour principal dessein la recherche de l’exactitude des informations. Cette dimension, ni partisane ni manichéenne (Polanski y est dépeint dans sa complexité), distingue donc Roman Polanski : Wanted and Desired de la majorité des reportages, livres et articles proposés jusqu’à présent sur « l’affaire Polanski". » (Alexandre Tylski, Positif 2009) Marina Zenovich : "Je n’ai pas réalisé ce film pour faire l’apologie de Roman Polanski. J’ai tenu à explorer l’affaire en tant que telle, et montrer ce qui se passe quand les médias et l’opinion publique font leur apparition dans la salle de tribunal." » (Institut Louis Lumière, Lyon)

Interviews de Marina Zenovich

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LIRE : "Roman Polanski : Wanted and Desired" : au cœur du procès Polanski (Le Monde, 30 décembre 2008)


Samantha Geimer, photographiée par Roman Polanski.
1977 Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.

Le 27 septembre 2009, la police suisse arrête le cinéaste Roman Polanski, sous le coup d’un mandat d’arrêt américain datant de 1978. L’AFP résume ainsi les faits : « Le réalisateur de Chinatown et Rosemary’s Baby a fui les Etats-Unis en 1978, après avoir plaidé coupable dans une affaire de mœurs. Il est accusé d’avoir eu une relation sexuelle avec une jeune fille de 13 ans [Samantha Geimer en 1977]. Polanski avait au départ fait l’objet de six chefs d’inculpation, et notamment de viol, pour avoir eu une relation sexuelle avec elle après lui avoir fait consommer du champagne et de la drogue. Il a rejeté l’accusation de viol mais a plaidé coupable de relation sexuelle avec une mineure, ce qui est passible de 20 ans de prison. S’il est extradé aux Etats-Unis, le cinéaste, âgé de 76 ans, pourrait finir sa vie en prison.
Polanski avait alors passé 47 jours en prison. Fin janvier 1978, au lendemain d’une réunion entre ses avocats et un juge lors de laquelle ce dernier avait laissé entendre qu’il allait le renvoyer sous les verrous, Roman Polanski avait pris un avion pour l’Europe et avait élu domicile en France.
Le cinéaste a ensuite dénoncé les conditions du procès : en juin dernier, ses avocats ont plaidé pour obtenir l’abandon des charges pour détournement de mineure, dénonçant des vices de forme dans la procédure. Se fondant sur les éléments nouveaux mis au jour par un film documentaire réalisé par Marina Zenovich, Roman Polanski :
Wanted and Desired, ses avocats ont assuré que ce dossier "a été infecté depuis le début par des manquements à l’éthique professionnelle" de la part des magistrats. Mais l’absence de Polanski, qui aurait dû se constituer prisonnier pour comparaître, a certainement joué en sa défaveur.
La victime elle-même est favorable au classement de l’affaire. La jeune Samantha Geimer avait confié en 2003 au
Honolulu Star-Bulletin qu’elle avait accepté de poser pour des photographies que Roman Polanski allait prendre pour Vogue, rappelle l’agence BNOnews : "J’ai eu un peu peur à la fin [de la deuxième séance de photos], et j’ai compris qu’il avait d’autres intentions, (...) mais je ne savais pas comment m’en sortir". Elle a également accusé Polanski de lui avoir fait boire du champagne et de l’avoir droguée pour pouvoir abuser d’elle.
Son départ précipité pour la France, n’a pas empêché Roman Polanski de faire carrière. Sa consécration est assurément en 2002, au moment de la sortie du
Pianiste, qui a cumulé les récompenses : Palme d’Or à Cannes, il reçoit trois Oscars et sept César en 2003. Logiquement, il ne s’était pas présenté à Los Angeles en 2003 pour recevoir l’Oscar du meilleur réalisateur décroché pour le Pianiste.
Le Festival du film de Zurich devait lui remettre dimanche soir un prix pour l’ensemble de son œuvre. Son arrestation a "choqué" les participants, selon les organisateurs, qui assurent que la rétrospective consacrée à ses œuvres est maintenue. De son côté, un représentant de la police cantonale a précisé que "l’arrestation de Roman Polanski s’est faite sur ordre de Berne" sans toutefois donner plus de précisions. »

Roman Polanski, de la Shoah au film Le Pianiste

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Voici ce qu’écrit Philippe Sollers dans sa chronique du Journal du dimanche le 1er novembre 2009.


Le JDD, 1er novembre 2009.
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INQUISITION

A quoi pense Roman Polanski, dans sa cellule de prison en Suisse ? Au ciel, par-dessus le toit, si bleu, si calme. Il a 76 ans, il est très fatigué, il doit faire effort chaque matin, pour se souvenir des raisons de son enfermement, cette sombre histoire d’il y a plus de trente ans avec une jeune fille de 13 ans qui, aujourd’hui, a 45 ans et, mère de famille, prie qu’on la laisse tranquille et qu’on abandonne les poursuites contre son séducteur.
Lui, Polanski, a du mal à évoquer la confusion de ce vieil épisode de dérèglement. Avait-il bu ? Était-il drogué ? Sans doute, mais enfin il a commis un crime abominable pour lequel ni les États-Unis ni la Suisse ne connaissent de prescription. Était-il le jouet de pulsions démoniaques ? C’est possible, comme le prouve son chef-d’oeuvre diabolique Rosemary’s Baby. Il s’est moqué du Diable, la vengeance de toutes les sectes sataniques le poursuit.
Ce qui l’étonne le plus (ou pas vraiment), ce sont les flots de condamnations qui l’accablent, sur le Net ou à travers les blogs. Des légions de procureurs indignés ou de mères de famille de province lui font savoir l’horreur qu’il inspire à l’humanité. La Suisse, surtout, se démène au nom de sa pureté sexuelle et bancaire. Va-t-il être extradé ? Être encore en prison jusqu’à 78 ans, ou plus ? Un juge américain l’exige, soulignant que la loi doit être la même pour tous.
Pourtant, ce juge vertueux (comme Ernest Pinard faisant condamner, autrefois, Les Fleurs du mal de Baudelaire) ne peut pas s’empêcher de penser sans cesse au forfait monstrueux de Polanski. Il en rêve, il veut avoir sous la main, pour mieux l’observer, ce pervers européen, genre Nabokov avec sa Lolita légendaire. Qu’on boucle enfin ce juif polonais qui a échappé aux nazis ! Il a osé réaliser ce dont tout magistrat voudrait, en douce, être capable de faire.
A quoi pense le gentil Frédéric Mitterrand dans la nuit de son ministère de la Culture ? Probablement à l’abîme qui sépare les religieux pèlerinages de son oncle à la roche de Solutré et ses propres embardées dans les bordels de Thaïlande. Il s’est ému que l’on fasse soudain payer sa mauvaise vie à un grand cinéaste, il a été imprudent, il n’a pas évalué que l’époque, de droite à gauche, était devenue rigoureusement morale et inquisitoriale. Mais quoi, le président Sarkozy le sauve, pendant que François Mitterrand, dans l’au-delà, fait la moue.

Repris dans Littérature et politique, Flammarion, 2014, p. 640-641.

En septembre 2009, Bernard-Henri Lévy prend l’initiative d’une pétition en faveur de Polanski. Parmi les signataires : Agnès Varda, Jean-Luc Godard, Nadine Trintignant et Bertrand Tavernier. Elle sera relancée au moment du festival de Cannes 2010.

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LIRE AUSSI :
BHL, Pourquoi je défends Polanski (Le Point, 15 octobre 2009)
BHL, Pour Roman Polanski (Le Point, le 29 octobre 2009)
BHL : « Cette incarcération était, reste, une honte. » (La règle du jeu, 26 décembre 2009)
BHL, Pourquoi il faut défendre, plus que jamais, Roman Polanski. (Le Point, 27 mai 2010)

La Suisse refusera finalement l’extradition. Polanski sera rendu libre de ses mouvements en juillet 2010. Toujours considéré par Interpol comme un fugitif, il ne peut circuler librement que dans trois pays : la France, la Pologne et la Suisse.

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Samantha Geimer, La fille. 2013 Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.

Rappelons les propos tenus en 2013 par Samantha Geimer : « Ma mésaventure avec Polanski ne m’a pas traumatisée, ni mentalement, ni physiquement. » « Les médias m’ont fait vivre un enfer. » « Je n’ai pas de rancœur envers lui, ni aucune sympathie non plus. C’est un étranger pour moi. La médiatisation autour de tout cela a été si traumatisante que ce qu’il m’a fait semble pâlir en comparaison. » « Je lui ai pardonné pour moi, pas pour lui. Et tant pis si je ne suis pas la victime idéale, celles que veulent voir les médias ou le procureur. »
En septembre 2019, lorsque Polanski a obtenu le Lion d’argent à la Mostra de Venise pour son film J’accuse, Samantha Geimer a tweeté : « À tous ceux qui m’insultent, me dénigrent et se servent de moi, qui tweetent au sujet de mon viol comme s’il s’agissait de pornographie, excités par l’usage de mots vulgaires, excités par leur propre haine. Félicitations, Roman. Je me désole pour nous deux que la corruption qui règne au sein de la cour de justice de Los Angeles semble ne jamais devoir prendre fin. »
On a parlé à propos de Samantha Geimer de « syndrome de Stockholm ». Soit. Je ne suis pas psychiatre (dieu merci) et me garderai bien du moindre diagnostic.

LIRE AUSSI :
Les révélations de Samantha Geimer, la victime de Polanski (Elle, 2013))
Les confidences de Samantha Geimer, la victime de Roman Polanski (Figaro Madame, 18 janvier 2013)

Samantha Geimer est quand même une femme étrange : en janvier 2018, elle ira jusqu’à écrire une tribune dans le journal Le Monde pour expliquer les raisons de sa réticence à l’égard du mouvement #metoo et de son soutien à la tribune Des femmes libèrent une autre parole signée par Sarah Chiche, Catherine Millet, Catherine Robbe-Grillet, Peggy Sastre et Abnousse Shalmani, et cosignée par Catherine Deneuve. LIRE : « Toute cette haine, cette revanche, ne guériront pas les femmes » (Le Monde, 22 janvier 2018)

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Roman Polanski : Emmanuelle Seigner s’exprime sur BFMTV

La comédienne, femme du réalisateur Roman Polanski revient dans Une vie incendiée sur l’histoire de son mari. 25 octobre 2022.

« Dès que je rentre, je me mets à écrire. La dernière chose que je pensais faire dans ma vie était d’écrire un livre. Mais j’ai eu besoin de raconter cette histoire folle. L’histoire de ma famille, une famille heureuse et aimante dont la vie a basculé. J’ose espérer que le récit de ces événements permettra de mieux les comprendre. Je suis la femme de Roman Polanski. Il est, selon qui vous êtes, l’incarnation d’une génération, un survivant, un mythe, un génie, un salaud. À une époque où l’on préfère ce qui est vraisemblable à ce qui est vrai, j’ai voulu allumer un contre-feu. »

Une vie incendiée est le récit inédit, poignant et intime d’Emmanuelle Seigner. Une prise de parole qui fait la lumière sur une histoire hautement médiatisée, une affaire sensible, complexe, aux répercussions dévastatrices pour de nombreuses personnes, à commencer par elle-même. L’actrice prend courageusement la parole pour la première fois et livre enfin sa vérité.

FEUILLETER LE LIVRE.

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PROMENADE À CRACOVIE

un film de Mateusz Kudla et Anna Kokoszka-Romer.

Ce documentaire suit Roman Polanski dans la ville où il a vécu enfant, en compagnie de son ami de toujours, le photographe Ryszard Horowitz, survivant de la Shoah, qu’il a rencontré dans le ghetto juif de Cracovie pendant la Seconde Guerre mondiale. Ensemble, ils arpentent les rues et confrontent leurs souvenirs…

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“Promenade à Cracovie” : un documentaire boycotté ?

C à Vous - 22/06/2023

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Tribune

"Ne pas diffuser ’Promenade à Cracovie’ du fait de Polanski est obscène"

Par Sabine Prokhoris*
L’Express, Publié le 27/06/2023 à 20:00

La philosophe s’indigne que ce documentaire sur deux amis ayant échappé à la Shoah soit diffusé en catimini en France, en raison de la présence de Roman Polanski.

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Roman Polanski à Deauville, le 7 septembre 2019
afp.com/LOIC VENANCE

Le 5 juillet sortira, à ce jour sur pas plus de trois écrans en France, un documentaire infiniment précieux, et à de nombreux égards nécessaire, réalisé par deux jeunes et talentueux cinéastes polonais, Anna Kokoszka-Romer et Mateusz Kudla. Promenade à Cracovie suit avec délicatesse les pas de deux amis sur les traces de leur enfance et de leur prime jeunesse à Cracovie pendant et juste après la Seconde Guerre mondiale. Des hommes aujourd’hui très âgés que l’Histoire – et leurs tempéraments respectifs – ont indéfectiblement liés. Roman Polanski et Ryszard Horowitz se sont rencontrés, tout enfants, dans le ghetto de Cracovie, il y a aujourd’hui plus de quatre-vingt ans. Roman Polanski avait alors neuf ans, Ryszard Horowitz en avait trois.

La famille de Polanski a été déportée, sa mère a péri dans une chambre à gaz d’Auschwitz. L’enfant Roman a échappé à la déportation, et a passé la fin de la guerre dans une famille pauvre de paysans polonais, les Buchala, qui l’ont accueilli. En 2020, La médaille des Justes de Yad Vashem a été décernée, à titre posthume, au couple Buchala. Ryszard Horowitz quant à lui fut arraché à Auschwitz par Oskar Schindler, il est à ce jour le dernier survivant de la liste de juifs qui doivent la vie à l’industriel allemand. Tous deux sont devenus des artistes de renom : l’un un grand cinéaste ; l’autre un grand photographe. Voir et donner à voir, faire vivre le monde dans et par la singularité d’un regard, cela les a l’un et l’autre, leur vie durant, animés. Quelle plus tenace résistance à la disparition programmée ?

Seulement voilà : manifestement, en France, dès que surgit le nom de Polanski, comme définitivement imprononçable depuis la cérémonie des César 2020, il est impératif de ne pas voir. De ne pas entendre. Michèle Halberstadt qui a décidé, contre vents (mauvais) et marées (puantes), de distribuer le film, invitée le 22 juin dernier sur le plateau de C’à vous, explique cela on ne peut plus clairement. C’est du reste tout à l’honneur de l’émission que de l’avoir conviée, dans le climat empoisonné, haine et veulerie mêlées, qui depuis la sortie de J’accuse, entoure tout ce qui de près ou de loin a trait à Roman Polanski. Roman Polanski ? Le paria absolu. À effacer. Alors Promenade à Cracovie ! Circulez, y’a rien à voir. S’agissant d’un film qui porte sur la traversée de la Shoah par deux enfants juifs, l’obscénité est maximale.

Des récompenses en Pologne et Italie
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Du côté des exploitants de salles, Michèle Halberstadt s’est heurtée à un refus général de considérer le film. "Mais pas du tout !", protestent benoîtement certains : "le documentaire n’est pas bon" – cela affirmé sans que le rouge ne leur monte au front ; d’ailleurs paraît-il, "les spectateurs ne veulent pas entendre parler de Polanski". Ah oui ? En Pologne et en Italie, le public est allé, nombreux, voir le documentaire polonais qu’ont récompensé plusieurs prix, n’en déplaise à nos pathétiques arbitres des élégances. Les spectateurs ont pu librement exercer leur jugement, il leur a été loisible, chose semble-t-il inimaginable pour nos censeurs – pardon du vilain mot – hexagonaux, de faire confiance à leurs propres yeux, à leur propre cœur. Le film a ainsi reçu des prix du public, en Pologne et en Italie. Polonais et Italiens sont mal rééduqués...

Il est vrai que les collectifs féministes pourraient venir taguer les salles, brandir des pancartes. Ça s’est vu. Très dangereux, ça ! Alors, on préfère se tenir à carreau. D’ailleurs, les activistes auraient bien raison, n’est-ce pas ? Épargnons-leur cette peine.

Du côté de la presse, ce n’est guère plus brillant. Au nom maudit de Polanski, tous (ou presque) aux abris. Silence. Ou sinon, suivant les instructions des milices furieuses d’Osez le féminisme, pas une ligne sans l’avertissement qui associe le mot "viol" à la personne de Polanski. Mention obligatoire. L’accusation faisant foi, Polanski est un "violeur". C’est désormais un article de foi. Blasphème intolérable aux tout-puissants mollahs du "féminisme" que de le mettre en doute.

Voilà où nous en sommes, en France.

Une leçon de vérité
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Situation d’autant plus grave que pour plusieurs raisons, Promenade à Cracovie, œuvre de transmission essentielle conçue par de jeunes auteurs, est un film qu’il faudrait que tous puissent voir, et en particulier les jeunes générations.

En premier lieu parce qu’il nous donne accès, à travers ses deux protagonistes si intensément présents, corps conducteurs de la vérité historique, à une mémoire encore vivace de ces sombres temps, dont la réalité incarnée s’éloigne et s’estompe chaque jour davantage.

"La disparition des survivants implique forcément une mémoire affaiblie, donc un certain oubli. Je ne suis qu’un témoin indirect, et pourtant je me souviens du numéro tatoué sur le bras de Primo Levi, ou même de ce numéro inscrit sur le bras d’un inconnu installé à la table d’un café de la place Royale à Bruxelles. La possibilité de ces rencontres va disparaître, la mémoire des événements dont ces individus portaient témoignage dans leur corps sera peu à peu atténuée."

Laissons résonner ces mots du grand historien Carlo Ginzburg. À un moment du film, Roman demande à son ami Ryszard de lui montrer le numéro qui fut tatoué sur l’avant-bras de l’enfant de cinq ans qu’il était alors. Il veut voir cela, aujourd’hui, de ses propres yeux, afin de pouvoir imaginer vraiment la réalité d’hier. On comprend en cet instant, en quoi la vérité matérielle compte, de façon vitale. Pour Ryszard Horowitz, elle importe d’une manière plus troublante encore : car cette trace indélébile lui permet de réaliser que ce qui lui est arrivé s’est réellement produit. Une leçon de vérité, et de vie, qui va bien au-delà de ce qui se joue entre les deux hommes.

À l’ère de la post-vérité – le "récit" comme toute-puissante matrice de faits alternatifs, le dogme du "On te croit !" –, rien de plus fondamental que de la méditer.

Ensuite, à mille lieues autant du déni que de la déploration, le film d’Anna Kokoszka-Romer et de Mateusz Kudla montre, avec une justesse rare qui doit autant aux filmeurs qu’aux filmés, comment vit une mémoire. Il fait comprendre aussi, sans phrases et avec simplicité – cinématographiquement –, comment le pire ne parvient pas nécessairement à forger une "identité-victime"– son plus définitif triomphe. Pour tout cela, qui concerne n’importe quelle vie, et vaut pour tout un chacun, comment admettre que tant d’entre nous se trouvent, de fait, privés de la possibilité de le voir ?

Enfin, Promenade à Cracovie fait percevoir avec évidence, sans démonstration d’aucune sorte, à travers le beau, l’émouvant dialogue d’amitié entre les deux anciens enfants destinés à l’extermination, mais que la chance, et "la simple bonté" de quelques êtres humains ont préservés de ce sort funeste, qui est vraiment Roman Polanski.

Ne serait-il pas enfin temps d’accepter de le savoir ?

* Sabine Prokhoris est philosophe et psychanalyste. Elle a notamment publié "Le mirage #MeToo. Réflexions à partir du cas français" (Le Cherche midi).


Roman par Polanski

RTS - Radio Télévision Suisse
Pardonnez-moi (c’est le titre de l’émission) : Darius Rochebin reçoit Roman Polanski après la sortie de La Vénus à la fourrure (2013).

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Retour sur son autobiographie "Roman par Polanski" (2016).

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Leçon de cinéma de Roman Polanski

Arte, La cinémathèque française. Rencontres animées par Frédéric Bonnaud (2016 et 2017).

1. Réflexions sur la technique.

À la fin de l’année 1975, Roman Polanski débute le tournage du Locataire, un film qui fait un usage pionnier et spectaculaire de la grue Louma. Décors de Pierre Guffroy, une image signée Sven Nykvist et un tournage aux studios Éclair d’Épinay-sur-Seine. « Je pars de la réalité mais il faut ensuite l’asservir. J’ai tourné Le Locataire dans les rues de Paris mais, pour filmer en toute liberté, j’ai aussi fait construire le décor d’un immeuble de cinq étages aux studios d’Épinay, depuis la loge de la concierge jusqu’aux appartements. Dans un film d’atmosphère chaque détail compte. » (Roman Polanski)

Rencontre avec Roman Polanski, parrain de l’exposition De Méliès à la 3D : la machine cinéma, animée par Frédéric Bonnaud.

Conversation avec Roman Polanski from La Cinémathèque française on Vimeo.

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2. Réflexions sur l’oeuvre (jusqu’au projet de film sur l’affaire Dreyfus).

« Polanski pense musicalement, il orchestre la scène. Ainsi, pour la dernière du film, qui fut aussi la première que nous avons écrite et qui a été filmée à Berlin, il a mis tous les éléments en place avec une science confondante, mais aussi avec comme de la jubilation. Le cinéma est à ses yeux une machine à divertir qui possède ses exigences techniques et ses règles très strictes, qui peuvent paraître artificielles, mais à l’intérieur de ce cadre il s’amuse comme un enfant. Je pense d’ailleurs qu’il veut faire les films qu’il aurait aimés voir dans son enfance. » (Robert Harris, auteur du roman et scénariste de The Ghost Writer)

Polanski par Polanski : une leçon de cinéma (2017)La Cinémathèque française on Vimeo.

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La Vénus à la Fourrure présenté par Jean Douchet

Le critique Jean Douchet est mort le 22 novembre 2019 à l’âge de 90 ans [7]. Il a formé des milliers de cinéphiles à la découverte du 7ème art (ayant eu la chance de le rencontrer dès 1967, j’en fis partie, avant de le faire venir à Reims animer, pendant de longs week-ends, des stages sur Hitchcock, Godard, Lang ou Bunuel). La cinémathèque lui a rendu hommage le 25 novembre. Le voici, en 2016, présentant le film de Polanski La Vénus à la fourrure, adapté du livre de Sader-Masoch.

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[1Il arrive que les termes du débat soient intelligemment posés. Cf. #Metoo dans le cinéma : faut-il boycotter Polanski ?.

[3Polanski est membre de l’Académie des Beaux-Arts.

[4Et le cinéma ? Guy Debord : « Les tromperies dominantes de l’époque sont en passe de faire oublier que la vérité peut se voir aussi dans les images. » Panégyrique, tome 2.

[5On s’inquiète d’entendre une enseignante de l’Université qui a aimé le film déclarer qu’elle ne conseillera pas à ses étudiants d’aller le voir en raison du fait que, devant sa salle, est placardée une affiche disant : « Polanski partout. Justice nulle part ».

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24 Messages

  • Albert Gauvin | 7 février 2024 - 19:16 1

    Qui a peur de Roman Polanski ? Interview de Sabine Prokhoris

    « Le cinéma de Polanski a nourri et éclairé ma réflexion »

    Transfuge. Propos recueillis par Louis-David Texier
    05/02/2024

    Sabine Prokhoris revient plus déterminée que jamais, avec Qui a peur de Roman Polanski. Un plaidoyer solide, étayé, pour défendre l’œuvre et l’homme Polanski, face à ce qu’elle considère comme de profondes injustices.

    De l’ouvrage de Sabine Prokhoris apparaît une grande détermination. Elle ne livre pas seulement une étude de cinéphile. Elle souhaite convaincre le lecteur de sa démonstration documentée. Par cette analyse sans concession, elle veut montrer toute l’étendue du talent du cinéaste polonais, adoré par la critique et le public, puis décrié. Il n’est pas le diable qu’on dépeint, nous dit-elle. L’autrice oppose frontalement les analyses de son essai à sa légende noire, qui a fait de Polanski un paria depuis une dizaine d’années au moins, conspué pour ses accusations de viols.

    Sabine Prokhoris fait d’abord œuvre pédagogique en explorant la part de sensibilité et le rapport de Polanski à l’imaginaire et à ses personnages. « L’art et la poésie, la fantaisie et l’imaginaire m’ont toujours paru plus réels que les étroites limites du monde dans lequel j’ai grandi dans la Pologne communiste », dit-il dans sa biographie. Il fera de ses films des « farces féroces de la fortune », d’un humour toujours sur le fil, suivant au plus près ses personnages, esseulés, souvent enferrés dans les pièges qu’ils se créent (Le Locataire…). Véritable « sismographe de l’âme », Polanski porte cette attention extrême pour faire surgir, par la fiction, une authenticité, une vérité, qui nous aide à comprendre la réalité. Polanski, « grand analyste d’illusions ».

    Le parcours fort applaudi du petit Juif rescapé du ghetto de Cracovie vient se fracasser une première fois en 1969 après le massacre à Beverly Hills de son épouse Sharon Tate, enceinte de huit mois, et de ses trois amis, par la « Famille » et son gourou mystique, Charles Manson. Il visait en réalité le producteur Terry Melcher, locataire précédent de la villa, qui avait refusé de lui signer un contrat pour un disque.

    Concernant Polanski, absent le jour du meurtre, la rumeur enfle. Un rapprochement sordide est fait avec Rosemary’s baby (film « conçu par le diable lui-même » d’après le New-York Times) sorti un an plus tôt, et avec le culte satanique du Bal des vampires (1967). Ces deux films sont perçus comme des critiques acerbes du conte de fées promis par l’Amérique. Et la presse à scandales se demande si, indirectement ou pas, Polanski n’est pas un peu coupable. L’écrivaine Joan Didion est glaçante à son endroit dans ses chroniques californiennes de ces années « d’insouciances vénéneuses ».

    En 1977, à la suite d’une séance photos dans la maison de Jack Nicholson, à Los Angeles, la mère de Samantha Geimer porte plainte pour viol sur sa fille de 13 ans, qui demande à le requalifier en « relation sexuelle illicite ». Le juge condamne Polanski à une sanction légère avant de faire volte-face, le menaçant d’une peine de prison bien plus lourde, sous la pression médiatique. Samantha Geimer a toujours répété depuis que cela « n’avait pas été bien grave », posant avec Roman Polanski pour une photo souriante en mars 2023.

    Mais depuis #MeeToo, l’affaire Geimer et d’autres accusations ressortent contre « Violanski ». Prokhoris n’en croit pas un mot, démontant une à une les « élucubrations » des « faussaires », pointant tel témoin qui se rétracte ou telle allégation incohérente. Elle veut croire que le lecteur est « plus avisé et prudent aujourd’hui devant les récits de médias manichéens ».

    Au moment où l’affaire Depardieu tétanise le monde du cinéma, c’est d’ailleurs une des questions de son livre engagé, dense et énergique : « Par quels procédés le cauchemar du « fake » a-t-il pu prospérer et menacer jusqu’à l’indispensable espace de respiration créatrice, qui sa vie durant a permis à Roman Polanski de vivre, et de survivre au pire ? ».

    Philosophe et psychanalyste, qu’est-ce qui vous a conduite au cinéma de Polanski ?

    C’est d’abord comme spectatrice touchée par ses films depuis de longues années, que le cinéma de Polanski m’a marquée. Comme la littérature, son cinéma a nourri et éclairé ma réflexion, élargi ma perception du monde, affiné ma capacité à entendre dans l’exercice de mon métier. Tel est l’effet de toute œuvre vraie sur une existence. Freud d’ailleurs – lecteur passionné de Shakespeare, comme Polanski du reste –, voyait les artistes comme de «  précieux alliés  » dans la connaissance, ajoutant que « l’on doit attacher grand prix à leur témoignage, car ils savent toujours une foule de choses entre ciel et terre dont notre sagesse d’école ne peut encore rien rêver.  »

    Chez Polanski, vous voyez la « farce féroce de la fortune » comme thème récurrent « comico-tragique ». Que voulez-vous dire ?

    Là n’est pas, à vrai dire, la question centrale de mon essai.

    Bien sûr, comme dans la vie, les tours que nous jouent les hasards de la destinée peuvent entraîner le malheur. C’est un grand thème de la littérature depuis au moins Sophocle – songeons au destin d’Œdipe, qui se précipite sans le savoir dans ce qu’il cherche à fuir. Et, surtout lorsqu’ils procèdent de nos aveuglements plus ou moins volontaires, ces malheurs revêtent également un aspect comique. Le regard de Polanski, lucide et acéré mais jamais méchant, sait toujours capter cela. Et ça fait beaucoup de bien. Car l’humour, ce « don précieux et rare » comme l’écrivait Freud, est ce qui sauve autant de la lamentation infinie que de la moraline.

    La question centrale de mon livre est autre. C’est celle de la vérité – du reste les figures d’enquêteurs sont légion dans le cinéma de Polanski. C’est celle du discernement – dont l’absence « a toujours une odeur de cadavre », écrivait Nadejda Mandelstam. Celle enfin de la capacité de l’art de Polanski, à « atteindre le noyau de la réalité  », comme le dit à propos de Kafka son biographe Reiner Stach. Mais, comme l’a si justement écrit Clemenceau dans son extraordinaire somme sur l’affaire Dreyfus, «  la vérité est redoutable à tous les exploiteurs de préjugés, à tous les metteurs en œuvre de passions violentes.  »

    Vous rapprochez la sensibilité de Polanski, « véritable sismographe de l’âme », de celle de ses héros esseulés à l’imagination fertile, enferrés souvent dans les « pièges-défis » qu’ils se créent (Le Locataire par exemple, ou d’autres…). Polanski est-il le personnage principal de ses films ?

    Bien sûr que non, Polanski n’est pas le personnage principal de ses films. Le personnage principal des films de Polanski, c’est l’être humain, à travers tel ou tel personnage singulier. Je cite Philippe Roth, parlant de l’enjeu de la littérature : « dresser un portrait de l’humanité dans tous ses particularismes ». C’est de cela qu’il s’agit, chez Polanski. Mais évidemment, les artistes n’étant pas des robots, c’est par une alchimie subtile, qui transforme le plomb périssable de l’expérience singulière d’un homme en l’or immortel d’une œuvre de création, c’est par ce mystérieux processus, tout à la fois intime et ouvert sur le monde, que ce « curieux miracle  » dont parlait l’écrivain Claude Simon peut advenir.

    Qu’est-ce que le « paradoxe shakespearien », qui anime les personnages de Polanski ?

    Ce que j’appelle « le paradoxe shakespearien », ce n’est pas ce qui « animerait » les personnages de Polanski. Je décris par cette formule la façon dont l’art, et en particulier la fiction, nous donne accès au réel, et est un lieu de vérité.

    Après le meurtre de l’épouse de Polanski, Sharon Tate, une certaine presse s’est demandé si l’auteur de Rosemary’s baby était complètement « innocent » de ce crime. Comment expliquer un tel acharnement ?

    J’analyse précisément ce phénomène répugnant dans mon livre. La fameuse « preuve par le soufre », qui fait tellement fantasmer les amateurs morbides d’émotions frelatées et de sensations fortes à bon marché.

    Comment la justice polonaise motive-t-elle son refus d’extrader Polanski vers les Etats-Unis en 2015, pour cette affaire Geimer, toujours non close ?

    J’invite le lecteur à regarder sur le lien YouTube (indiqué en annexe dans mon livre et directement disponible sur le site du Cherche Midi dans la présentation de mon livre) l’audience captivante, sous-titrée en français au cours de laquelle le juge Dariusz Mazur a délivré sa motivation de refus d’extradition. Le magistrat polonais retrace, de façon complète et précise, toute l’affaire Geimer, et il fait apparaître clairement en quoi la justice américaine, en particulier à travers les agissements du juge Rittenband, véritable délinquant judiciaire, a vicié la procédure intentée en 1977 contre Polanski. Lequel je tiens à le préciser, a été condamné pour « relation illicite avec une mineure », et non pour « viol », contrairement à ce que l’on lit toujours et partout. Hélas, comme l’a écrit Clemenceau, « combien de fois faut-il répéter un mensonge pour qu’il devienne une vérité ? »…

    Comment comprendre les retrouvailles et la photo souriante, 45 ans plus tard, entre Samantha Geimer et Roman Polanski, en 2023 ?

    Cette photo a été prise à la suite d’un entretien croisé entre Samantha Geimer et la comédienne et chanteuse Emmanuelle Seigner, épouse de Polanski, entretien publié par Le Point en avril 2023. Samantha Geimer, en dépit de ses ambiguïtés sur cet épisode vieux de plus de quarante-cinq ans, ne cesse depuis des années de réclamer qu’on laisse Polanski – et elle-même –, en paix. J’ai analysé cette image dans un article publié dans le magazine Marianne. La photographie parle d’elle-même… si l’on consent à regarder ce que l’on voit.

    Quel est le rôle joué par sa compagne, Emmanuelle Seigner, depuis toutes ces années avec Roman Polanski ?

    Polanski en parle très bien lui-même, dans la réédition de son livre Roman par Polanski. Il faut aussi lire Une vie incendiée, le livre d’Emmanuelle Seigner, qui a payé très cher en termes de carrière en France son statut de compagne de Polanski, pour prendre la mesure de l’indéfectible amour, du courage, de la lucidité et de la force d’âme d’une femme à la hauteur d’une situation aussi destructrice. J’éprouve pour elle une grande admiration.

    Vous êtes sévère avec les récentes accusatrices de « Violanski ». Leurs paroles n’ont-t-elles aucun crédit à vos yeux ?

    Absolument aucun crédit, je le dis tout net. Et je m’en explique dans mon livre.

    Au moment où Philippe Garrel s’excuse pour des gestes supposément déplacés et que l’affaire Depardieu tétanise le monde du cinéma et de l’audiovisuel, votre livre cite une tribune d’avocats parue en 2021 « Violences sexuelles : le tribunal médiatique a fini par contaminer l’ordre judiciaire ». Que fait-on de #MeToo en 2024 ?

    Il est plus que temps de jeter #MeToo dans les poubelles de l’histoire. L’analyse détaillée que j’ai faite, dans Le Mirage #MeToo (Cherche Midi, 2021), de ce mouvement qui, au nom d’une cause juste par lui totalement dévoyée, déverse jour après jour des torrents d’immondices, se livre à des lapidations publiques avec une jouissance de plus en plus éhontée, et réduit les femmes à n’être que des proies « systémiques », cette analyse est plus que jamais d’actualité.

    Les films du cinéaste « diabolique » Polanski Roman ont alimenté la légende noire du « monstre » Roman Polanski, « fabriqué de toutes pièces », dites-vous, « par des procédés médiatiques falsificateurs ». Vous citez les propos étonnants du président de Yad Vashem. Qu’a-t-il dit ?

    En répondant à des « féministes » qui l’interrogeaient sur la Médaille des Justes attribuée à titre posthume aux paysans polonais très pauvres qui avaient accueilli pendant la guerre Roman Polanski alors âgé de 9 ans, il a tenu des propos que l’on ne peut pas juste qualifier d’« étonnants ». Ils sont profondément choquants. En substance : Ah oui, Polanski enfant a été sauvé, mais on ne peut pas savoir ce que les gens vont devenir… J’avais dans vos colonnes publié une tribune sur ce sujet, intitulée « Polanski, l’enfant sauvé », en accès libre sur votre site. J’y renvoie vos lecteurs.

    Comment votre livre répond-t-il à sa question fondamentale : « Par quels procédés le cauchemar du « fake » a-t-il pu prospérer et menacer jusqu’à l’indispensable espace de respiration créatrice qui sa vie durant lui a permis de vivre, et de survivre au pire ? »

    Mon livre ne fait rien de plus que décrire les logiques de haine délétères, en roue libre depuis #MeToo, qui prospèrent dans le conformisme et la lâcheté générale. Jetée aux orties la vérité, désormais remplacée par les « nouveaux récits » du MeToo-féminisme. « Récits » auto-légitimés, pourvoyeurs de faits alternatifs en vue d’« éradiquer » les « puissants ». Lorsqu’un cinéaste tel que Polanski ne peut pas en France produire son nouveau film, The Palace (dont je parle en quelques pages, un addendum dans mon livre), lorsque ce film ne peut pas être distribué normalement ici, dans son propre pays, lorsque tel a été aussi le cas du documentaire essentiel Promenade à Cracovie, sorti en catimini dans de rares salles en France en juillet dernier – un film qu’il faudrait pouvoir montrer dans toutes les écoles – réalisé par deux jeunes auteurs polonais Anna Kokoszka-Romer et Mateusz Kudla qui suivent Roman Polanski, revenant, en compagnie de son ami le photographe Ryszard Horowitz, sur les pas de leur enfance et de leur jeunesse à Cracovie, « something is rotten »…(quelque chose est pourri »), pour citer un passage célèbre d’Hamlet.

    Qui a peur de Roman Polanski ? Sabine Prokhoris, Le Cherche Midi, 224p., 21,50€

    Transfuge, 5 février 2024.


  • Albert Gauvin | 17 juillet 2020 - 11:28 2

    Manchette et Polanski

    par Philippe Lançon

    Parallèlement à la publication de ses formidables lettres (Lettres du mauvais temps. Correspondance 1977–1995. Préface de Richard Morgiève aux éd. La Table ronde), les éditions Wombat rééditent, avec la préface de Gébé, les chroniques cinématographiques que Jean-Patrick Manchette publia ici même entre 1979 et 1982, sous le titre : Les Yeux de la momie. Elles avaient déjà été réunies, en 1997, aux éditions Rivages.

    Les vieux lecteurs de Charlie se souviennent sans doute de leur agressive qualité. Vision politique, culture profonde, puissance et élégance du style : Manchette avait tout ça au plus haut point. Si aucune époque ne mérite d’être regrettée, la relecture de ces textes nous fait presque regretter la sienne, tant il semble aujourd’hui manquer quelque chose à la plupart de ceux qui s’expriment, en leur nom propre ou au nom des autres, dans les journaux et dans les livres (je ne parle pas ici du fond de la cuvette, rempli par les réseaux sociaux). Celui-ci a une vision politique, mais aucun style. Celui-là a du style, mais aucun sens politique. Cet autre a une vision politique et, pourquoi pas, du style, mais il est ignorant — ou, pire encore, mise sur l’ignorance de ses lecteurs. Beaucoup croient complaisamment que leur colère, feinte ou non, souvent flattée, tient lieu de vision, de culture et de style. Manchette, mort il y a vingt-cinq ans, rétablit l’échelle. Au fait, que pense-t-il de l’œuvre de ce metteur en scène, Roman Polanski, sur laquelle il ne semble plus permis de penser  ?


    Tess : Photo Nastassja Kinski, Peter Firth, Roman Polanski.
    ZOOM : cliquer sur l’image.
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    Manchette en parle surtout en 1979, à propos de Tess, le film tiré du roman de Thomas Hardy (Tess d’Urberville, 1891) et dédié à Sharon Tate, la femme du metteur en scène assassinée dix ans plus tôt. « Tous les longs métrages de Roman Polanski, sans exception, remarque-t-il d’emblée, traitent de l’encerclement, ou de l’enfermement si l’on préfère. » Pour un rescapé du ghetto de Cracovie, c’est compréhensible. Condamné en 1977 pour viol et sodomie sur mineure en Californie, Polanski a fui les États-Unis. Manchette a vu sur FR3 une interview où le réalisateur évoquait son œuvre : « [Il] disait son peu de goût pour le grand spectacle extérieur, le film de batailles à figurants nombreux, et disait au contraire sa dilection pour Citizen Kane en particulier, et aussi pour la toile de Jan Van Eyck Arnolfini et sa femme, signifiant ainsi, avec beaucoup de clarté et de conscience de son propre travail, sa passion pour le grand spectacle intérieur.  » Puis, après avoir noté que le « cercle de Polanski  » s’étendait dans Chinatown, Manchette ajoute qu’il « s’étend dans Tess à la province anglaise du XIXe siècle, où les conditions sociales (misère, et toute-puissance des mâles) encerclent l’héroïne  ».

    C’est ici que son analyse, lue aujourd’hui, est éclairante (sur lui, sur le réalisateur, sur le film, sur ce que nous sommes devenus) : « Polanski est un féministe, quoique son féminisme ne soit pas dénué de brutalité. […] Il est féministe en ce que ses héroïnes successives, après avoir subi, comme on dit, d’odieuses violences (et effectivement il y a viol, bien réel dans Rosemary’s Baby, Le Bal des vampires ou Chinatown, fantasmatique dans Répulsion, comiquement "symbolisé " dans What  ? où Sydne Rome se fait piquer alternativement le haut et le bas de ses vêtements) — ses héroïnes, disais-je, deviennent actives et dynamiques, bien plus que les mecs. Comme le monde est mauvais (que ceux qui ne sont pas d’accord nous écrivent, ils ont gagné), cette activité et ce dynamisme auront tendance à s’exprimer dans le crime. La miséreuse et naïve Tess, violée et engrossée par l’un, rejetée par l’autre et sa morale victorienne et sa connerie de mec puritain, passe par le meurtre pour quitter ses habits clairs ou ternes, et endosser la robe rouge sang, et faire l’amour dans le château. Cependant, un meurtre n’ayant pas changé le monde, qui reste mauvais, l’encerclement demeure, et les amants fugitifs, après avoir gagné littéralement (dans l’espace et dans le temps) le "bout du monde" […] y seront entourés enfin par un cercle de gendarmes, qui les emmènent. » Pourquoi Manchette écrit-il que Polanski a réalisé un film féministe  ? Parce que c’est, en effet, un film féministe. C’est en tout cas ce que j’avais senti, sans l’avoir lu et sans le penser comme ça, quand j’ai vu le film à sa sortie. J’avais 16 ans, je me souviens : j’étais résolument du côté de la pauvre Tess, avec Polanski, contre ce qu’on appelle aujourd’hui les mâles blancs.

    Philippe Lançon, Charlie Hebdo 1460 du 15 juillet.


  • Albert Gauvin | 28 mars 2020 - 18:45 3

    Lu dans Transfuge

    le Vendredi 27 Mars 2020

    Oyez, oyez, bonnes gens : l’innommable Polanski est l’incarnation, définitivement abominable (un violeur en série, on vous dit) du Pouvoir Patriarcal. Distinguer le réalisateur de J’accuse en est la preuve absolue. D’ailleurs ce film n’est pas, comme un public décidément stupide pourrait le croire, un film sur l’antisémitisme. Pas du tout. C’est un film sur la pédophilie des années 1970, voyons ! (Foresti, brillante). Une ode aux Puissants = au patriarcat, puisque Picquart (il « sauve » l’armée, donc tout cela) en est le personnage central (une philosophe féministe, sur France Culture). D’ailleurs, poursuit-elle, il y a Tess aussi : suspect. Car Tess, la victime, finit pendue : heureux triomphe de l’Ordre Hétéronormé que viola la violée, non ? Comprendre : un film féministe, Tess ? Vous n’y êtes pas ! Et le male gaze, vous l’oubliez ? Polanski réalise ce film deux ans après avoir abusé d’une jeune-fille mineure. Alors, ne doit-on pas se poser des questions ? Sous-texte : ne jouirait-il pas (Éros, Platon, l’oeuvre- et-l’homme, tout ça) perversement du châtiment de la violée ?

    Donc, tous avec Adèle Haenel, on reprend bien fort : « distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes  ». Un même message, décliné sur tous les tons : universitaire, officiel (deux ministres, une porte-parole du gouvernement, excusez du peu !), militant, philosophique, historique, sérieux, humoristique, journalistique, imprécateur, compassionnel, obscur, révolutionnaire (« il faut que des têtes tombent », sic), choisissez, c’est la même came de toute façon, de la bonne.

    Bien.

    Se réjouir que tant de beaux esprits soient là pour nous guider ?

    « Vous, apprenez à voir plutôt qu’à rester les yeux ronds ».

    Ces mots de Brecht concluent La résistible ascension d’Arturo Ui.

    L’inconvénient de cette fureur en unisson, canon, thème et variations, c’est que le son monte si haut, envahit tant « l’espace de cerveau disponible », qu’il assourdit, aveugle, hébète.

    Alors les yeux ronds, les oreilles bouchées, l’esprit corrompu, on voit sans voir, on entend sans entendre.

    Dedans : une humoriste. Mais pas du côté des puissants, hein ? Ça non ! À peine, selon elle, plus d’un smic, (annuel) le cachet d’un soir, une misère. La comique : « Atchoum » ceci, « Atchoum » cela. Et tous de s’écrouler de rire. De s’écrouler, oui...

    Dehors : « Celui qui doit être gazé, c’est Polanski ». Ben oui quoi, les militantes ont reçu des gaz (vous suivez ?) lacrymogènes. Et une chaîne retransmet sur les réseaux sociaux l’innocent cri de rage de ces victimes du Patriarcat (policier, violeur, etc), donc de Polanski, forcément. Female gaz... Ce n’est rien. Enfin presque. C’est que bon, dans le feu de l’action, les journalistes n’ont pas réalisé, vous comprenez. Et puis on l’a bien vite fait disparaître, ce vilain slogan, y’a pas d’mal.

    Vraiment ?

    « Atchoum », donc. Un des sept nains-vieillards pédocriminels (c’est bien ça, n’est-ce pas) de Blanche-Neige – dont nul n’ignore qu’il existe une version porno. Un « nain » (c’est dit, il ne peut «  faire de l’ombre au cinéma français »), privé de son nom d’homme et d’auteur, qui ne résonnera que raccourci (« Roro », « Popol »).

    Et pourquoi celui-là, parmi les sept petits monstres ? Vous êtes-vous posé la question ? Rappelez-vous. Atchoum est celui qui éternue tout le temps, sans pouvoir se retenir. Son nez (tiens donc) éjacule non-stop, ses éternuements détruisent tout sur leur passage. Alors garez-vous dès qu’il apparaît.

    Faut-il vous faire un dessin ? Il ressemblerait aux caricatures du Stürmer ou de Je suis partout.

    Réduit à cette figure grotesque de cartoon, déshumanisé dans ce rituel d’humiliation, le juif Polanski doit être anéanti.

    D’ailleurs les activistes du collectif « les colleuses » le signifient on ne peut plus clairement.

    On reprend.

    Dispersées par des gaz lacrymogènes : « gazées » comme on dit depuis les gilets jaunes, qui popularisèrent cette trouvaille de Christine Boutin en 2013 («  ce gouvernement, qui gaze des familles, des enfants »). D’où : « celui qui devrait être gazé, c’est Polanski  » (responsable de leur « gazage  »). Mais cette fois, par le plus pervers des glissements, «  gazé » visant Polanski, l’enfant rescapé de la Shoah, ne peut qu’être pris au sens du Zyklon B. C’est sans ambiguïté, et nous saute au visage.

    Prenons garde.

    Quand de tels mots peuvent être proférés, relayés comme si de rien n’était, le pire redevient possible. Cela nous concerne tous, hommes, femmes, enfants.

    Réveillons-nous.

    Le juste combat des femmes, de nous tous contre le fascisme, contre le sexisme, passe par notre vigilance.

    Alors sur le courage des femmes, lisons 19 femmes (Samar Yazbek, Stock) : des Syriennes, qui témoignent.

    Transfuge


  • Albert Gauvin | 18 mars 2020 - 13:42 4

    Charlie hebdo, en raison du confinement, met ses articles en accès libre. Vous pouvez donc lire la dernière chronique de Philippe Lançon, Les deux amazones. Lançon revient sur la cérémonie des Cézars et les deux égéries qui ont fait parler d’elles : Adèle Haenel et Virginie Despentes.

    « La vraie histoire, vous ne la connaissez pas, la voici. Le soir des Césars, devant une assemblée de pingouins plus ou moins terrorisés, une comique de sévices a baptisé Polanski Atchoum, quelqu’un a éternué, puis un autre, puis une autre, ça n’en ­finissait plus, une vraie réaction en chaîne, atchoum  ! atchoum  ! ­atchoum  !… Les mots sont performatifs. C’est alors que Céline Sciamma, Adèle Haenel et leur bande de filles sont sorties : pour échapper non pas au césar de Polanski, mais, tout simplement, aux postillons. On ne savait pas encore qu’il nous menaçait, ce ­virus au nom de bière mexicaine, mais les artistes ont cette qualité : ils pressentent avant tout le monde un mal qui répand la terreur. Et voilà qui explique la renommée d’Adèle Haenel, nouvelle idole des jeunes.
    Elle joue dans des films en couleurs et pleins de couleurs, en particulier Portrait de la jeune fille en feu (ah, cette lourde robe verte qu’elle porte et qui paraît tomber, comme un symbole en ­carton-pâte, d’un tableau du Greco  !), mais, dans la vie, le personnage qu’elle incarne est plutôt en noir et blanc. Avec ses grands yeux clairs et écarquillés, son côté garçon manqué, son allure d’Antigone réclamant justice à tous les Créon de la terre, elle se lève et elle se barre, comme dirait l’autre, la Despentes, celle qui prend la place de Beauvoir dans le cœur des nouvelles générations, une Beauvoir punk. Il se trouve que, dans une vie antérieure, j’ai écrit pour Libération les portraits de l’une et de l’autre, et voilà qui ne nous rajeunit pas, ni elles ni moi. » LIRE LA SUITE ICI.


  • luc n. | 11 mars 2020 - 13:13 5

    c’est d’abord vis-à-vis de Roman Polanski qu’est insupportable cette campagne mais on s’étonnera du silence des bruyants défenseurs de "la démocratie" devant le facho précédent constitué par la surutilisation des sites-web et avec notamment appel permanent -et quasiment compulsif- à l’opinion publique. Ainsi et pas plus tard que ce jour à 08h23 on pouvait lire, sur www.programme-television.org :

    La présence de l’avocat Hervé Temime sur le plateau de "Quotidien", mardi 10 mars, a provoqué la colère de nombreux téléspectateurs.

    "La démocratie", en mode Macron, a les bits et les octets qu’elle mérite


  • luc nemeth | 10 mars 2020 - 10:59 6

    Alice Ha Pham (dont je n’ai pas réussi à ouvrir le "lien" avec son pdf.) n’a pas tort ici d’invoquer Lacan, qui sans doute se serait régalé avec la part de non-dit... L’élément le plus remarquable dans la campagne menée depuis maintenant près de quatre mois contre Roman Polanski et dans le pur style fasciste est qu’elle ne vise quasiment pas le viol ou la pédophilie (accusations au demeurant quelque peu fragiles pour qualifier ce rapport avec une mineure survenu y a quarante-deux ans) mais... LE, violeur-sic, et... LE, pédophile-resic ! On est en droit de voir la reproduction et à la limite du mimétisme de ce qui s’était passé lors de l’affaire Dreyfus où ce qui s’exprimait n’était pas tant l’antisémitisme dit ordinaire, que la haine de celui qu’on appelait LE juif !


  • Albert Gauvin | 9 mars 2020 - 23:50 7

    Après la tribune des avocates (voir ci-dessous), c’est au tour d’une psychanalyste de L’Ecole de la Cause freudienne de s’interroger dans le numéro 832 de Lacan Quotidien. Dans Attentat sexuel, la cérémonie de lynchage, Alice Ha Pham écrit :
    « En 2020, tout "attentat sexuel" – thème de nos prochaines journées de l’École de la Cause freudienne (ECF) – ouvre-t-il le droit à un lynchage public et médiatique tel que nous le voyons se déployer autour du César du meilleur réalisateur décerné à Roman Polanski ? Il m’a semblé déceler là les racines d’un profond "racisme", au sens où Lacan nous l’enseigne, à savoir haine de l’Autre, de ce qui est foncièrement autre, et donc rejeté, chez l’Autre. Autre en tant que miroir monstrueux dans lequel on refuse catégoriquement de se voir. » LIRE LA SUITE ICI. pdf


  • Albert Gauvin | 8 mars 2020 - 23:07 8

    TRIBUNE Après la polémique née de la cérémonie des Césars, qui a distingué Roman Polanski malgré des accusations de viol contre lui, plus d’une centaine d’avocates pénalistes de France, se revendiquant féministes, rappellent les principes de la présomption d’innocence et de la prescription. LIRE ICI.


  • Albert Gauvin | 6 mars 2020 - 18:45 9

    TRIBUNE. Invité à la cérémonie des César, Pascal Bruckner a assisté au naufrage de la pensée et à la naissance d’un nouvel antisémitisme. LIRE ICI.


  • Albert Gauvin | 29 février 2020 - 21:55 10

    Samantha Geimer : « Personne n’est en droit de dire à une victime ce qu’elle doit penser ». Entretien avec Peggy Sastre (28 février).


  • luc nemeth | 29 février 2020 - 16:31 11

    l’important est ici qu’ait été salué le talent de Polanski mais l’impossibilité de fait dans laquelle il se sera trouvé de recevoir sa récompense restera une page très sale dans la longue histoire des turpitudes d’une certaine France, hélas encore bien représentée et au plus haut niveau. Et le sans-dignité Riester, ministre macronien de la... Culture, aura donné un triste spectacle en faisant publiquement pression sur le jury au dernier moment et alors que les votes étaient encore acceptés


  • Albert Gauvin | 29 février 2020 - 00:27 12

    Cézars.
    0h14. Le César de la meilleure réalisation est attribué à Roman Polanski pour "J’accuse".
    0h16. Adèle Haenel quitte la salle, visiblement très énervée. D’autres personnes la suivent.
    0h17. Sandrine Kiberlain enchaîne dans une ambiance de plomb, et doit remettre le prix du meilleur film.
    0h19. Le César du meilleur film est attribué aux "Misérables" de Ladj Ly. Sandrine Kiberlain semble soulagée au moment de l’annonce. (Le Monde).

    0h24. C’était la fête de la grande famille du cinéma. Bonne nuit.


  • luc nemeth | 13 février 2020 - 18:36 13

    qu’il s’agisse de la nommée Schiappa ou de qui que ce soit d’autre il y a quelque chose de nauséabond dans la certitude qu’a aujourd’hui n’importe quel(le) imbécile, qui se vante de n’avoir pas vu ce beau film ’J’Accuse’ et/ou de n’avoir pas l’intention d’aller le voir, de voir un micro complaisamment tendu.
    Reste que c’est aux frais de ce qui se présentait encore aux dernières nouvelles comme un... "Etat de droit", répétez après moi dit le maître, que la nommée Schiappa se fait des nouilles-en-or et aux frais du contribuable : et cette ignoble graine-de-facho se permet de porter préjudice à autrui au motif d’un fait survenu il y a... plus de quarante ans, et dont c’est peu dire qu’il aura porté un lourd préjudice à Roman Polanski ? Ah oui pour sûr : l’argent du contribuable ne vaut pas cher, dans la République macronienne


  • Albert Gauvin | 31 janvier 2020 - 22:06 14

    Marlène Schiappa s’interroge sur "le message que l’Académie des César souhaite envoyer aux femmes" après les douze nominations de Roman Polanski... Et Samantha Jane Geimer lui répond.


    Sur twitter.
    ZOOM : cliquer sur l’image.
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  • Albert Gauvin | 11 janvier 2020 - 01:44 15

    Hervé Temime : « S’il vivait aujourd’hui, Coluche serait en prison »

    L’’avocat de Roman Polanski fustige les déprogrammations du film « J’accuse » et rappelle que « seule la Justice peut condamner ». LIRE L’ENTRETIEN.


  • Albert Gauvin | 12 décembre 2019 - 11:55 16

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    A Paris, le 5 décembre 2019.
    Philippe Petit/Paris Match

    Alors que « J’Accuse », son dernier film, remplit les salles, le metteur en scène Roman Polanski est à nouveau mis en cause dans une affaire de viol. Pour la première fois, il prend la parole et répond point par point.

    Paris Match. Parlons des attaques qui vous visent. L’ex-mannequin et comédienne Valentine Monnier vous accuse de l’avoir violée à Gstaad, en 1975. Vous souvenez-vous d’elle ?

    Roman Polanski. A peine. Et je n’ai évidemment aucun souvenir de ce qu’elle raconte, puisque c’est faux. Je le nie absolument. Son visage sur les photos publiées me dit quelque chose, pas plus. Elle raconte qu’une amie l’avait invitée à passer quelques jours chez moi, mais elle ne se souvient plus qui c’était ! C’est facile d’accuser quand tout est prescrit depuis des dizaines d’années, et lorsqu’on est certain qu’il ne peut y avoir de procédure judiciaire pour me disculper. Premiers extraits.


  • Albert Gauvin | 3 décembre 2019 - 23:45 17

    Polanski, l’affaire Dreyfus et le « Contre Sainte-Beuve »

    par Bernard-Henri Lévy, 2 décembre 2019.

    Voilà pourquoi il faut, contre tous les sainte-beuvismes, et toutes affaires cessantes, courir voir « J’accuse » de Roman Polanski.


    Scène du film.
    ZOOM : cliquer sur l’image.
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    Et si on parlait de Polanski ?
    Mais, vraiment, de Polanski.
    Pas l’affaire de viol sur mineure jugée il y a quarante-deux ans et pour laquelle il a purgé une peine de quarante-sept jours d’incarcération dans le pénitencier de Chino, près de Los Angeles.

    Pas non plus cette nouvelle affaire dont la victime présumée a surgi alors que l’éventuel délit est prescrit depuis vingt-deux ans et ne peut plus faire l’objet de ce débat contradictoire sans lequel il n’y a pas de justice possible (Roman Polanski, du coup, reste présumé innocent de ce crime-ci).

    Et encore moins cet éternel débat sur les rapports de l’homme et de l’œuvre dont les termes ont été posés, il y a un peu plus d’un siècle, dans son « Contre Sainte-Beuve », par un certain Marcel Proust (de deux choses l’une, établit ce texte qui n’a, à mon sens, pas pris une ride : ou bien on accorde un minimum de crédit à l’hypothèse d’un second moi, relativement étranger au moi social de l’artiste et générant son œuvre – ou bien on brûle Aragon, Céline, Brecht, Marx, le marquis de Sade et, donc, Polanski).

    Non.

    Je veux parler de l’autre Polanski, celui de « Rosemary’s Baby », du « Bal des vampires », de « Ghost Writer » et, aujourd’hui, de ce nouveau film, « J’accuse », qu’il consacre à l’affaire Dreyfus et que j’ai fini par voir au retour d’un reportage.

    Si j’avais une objection, elle concernerait le traitement du personnage de Dreyfus lui-même, en demi-teinte, falot, écrasé par son destin, peu sympathique : comme si le cinéaste, en adoptant le point de vue de Picquart, prenait pour argent comptant la légende, créée par Clemenceau (« Picquart est un héros, Dreyfus est une victime »), par Blum (si Dreyfus n’avait pas été Dreyfus, « eût-il même été dreyfusard ? ») ou par Péguy (Dreyfus, ce piètre « résident » de la grande « Idée » dreyfusarde), d’un Dreyfus antihéros, décevant, pas à la hauteur de sa cause.

    En sorte que je reste sur ma faim, pour ma part, d’un autre film : le Dreyfus de chair et de sang-froid, le Dreyfus au tempérament d’acier qui a tenu bon à l’île du Diable et n’a accepté sa grâce que pour se battre aussitôt, sans rien céder ni lâcher, pour sa réhabilitation – et le Dreyfus dont on ne dit pas assez qu’après cela, dans les années qui ont suivi l’Affaire, il a été de maints combats de la Ligue des droits de l’homme naissante – ici, pour tel docker français injustement condamné à mort ; là, pour le soldat Emile Rousset, iniquement jugé par un conseil de guerre en Algérie ; ou, là encore, pour les anarchistes américains Sacco et Vanzetti envoyés à la chaise électrique…

    Mais, cette réserve faite, admirable est la peinture, dans ce « J’accuse », d’un appareil militaire cambré sur son erreur judiciaire et la confortant à coups de faux grossiers : l’ancêtre des fake news

    Admirable, la description d’une France puant l’antisémitisme, rongée par son venin comme le colonel Sandherr par la vérole et hurlant sa haine des juifs, aux marches des palais de justice comme dans la presse, avec une hystérie tranquille et glacée : la France moisie, disait Philippe Sollers ; l’Idéologie française, disais-je moi-même…

    Admirable et, tout à coup, tellement parlante la scène où l’on voit, à Paris, un autodafé de L’Aurore où vient de paraître le « J’accuse… ! » de Zola ainsi qu’une attaque contre une boutique que l’on caillasse et tague d’un « Mort aux Juifs » assassin : on n’est plus dans la France de 1906, mais à Berlin, en 1938, en pleine Nuit de cristal – et l’on ne saurait mieux dire l’onde de choc de l’Affaire, la façon dont elle ouvre le XXe siècle, sa dimension transhistorique.

    Admirable encore, pour parler comme Péguy, la restitution d’un climat de guerre civile et intime où les familles se brisent « comme de la paille », où l’on se sépare d’un frère ou d’un ami comme on « s’amputerait » d’un bras et où chacun, à gauche comme à droite, chez les socialistes non moins que chez les nationalistes, entre en guerre contre soi-même.

    Et admirable, bien sûr, le portrait de Marie-Georges Picquart, ce colonel qui, devenu patron du contre-espionnage français, fut le premier à comprendre que l’auteur du fameux bordereau d’où est partie l’Affaire n’était pas Dreyfus mais Esterhazy. Comment ce soldat, parti d’une certaine idée de l’armée et de la conviction que pareille erreur judiciaire entacherait à jamais son honneur, finit-il par embrasser la cause de la vérité et de la justice ? Par quel cheminement cet antisémite de peau, comme disaient alors les maurrassiens, en vint-il à cette rencontre avec Joseph Reinach, Mathieu Dreyfus, Emile Zola, autrement dit les tenants du « parti juif », qui est le tournant du film et fait de lui le premier lanceur d’alerte de l’histoire de France ? Et au terme de quel travail intérieur cet officier, superbement incarné par Jean Dujardin, en arrive-t-il, à la fin, lors de son duel à l’épée avec le criminel de bureau Henry, à cette réparation symbolique de l’autre épée : celle du capitaine dégradé, qu’il avait, comme tous ses collègues, dans le panoramique d’ouverture du film, vu briser sans état d’âme ? C’est tout le sujet du film. Et tout cela, oui, est admirable.

    Emmanuel Levinas racontait comment il a décidé de venir vivre en France le jour où, du fond de sa Lituanie natale, il a compris qu’il y avait, là-bas, très loin, un drôle de pays dont la moitié hurlait sa haine d’un petit capitaine juif innocent mais dont l’autre moitié œuvrait à sa réhabilitation comme s’il y allait, pour chacun, de son propre salut. Eh bien, voilà ce que montre « J’accuse » et c’est pour cela qu’il faut, contre tous les sainte-beuvismes, et toutes affaires cessantes, courir le voir.

    La règle du jeu


  • Albert Gauvin | 27 novembre 2019 - 22:10 18

    Le critique Jean Douchet est mort le 22 novembre 2019 à l’âge de 90 ans. Il a formé des milliers de cinéphiles à la découverte 7ème art (ayant eu la chance de le rencontrer dès 1967, j’en fis partie avant de le faire venir à Reims animer, pendant de longs week-ends, des stages sur Hitchcock, Godard, Lang ou Bunuel). La cinémathèque lui a rendu hommage le 25 novembre. Le voici, en 2016, présentant le film de Polanski La Vénus à la Fourrure, adapté du livre de Sader-Masoch.


  • anonyme | 26 novembre 2019 - 16:12 19

    cf. commentaire de 14h 52.- Le thème des puissants... et donc coupables (qui n’est pas sans rappeler la sinistre affaire du notaire du Bruay-en-Artois) amène aussi à s’interroger sur la notion de puissants. Assurément Polanski était l’un d’eux, au moment de l’affaire qui lui a valu d’être condamné. Mais, n’en déplaise à un soi-disant féminisme : les PUISSANTS ont été ensuite... ces juges américains qui se voyaient déjà... le rejuger l’envoyer en prison le reste de ses jours comme ils en avaient le POUVOIR.
    Même si ces dames, voire des messieurs qui leur emboîtent le pas, sont incapables de l’entendre : en faussant compagnie à cette Cour des miracles Polanski a fait ce que le simple bon sens dictait.


  • Albert Gauvin | 26 novembre 2019 - 14:52 20

    Des justiciers auto-proclamés usent d’une violence illégitime par Renée Fregosi.

    D’aucuns appellent au boycott du film J’accuse de Roman Polanski. Ces justiciers modernes conspuent des puissants par définition agresseurs corrompus, licencieux et pervers, au nom du peuple et de victimes qui auraient forcément raison. LIRE ICI pdf .


  • Albert Gauvin | 26 novembre 2019 - 12:39 21

    Dans son dernier film, Roman Polanski replonge dans l’Affaire Dreyfus (1894-1906), un moment phare de l’histoire de France. Le spectateur mène l’enquête pour le rétablissement de la vérité aux côtés du lieutenant-colonel Picquart, interprété par Jean Dujardin. Les critiques du Masque saluent unanimement le film.

    GIF

    France Inter, 25-11-19


  • Pierre Vermeersch | 24 novembre 2019 - 20:06 22

    Dans son dessin Riss a fait une interprétation psychanalytique.
    Quel en sera l’effet ?


  • luc nemeth | 23 novembre 2019 - 15:56 23

    Bonjour.
    Les chercheurs ne font pas toujours de... "bons spectateurs", car ils cèdent volontiers à la tentation de comparer ce qui est montré à l’écran avec ce qu’ils-ou-elles croient savoir de la réalité, mais c’est à la fois en tant que chercheur et spectateur que je n’ai pu que dire du bien de ce film, dans une note maintenant affichée sur le web
    Cordialement

    Voir en ligne : J’accuse, un film qui fait oeuvre utile


  • Albert Gauvin | 23 novembre 2019 - 11:53 24

    Qui est le colonel Picquart ?

    Répliques, 23 novembre 2019. Avec ses deux invités Christian Vigouroux, auteur de Georges Picquart, dreyfusard, proscrit, ministre. La justice par l’exactitude (2008) et Philippe Oriol, auteur de Le faux ami du capitaine Dreyfus : Picquart, l’affaire et ses mythes (2019), Alain Finkielkraut ouvre le débat sur le rôle du Colonel Marie-Georges Piquart dans la révision du procès du Colonel Alfred Dreyfus. VOIR ICI.