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Ligne de risque n°3 (nouvelle série) : une note de lecture

D 13 mai 2022     A par Albert Gauvin - Guillaume Basquin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Mardi 11 mai (Messenger).
— Merci de m’avoir signalé ce numéro de « Ligne de risque », cher Albert !
C’est un numéro historique, comme le sont devenus les titres surréalistes longtemps après leur parution, etc. (J’en prends le pari…).
11 mai, un peu plus tard.
— Je dois m’incliner : F. Meyronnis, dans sa revue, a écrit le MEILLEUR texte synthétique sur la crise Covid-19 (à mon avis…). Chapeau à lui ! Je pense écrire un texte factuel (càd, ce qu’il y a DEDANS, et non pas ce que les gens y hallucinent, ou voudraient y voir etc.). Je ne sais trop où le proposer ? Pour « Pileface », en exclu (mondiale !) ?… — Guillaume.
— Oui oui ! Pour filepace !
— Ok. I proceed… Good !

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Ligne de risque n°3

Enfin, les véritables intellectuels français se réveillent ! Après Mehdi Belhaj Kacem qui a donné au journal France-Soir une superbe lettre à Alain Badiou, Remarques sur la désorientation d’Alain Badiou (et des intellectuels en général), voici que la revue Ligne de risque, sous le titre Aperçus sur l’Immonde (ou la route de la servitude), envoie une parfaite livraison entièrement consacrée à la crise avant tout politique du Covid-19. Pour commencer, l’on notera que presque tous les intellectuels conséquents utilisent le masculin, pour parler du Covid, et non le féminin, dont l’emploi commença, pourrait-on dire, lorsque cette maladie virale relativement banale (à l’échelle de l’Histoire humaine des épidémies) devint une quasi-maladie mentale. François Meyronnis, dans son remarquable texte synthétique titré « Notes sur l’annulation en cours » (certainement le meilleur texte écrit sur ce sujet, jusques ici), ne parle que du Covid-19 ; quand le texte collectif d’introduction, faisant office d’éditorial, écrit lui « le virus couronné ».

La revue a donné la parole à trois écrivains pour tenter d’analyser la situation, c’est-à-dire la dévastation en cours : Sandrick Le Maguer (qui nous livre ici une contre-analyse scientifique au discours scientiste ambiant remarquable de précision : « Au nom de la science ») ; Julien Battisti, auteur du récent L’imitation de Bartleby chez Gallimard dans la collections « L’Infini » ; et François Meyronnis, cofondateur de la revue, lui-même.

La couverture n’y va pas par quatre chemins, et met un portrait en vignette de M. Emmanuel Macron juste au-dessus du titre « Aperçus sur l’Immonde »… L’éditorial, quant à lui, entre rapidement dans le vif du sujet : l’apparition du virus couronné « a levé le voile sur l’époque » : « entrée dans l’âge planétaire » interconnecté, dont il n’est qu’un symptôme avancé, de par sa gestion affolante et affolée. Même « le dictateur albanais Enver Hodja, pourtant l’une des pires crevures staliniennes, et aussi peu effarouché que possible en matière de propagande abêtissante […] eût été étonné », selon nos éditorialistes… Enfin, disais-je, des écrivains pensent cette crise pour ce qu’elle est véritablement : un point de bascule inquiétant dans notre rapport au monde, à la santé, et aux micro-organismes : « La crise prétendument “sanitaire” a fait apparaître le point où nous en étions rendus. IL N’Y A PLUS DE MONDE. Notre planète est vouée à la fois à l’errance la plus complète et au contrôle cybernétique qui porte l’errance à son comble. À cet égard, la mise en spectacle d’une Terre en train de lutter contre le virus couronné n’est rien d’autre qu’une marche vers l’IMMONDE. » Voici qui est fort bien dit ! Encore plus fort : « En mettant en équivalence le monde et sa modélisation numérique, on redouble êtres et choses par un façonnage digital, et cela jusqu’à l’anéantissement » : nous sommes bien là « au cœur de la dévastation » et du nihilisme 3.0.

Rarement depuis la fin de l’Internationale Situationniste avait-on lu des choses aussi puissantes sur l’analyse du Spectacle. François Meyronnis en particulier, avec son long texte central dans la revue et déjà nommé, prend le relais d’un Guy Debord, et le prend fort bien. (Les grincheux aboient déjà…) Pendant que tout le monde ou presque dormait (j’emprunte ici à l’exergue au texte de René Daumal), Meyronnis a tout lu ce qui se publiait sur le sujet, a tout observé, puis médité ; puis enfin, deux ans après la sidération première, nous a livré ce maître-texte qui n’oublie rien. N’oubliant rien, son écrit devient historial, c’est-à-dire qu’il s’insère dans une pensée des grands mouvements totalitaires et des grandes catastrophes (exemplairement les deux Guerres mondiales) du passé, pour produire une pensée nouvelle du présent mis en perspective intégrale, c’est-à-dire intégrant les grandes forces telluriques en présence : capitalisme digitalisé, Volonté de technique et de contrôle, etc. Ce qui est « drôle », c’est que les penseurs les plus pointus du moment historial dans lequel nous sommes, tous, manient des thèses supposées (et qualifiées de) « complotistes » par les agents rémunérés du Spectacle : « Great Reset » de Klaus Schwab, virus finalement peu létal (au regard de l’Histoire), « vaccins » qui fonctionnent très mal (et qui n’en sont pas vraiment… mais technologies expérimentales encore en phase d’essais cliniques), affolement programmé, domestication incroyable des citoyens par la technique bien connue du nudging, etc. On se sent moins seul !… Je prends ici un passage presque « au hasard », qui représentera très bien l’écriture au scalpel de Meyronnis : « L’un des effets du virus fut la métamorphose inopinée des humains déambulant dans les rues en larves : chacun devant porter ce fameux masque, larva en latin. Ce que Rimbaud eût nommé le “bétail de la misère” s’exhibait maintenant avec un morceau de tissu couvrant le bas de la face, comme si à force de s’ancrer dans la survie […] on avait été jusqu’à perdre la figure : à n’être plus qu’un pantin ou, plus exactement, un spectre, autre sens du mot larva. » Bien sûr Giorgio Agamben, que l’auteur a lu, n’est pas loin ici… Je ne peux pas continuer à commenter ici ce texte magistral, auquel le lecteur se reportera ; mais je conclurai toutefois ce paragraphe en citant encore, cela : « Mais qu’est-ce que le capitalisme cybernétique ? Sans doute ce qui permet la mise en place d’une domination véritablement inconditionnée : celle du Dispositif. Et cette domination configure ce que Heidegger nomme un “ordre terrestre vraisemblablement appelé à une longue durée”. » Largement de quoi s’inquiéter, donc… et ce « d’autant plus qu’il n’a pas son siège dans une quelconque volonté humaine mais dans la “suprématie absolue de la raison calculante” ». Le nouveau Pouvoir a sa circonférence partout, mais son centre nulle part…

Le dernier texte de la revue, « Fragments sur le livre électronique », dû à Julien Battesti, fait suite à de terrifiants « morceaux choisis » du « Rapport d’information n° 673 du Sénat », censé préparer les réactions politiques aux prochaines épidémies. C’est une très joyeuse charge contre le supposé progrès que constituerait le e-book : « Un livre électronique n’est ni ouvert ni fermé. Cette indétermination illustre un certain mode de réception de la littérature : l’indifférence. » On ne peut pas physiquement tourner les pages d’un livre électronique, qui devient purement virtuel ; c’est le « présent perpétuel » de la « page unique » : stade terminal du capitalisme intégré.

Guillaume BASQUIN (pour Pileface)

LIRE AUSSI : Aperçus sur l’Immonde ou la route de la servitude

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