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Lire Philippe Sollers

par Bernard-Henri Lévy

D 4 décembre 2014     A par Viktor Kirtov - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Bernard-Henri Lévy consacre son éditorial dans Le Point du 4 décembre 2014 au dernier livre de Philippe Sollers : « Littérature et Politique ». Editorial qui figure aussi sur le site de La Règle du Jeu. Vous voulez découvrir un résumé du livre, ce que pense BHL du livre, c’est ici :

Lire Philippe Sollers

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Pourquoi le terrorisme islamiste fonctionne-t-il en « essaim », pas en « réseau » ni en « rhizome » - acéphale, polycéphale, tournoyant, invulnérable ?

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Philippe Sollers. Photo Yann Revol

D’où vient que Christiane Taubira, garde des Sceaux de François Hollande, parle d’amour comme personne - dansons la capucine, temps des cerises, l’amour au temps de la Commune et du mur des Fédérés, Juliette Gréco, Colette Renard ? Est-il exact que George W. Bush a failli s’étouffer avec sa brioche un jour que, regardant un match de football à la télévision, il a cru voir mollah Omar traverser le stade en criant « Guantanamo, Enron ! Guantanamo, Enron ! » ?

Ai-je eu si tort que cela de comparer Françoise Verny à Jacques Rivière et que voulut dire celui-ci quand il écrivit à Marcel Proust : « ils ne peuvent pas vous comprendre, leur sommeil est trop profond » ?

L’armée allemande, occupant Paris, avait-elle vraiment deux objectifs stratégiques majeurs : BDF et NRF - Banque de France et l’autre banque, la vraie, rêves et imaginaire, vers et romans français ? Et quel crédit accorder à ceux qui prétendent qu’elle en avait encore un troisième, le PCF, qui ne se fit, lui, pas trop prier ?

Comment s’y prend-on pour « cacher le corps » quand on exécute, à Katyn, la crème de la crème d’un grand pays (22 000 Polonais, dont 4 000 officiers) et qu’on parvient à garder le secret pendant soixante-dix ans (c’est-à-dire, pour être précis, jusqu’au voyage de Jean-Paul II, en 2001, à Bykovnia) ?

Information : les Etats-Unis ont tenté d’assassiner Fidel Castro 638 fois. Information ? Le même Fidel Castro, soit qu’il ait la nostalgie de son éducation chez les jésuites, soit qu’il éprouve le besoin de remercier le Ciel de l’avoir fait, 638 fois, échapper à cette mort sur ordonnance, relirait, en ce moment même, les « Exercices spirituels » d’Ignace de Loyola.

Si le Vatican est un « Etat », comment s’y prend-il pour gouverner par signes et ronds de fumée, citations cryptées, ellipses et regards, râles venus d’outre-tombe ? Et cette forme de gouvernementalité est-elle la vérité du pouvoir ou son exception aberrante ?

Doit-on fusiller Céline ? Brûler Sartre ? Autodafer Michel Foucault ? Et Joyce ? Est-il si clean que ça, ce diable, ce pornocrate, cet ennemi du genre humain qu’est James Joyce ?

Les jurés du plus prestigieux des prix littéraires savent-ils que les frères Goncourt furent des antisémites aussi enragés que Céline ou Drumont ?

Euripide (et, après lui, Simon Leys) avait-il raison de penser que « la mer lave toutes les souillures des hommes » ? Et faut-il, d’ailleurs, laver les souillures des hommes ?

Qui a dit : « vulgarité des premières places, ne comptent que les places à part » ? Et qui : « pour chercher la vérité, il vaut mieux être seul » ?

D’où vient que l’on cite de moins en moins Soljenitsyne ?

Et Chalamov ? Et les écrivains dissidents de la seconde moitié du XXe siècle ? Crainte d’énerver Poutine ou, comme on dit, de « l’humilier » ? Ah, cette façon que l’on a de répéter partout, en boucle, que l’on a « trop humilié » Vladimir Poutine alors que peu de chefs d’Etat auront été, depuis quinze ans, tant choyés, ménagés, épargnés, traités aux petits soins, considérés ?

Rousseau était-il un déserteur ?

Debord a-t-il raison de soutenir que la forme Mafia est « le modèle de toutes les entreprises commerciales avancées et, donc, de tous les Etats » ?

Qui est cette jeune femme nue, de dos, photographiée à sa toilette, à Chicago, un matin de 1952 ?

Faut-il penser, comme Baudelaire à propos de Laclos, que les révolutions sont toujours faites par des voluptueux ?

Qu’est-ce qui s’est perdu entre, d’un côté, Thomas De Quincey, Artaud, Michaux, William Burroughs et, de l’autre, les écrivains conférenciers qui amusent la croisière d’aujourd’hui ?

Telles sont quelques-unes des questions posées au fil des 807 pages (notes et index compris) du dernier livre de Philippe Sollers - « Littérature et politique » (Flammarion).

Oubliez l’homme au fume-cigarette, le meneur de revue qui s’est déjà payé le luxe de plusieurs disparitions et résurrections, le dernier situationniste, le voltairien catholique allé, non de Mao à Moïse, mais de Mao au souverain pontife.

Oubliez le « terroriste des lettres », les pirouettes, les polémiques, la réprobation qui le poursuit depuis maintenant plus de cinquante ans, l’art de se montrer pour se cacher, les télévisions, les journaux, la « France moisie » comme un délit, les autres délits innombrables qui sont dans son lourd dossier.

Vous avez là, dans ce livre, l’esprit et la lettre des quinze dernières années de cette histoire si française qu’est le rapport des écrivains à la politique (Mauriac, cité en exergue : « je prendrai la politique, je la baptiserai littérature et elle le deviendra aussitôt ».)

Vous avez là un Sollers au meilleur de lui-même, puissant et drôle, jubilatoire et grave, plus offensif que jamais, grand lecteur et grand vivant, renonçant d’autant moins à lire et à vivre qu’il sait qu’il y a là deux arts en perdition et qui, au train où va le désastre, ne se pratiqueront bientôt qu’en secret (les enfants de Duns Scot et de Lautréamont, les tenants de l’infracassable noyau du sujet lettré, structuré comme un langage, on aimerait dire verbé, ne sont-ils pas des sortes de marranes ?).

Ce livre est à lire sans délai.

Parce qu’il porte l’écho de la dévastation en marche.

Et parce qu’il y est prouvé qu’il y a, dans les décombres, une autre manière d’exister.

Ni colère ni nostalgie - le soulèvement par le style.

BERNARD-HENRI LEVY

Crédit : Le Point et La Règle du Jeu

D’autres critiques de "Littérature et politique", ici.


Philippe Sollers et Bernard-Henri Lévy

Ils font connaissance en 1977, à l’époque où Bernard-Henri Lévy prépare la Barbarie à visage humain. L’histoire veut que B.H.L. ait, plusieurs après-midi de suite, lu son opus à voix haute devant son aîné. Une amitié est née là, qui ne s’est jamais démentie. Sollers a méthodiquement défendu les trois premiers essais de Lévy : La Barbarie à visage humain [1], puis Le Testament de Dieu [2] et, enfin, dans le défunt Matin de Paris, L’Idéologie française [3]. Lévy, de son côté, n’a cessé d’apporter son soutien à Sollers chaque fois qu’il a eu le sentiment que celui-ci jouait une partie difficile ou importante. Dans Ennemis publics, sa correspondance avec Michel Houellebecq, il parle du caractère « rare » et « précieux » de la sympathie intellectuelle qui les unit.

Citations de Bernard-Henri Lévy sur Philippe Sollers

« Quand nous serons morts, lui et moi, il n’y aura plus personne pour comprendre certaines choses » (Les Aventures de la liberté).
« Une vie. Ou plusieurs. A la façon de Pythagore, dont la légende voulait qu’il eût vécu vingt vies en une vie » (Le Point, 22 mars 2001)
« Sollers est l’anti-Gygès. Il porte une cuirasse de lumière qui aveugle un peu. Mais c’est en projetant ce leurre, cette image feinte de lui-même, cet hologramme, qu’il tient à distance les malveillants et aura, enfin, la paix. » (Le Point, 20 septembre 2002).

Citations de Philippe Sollers sur Bernard-Henri Lévy

« La meilleure prose politique d’aujourd’hui » (Le Monde, 13 mai 1977).
« Guaino et Chevènement que le génial BHL aura conduits à l’injure. Voilà un art : agiter un chiffon rouge devant des systèmes nerveux primitifs, et hop, ils foncent. » (Journal du dimanche, 28 octobre 2007)
« A part moi, je ne vois personne, dans ce pays, qui ait été autant insulté. » (Un vrai roman, Mémoires, Plon 2007)

*

Crédit : bernard-henri-levy.com

*

[1Cf. Philippe Sollers, La révolution impossible.

[2Cf. Philippe Sollers, La barbarie sans foi ni loi.

[3Cf. Les deux France.

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3 Messages

  • A.G | 4 décembre 2014 - 22:40 1

    Merci LuDi. Le texte de Bernard-Henri Lévy était dans le numéro d’art press Comment aller au paradis ?.


  • LuDi | 4 décembre 2014 - 18:55 2

    1981-2014 :

    Chère Catherine Millet,

    Quelques mots, avant que vous ne mettiez sous presse, le livre de Sollers. Pour vous dire simplement que je sors ébloui, presque étourdi de sa saison en Paradis. Que je ne comprends plus très bien devant ce monument de langue, de Verbe, et de Silence, les étranges malentendus qui persistent à l’entourer. Et que, mal averti, je vous l’avoue, de ce qu’on appelle communément l’avant-garde, je me demande combien de temps il faudra encore à nos notaires de la culture pour admettre qu’ils tiennent là un modèle de littérature classique.

    Pas de ponctuation, disent-ils ? Je crois, moi, au contraire, qu’il est peu de textes modernes aussi profondément, rigoureusement ponctué que celui-là. Paradis « obscur » ? Quelle blague, quelle sinistre plaisanterie, qui ne résiste pas à 10 pages de cet oratorio parlé qui porte en pleine lumière le tohu-bohu du monde où nous sommes. Sollers le « terroriste », le « maoïste », le « communiste repenti » ? Qu’ils se taisent donc enfin, qu’ils écoutent, oui qu’ils écoutent donc cette voix, cette Passion, qui ne témoigne de rien d’autre que de la plus têtue, de la plus exigeante des éthiques de la littérature.

    Dans l’histoire de nos lettres, une telle éthique a un nom que d’autres, jadis, ont baptisé : un anti-fascisme conséquent. Et dans le panorama de nos lettres nouvelles, en ce XXème siècle, tardif, qui semble ne pas parvenir à véritablement commencer, Sollers a une place, qu’on le veuille ou non, qui lui revient et l’oblige, celle du plus grand de nos écrivains contemporains.

    PHILIPPE SOLLERS par BERNARD-HENRI LEVY, lettre publiée dans la revue Artpress (n°44), en janvier 1981


  • A.G | 4 décembre 2014 - 13:15 3

    Littérature et politique est un gros livre. Il a donc fallu le temps de le lire. On commence à en saisir la joyeuse lucidité.

    Un vibrant éloge de la politique

    par Aliocha Wald Lasoski

    Dans son dernier opus, Philippe Sollers propose son regard sur le monde.

    Face au chaos du monde, l’écrivain est à l’affût, guettant les mots, prêt à faire résonner un gai savoir et une joie nouvelle, si rares aujourd’hui. Pour comprendre l’actualité, il faut ouvrir un livre, explique Philippe Sollers, «  la vraie morale est là, avec l’acide et l’ironie qui conviennent à chaque situation  ». Face à la tragédie contemporaine, la ­littérature est politique, elle est un acte d’interruption et de réveil, qui ouvre vers la liberté et la singularité poétiques. Dans Littérature et politique, Sollers parcourt le monde à travers notes et réflexions qui visent l’aujourd’hui littéraire et artistique. De «  Bonheur de Sartre », où Sollers évoque à merveille la complicité amoureuse comme réponse au mensonge et à la haine sociale — «  Sartre et Beauvoir sont joyeux, voilà le crime  » — à «  Musique  », sur la puissance active qui conduit à passer tout un été en compagnie exclusive de ­Mozart... D’«  Amour  », qui rend un vibrant hommage à Christiane Taubira, fidèle lectrice d’Aimé Césaire et d’Édouard Glissant, où Sollers imagine un film d’Hitchcock avec James Stewart incarnant Edward Snowden... Devant les images de mort, en boucle à la télévision, et le poison de ces spectacles de désolation, Sollers pratique l’art du sublime et mobilise l’énergie fulgurante de l’artiste  : «  Il serait temps que la France retrouve un peu de ses esprits. Seule la bonne littérature y aide.  » Si l’immédiateté évanescente nous submerge, conclut Sollers, «  ce livre est un vibrant éloge de la politique  », la vraie. (L’Humanité du 4 décembre 2014)