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Isidore Ducasse : « Cette publication permanente n’a pas de prix. »

D 16 avril 2008     A par Albert Gauvin - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Article du 2 juin 2007. Dernière mise à jour le 12 mars 2010

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Billet de loterie reproduit dans L’Infini n°14 (printemps 1986, p. 84)...
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« Déjà en 1986, des plaisantins ont prétendu avoir retrouvé, dans les archives d’une famille béarnaise, la véritable photographie, jusqu’alors perdue, de Lautréamont. Ils l’ont fait paraître comme illustration pour les billets d’une tranche de la Loterie nationale, et ont pensé ainsi authentifier bien assez l’imposture. Les naïfs vont trouver discutable cet insolent hommage au poète ; ne discuteront donc pas l’insignifiante photographie, qui bien sûr n’aura elle-même été prouvée par rien. Tous ces exemples sont des applications « culturelles » d’une théorie de Goebbels qui établissait qu’un mensonge, incroyable au premier regard, va passer d’autant mieux que son extravagance paraîtra plus incompatible avec son parrainage par des autorités officielles respectables. »

Guy Debord, « Cette mauvaise réputation... », 1993 (folio, p. 90).

En 1997, Philippe Sollers s’entretient avec deux jeunes écrivains - François Meyronnis et Yannick Haenel - qui viennent de créer une nouvelle revue Ligne de risque. Le premier entretien porte sur Lautréamont [1]. Il sera publié dans le numéro 2-3 de la revue (mai-août 1997), aujourd’hui épuisé, puis repris dans Poker (p. 39 à 54) en 2005 avec dix autres entretiens.
Une rencontre avec deux écrivains que Sollers présente désormais comme "le futur lui-même" commence donc par l’évocation de Lautréamont. Ce n’est pas un hasard. Dans cet entretien, Sollers revient sur l’importance que Lautréamont a très tôt revêtu pour lui (à quinze ans, dit-il) comme pour certains écrivains de Tel Quel, notamment Marcelin Pleynet, mais aussi, avant eux, pour les surréalistes (Breton, souligne Sollers, "recopie de sa main le seul exemplaire restant des Poésies que l’on trouve à la Bibliothèque Nationale et c’est encore lui, avec Aragon, qui édite ces fameuses quarante pages en 1919."), ou encore Francis Ponge et Guy Debord.

Question centrale : le dispositif Maldoror/Poésies. Car il faut lire l’un et l’autre, en même temps et ensemble [2]. « Quiconque ne connaît qu’un des deux en renonçant à l’autre, se prive de la totalité des secours qui nous sont donnés pour nous conduire. »


 Une publication permanente 

Les dates comme toujours ont ici leur importance. Rappelons-en quelques unes sans prétendre, loin s’en faut, à l’exhaustivité [3] :
1868 (août)  : Publication chez Balitout, Questroy et Cie du Chant I de Maldoror [4].
— 1869 : Publication dans " Parfums de l’âme " à Bordeaux du Chant I. Publication chez Albert Lacroix des six Chants de Maldoror, de Lautréamont.
1870 (avril) : Publication chez Balitout, Questroy et Cie des Poésies de Ducasse.
— 1870 (24 novembre) : mort de Lautréamont-Ducasse à l’Hôtel du 7, faubourg Montmartre. Il a vingt quatre ans.
— 1885 : Publication dans La Jeune Belgique d’extraits des Chants.
— 1890 : troisième et dernière édition des Chants de Maldoror.
— 1905 : Gide découvre le Chant VI de Maldoror et le fait connaître dès le lendemain à Jacques Copeau.
— 1914 : publication d’une étude de Valéry Larbaud (futur traducteur de l’Ulysse de Joyce) intitulée "Les Poésies d’Isidore Ducasse" dans La Phalange. Aragon écrira en 1967 dans Lautréamont et nous :

" J’ai dit qu’André Breton et moi avions connu l’existence des Poésies, et leur nature, par l’article de Valéry Larbaud dans La Phalange. "

— 1917 : Aragon et Breton achètent tous les numéros de Vers et Prose où figure le premier chant de Maldoror et l’envoie à leurs amis. Le 28 juin, jour dont il fait celui de sa naissance, Philippe Soupault déniche, dans une librairie de Paris, un exemplaire des Chants de Maldoror (" Isidore Ducasse. Ces quelques syllabes suffisent à me réconcilier pendant une heure avec moi-même ").
1919 : Publication des Poésies par Breton et Aragon dans Littérature n°2 et 3.
— 1939 : Bachelard : Lautréamont.
— 1943 : Aimé Cézaire, Isidore Ducasse Comte de Lautréamont, dans Tropiques, n°6-7. Le sous-titre est : La poésie de Lautréamont belle comme un décret d’expropriation. On lit :

" Il comprit le premier la bouleversante-démiurgique valeur de l’humour. Grâce à d’inouïs retournements de la logique, il créa des paysages inassumables, magnétisant les sordidités les plus compactes, apprivoisant l’horrible, rendant au pain son goût de soufre, au vin sa nature de jaspe, au pain et au vin, leur nature de miracle.
Ce Flamel littéraire résolut le délicat problème de la transmutation des métaux
. " (je souligne)

— 1946 : Publication de Lautréamont de Philippe Soupault chez Seghers.
Francis Ponge : Lautréamont n’a pas cent ans.
Antonin Artaud : Lettre sur Lautréamont.
Bachelard : Lautréamont, poète des muscles et du cri (Cahiers du Sud n°275).
Roger Caillois : Préface aux " Oeuvres Complètes " de Lautréamont (José Corti).
— 1947 : Julien Gracq : Lautréamont toujours (La Jeune Parque).
— 1949 : Publication de Lautréamont et Sade de Maurice Blanchot aux Editions de Minuit.
— 1950 : Maurice Blanchot : Lautréamont ou l’espérance d’une tête (Préface aux " Oeuvres Complètes " de Lautréamont, Club français du livre).
— 1951 : Albert Camus publie L’homme révolté. Réservé sur l’oeuvre de Lautréamont, il est violemment critiqué par André Breton dans Arts du 12 octobre 1951 (Sucre jaune [5]), puis, à nouveau le 16 novembre. En décembre, Georges Bataille écrit un long article - Le temps de la révolte - dans Critique (n°55) où, critiquant Breton ("qui n’a pas le ton qui convient"), il défend en quelque sorte Camus contre Breton et le surréalisme contre Camus. S’agissant de Lautréamont, il écrit :

" la dialectique de Camus, tirée de l’opposition des Poésies aux Chants de Maldoror, expose (sans l’épuiser) un mouvement de l’esprit de Lautréamont qui touche à l’essentiel de la révolte. La "révolte poétique" - qui appelle l’outrance, la "méchanceté théorique" et toutes sortes de dérèglements - est rejetée vers la banalité : il me semble que l’expérience de la poésie, dans la mesure où l’excès de la révolte la porte à l’extrême degré de la négation, devrait confirmer l’identité, en ce point, de Maldoror et des Poésies : d’un parfait dérèglement et de l’observance scrupuleuse (il est vrai dérisoire, il est vrai ambiguë) de la règle. " (O.C. Tome XII, p. 152).

— 1953 : Publication chez José Corti des Oeuvres complètes du Comte de Lautréamont - Isisdore Ducasse, avec les préfaces de L. Genonceaux, R. de Gourmont, Ed. Jaloux, A. Breton, Ph. Soupault, J. Gracq, R. Caillois et M. Blanchot.
— 1955 : Ponge, Pour un Malherbe :

" Il faut travailler à partir de la découverte faite par Rimbaud et Lautréamont (de la nécessité d’une nouvelle rhétorique).
Et non à partir de la question que pose la première partie de leurs oeuvres.
Jusqu’à présent on n’a travaillé qu’à partir de la question (ou plutôt à reposer plus faiblement la question). "

— 1956 : Guy Debord et Gil J Wolman : Mode d’emploi du détournement :

" Un mot d’ordre comme " le Plagiat est nécessaire, le progrès l’implique " est encore aussi mal compris, et pour les mêmes raisons, que la phrase fameuse sur la poésie qui " doit être faite par tous ".
L’oeuvre de Lautréamont - que son apparition extrêmement prématurée fait encore échapper en grande partie à une critique exacte - mis à part, les tendances au détournement que peut reconnaître une étude de l’expression contemporaine sont pour la plupart inconscientes ou occasionnelles ; et, plus que dans la production esthétique finissante, c’est dans l’industrie publicitaire qu’il faudra en chercher les plus beaux exemples." (Les Lèvres nues, n°8)

Raoul Vaneigem publie Isidore Ducasse et le Comte de Lautréamont dans les Poésies.
— 1957 : Bataille publie La littérature et le mal. A la fin de son Avant-propos, une note étrange et pourtant claire :

" Il manque à cet ensemble une étude sur Les Chants de Maldoror. Mais elle allait si bien de soi qu’à la rigueur elle est superflue. A peine est-il utile de dire des Poésies qu’elles répondent à ma position. Les Poésies de Lautréamont, n’est-ce pas la littérature "plaidant coupable" ? Elles surprennent, mais si elles sont intelligibles, n’est-ce pas de mon point de vue ? "

*


1966 : Publication dans le numéro 26 de Tel Quel des Chants de Maldoror et de Lautréamont par Marcelin Pleynet, première version d’un chapitre de Lautréamont par lui-même [6].

1967 : Guy Debord publie La Société du spectacle chez Buchet Chastel. La thèse 207 plagie à la virgule près quatre lignes des Poésies II :

" Les idées s’améliorent. Le sens des mots y participe. Le plagiat est nécessaire. Le progrès l’implique. Il serre de près la phrase d’un auteur, se sert de ses expressions, efface une idée fausse, la remplace par l’idée juste. "

Marcelin Pleynet publie Lautréamont par lui-même [7], livre qui fait aussitôt évènement [8] au point qu’Aragon, qui se souvient alors de sa jeunesse, consacre, à cette occasion, deux très longs articles à Lautréamont et nous dans l’hebdomadaire qu’il dirige, Les lettres françaises (juin 1967) [9].
En mai, Julia Kristeva, Pour une sémiologie des paragrammes, Tel Quel 29 (notamment : Le modèle tabulaire du paragramme, p. 61-67).
En octobre, Sollers publie un long texte dans la revue Critique (n°245) : La science de Lautréamont, qui sera repris en avril 1968 dans Logiques [10]. D’entrée de jeu, le ton est donné.
Si Breton est salué, c’est aussitôt pour constater que,

" pour le surréalisme, Lautréamont reste un prétexte à inflation verbale, une référence d’autant plus insistante qu’elle est moins interrogée, une ombre expressive, un mythe, sous le couvert duquel se perpétue un confusionnisme lyrique, moral et psychologique [...]"

si l’essai de Blanchot - Lautréamont et Sade - semble "faire exception", Sollers en montre les limites "essentialistes" et écrit :

" la lecture de Blanchot reste prise dans la pseudo-contradiction Maldoror/Poésies, c’est-à-dire que si elle se montre capable d’aborder la figuration des Chants, elle ne franchit pas définitivement leur dispositif représentatif [...]. Des Poésies, Blanchot accepte donc l’interprétation courante, celle du "reniement" comparé par lui à celui de Rimbaud [...]. De toute évidence, Blanchot comme tous les lecteurs, pourtant fascinés, de Lautréamont, ne sait trop que faire des Poésies. " [11]

Et Sollers d’ajouter - et là est l’essentiel - :

" Lautréamont (il faudrait dire plutôt, de façon systématique, Ducasse, pour souligner la raison qui oblige notre bibliothèque à enregistrer un phénomène du côté de la fiction), la réalité physique dont ce nom fait partie, reste, de toutes façons, incomparable. "

ou surtout :

" rien ne peut être pensé de l’ensemble Chants/Poésies, si l’on ne souligne pas ce passage du pseudonyme au nom, du nom au figuré au nom propre, leur effacement réciproque qui renvoie à l’articulation d’une fiction et de la pensée de cette fiction. "

— En 1968, Julien Gracq parle de Lautréamont à la radio (un témoignage peu connu) :

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— En 1970, Louis Aragon insistait sur l’influence majeure de son œuvre.

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1971 : La lutte idéologique est intense [12]. La découverte et la lecture de Lautréamont par les surréalistes, les positions d’Aragon (en 1919 et en 1967) sont un des aspects de cette lutte. Dans une communication polémique faite le 13 janvier 1971, à l’occasion d’une réunion du Groupe d’Etudes Théoriques de Tel Quel - Lautréamont politique -, Marcelin Pleynet revient à nouveau sur cette histoire, ancienne et toujours actuelle, en regrettant d’être tombé dans le piège "formaliste", "le "défaut" d’inscription historique" de son essai de 1967. Il rappelle que, dès les années vingt, Artaud et Bataille reprochaient aux surréalistes de transformer Ducasse en un objet de "fétichisme religieux" (Bataille : " Je puis trouver que les cafards fassent d’un homme tel que Ducasse une abominable idole poético-religieuse "). Le texte de Pleynet sera publié dans Tel Quel 45 (printemps 1971) [13], puis repris partiellement, en 1977, - sans la partie politico-polémique -, dans Art et littérature sous le titre Lautréamont et Lucrèce.
— Puis ce sera, toujours en 1971, Encore Lautréamont, un premier entretien de Sollers avec Frans De Haes (Tel Quel 46, été 1971).
— 1972 : Jacques Derrida, Hors livre (dans La dissémination, Seuil, coll. Tel Quel [14], p. 43-51) :

"Propageant les poisons, reconstruisant les carrés, analysant les pierres, traversant les colonnes et les grilles, fourches et claies des Chants de Maldoror, la dissémination déplace aussi toute une onto-spéléologie, autre nom de la mimétologie : non pas la mimesis, énigme d’une puissance redoutable, mais une interprétation de la mimesis qui méconnaît la logique du double et de tout ce qui fut intittulé ailleurs supplément d’origine, répétition indérivable, duplicité sans veille, etc. (p. 6-48)."

Lois. Sollers y réécrit-parodie Poésies II (p.78-79 notamment) :

"Le mâle est en élohim.", "Les religions colmatent le doute, le doute colmate les religions.", "La poésie doit être faite par un qui soit tous.", "Jamais l’eau de la mer n’a rencontré une tache de sang intellectuelle.", "L’homme n’a jamais été un roseau pensant."

Et c’est "signé" :

"Il s’y dore. Conte, chante ça, horreur, mâle, dehors !
L’autre est en amont si je suis en aval."
, etc, etc.

1974 : Publication de La révolution du langage poétique de Julia Kristeva (coll. Tel Quel). Le livre s’appuie essentiellement sur Lautréamont et Mallarmé pour développer son analyse matérialiste et dialectique de "sujets en procès" à travers les pratiques signifiantes
 [15].
— 1975 : Alain Jouffroy : Le détournement des funérailles de Michel Lepeletier de Saint-Fargeau dans Les Chants de Maldoror (in De l’individualisme révolutionnaire).
1979 : L’Auguste Comte, second entretien de Ph. Sollers avec Frans De Haes (Tel Quel 79) [16]. Cet entretien est particulièrement intéressant en ce qu’il revient sur la fameuse " publication permanente [qui] n’a pas de prix " de Ducasse, mode de publication qu’a repris Sollers depuis 1974 pour son roman Paradis. Nous en reprenons les principaux passages concernant Lautréamont/Ducasse plus bas (cf. "Nom, prénom, pseudonyme, signature").
— 1987 : Jean-Marie Le Clézio : Sur Lautréamont (Bruxelles, Ed. Complexe).
— 1988 : Marc-Edouard Nabe, La littérature de Lautréamont (L’Infini n° 23).
1989 : Un classique inconnu : Isidore Ducasse : Sollers revient sur Ducasse à l’occasion de la réédition des Poésies. Le texte sera repris en 1994 dans La guerre du goût. Voir ci-dessous.
— 1990 : Marcelin Pleynet. La règle du jeu (L’infini n° 30). On y lit :

" La poésie comme la pensée doit être intempestive. "
" Lautréamont n’a jamais été un poète contemporain. "
" Il faut que le fini cède à l’infini. "
" Les matérialistes conséquents sont des hommes d’énergie. "

Le texte est suivi d’une Bibliographie sur Lautréamont. Outre les essais de Pleynet lui-même, Sollers et Kristeva que nous avons déjà cités, on peut noter qu’est cité aussi Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle et Panégyrique, 1988, 1989.
Les dates sont à chaque fois précédées du lieu de publication : Paris.
— 1991 : Publication du texte de Césaire de 1943, Isidore Ducasse Comte de Lautréamont (voir plus haut) dans L’Infini n° 34 (été 91).

1992 : Émission "Une vie, une œuvre", diffusée le 30 avril sur France Culture.
Sur les traces d’Isidore Ducasse. Avec, entre autres Jean-Jacques Lefrère, créateur des « Cahiers de Lautréamont ».

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1997 : L’Infini n°60. Pleynet publie un extrait de son Journal (le titre en est alors Tel Quel et pas encore Situation). Un passage est consacré à Aragon et Lautréamont. Pleynet revient sur le Lautréamont et nous qu’Aragon avait publié en 1967 (et qui sortit en 1992 aux éditions Sables) et note qu’Aragon

" aura recours pour expliquer son passage de La défense de l’infini aux Cloches de Bâle, à ce qu’il considère comme le retournement lautréamontien, passant de la "célébration du mal" dans les Chants de Malodor à la "célébration du bien" dans les Poésies. Laissant ainsi supposer (sous cette rubrique fallacieuse du bien et du mal) qu’en littérature seul le "mentir vrai" importe, autrement dit qu’on ne saurait réellement avoir accès à l’essence de la vérité. "

Pleynet ajoute :

" c’est fondamentalement Les chants de Maldoror et les Poésies que renie la décision prise à Kharkov en novembre 1930 ", c’est-à-dire l’engagement d’Aragon "dans la police stalinienne" [sic] [17].

1998 : Jean-Jacques Lefrère, Isidore Ducasse, Fayard.

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— avril 2003 : François Meyronnis, Un hibou sérieux jusqu’à l’éternité (dans L’Axe du Néant, coll. L’Infini, p. 315-346).

— janvier 2009 : Sollers, dans Les Voyageurs du Temps, revient à nouveau, longuement, sur Lautréamont et les Poésies (notamment p. 64 et sqq) et réaffirme le rôle de Breton et d’Aragon :

" Il faut attendre 1919, et les jeunes allumés Breton et Aragon, pour que les deux petits volumes complètement oubliés de Poésies soient exhumés à la Bibliothèque nationale. Ils n’ont toujours pas été compris et appliqués en profondeur, et sont, de toute façon, invendables. "

— février 2009, Yannick Haenel, Lautréamont en avant, La NRF, n°588.

— 24 septembre 2009 : Edition des Oeuvres Complètes de Lautréamont par Jean-Luc Steinmetz en Pléiade.
— Cécile Guilbert, L’insurrection Lautréamont, Le Monde.

— 1er octobre 2009, Philippe Sollers, Fou de Lautréamont, Le Nouvel Observateur.

— 15 octobre 2009 : Lautréamont et ses lecteurs, conférence au musée d’Orsay avec JL. Steinmetz et Philippe Sollers.

— janvier 2010 : M. Pleynet, Lautréamont touché par la grâce, L’infini n° 109 [18]

— mars 2010 : Ph. Sollers, Lautréamont au laser, Ligne de risque n° 25 :

« Ce qui est en jeu, c’est le lecteur lui-même. Y en a-t-il un ? Plût au ciel, comme dit l’autre. Vivants, je n’en connais que quatre ou cinq, pas plus. Je veux dire nous compris. Cela ne fait pas foule. Y en aura-t-il d’autres dans le futur ? C’est probable. "Plût au ciel que le lecteur" — le lecteur : cette possibilité majeure n’est acquise qu’en 1967.
Voici les principaux moments où Lautréamont est lu : 1917, Aragon-Breton ; années cinquante, Blanchot ; 1967, Pleynet-Sollers ; 1997, Meyronnis-Haenel ; 2009, de nouveau Meyronnis, Haenel, Pleynet, Sollers. »

— juin 2011 : « Lautréamont révolutionnaire » (dossier de la revue Transfuge). Avec notamment :
Ph. Sollers, Lautréamont nous fait une révélation : Dieu est homosexuel
Ph. Vilain, Le chant d’un révolté
F. Meyronnis, Les chants sont une machine de guerre contre l’humanisme
Y. Haenel, Le savoir de Lautréamont

— juin 2013 : Réédition, 46 ans après, du Lautréamont par lui-même de Marcelin Pleynet (Gallimard, tel).

« Dans la nouvelle science, chaque chose vient à son tour, telle est son excellence. »

(A suivre)

*

Un classique inconnu : Isidore Ducasse

Quelle bonne idée d’avoir réédité les Poésies d’Isidore Ducasse comme elles doivent l’être, c’est-à-dire sous son nom , et non pas en éternel appendice rectificatif de Lautréamont et des Chants de Maldoror ! Quelle bonne et vicieuse idée, et quelle démonstration que cela n’intéresse pratiquement personne ! Vous connaissez l’un des plus grands penseurs et écrivains français, Isidore Ducasse ? Qui ? Pardon ?

On peut considérer comme prouvé que ce livre de logique pure est secrètement fait pour six ou sept (maximum) individus par siècle : " Le théorème est railleur de sa nature, il n’est pas indécent. " A qui vais-je conseiller, donc, ce petit recueil sacré, tranquille, violent, sec, ample, drôle, imperturbable, sifflant, compact, tournoyant, ramassé, lumineux, noir, tellement évident qu’il parait incompréhensible ? A peine a-t-on décidé d’en parler que la phrase se refuse à continuer. Je m’aperçois que je le connais par coeur, qu’il fonctionne en moi ou plutôt moi en lui, comme la rhétorique elle-même, principe de relativité généralisée.

Moi aussi, chaque jour, même s’il n’y parait pas, je remplace la mélancolie par le courage, le doute par la certitude, le désespoir par l’espoir, la méchanceté par le bien, les plaintes par le devoir, le scepticisme par la foi, les sophismes par la froideur du calme et l’orgueil par la modestie. Sans cesse, je repousse loin de moi la poésie moite des langueurs qui s’étale partout, pareille à de la pourriture.

N’ai-je pas déjà répété dix mille fois, en vain, que le goût est la qualité fondamentale qui résume toutes les autres ; qu’il est le nec plus ultra de l’intelligence ? Le grand malentendu vient du fait que, si je suis malheureux, je ne le dis pas au lecteur, je garde cela pour moi. C’est mon droit, même s’il irrite, de préférer proclamer le beau sur une lyre d’or. Mais qui s’en aperçoit ? Qui me rend justice ? Qui a reconnu que, dans mon cas, le génie garantissait les facultés du coeur ?

Je viens de faire ce que Ducasse recommande : le plagier à la première personne, dans l’acte volontaire du discours. Tout romantisme épuisé, toute approximation névrotique morte, il parle ainsi dans la mesure où il a sondé (comme Nietzsche, avec lequel il rime souvent) l’immense maladie du ressentiment et sa poétisation illusoire, la vanité des spéculations psychologiques, le bavardage métaphysique ou pseudo-historique incessant.

C’est un spécialiste du démoniaque en tout genre passé à l’ennemi, au Bien qui ne peut être touché par le Mal ; un traitre et un docteur abrupt qui opère la raison de son désir inavoué d’être vaincue par le délire. Renversement, détournement, retournement, développement : n’importe quelle proposition peut être englobée dans un raisonnement bref, plus profond et plus efficace.

Imaginez la mémoire humaine la plus chargée à votre disposition (la Bible, la Sagesse des Nations) : vous choisissez, vous rectifiez, vous confirmez, vous niez, vous poursuivez, vous sautez. On a fait l’étude des auteurs utilisés par Ducasse, le principal est Pascal, les Poésies sont construites en fonction des Pensées. La découverte est simple, elle équivaut à se munir d’un ordinateur. On prend le maximum de condensation déjà organisée, on ajoute des boucles au circuit. Exemple : " Si la morale de Cléopâtre eût été moins courte, la face du monde aurait changé. Son nez n’en serait pas devenu plus long. " Ou encore : " L’univers ne sait rien : c’est tout au plus un roseau pensant. "

L’exercice est du plus grand sérieux parce qu’il élimine, justement, l’esprit de sérieux. On prend la loi et l’autorité pour ce qu’elles sont, dans tous les domaines, on les élève à la puissance que leur donne la négation dont elles sont l’objet. Au fond, l’esprit de sérieux est partagé par le maître comme par l’esclave, ils se nourrissent du même respect pour la douleur, le malheur, et leur exploitation dans des sens opposés. La loi énonce et dénonce, la contestation revendique, elles sont d’accord, perversement, sur le même faux Bien. D’où le procès naïf fait souvent à Ducasse d’être " réactionnaire " (le même préjugé viscéral considérera Sade ou Nietzsche comme " nazis ").

Est-ce un redoutable dictateur, un Hitler, un Staline, qui écrit : " En son nom personnel, malgré elle, il le faut, je viens renier, avec une volonté indomptable et une ténacité de fer, le passé hideux de l’humanité pleurarde " ? Ou bien quelqu’un qui nous apprend,  au contraire , sans que nous voulions l’entendre, à faire l’économie sarcastique de la mécanique objective de la répression ?

Est-ce un policier paranoïaque qui s’exprime dans cette énumération hilarante de ce qu’il va combattre : " ce qui est somnambule, louche, visqueux, phoque parlant, équivoque, poitrinaire, spasmodique, aphrodisiaque, anémique, borgne, hermaphrodite, bâtard, albinos, pédéraste, phénomène d’aquarium et femme à barbe " ? Ou bien,  au contraire , un esprit réveillé qui dérègle et déconsidère à la fois le pouvoir et son adversaire apparent voulant se mettre à la place de ce pouvoir ? Est-ce un rationaliste fanatique qui attaque méchamment la sensiblerie rousseauiste, ou bien un subtil chirurgien libérant la force refoulée de l’énergie poétique en montrant la symétrie entre raison étroite et sentimentalisme nigaud ?

Voilà, semble-t-il dire, le malentendu définitif, le péché de lecture au premier degré, qui engendreront sans fin la glu religieuse (" les religions sont le produit du doute "). Ses maximes à la gloire de la grandeur de l’homme et de son immortalité en progrès peuvent paraitre un comble de dérision, et pourtant une béatitude parfaite les habite. Mais qui veut désormais la béatitude ? Seul l’imbécile est heureux, nous souffle le malaise de la rage idiote : envie, puissance, jalousie. Faut-il s’étonner alors que Spinoza figure en premier dans la liste que Ducasse fait, avec révérence, des philosophes ? " Dieu s’aime lui-même d’un amour intellectuel infini. " Allez donc prêcher cet évangile, de nouveau, par les temps qui courent ! Indifférence totale garantie.

Oui, décidément, l’hiver de l’avenir sera rude, mais pour les quelques amateurs de présent intégral, je peux rappeler, à tout hasard, les lectures qu’ils doivent conserver en poche : L’Ethique de Spinoza ; les Maximes de La Rochefoucauld (" La faiblesse est plus opposée à la vertu que le vice. ") ; Le Gai Savoir de Nietzsche ; et enfin les Poésies d’Isidore Ducasse, ce jeune homme de vingt-quatre ans mort parfaitement inconnu, en 1870, pendant la Commune de Paris ; découvert en 1920 par les surréalistes ; et, depuis, malgré quelques avertissements pour la forme, reparti, semble-t-il, dans l’oubli.

Philippe Sollers (Article paru dans Le Monde des livres du 25.08.89)

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Lettre d’Isidore Ducasse du 12 mars 1870 (reproduite dans le livre de Pleynet)

La lettre complète : " Lettre à Monsieur DARASSE

Paris, 12 mars 1870.

Monsieur,
Laissez-moi reprendre d’un peu haut. J’ai fait publier un ouvrage de poésies chez M. Lacroix (B. Montmartre, 15). Mais une fois qu’il fut imprimé, il a refusé de le faire paraître, parce que la vie y était peinte sous des couleurs trop amères, et qu’il craignait le procureur général. C’était quelque chose dans le genre de Manfred de Byron et du Konrad de Mickiewicz, mais, cependant, bien plus terrible. L’édition avait coûté 1200 f., dont j’avais déjà fourni 400 f. Mais, le tout est tombé dans l’eau. Cela me fit ouvrir les yeux. Je me disais que puisque la poésie du doute (des volumes d’aujourd’hui il ne restera pas 150 pages) en arrive ainsi à un tel point de désespoir morne, et de méchanceté théorique, par conséquent, c’est qu’elle est radicalement fausse ; et par cette raison qu’on y discute les principes, et qu’il ne faut pas les discuter : c’est plus qu’injuste. Les gémissements poétiques de ce siècle ne sont que des sophismes hideux. Chanter l’ennui, les douleurs, les tristesses, les mélancolies, la mort, l’ombre, le sombre, etc., c’est ne vouloir, à toute force, regarder que le puéril revers des choses. Lamartine, Hugo, Musset se sont métamorphosés volontairement en femmelettes. Ce sont les Grandes-Têtes-Molles de notre époque. Toujours pleurnicher ! Voilà pourquoi j’ai complètement changé de méthode, pour ne chanter exclusivement que l’espoir, l’espérance, LE CALME, le bonheur, LE DEVOIR. Et c’est ainsi que je renoue avec les Corneille et les Racine la chaîne du bon sens et du sang-froid, brusquement interrompue depuis les poseurs Voltaire et Jean-Jacques Rousseau. Mon volume ne sera terminé que dans 4 ou 5 mois. Mais, en attendant, je voudrais envoyer à mon père la préface, qui contiendra 60 pages, chez Al. Lemerre. C’est ainsi qu’il verra que je travaille, et qu’il m’enverra la somme totale du volume à imprimer plus tard.
Je viens, Monsieur, vous demander si mon père vous a dit que vous me délivrassiez de l’argent, en dehors de la pension, depuis les mois de novembre et de décembre. Et, en ce cas, il m’aurait fallu 200 fr., pour l’impression de la préface, que je pourrais envoyer, ainsi, le 22, à Montevideo. S’il n’avait rien dit, auriez-vous la bonté de me l’écrire ?
J’ai l’honneur de vous saluer.

I. Ducasse,
15, rue Vivienne.

Bibliothèque Jacques Doucet.

*


Voir en ligne : Site Lautréamont/Ducasse.


Nom, prénom, pseudonyme, signature : L’Auguste Comte, extraits

" Pour en revenir à Lautréamont, il a en effet inauguré un geste très bizarre, de bien des points de vue à la fois, avec ses Poésies qu’il s’était résigné à appeler "publication permanente" dont il aurait été le seul... non seulement écrivain, mais éditeur, distributeur... " Cette publication permanente n’a pas de prix "... Il est probable qu’avant de mourir de cet acte - et probablement de nul autre -, Ducasse s’aperçoit très bien de l’extraordinaire falsification de la circulation des discours, des textes imprimés, de la façon dont ils sont disposés, socialement et historiquement - il s’aperçoit qu’il y a là comme une sorte de théatre très bizarre, c’est-à-dire qu’évidemment les auteurs sont assignés à des tombeaux, autrement dit à des livres, à des oeuvres, et que cette circulation passe par un enjeu de pouvoir qui est découpé et qui est distribué selon des stratégies qui ne sont pas du tout innocentes ; il essaie donc de renverser cela au terme probablement d’une crise très profonde telle que la lucidité occidentale, quand elle écrit, n’en a pas connu de plus grande, puisque rien ne nous permet de penser qu’il ait été fou, bien au contraire, n’est-ce pas. La procédure qui consiste pour lui, dans les Poésies, à réintégrer tous les noms non pas de l’histoire, mais de la formulation en discours de cette histoire, pour les co-signer et les re-signer, est une opération particulièrement insolite qui est du même ordre que celle d’instaurer une publication permanente qui n’aurait pas de  prix , opération qui est particulièrement exorbitante de plusieurs points de vue ; c’est le moment où celui que nous continuons à appeler, de façon stupidement et scolairement Lautréamont reprend son nom d’Isidore Ducasse pour faire cette opération. Il abandonne le pseudonyme qu’il s’était donné pour retrouver son nom qui donc n’allait pas de soi (alors que pour la plupart des gens il semblerait que leur nom aille de soi). Lautréamont, c’est quelqu’un qui a besoin de passer par une opération pseudonymique particulièrement complexe pour re-trouver son nom et quand il signe les Poésies (publication permanente qui n’aurait pas de  prix ) qu’il interrompt très vite par la mort, comme une signature de l’époque, il reprend son nom. Ce nom c’est Isidore Ducasse.

J’ai eu la curiosité — je ne sais pas si vous avez fait attention à ça, je ne sais même pas si je l’ai écrit — j’ai eu la curiosité de me poser la question de savoir un petit peu ce qui se passait autour de cette question du nom d’Isidore Ducasse. L’histoire du pseudonyme est bien connue : Lautréamont - Latréaumont — Eugène Sue — [19] etc.
Mais il ne semble pas qu’on se soit posé la question de ce qui pouvait faire noeud pour Ducasse, fils de François Ducasse, autour de son prénom d’Isidore. Il se trouve qu’un matin en me réveillant, tout à fait par hasard, j’ai eu l’idée de regarder quels étaient les prénoms d’Auguste Comte. Vous savez que François Ducasse, père d’Isidore, était un fervent admirateur d’Auguste Comte ; il faisait des conférences sur le comtisme en Amérique latine, il s’intéressait beaucoup à ça. Le comtisme et toute la philosophie positiviste imprègne d’ailleurs la question des Poésies d’une façon sous-jacente mais très subvertie et... je trouve qu’Auguste Comte ne s’appelait pas seulement Auguste Comte. Son premier prénom qu’il a laissé tomber dans la publication de ses livres ensuite, c’était ISIDORE. On a donc, écrit sur la page, si on se soucie du dictionnaire : ISIDORE AUGUSTE COMTE [20]. Vous voyez tout de suite qu’on peut mettre une virgule après Isidore et qu’Isidore devient un auguste comte ; pourquoi pas un auguste comte de Lautréamont ? Ce qui ensuite... lorsqu’on va pouvoir dans l’opération d’écriture qui est en même temps une opération de pensée, de subversion philosophique des principes mêmes du rationalisme et de sa religion, lorsqu’on va... quand on est Lautréamont... se persuader qu’on a enfin traversé toute cette mythologie paternelle, laïcisée, on va pouvoir traverser l’auguste comte et retrouver Isidore et Ducasse ; le nom n’a plus aucune importance parce que du même coup il revient à écrire que tous les noms qui ont été écrit se sont quelque part trompés sur une opération de renversement, de retournement et de critique interne de ce qu’ils auraient écrits ; et que ce soit Pascal, Vauvenargues, La Rochefoucauld, finalement la loi qui est découverte est extensible à l’infini... — Isidore Ducasse, qui n’a pas plus d’importance alors que l’un des noms que vous trouvez dans le Bottin, peut à ce moment-là affirmer en toute connaissance, c’est-à-dire en toute logique de l’écriture qu’il met en place, que tous les noms qui ont dit quelque chose, en effet, c’est lui... "

Philippe Sollers, Tel Quel 79, printemps 1979, p. 41-43 (repris dans Théorie des exceptions, Folio 28, 1986).

*


Les Chants de Maldoror (Chant 1er) sur  Littérature audio.com et, ci-dessous :

Philippe Léotard lit le Chant IV


[1François Meyronnis parle également de Lautréamont sur parolesdesjours : Jouissance infinie du langage

[2A la chinoise : « D’une main et de l’autre main. La micro-séquence "contradiction" est ainsi la scène d’un concept vide, clivé, où deux comprend un qui se divise en deux : en même temps et ensemble l’un et l’autre en tant que l’un sans l’autre . » écrit Sollers dans Sur la contradiction.

[3Sources, entre autres : Marcelin Pleynet, Lautréamont politique, 1971.

[4

[5Désormais réédité dans les Oeuvres complètes de Lautréamont, Pléiade, p. 508. A.G. : note du 8 octobre 2009.

[6Pages 107-146 du livre publié dans la collection "Ecrivains de toujours".

[7

Sur la couverture : l’agrandissement du cachet aux initiales d’Isidore Ducasse.

[8Voir Philippe Forest, Histoire de Tel Quel, p. 289.

[9Articles au demeurant passionnants quand on les relit, quarante ans après, jour pour jour, loin des polémiques de l’époque (qu’il n’est pourtant pas question d’oblitérer)

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Aragon. "Lautréamont et nous"
Les Lettres françaises, 8-14 juin 1967



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Aragon. "Lautréamont et nous" (extrait)
Archives A.G.

[10

[11Dans la bibliographie de son Lautréamont par lui-même, M. Pleynet ne cite que deux livres :
" Lautréamont et Sade de Maurice Blanchot, éditions de Minuit. (La plus importante étude critique des Chants de Maldoror, l’un des plus admirables livres de Maurice Blanchot.)
Lautréamont de Gaston Bachelard, José Corti. (Toutes les naïvetés de la critique bachelardienne, et parfois toute sa finesse.) "

[12Tel Quel s’apprête à rompre avec le PCF. Ce sera le Mouvement de juin 1971.

[13Le numéro de la revue s’ouvre sur la lecture par Sollers du texte de Mao De la contradiction, lu un peu plus d’an auparavant au Groupe d’Etudes Théoriques de Tel Quel et publié sous le titre Sur la contradiction.

[14Toute la dernière partie du livre est consacrée à une longue analyse du roman de Sollers Nombres (avril 1968) dont le titre — La dissémination — donne le titre du volume en son entier.

[15 La révolution du langage poétique. Il est plus spécialement question de Lautréamont dans :
Les Chant de Maldoror et les Poésies. Rire — cette pratique. (p. 189-196)
Le dédoublement de l’instance subjective : Les Chant de Maldoror. (p. 319-323)
Les Poésies dans leur contexte. Fonction métalinguistique. (p.341-343)
Maldoror contre le Tout-puissant : le chant contre le symbolique. (p. 572-581)

[16Repris dans Théorie des exceptions.

A noter que Frans De Haes a publié Images de Lautréamont. Histoire d’une renommée et état de la question, Ed. J. Duculot ; 1970, Gembloux (Belgique).

[17I. Ducasse écrit dans Poésies II : " Le bien est la victoire sur le mal, la négation du mal. Si l’on chante le bien, le mal est éliminé par cet acte congru. " L’interprétation par Aragon de ces phrases pour expliquer son propre itinéraire n’est paradoxal qu’en apparence : c’est bien au nom d’une certaine idée du "bien" que le puritanisme stalinien a toujours combattu sur le "front littéraire" ou ailleurs. A l’évidence, ce ne fut pas un moindre mal. Comme dit encore Ducasse : " Je ne connais pas d’obstacle qui passe les forces de l’esprit, sauf la vérité. " Il y faut le temps.

[18Voir <u<Extraits.

[19

Marcelin Pleynet, Lautréamont politique (1971) : " Ce qui est inscrit en tête de l’édition des Chants de Maldoror, ce nom de Lautréamont, avant d’être un pseudonyme, est un programme, sur lequel on ne s’arrêtera jamais assez. En effet, avant même que le lecteur n’ouvre le livre, avant même qu’il n’en lise le titre, il est déjà entré dans ce qui constitue le travail de l’écrivain, à savoir la transformation du titre du roman d’Eugène Sue LATREAuMONT en un nom LAuTREAMONT venant signer un "autre" roman. Le fait que les deux premières éditions du Chant I soient parues sans signature, ne change en rien le rôle rempli par le pseudonyme, et vient tout simplement signifier qu’avec la seule lecture de ce Chant I, le programme ne saurait être rempli. De la même façon lorsque à la cinquième strophe du Chant VI, Maldoror écrit à Mervyn, n’en étant qu’à la préparation de son projet, il se contente de "Trois étoiles au lieu d’une signature... " (Chant VI, str. 5), ces mêmes trois étoiles qui signèrent les deux premières publications du Chant I. ".
Pleynet écrit plus loin (entre parenthèses) : " (Notons par la même occasion que c’est le U de DuCASSE qui fait l’objet de l’opération LatréaUmont/LaUtréamont.) ".

[20Note de Sollers : " Isidore-Auguste-François-Marie Comte est mort à Paris en 1857. De l’Ecole polytechnique au "culte de l’Humanité, etc. Isidore Ducasse vient en principe à Paris pour préparer Polytechnique... Et, en effet, s’agissant de littérature, il est polytechnicien. "
On notera que dans les prénoms de Comte se trouvent à la fois les prénoms de Ducasse fils et de Ducasse père.

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2 Messages

  • A.G. | 4 décembre 2008 - 20:19 1

    « Pour mieux lire mon prochain roman, Les Voyageurs du temps [janvier 2009], où il joue un rôle important, ne manquez pas l’extraordinaire enquête de Jean-Jacques Lefrère sur Lautréamont, avec une masse de documents inédits. C’est impressionnant. »

    Philippe Sollers,
    Le Journal du Dimanche, 30 novembre 2008

    On peut aussi relire le dossier ci-dessus.


  • A.G. | 9 octobre 2007 - 17:59 2

    On ne lit jamais deux fois le même livre (ou : on ne lit jamais assez bien un livre). Je découvre hier, par hasard, un exemplaire de la première édition du livre de Bataille - La littérature et le mal - publié en 1957. Son ancien propriétaire n’a pas découpé les premières pages. Le livre s’ouvre donc devant moi à la page 8, je tombe sur une note étrange et pourtant claire :

    " Il manque à cet ensemble une étude sur Les Chants de Maldoror. Mais elle allait si bien de soi qu’à la rigueur elle est superflue. A peine est-il utile de dire des Poésies qu’elles répondent à ma position. Les Poésies de Lautréamont, n’est-ce pas la littérature "plaidant coupable" ? Elles surprennent, mais si elles sont intelligibles, n’est-ce pas de mon point de vue ? ".

    Voilà qui me permet de compléter la chrono-bibliographie ci-dessus.

    Comme un bonheur n’arrive jamais seul, chez le même libraire, je tombe sur un exemplaire du récit de Bataille L’abbé C.. Sur la page de garde était écrit au crayon : " 1ère éd aux éd. de Minuit ", puis, en bas : " exemplaire de Maurice BLANCHOT ".

    Le soir : interventions de Benoît Chantre, François Meyronnis et Philippe Sollers (à la Maison de l’Amérique latine) suivies de la projection d’un petit film intitulé Guerres secrètes (avec Sollers, à Venise, en mai dernier).
    Présents dans la salle : Haenel, Henric, Pleynet, Sichère, etc...
    Ensuite petite dégustation de vins de Bordeaux...

    Puis, visite rapide avec DB du " 44, rue de Rennes " (aujourd’hui " 4, place St Germain-des-prés ") où eurent lieu après 68 les conférences du Groupe d’Etudes Théoriques de Tel Quel (et celles du Collège de sociologie à la fin des années 30).

    Bonne journée, en somme. Et vous ?