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Georges Bataille : Manet et Lascaux (I)

{A paraître le 14 mai}

D 11 mai 2021     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Les éditions de L’Atelier contemporain fondées et animées par François-Marie Deyrolle, publient le 14 mai prochain, une nouvelle édition des deux essais de Georges Bataille sur l’art.
Deux livres de petit format poche (11,5 x 16 cm), avec une riche iconographie en noir et blanc, avec chacun une longue préface de Michel Surya, illustre biographe de Georges Bataille avec son « Georges Bataille, la mort à l’œuvre » qui fait référence. Les préfaces, ici, témoignent de la même précision et acuité pour pénétrer ces deux œuvres.
Une opportunité à ne pas manquer d’autant que ces deux œuvres sont proposées à un prix modique : Manet (7,50 €), Lascaux (8,50 €)


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Sur L’Atelier contemporain

Privilégiant le dialogue entre le texte et l’image, L’Atelier contemporain ne cesse de nous proposer des beaux livres, un rien austère, exigeants, superbes, dont la vertu est d’incendier de finesse l’esprit du lecteur et du contemplateur. Chez cet éditeur soigneux, sis à Strasbourg, qui nimbe de belle blancheur une élégante typographie, la photographie se fait une place cruciale au regard de l’attention du texte qui l’accompagne en toute amitié. Fondée en l’an 2000 par François-Marie Deyrolle, qui dès 1990 menait une enseigne au nom de « Deyrolle éditions », privilégiant la pensée poétique et les livres d’artistes, ce fut d’abord une revue empruntant le titre de Francis Ponge [1] L’Atelier contemporain devint en 2013 maison d’édition à part entière, fluctuant parmi les rivages de l’art et de la littérature,

Thierry Guinhut, juillet 2020
Le Matricule des Anges n° 231, entretien avec Philippe Savary, mars 2021

Né en 1966, François-Marie Deyrolle est diplômé de l’École du Louvre. Après avoir créé l’enseigne Deyrolle éditeur à l’âge de 24 ans (une centaine de titres au catalogue), il a ensuite dirigé des agences régionales du livre, puis la Bibliothèque des musées de Strasbourg.

https://editionslateliercontemporain.net/

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Michel Surya

Michel Surya est né en 1954. Écrivain, philosophe, il est le fondateur et le directeur de la revue et des éditions Lignes. Spécialiste de Georges Bataille, il a publié à son sujet : Georges Bataille : la mort à l’œuvre (Éditions Séguier, 1987 ; Gallimard, 1992) et dirigé les éditions de : Choix de lettres 1917-1962 (Gallimard, 1997), aux éditions Lignes : La sociologie sacrée du monde contemporain (2005), Charlotte d’Ingerville (2006), La Structure psychologique du fascisme (2009), Discussion sur le péché (2010), L’anus solaire (2011), La notion de dépense (2011), La souveraineté (2012), La valeur d’usage de Sade (2015), La limite de l’utile (Lignes, 2016), Courts écrits sur l’art (2020).

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Partie 1 - MANET
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Manet, accoucheur « impersonnel » de l’art moderne ? Paru pour la première fois chez Skira en 1955, ce Manet-là est celui de Georges Bataille – et donc une œuvre en prise directe sur les débats esthétiques de son temps, dont elle parle aussi le langage. C’est ce qui lui confère sa singularité impérissable, ainsi que sa portée historique.

Préface de Michel Surya.
Date de publication : 14 mai 2021
Format : 11,5 x 16 cm
Nombre de pages : 160 / 44 reproductionns
Prix : 7.5 €
Le livre sur amazon.fr

Manet ne cria pas, ne voulut pas s’enfler : il chercha dans un véritable marasme : rien ni personne ne pouvait l’aider. Dans cette recherche, seul un tourment impersonnel le guida.

Ce tourment n’était pas celui du peintre isolément : même les rieurs, sans le comprendre, attendaient ces figures qui les révulsaient mais qui plus tard empliraient ce vide qui s’ouvrait en eux.

Le Manet de Bataille est presque un personnage. Personnage littéraire d’abord, ami des plus grands poètes et écrivains de son temps, Baudelaire, Zola, Mallarmé, qui tous lui ont écrit ou ont écrit sur lui. C’est à ces sources privilégiées que s’abreuve Bataille pour dépeindre un Manet déjà romanesque, quoique falot : « un homme du monde, à vrai dire en marge du monde, en un sens insignifiant », « au-dedans, rongé par une fièvre créatrice qui exigeait la poésie, au-dehors railleur et superficiel », « un homme entre autres en somme, mais charmant, vulgaire… à peine. »
Manet utilité, donc – mais en même temps nécessité de l’histoire de l’art,« instrument de hasard d’une sorte de métamorphose », homme par qui le scandale arrive bien malgré lui, initiateur innocent de la« destruction du sujet » :« c’est expressément à Manet que nous devons attribuer d’abord la naissance de cette peinture sans autre signification que l’art de peindre qu’est la “peinture moderne”… C’est de Manet que date le refus de “toute valeur étrangère à la peinture”. »C’est alors en continuateur des grandes exégèses de Valéry et surtout de Malraux que Bataille s’exprime.
Là où il est tout entier lui-même, et inimitable, c’est dans les intuitions par lesquelles il traverse l’œuvre du peintre comme la foudre, appuyant sa vision sur une sélection de tableaux qu’il légende avec brio. À supposer que ce Manet ne soit pas le vrai, il n’en possède pas moins sa valeur propre.

L’auteur

Georges Bataille

Auteur d’une œuvre s’aventurant dans l’anthropologie, la philosophie, l’économie, la sociologie et l’histoire de l’art, Georges Bataille (1897-1962) est l’un des écrivains les plus singuliers du XXe siècle.

https://editionslateliercontemporai...

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La préface de Michel Surya : « Manet, l’immanent » (extraits)


Manet, Autoportrait à la palette, 1879
Huile sur toile, 83 x 67 cm, collection particulière
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La situation est nouvelle sans doute pour Bataille, qui a été longtemps, toute sa vie pour ainsi dire (il a plus de cinquante ans à ce moment), sans les moyens de penser posément (de poser sa pensée), qui a dû plutôt l’imposer, et il lui est donné de le faire par deux fois la même année, avec deux livres, l’un sur Manet [2] , l’autre sur Lascaux, chez le même éditeur : en 1955 [3].

Des livres de commande, c’est ce qu’on est tenté de penser. En même temps, que penser sérieusement est impossible. Parce qu’il n’a aucun titre à faire valoir pour écrire sur Lascaux par exemple (ni anthropologue ni historien de l’art pariétal), qu’il y a à peine quinze ans qu’on a découvert, sinon la curiosité infatigable qui est la sienne, que justifie seule, comme de travers, l’idée qu’il a depuis toujours d’écrire une « histoire universelle », laquelle ne peut que l’être de l’art aussi ou d’abord, selon lui – Lascaux de ce point de vue s’impose, qui en daterait, dira-t-il, la « naissance ».

Il a à peine plus de titre d’écrire sur Manet [Bataille] n’a jusqu’alors jamais produit que quelques rares articles sur l’art en général, essentiellement sur l’art du XX’ siècle, dont il a l’âge, âge qu’ont les artistes qui comptent, des amis souvent, tous venus du surréalisme ou de ses parages, fidèle à celui-ci, ou, comme lui et avec lui, ses hérétiques : André Masson, Max Ernst, Hans Bellmer, Pablo Picasso, Gaston Louis-Roux, etc.

Goya et Van Gogh seuls, parmi les peintres des XVIII et XIX’ siècles - il est vrai qu’il ne pouvait que se trouver des traits communs, et nombreux, avec l’un comme avec l’autre -, l’ont préoccupé assez sérieusement pour qu’il consacrât deux études importantes à chacun [4] • Bataille, il faut commencer par là, aucunement pour l’excuser, au contraire pour faire ressortir ce que son approche aura d’inattendu, n’est donc ni un critique d’art ni un historien de l’art. Qui n’est « rien » d’ailleurs en particulier, sinon un chartiste par formation, qui n’en a pas moins étonné chaque fois qu’il n’a pas craint, souvent, de s’aventurer sur des terres qu’il n’était pas fait pour connaître (l’ethnologie, l’économie, etc.), ne disputant aucunement les récents savoirs acquis, les étendant tout au plus, les rénovant parfois (le potlatch, Mauss en avait établi le premier un savoir, innovant ; Bataille en déduira un autre, d’économie générale, dit par lui : de la dépense improductive).

Bataille n’a donc pas de titres explicites ou incontestables à écrire sur l’art. À l’exception près, exception considérable, de ceux que lui ont valus sa direction (direction de fait, sinon en titre) de la très inaugurale revue Documents (1929-1931), grande revue d’art d’avant-garde comme on pouvait dire encore, premier fait d’armes déterminant de Bataille dans la théorie de l’art et ses querelles inhérentes [5] .

Nul ne semble s’être avisé de cela cependant, qui n’a qu’une importance anecdotique, qui change tout de même de peu le point de vue. Les titres que Bataille n’a pas, sa cousine – et fidèle amie – Marie-Louise Bataille, elle, les a, qui est historienne de l’art, et qui, à ce titre, a collaboré avec Paul Jamot Georges Wildenstein, à l’édition d’un « catalogue critique des œuvres de Manet », c’est son titre, dès 1932, soit… vingt-trois ans plus tôt [6] !

Première notation. On ne notera pas sans intérêt (deuxième notation) que, discrètement, Bataille cite ce livre vers la fin du sien, qu’il qualifie d’« essentiel », nommant « M.L. Bataille » comme la collaboratrice des auteurs Paul Jamot Georges Wildenstein, précisant encore que le premier fut l’élève de Mallarmé au temps où Manet fit son (admirable) portrait. Ne disant pas (troisième notation) que le second, Georges Wildenstein, marchand de tableaux anciens et éditeur d’art, est le même, au même moment, qui finança... Documents, que lui-même anima, qu’en réalité il dirigea entre 1929 et 1931 [7].


Manet, Argenteuil, 1874
Huile sur toile, 149×115 cm, Tournai, musée des Beaux-Arts
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Commande ou pas, il y aura fallu pour cela la rare intuition d’Albert Skira, éditeur. Lequel, comme toute cette époque dans ce qu’elle eut de meilleur, a préféré la pensée et la littérature contemporaines, fussent-elles faiblement qualifiées, à l’autorité des critiques et au savoir des historiens de l’art. J’y insiste un peu parce que la question est sans conteste intéressante des titres que Bataille n’avait pas plus de parler de Manet, que Malraux n’avait pas davantage, Malraux dont Skira publia pourtant La Psychologie de l’art (3 volumes, de 1947 à 1949) repris en 1951 sous le titre des Voix du silence.

Signe sûr que ce sont des voix neuves et « transversales », comme on ne disait pas encore, qu’il lui fallait solliciter, et faire lire, pour que quelque chose de ce que les artistes les meilleurs du milieu du XIX’ siècle ont mis en jeu fût rejoué par ce que les écrivains et les penseurs les meilleurs du milieu

du XXe en recueilleraient. Comme ça avait été d’ailleurs des écrivains, des poètes – Baudelaire, Mallarmé, Zola (Gautier à un degré bien moindre) –, pas des critiques, pas des historiens, qui le dirent du vivant de Manet. La peinture engageait plus qu’elle déjà, qui ne le savait peut-être pas elle-même. À moins, mais c’est la même chose inversement, que le mouvement dans laquelle celle-ci s’engageait répondît au mouvement dans lequel tout était déjà engagé. À la fin, cette hypothèse du moins n’est pas douteuse : le mouvement dans lequel la peinture et la littérature s’engageaient en même temps n’était interprétable qu’à la condition qu’on en jugeât ensemble, et non plus séparément.

Parce qu’il est à tout instant question dans ce livre d’un mouvement au moins, d’un passage au juste, qu’il s’agit d’expliciter. À ce mouvement, à ce passage, cent ans après, Bataille a donné ce sens qu’on n’eut pas pu lui donner alors, que je vais reproduire d’abord sous son aspect le plus simple : le moment aurait été venu d’en finir avec un « épuisement », c’est son mot, celui de « la peinture éloquente que rien n’animait plus » ; passage qu’il marque autrement, brièvement (appelant bien des précisions que le livre apporte) : d’un « langage qui raconte, à ce qu’elle est nue  » (appelant bien des précisions parce que, à ce stade, peu de moyens encore de savoir ce que c’est qu’une peinture nue, laquelle ne se déduit pas d’un geste d’une peinture qui « raconte »). Le mouvement, le passage aurait donc été aussi celui d’entrer « dans un monde de formes nouvelles  » – et il l’aurait été pour tous pour peu qu’ils se prétendissent artistes. Bataille ajoute, heureux ajout : un tel moment constitue une « grâce », mot dont on déduit qu’il ne se produit que rarement, même qu’il tient du miracle. Tout du long qu’il regarde et « lit » Manet, Bataille en effet ne sépare pas entre le mouvement - combien perplexe, hésitant même - qui est celui de sa peinture et celui auquel son époque obéit.

Grande époque, époque majeure pour peu qu’on les suive, Manet et Bataille, et qu’on admette avec eux que celle-ci a commencé de constituer et consolider la liberté de l’arc. Ce que Bataille ne dit pas si simplement, bien sûr. Pas critique, pas même historien si l’on veut, autant qu’on veut, mais philosophe, et le philosophe qu’il est, étrange philosophe, veut dire cependant ceci, qui dépasse le cas de Manet : jusque-là, la peinture, la grande peinture avait le goût des grandes majestés et des grandes architectures : auxquelles elle devait tout, qu’elle célébrait. Dette et célébration vaines : le temps en aurait été passé. Lesquelles persistaient cependant, mais comme au-dessus d’un vide depuis des années déjà ouvert. Vide dont la plupart s’angoissaient. Dont quelques-uns s’enchantèrent.

Plus sûrement, Bataille y insiste aussitôt, on le comprend d’autant mieux qu’il a de tout temps soutenu la même chose s’agissant de la littérature, parlant de la sienne bien sûr quand il pouvait sembler qu’il parlât de la littérature en général ou en tant que telle : le destin de l’art, et littéraire et pictural, de tout art en réalité, consiste et consistera dorénavant à s’affranchir de toute subordination, de quelque sorte qu’elle soit religieuse, politique, morale. Subordination à la convention aussi bien : des habitudes, du goût. Au titre des premières, on s’offense ; des secondes, on s’esclaffe. Les premières écartent, interdisent ; les secondes rient, ridiculisent.

[…]

L’art, pourtant, si peu qu’on y cède, et sans doute Manet y a-t-il tout entier cédé, est plus fort. Lui qui ne rêvait pas moins qu’un autre d’honneurs et de décorations, n’était pas préparé à une tache si grande qui l’a plus d’une fois dépassé. Des tableaux sont nés de lui dont il s’est étonné qu’on fût choqué, ou qu’on rît. Il s’en est plaint, beaucoup, et toute sa vie. À Baudelaire lui-même, son ami, qui en a payé le premier le prix fort, et qui l’a vertement remis à sa place, par amitié pour autant (amitié évère et vraie). Lui disant en somme qu’il lui fallait se tenir à la hauteur de son art, pour n’en pas démériter, comme lui-même se tenait à la hauteur du sien, qui ne lui valait pas une moindre réprobation. Lui disant en substance, et Bataille dira de même après Baudelaire : tu ne peux pas vouloir peindre ce que tu peins et être aimé de ceux que ta peinture a dégoûté ou fait rire (les deux à la fois aussi bien) – leçon que Bataille a toute sa vie faite sienne, raison pour laquelle Manet bien sûr l’intéresse : s’il faut composer, c’est superficiellement, passant parfois pour ce qu’on n’est pas pour, chaque fois qu’il le faut, dans l’art donc, faire passer ce qu’on veut, qui veut qu’on veuille tout, de quelque violence qu’il faille en payer le prix (le jeu de Bataille avec les apparences, toute sa vie, est un exemple, un petit théâtre même, où quelque chose de la candeur de Manet se retrouve pourtant [8] »

« Étroitement proche », dit Bataille, qu’il dit à Malraux lui-même. Comme Malraux aurait pu le dire, et lui dire, s’il avait montré moins d’assurance ou plus de considération. Se tenant dans la proximité d’Olympia, emblématique aux yeux de l’un comme de l’autre, dont Malraux avait dit le premier quel emblème il formait, d’une phrase tout de même parfaite : « Nous ne prenons pas conscience sans quelque attention que depuis le XVe siècle, l’Europe n’avait pas connu un chef-d’œuvre auquel l’illusion ne participât pas, ni de ce que, après Olympia, elle n’en n’a pas connu un seul qui ne la rejetât. » Parfaite sans doute aucun, encore que, la lisant, on ne reste pas longtemps sans en ressentir l’excès (ce qu’elle cherche à avoir de définitif). Excessive est l’affirmation que ce fût d’emblée un chefd’œuvre, nul ne l’a alors reconnu, tout au plus quelques-uns « excusèrent »-ils son auteur (Zola leur fit exception, mais combien d’autres). Bataille dit autrement de quelle façon ce qui s’est passé – la violence avec laquelle il a été accueilli – emblématise a contrario ce tableau : « C’est d’un déchaînement qu’il est nécessaire de parler : le tableau qui devait, en 1907, entrer au Louvre atteignit d’emblée la célébrité, mais c’était celle du scandale. […] Nous ne saurions trop souvent rappeler cette origine infâme de l’art moderne. D’autres, Cézanne, Van Gogh… n’éveillèrent pas une colère égale, c’est qu’ils passèrent inaperçus. Le mépris du public ne permit pas au scandale qui les atteignit d’avoir une aussi grande ampleur. Sans doute Cézanne chercha le scandale, il éprouva un vif plaisir chaque fois qu’il eut l’occasion d’horrifier, mais ce fut Manet, qu’il rendait malade, qui le personnifia…10 » « Origine infâme » : Bataille aime les origines, qui les aime d’autant plus qu’elles sont infâmes.

Bataille a beau dire les choses avec plus de brutalité que Malraux, il n’en dit pas moins les mêmes, à peu près.

[…]

« Plaques », « taches », « couleurs » donc qu’Olympia ! Pas que. Pas une divinité nue [9], juste une nudité. Robert Rey dira, phrase que Bataille aurait pu écrire, qu’il a peut-être inspiré, en tout cas à laquelle tout l’accorde : « […] jamais image d’un corps dénudé n’avait été aussi nue. » Nudité plus que nue, alors. Pas celle d’une « fille » (au sens social bourgeois – incongruité, inconvenance), laquelle aurait suffi au rire laid ou sale de la foule à la « vue faible » (Zola). Zola, qui voit ce tableau le premier peut-être dans l’atelier de Manet, et dira aussitôt que c’est son chef-d’œuvre, aucune autre œuvre ne pouvant comme lui le contenir « tout entier » et ne contenir que lui, faisant d’elle et lui, Olympia et Manet, les mêmes. Cette entièreté, Bataille l’affirme aussi, comme reprenant le mot au vol pour ne rien laisser à ceux qui ont pensé et crié contre : « L’Olympia tout entière se distingue mal d’un crime ou du spectacle de la mort. » Ce qui, relu à la lumière de ses conceptualités paradoxales, fait de cette œuvre une œuvre (moderne) sacrée. Sacré que convoque aussi Zola, et qu’il convoque dans le sens que Bataille établira plus tard, en disant son admiration pour un autre des tableaux de Manet, qu’il semble bien seul à admirer, étrange tableau en effet, et raide, qui rompt avec la tradition, Le Christ mort et les anges : « un cadavre peint en pleine lumière ». Pas le cadavre d’un dieu, certes, à peine plus que celui d’un homme. Du Christ mort d’Holbein, Dostoïevski avait dit qu’il était de nature à « faire perdre la foi à n’importe qui ». Le Christ mort et les anges est lui aussi assez bien fait pour que n’importe qui doute de la sienne.

Ce que Malraux et Bataille ne disent pas de la même façon, ils le disent quand même d’une façon que chacun complète, et qui s’imposera, vite, qui ne s’était pas encore imposée jusqu’à eux.

[…]

Il reste admirable que Zola en ait tout de suite vu et dit autant. Qu’il a dit parlant des œuvres elles-mêmes, de beaucoup de ces œuvres, et dans le détail (pas toutes, il choisit entre elles, et bien), pour certaines avant que Manet même les montrât au public. Mais qui le dit aussi, par exemple, en passant, au moyen d’un trait interprétatif insolite qu’on s’étonne de ne pas voir Bataille ni Malraux reprendre : « […] je crois pouvoir affirmer que [Manet] n’a jamais fait la sottise, commise par tant d’autres, de vouloir mettre des idées dans sa peinture. » [10] Trait que cet autre, comme trivial mais qui ne l’est pourtant aucunement, soutient : Manet « veut, avant tout, dire franchement ce qu’il voit. » Théorie a minima, à moins qu’a contrario : fin de la peinture de genre, fin de la peinture d’histoire, fin des mythes et des allégories, fin de toutes les apologétiques possibles, soit ce que Zola appelle pour Manet les « idées », et que Bataille appelle pour lui l’éloquence, pour, à la place, des formes (« n’importe quoi »), des vies (« n’importe qui »), tout étant assez bon pour ce que, la plupart avec mépris, et de rares avec admiration, ont appelé parlant de lui : taches, plaques, couleurs, croyant y réduire cette peinture, au juste identifiant avec une exactitude involontaire en quoi elle rompait avec tout ce qui l’avait précédée et permettrait tout ce qui la suivra. Bataille appelle cette identification : le silence (le mot est le même qu’il emploie pour parler de la poésie du XXe siècle que pour parler de la peinture du XIXe, dont il fait pour l’une comme pour l’autre un salut [11]).

[…]

On sait Bataille capable des pires leçons – il arrive souvent qu’on l’en accuse encore. Le fait est pourtant, à quelque sujet qu’il s’intéresse ou touche, il est à la vérité toujours parfaitement « moral » (montrant la même perfection morale que Sade). Morale est cette injonction qu’il fait à l’art, après Manet, s’autorisant de lui le premier dans l’histoire de la peinture, de représenter ce qu’on voit et non ce qu’on aurait dû voir (ce que les conventions veulent qu’on voie), comme il s’était autorisé de l’injonction de Sade dans celle de la littérature et de la philosophie, qui consistait à représenter les passions ainsi qu’elles sont et non pas ainsi que la morale et la religion auraient voulu qu’elles fussent. Leçon pérenne : l’habitude reforme sans cesse toutes sortes de conventions dans lesquelles l’art d’aujourd’hui ne baigne pas moins que du temps de Manet.

*

« […] Manet dérange et ne veut pas satisfaire : il cherche même à décevoir » : quel trait faut-il croire et retenir ? Celui par lequel tout le monde montre Manet, Bataille y compris, abattu de ne pas plaire plus ? Ou celui selon lequel, ainsi que le dit le même Bataille, il ait cherché à décevoir ? C’est sans importance, on peut sans mal imaginer que Manet n’ait pas toute sa vie voulu la même chose, que son humeur, même à ce sujet, ait aussi pu être changeante (les biographies figent trop souvent ce qui a la mobilité de l’humeur ou de l’âge). Ceci est sûr : les lignes par lesquelles commence le chapitre : « Du doute à la valeur suprême » sont parmi les plus belles qui auront été écrites sur ce qu’il entre de « moral » dans la peinture, et les plus belles qui auront été écrites sur la tentation de renoncer qui n’épargne personne, pas même Manet, lequel est le nom de peu d’œuvres au total. Ce qu’il y a lieu d’entendre ainsi : peu d’entre elles se hissent et se tiennent à la hauteur que Manet cherchait, dont il se faisait une règle, hauteur que d’autres règles, de circonstances, trahissent, qui montrent un fléchissement, presque, qui sait, une tentation, momentanée du moins, celle d’être le « peintre d’un pittoresque » de son époque, comme le dit Bataille [12].

Au total, une étude, un portrait [13] ?

D’un bout à l’autre de son livre, Bataille saute d’un pied sur l’autre, tergiverse… Insistant sur les tableaux qui lui semblent « démontrer » son théorème (de l’immanence de la peinture), mais sans se dissimuler qu’il n’y a pas jusqu’à la détermination de Manet à ne pas pouvoir s’y être tenue, souvent, à ne pas l’avoir « déçue ». Tergiversation qui fait à la fin que le portait l’emporte sur l’étude, et en établit de quelque façon la vérité paradoxale, paradoxe qui ne permet pas qu’on décide si c’est Manet qui aura eu raison de la peinture ou la peinture de Manet. Sans doute, achevant son livre, Bataille a-t-il formé le vœu qu’ait « transparu » dans ce portrait involontaire de Manet ce qu’il dit « transparaître » si sensiblement dans celui que Manet a peint de son ami Mallarmé : la « suprême valeur qui hante » – qui hante qui écrit comme qui peint.

Non sans douter d’cenreravoir réussi ; doutant d’avoir réussi à « montrer en Manet l’un des peintres les plus secrets et les plus malaisément pénétrables. »

*

Le Gamin au chien, 1860-1861 Huile sur toile, 92×72 cm, collection particulière
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Le Gamin au chien, 1860-1861 Huile sur toile, 92×72 cm, collection particulière

L’Élégance de Manet

Le nom de Manet a dans l’histoire de la peinture un sens à part. Manet n’est pas seulement un très grand peintre : il a tranché avec ceux qui l’ont précédé ; il ouvrit la période où nous vivons, s’accordant avec le monde qui est maintenant, qui est nôtre ; détonnant dans le monde où il vécut, qu’il scandalisa. C’est un soudain changement qu’opéra la peinture de Manet, un renversement acide, auquel le nom de révolution conviendrait s’il n’en découlait pas une équivoque : le changement à vue de l’esprit dont cette peinture est significative diffère au moins pour essentiel de ceux que l’histoire politique enregistre.

Ce changement a d’ailleurs un aspect double.

D’un côté, une toile de Manet tranchait en elle-même avec l’idée de la peinture alors établie dans les esprits. Un critique de ce temps, Duranty, a clairement souligné ce contraste.

Il écrivait en 1870 : « Dans toute exposition, à deux cents pas à travers les enfilades de salles, il n’y a qu’un seul tableau qui se détache de tout le reste : c’est toujours le tableau de Manet. On peut rire parce qu’il est bizarre qu’une chose ne ressemble pas aux autres. »

L’autre aspect du changement auquel cette peinture répondait n’est pas moins saisissant. Jamais avant Manet le divorce du goût public et de la beauté changeante, que l’art renouvelle à travers le temps, n’avait été si parfait. Manet ouvre la série noire ; c’est à partir de lui que la colère et les rires publics ont aussi sûrement désigné le rajeunissement de la beauté


Sur la plage, 1873 Huile sur toile, 59,6×73,2 cm, Paris, musée d’Orsay
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. D’autres avant lui avaient provoqué le scandale ; l’unité relative du goût de l’époque classique était alors touchée : le romantisme l’avait brisée, qui avait suscité des colères ; Delacroix, Courbet, et, très classique, Ingres lui-même avaient fait rire. Mais l’Olympia est le premier chef-d’œuvre dont la foule ait ri d’un rire immense.

Ce fait étrange est souligné par le caractère effacé de Manet. Degas, seulement de deux ans moins âgé que lui, avait au contraire un caractère si abrupt que Valéry, qui le connut bien, songeait à lui en imaginant Monsieur Teste. Mais il marqua longtemps le pas. Manet, malgré lui, depuis 1863, avait suscité le scandale, dont le Salon de l’Olympia ne fut que l’apothéose : en 1865, à ce même Salon, Degas présentait encore ce tableau d’histoire assez terne, et conforme aux conventions de la peinture alors régnante, qu’il intitulait Les Malheurs de la Ville d’Orléans. Personnellement, Degas n’en a pas moins un relief qui manquait à Manet. Manet, un homme du monde, à vrai dire en marge du monde, en un sens insignifiant. Ses propos que nous connaissons à la fois par Antonin Proust et par un conte de Baudelaire, La Corde, relèvent souvent de la baliverne brillante (mais quelquefois d’un grand bon sens).

La reconstitution de figures historiques était l’un des sujets d’hilarité de Manet : « Est-ce qu’on peint un homme d’après son permis de chasse ? » disait-il. Antonin Proust, qui rapporte ce propos, le poursuit : « Il n’y a qu’une chose vraie. Faire du premier coup ce qu’on voit. Quand ça y est, ça y est. Quand ça n’y est pas, on recommence. Tout le reste est de la blague. » Ces mots nous donnent le ton. De son côté, un « petit poème en prose » de Baudelaire, La Corde, lui prête (sans donner son nom, mais l’identification n’est pas douteuse) un langage dont évidemment le style est revu :

« ... Ma profession de peintre me pousse à regarder attentivement les visages, les physionomies qui s’offrent dans ma route, et vous savez quelle jouissance nous tirons de cette faculté qui rend à nos yeux la vie plus vivante et plus significative que pour les autres hommes... » Le reste du poème est un conte en vérité, un conte dont Manet, sans nul doute, se fit le narrateur subtil (je parle plus loin de l’incident qu’il rapporte qui, je crois, mais indirectement, se lie à son premier chef-d’œuvre, Le Gamin au chien).

Seules les amitiés - et la peinture - d’Édouard Manet révèlent à travers l’agréable flâneur l’exigence de la poésie. Successivement, Manet fut l’ami, l’un des plus proches amis de Baudelaire et de Mallarmé. Il eut avec Mallarmé, pendant dix ans, presque chaque jour, une conversation que la mort seule interrompit. Cette duplicité de l’effacement et de la passion est d’ailleurs assez bien marquée dans une lettre de Baudelaire (à Théophile Thoré, du 20 juin 1864) : « M. Manet, que l’on croit fou ou enragé, est simplement un homme très loyal, très simple, faisant tout ce qu’il peut pour être raisonnable, mais malheureusement marqué de romantisme dès la naissance. »

Je me figure Manet, au-dedans, rongé par une fièvre créatrice qui exigeait la poésie, au-dehors railleur et superficiel. « Railleur à Tortoni », dit Mallarmé, dans une page qu’il consacra au peintre après sa mort. Du Café Tortoni, qui était alors le café élégant, Manet, comme avant lui Baudelaire, était un habitué. La vie de café était importante en ce temps, elle fut à l’homme d’esprit ce qu’est le champ de courses aux élégantes, en marge d’une vie de salon gourmée et peu accessible. Encore qu’il ait confié à Zola « qu’il adorait le monde et qu’il trouvait des voluptés secrètes dans les délicatesses parfumées et lumineuses des soirées », Manet, homme du monde, élégant causeur, n’était pas homme de salon, mais il bavardait au café. À Tortoni, où, parfois, ceux qu’il rencontrait ignoraient qu’il était peintre. Plus souvent au Café Guerbois, plus modeste, où il trouvait les peintres et les hommes de lettres, ses amis : une table au Café Guerbois était réservée chaque soir à son entourage. Manet avait certainement « de l’esprit ». Georges Clémenceau (dont il fit le portrait), qui passait pour être mordant, aimait causer avec lui : « Il était, disait-il, si spirituel ! » Mais le matin, l’atelier l’attendait et « la furie qui le ruait sur une toile vide, confusément, comme si jamais il n’avait peint… »

C’était là que le rejoignait Mallarmé, témoin de sa profonde ardeur, de cette passion pour un indéfinissable bien que sa main cherchait dans la fièvre sur la toile… Apparemment, un bavardage facile avait, chaque jour, la charge de le détendre.

Dans l’insignifiance de son entretien et de son aspect, cet homme, qui ouvrait la voie d’un nouveau monde, a dissimulé un tourment.

Il était de taille moyenne. « À la campagne comme à la ville, dit son ami d’enfance Antonin Proust, il était invariablement vêtu d’un veston ou d’une jaquette serrée à la taille, d’un pantalon de couleur claire, et il se coiffait d’un chapeau très élevé à bords plats ». « Barbe et blond cheveu rare, grisonnant avec esprit », dit Mallarmé. Et Zola : « … l’œil est vif et intelligent, la bouche mobile un peu railleuse par instants ; la face entière, irrégulière et expressive, a je ne sais quelle expression de finesse et d’énergie. » Mallarmé a ces mots, plus vivants, qu’il liait à ce sentiment de « déboire » qui rongeait son ami : « une ingénuité de chèvre-pied au pardessus mastic… » Un homme entre autres en somme, mais charmant, vulgaire… à peine.

« Il avait une allure rythmée, dit Proust de Manet très jeune, à laquelle le déhanchement de sa démarche imprimait un caractère de particulière élégance. Quelque effort qu’il fit en exagérant ce déhanchement et en affectant le parler traînant du gamin de Paris, il ne pouvait parvenir à être vulgaire… Peu d’hommes ont été aussi séduisants. »

Il maintint à peu près jusqu’à la fin cette élégance délurée.

Un chroniqueur, en 1881 (Manet, qui avait près de cinquante ans, était alors une « physionomie bien parisienne »), le représente : « La tête et le chapeau rejetés en arrière, regardant de haut, et plutôt du nez que des yeux ; la faïence de ceux-ci chauffée par une volonté indomptable, une bouche gouailleuse, sceptique, s’ouvrant à deux battants sur une barbe blonde taillée en éventail… Ganté de jaune, cravaté de frais, chaussé de fin, pantalonné de clair, une fleur étoilant… la boutonnière…, on le rencontre arpentant le Boulevard des Italiens, du pas pressé d’un homme courant à un rendez-vous de jolie femme, ou on le remarque installé, un cigare de prix aux lèvres, sur la terrasse du Café Riche ou de Tortoni, devant des breuvages dispendieux. »

À coup sûr, un homme élégant. Et il le savait. Toutefois cette allure assurée cachait une amertume rentrée. Peu d’hommes ont plus souffert de n’être pas reconnu, d’être l’objet, bien au contraire, d’un décri continuel… Baudelaire dut le morigéner pour sa faiblesse : « C’est vraiment bête, lui disait-il, ce que vous exigez… » Une lettre de Berthe Morisot le montre ravagé jusqu’à la fin par l’incompréhension du public. Il manquait de calme au point de rencontrer en duel un ami, le réaliste Duranty, romancier et critique, dont l’attitude, devenue réservée et tendue, un moment lui porta sur les nerfs.

Au Café Guerbois, le soir même où avaient paru quelques lignes, à vrai dire un peu froides, de Duranty dans Paris-Journal, Manet, en entrant, alla vers lui et le gifla : « Un seul engagement, rapporte le procès-verbal, a eu lieu, d’une violence telle que les deux épées ont été faussées. M. Duranty a été blessé au-dessous du sein droit, de façon légère, l’épée de son adversaire ayant glissé sur une côte… » Manet et Duranty se réconcilièrent : peu de mois plus tard, un article chaleureux de Duranty (dont j’ai plus haut tiré une phrase) souligna le sens d’une amitié que seul avait troublée l’énervement.

[…]

DECOUVRIR DANS LE LIVRE LES AUTRES CHAPITRES

TABLE
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MICHEL SURYA : MANET, L’IMMANENT (Préface) / 11

L’ÉLÉGANCE DE MANET/ 33
Portrait de Zacharie Astruc / 39
Portrait de Stéphane Mallarmé/ 40

UNE SUBVERSION IMPERSONNELLE/ 41

LA DESTRUCTION DU SUJET/ 51
Le Vieux musicien / 72
L’Exécution de l’empereur Maximilien/ 73

LE SCANDALE DE L’Olympia / 75
Olympia/ 74

LE SECRET/ 93
Le Déjeuner dans l’atelier/ 107
Le Saumon/ 108
Le Balcon, détail / 109
L’Enterrement / 110
Bal masqué à /’Opéra/ 111
Départ du vapeur de Folkestone / 112
En bateau/ 113
Le Grand Canal à Venise / 114

DU DOUTE À LA VALEUR SUPRÊME/ 115
L’Asperge / 138
Un coin du jardin de Bellevue/ 139

DATES ET CONCORDANCES/ 141


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Partie II -LASCAUX ou la naissance de l’art
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VOIR ICI.
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[1Francis Ponge : L’Atelier contemporain, Gallimard, 1977.

[21. Manet (c’est son court titre : pas de prénom ni de sous-titre), mais suivi de : « Études biographique et critique », coll. « Le goût de notre temps », achevé d’imprimer le 30 septembre 1955. Collection également dirigée par Albert Skira.

[32. Lascaux ou la naissance de l’art, coll. « Les grands siècles de la peinture », achevé d’imprimer le 30 avril 1955. Collection dirigée par Albert Skira.

[4Goya, bien sûr, convient mieux à son tempérament propre, auquel il fera une place considérable dans Les Larmes d’Éros, Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1961 ; sur Van Gogh, il avait écrit : « La mutilation sacrificielle et l’oreille coupée de Vincent Van Gogh », dans Documents, n° 8, deuxième année, 1930 ; et « Van Gogh Prométhée », dans Verve, 1ère année, n° 1, décembre 1937.

[5Querelles contre la dérive idéalisante du surréalisme selon lui par exemple, passe-d’armes violentes, ce qu’on retient. Mais réécritures aussi bien de pans entiers de l’art passé, très ancien même, et « écritures » créatrices de l’art populaire moderne (« l’art nègre », entre autres), dont on sera plus long à mesurer l’apport, l’importance.

[6En deux volumes, Les Beaux-Arts, Édition d’études et de documents, 1932.

[7Aucune correspondance entre Georges et Marie-Louise Bataille, nombreuses au demeurant et publiées pour beaucoup, ne permet d’attester que celle-ci ait pris quelque part que ce soit au livre de celui-là (Georges Bataille, Choix de lettres, établi par M. Surya, Paris, Gallimard, 1997)

[8Il est vrai, les pseudonymes sont une aide à l’écrivain, dont on voit peu les peintres faire usage, qui le pourraient pourtant. Cependant, la censure ne frappe pas différemment l’auteur sous son nom ou sous un pseudonyme.

[…]

Beaucoup sans doute sépare par ailleurs Bataille de Malraux, sinon tout. Il n’empêche, s’agissant de l’art, s’agissant précisément de ce qui s’est passé au milieu du XIXe siècle dans l’histoire de l’art, à quoi Manet a pris, bon gré mal gré", cette part considérable, ils ne sont pas loin de dire (presque) les mêmes choses (presque) en même temps. Il n’est pas rare que les analyses qui intéressent plus tard à peu près tout le monde se soient écrites ainsi dans un petit entre-soi rival, mais complice aussi, ou mimétique, qui n’intéressa à peu près personne sur le moment, qui intéresse tout le monde ou presque après, le moment venu de comprendre. Anecdotique, si l’on veut, autant qu’on veut, mais significative après-coup, cette lettre inédite de Bataille à Malraux, au sujet de son Manet justement, un an après sa sortie : « J’ai été d’autant plus touché de votre mot que je me suis senti étroitement proche de vous en lisant Les Voix du silence. / Albert Skira, particulièrement heureux de votre appréciation aimerait, si vous l’autorisez, utiliser une phrase pour la publicité. Je m’excuse de vous le demander, mais je ne pourrais guère me prétendre étranger aux préoccupations dont témoigne sa préoccupation. [[ Lettre inédite, du 18 janvier 1956. À laquelle Malraux répondra, la retournant à son auteur, mais ainsi aimablement complétée : « Je me réjouis de tout ce qui peut servir votre livre.

[9Le nom d’« Olympia » ne lui sera donné qu’après

[10Émile Zola, Édouard Manet, étude biographique et critique, accompagnée d’un portrait d’Édouard Manet par Bracquemond et d’une eau-forte d’Édouard Manet d’après Olympia. Paris, E. Dentu, 1867. Disponible dans et ici cité à partir de Émile Zola, Édouard Manet, suivi d’une étude biographique par Natalia Broskaïa, New York, Parkstone Press international, édition en langue française, 2011

[11Muet, mort (in-éloquent), l’admirable Torero mort, qui n’y atteint sans doute que parce qu’il constitue le reste, le vestige, d’un tableau qui, de l’avis même de Manet, lui aura paru trop… éloquent.

[12Qui cite ici, à titre d’exemples, Chez le père Lathuille ou La Serveuse de bocks.

[13Je rappelle qu’à défaut de sous-titre, la belle page précise : « Études biographique et critique ».

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