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Princesse Europe

D 28 mars 2024     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Princesse Europe

Réalisation : Camille Lotteau
France, 2019

Dans le sillage de Bernard-Henri Lévy, une "comédie politique" impressionniste sur le nationalisme qui mine l’unité européenne, mais aussi la vitalité de cette utopie en lambeaux.

Pendant la campagne des élections européennes de 2019, alors que le populisme enfle partout, Bernard-Henri Lévy entreprend, seul en scène, de "sauver l’Europe" en sillonnant le continent, de théâtre en théâtre, avec le monologue Looking for Europe, écrit et interprété par lui-même. De Lampedusa à Istanbul, de Valence à Kiev, Camille Lotteau, qui a travaillé avec lui sur de précédents films, suit l’infatigable bateleur dans une vingtaine de pays différents, où il défend une utopie jamais advenue : celle d’un continent uni et démocratique, désormais à nouveau rongée par "la peste du nationalisme". Habitué des plateaux télé comme des allées du pouvoir – il rencontre successivement le président ukrainien Petro Porochenko et son alors challenger Volodymyr Zelensky, le Premier ministre Viktor Orbán, Emmanuel Macron… –, BHL n’emporte pas toujours, loin s’en faut, l’adhésion du réalisateur, qui commente ses tribulations dans une voix off parfois amusée, voire caustique. Comme lorsque son personnage principal, avec son assurance et son accent français également imperturbables, compare en anglais le quartier athénien d’Exarchia à un "lost territory of the republic". Au fil du voyage, le film patchwork se colore d’éléments disparates : rencontres de hasard, réminiscences et réflexions, paysages, monuments, tranches de vie, doubles-fonds...

Logorrhée assumée

L’identité européenne existe-t-elle ? L’utopie a-t-elle déserté notre continent quand nous avons commencé de laisser périr à nos portes des dizaines de milliers de réfugiés ? Ou, comme le clame BHL de scène en scène, "il y a vingt-cinq ans, [à] Sarajevo, quand nous avons laissé mourir cette miniature de l’Europe" que fut la capitale de la Bosnie-Herzégovine ? En contrepoint de son héros en noir et blanc et de la logorrhée assumée du commentaire, se dessine peu à peu la robe bariolée d’une "Princesse Europe" à la fois bien vivante et mal en point, tissée de richesses mal réparties, de souvenirs de guerre et de promesses de lutte. Un migrant muet, la douceur lisboète, l’irruption de la Transcarpatie dans les sous-sols d’un bar ukrainien, un président estimant que "le populisme, c’est le peuple", un autre qui pleure son pays abandonné au libre-échange… Dans cette "comédie politique" qui sait souvent se moquer d’elle-même, l’urgence, pourtant, affleure, d’autant plus poignante que quatre ans ont passé depuis la sortie du film en salles, qui ont vu la guerre dévaster l’Ukraine et la régression démocratique s’accélérer encore.