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« Fidel, Fidel, les peuples te remercient »

D 1er décembre 2016     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Voici la couverture de l’Humanité Dimanche, Numéro spécial du 1er au 14 Décembre 2016 :

Les communistes de l’Humanité Dimanche plus fidèlistes (fidèles) que Poutine le successeur du « Père des peuples » [1]qui boude les obsèques de Fidel Castro en restant dans ses terres de la Grande Russie étendue à la Crimée et le Nord de l’Ukraine ?

Ce ne serait pas la première fois que l’on serait plus communiste à Paris qu’à Moscou, même si l’accroche du journal n’est qu’une citation de Pablo Neruda. Les guillemets valent-ils point d’interrogation ?
Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas de point d’interrogation sur cette couverture pleine page à l’occasion du décès du dernier personnage historique qui a incarné la guerre froide : l’affrontement de l’Est et de l’Ouest, du communisme et du capitalisme. Jusqu’à l’abandon par KO (chaos) des Russes, avec la chute du mur de Berlin en novembre 1989, suivi du démantèlement de l’URSS.
Sollers a publié en 2014, un livre intitulé Littérature et Politique [2], recueil de ses articles sur le sujet. Sollers, qui se veut témoin de son temps, sans pour autant le proclamer, qu’a-t-il dit sur Fidel Castro et Cuba dans ces pages ?

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Dictateurs
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Ils disparaissent peu à peu, ces grands dinosaures d’autrefois, ces hâbleurs, ces gesticulateurs, ces hurleurs, ces péroreurs d’estrade. Dire que les États-Unis ont essayé six cent trente-huit fois d’assassiner Fidel Castro : cigares explosifs, pilules empoisonnées, mollusques piégés, tout aura été tenté. Ce fumeur viril et sinistre n’aura même pas été diminué par la fumée, il s’en va par les intestins, morne plaine. Les exilés de Miami font la fête, dans un débordement fascinant de vulgarité. Le président vénézuélien Chavez vient embrasser son pote et le frère militaire de son pote. On m’assure que Castro relit Ignace de Loyola dans son lit, en souvenir de son éducation jésuite de jeunesse. Interdit, évidemment, de prendre en photo la couverture des Exercices spirituels. Après tout, c’est possible, à moins que le Saint-Siège, une fois de plus, n’essaie de faire de l’intox.

20/08/2006

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L’amour de Staline
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Pour comprendre la profondeur de l’éducation historique et physique dont vient un Poutine (ou le suivant, ce sera pareil), il faut lire l’extraordinaire lettre inédite de Boukharine à Staline, datée du 10décembre 1937, juste avant son exécution.
« Je n’ai pas une once de ressentiment. Je ne suis pas un chrétien. Certes, j’ai mes étrangetés. Je considère que je dois expier pour ces années durant lesquelles j’ai réellement mené un combat d’opposition contre la ligne du Parti. » Plus loin : « Cet épisode me tourmente, c’est le péché originel, c’est le péché de Judas. » Plus loin : « Pardonne-moi, Koba, je ne peux pas me taire sans te demander pardon. » Plus loin : « Il n’y a plus d’ange qui puisse détourner le glaive d’Abraham ! Que le Destin s’accomplisse ! » Plus loin : « Je me prépare intérieurement à quitter cette vie, et je ne ressens envers vous tous, envers le Parti, envers notre Cause, rien d’autre qu’un immense amour sans bornes. » Enfin : « Ma conscience est pure devant toi, Koba. Je te demande une dernière fois pardon (un pardon spirituel). Je te serre dans mes bras, en pensée. Adieu pour les siècles des siècles, et ne garde pas rancune au malheureux que je suis. »

Boukharine supplie Staline de lui octroyer de la morphine pour mourir. Il propose même, si on lui laisse la vie sauve, de « lutter à mort », en exil, contre les trotskistes et les anarchistes. Nous sommes alors en pleine guerre d’Espagne.

Pas « chrétien », Boukharine ? Mais qu’y a-t-il de plus violemment chrétien retourné que ces histoires de « Parti » ? Le pire des crimes n’est-il pas de forcer des victimes à adorer leurs bourreaux ? On l’a encore vu récemment, à Cuba, lors du procès Ochoa. Oui, le pire des crimes : abaisser un être humain jusqu’à ce qu’il réclame l’expiationde sa prétendue faute. Staline ou Castro déguisés en Abraham, il me semble difficile d’aller plus loin dans l’abjection. Mais on en apprendra d’autres, les archives s’entrouvrent à peine.

26/12/1999

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Elian
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Elián González

Un fait d’actualité de 1999 aujourd’hui oublié mais révélateur de l’état d’esprit et des tensions du moment.

Elián González qui n’a pas encore six ans quitta Cuba en novembre 1999, emmené par sa mère, afin d’émigrer aux États-Unis. Sa mère et dix autres personnes se noyèrent dans leur tentative. Elián survécut avec trois autres rescapés, dérivant sur une chambre à air jusqu’aux côtes de Floride.

Imbroglio juridique entre le gouvernement de Cuba et le service américain de l’immigration et de la naturalisation. Polémiques autour de l’asile politique. Le jeune Elián pouvait-il rester aux Etats Unis comme le souhaitaient des membres de sa famille déjà émigrés aux Etats Unis ? Non, selon le gouvernement de Cuba : sa mère l’aurait emmené sans la permission de son père dont elle était divorcée.

La polémique a fortement enflé, et la maison d’Elián à Miami est devenue le lieu d’un immense défilé de médias. Pendant une grande partie de l’été 2000, cette controverse a continué à dominer la presse américaine.

La bataille est parvenue jusqu’au Congrès américain et à la Cour suprême des États-Unis qui a clos l’affaire. Le 22 avril 2000, les agents fédéraux ont appliqué la décision de justice en se rendant à la maison de son grand-oncle. Une photographie célèbre montre un policier avec un fusil automatique pour déloger Elián et son infirmier qui s’étaient cachés dans une armoire. Elián devait retourner à Cuba y rejoindre son père.

Crédit : d’après Wikipedia.

On s’étonne et s’indigne des réseaux pédophiles, comme de la tenace perversion dont ils sont les symptômes, mais on assiste, dans la foulée, au plus beau spectacle de pédophilie inconsciente mondiale, la dispute sur le corps du petit Cubain Elian. Là, rien ne manque : les manifestations patriotiques succèdent aux crises d’hystérie, les femmes se pâment et pleurent, le dictateur Castro pointe son doigt, la justice américaine est représentée par une matriarque de choc, le petit garçon est mitraillé par les caméras et les photographes. Veut-il ou ne veut-il pas rentrer à Cuba, on ne sait pas bien, il est probable qu’il voudrait continuer à jouer tranquillement dans son coin. Elian est devenu un héros national, un militant malgré lui, un guérillero du socialisme. Voici son père, maintenant, un bébé dans les bras, venu rechercher son fils. Les exilés de Miami protestent, la nursery explose, Salomon est absent et ne peut donc pas proposer qu’on coupe le petit garçon en deux pour voir qui l’aime vraiment. Plan suivant : commando de choc, on arrache l’enfant à son placard, force reste à la loi, hurlements divers. Elian, de héros, devient star : le film cinéma prend bientôt la relève du reality show. Mise aux enchères : quelle est la première marque américaine qui achètera les droits publicitaires de l’enfant prodige ? Le contrat est en cours. Pas mauvaise opération, pense Castro en allumant un cigare. Tel est donc le village planétaire. Debord, dans sesCommentaires sur la société du spectacle, nous a prévenus : « Les villages, contrairement aux villes, ont toujours été dominés par le conformisme, l’isolement, la surveillance mesquine, l’ennui, les ragots toujours répétés sur quelques mêmes familles. » Ce n’est qu’un début.

30/04/2000

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Virus
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En 2003, un autre fait d’actualité, aujourd’hui presqu’oublié, emplissait les colonnes des journaux.

On attendait la variole ou l’anthrax, mais pas le SRAS, syndrome respiratoire aigu sévère. Bombes à Bagdad, masques à Hongkong et Pékin. Dans ce tourbillon général, le vieux Castro en profite pour faire exécuter quelques prisonniers qui voulaient sans doute, selon les mots de l’inénarrable Poutine, « exporter la révolution capitaliste et démocratique ». L’exportation virale est plus subtile, étonnez-vous si elle est chinoise et transite par le Canada. L’Asie vous coupe le souffle, le nouveau virus est évolutif, s’insinue partout, mute, voyage, tourne autour de vous. Ophélie, ma libraire, ne veut plus recevoir de clients chinois. Je lui conseille, sans succès, la lecture du Huai-nan zi, deuxième volume des Philosophes taoïstes qui vient de paraître en Pléiade. C’est pourtant lumineux : « Il aime à fermer les yeux dans la grande nuit et à s’éveiller pour regarder dans la maison de l’éclatante lueur. Il se repose et respire dans un lieu sans contours, vague, et se divertit dans la campagne de l’informel. Il habite un endroit sans aspect, il réside dans le sans-lieu. Il se meut dans le sans-forme, se tient en repos dans l’incorporel. Il existe comme s’il n’existait pas, vit comme s’il était mort, sort du sans-intervalle et y pénètre. […] Le commencement et la fin des choses sont, pour lui, comme un anneau dont nul ne peut saisir l’extrémité. » Cause toujours, me dit le visage fermé d’Ophélie. Je sens que je n’arrange pas mon cas en lui achetant Le Gai Savoir de Nietzsche. Ophélie déteste Nietzsche. Elle ne l’a pas lu, mais c’est comme ça.

27/04/2003

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Aujourd’hui, oubliés Elian et le SRAS, mais pas Castro, ses mythes et ses crimes.
Encore une belle utopie qui a mal fini !
Mais si les utopies réussissaient, ce ne seraient plus des utopies…

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Sur Littérature et politique, voir notamment :

Abécédaire de Ph. Sollers

Lire Philippe Sollers

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[1ainsi qualifiait-on Joseph Staline

[2Flammarion, 5 novembre 2014, 800pages.

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