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L’Abandon de Camille Claudel,
un bronze comme une profession de foi

D 29 février 2024     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


L’Abandon

Publié le 29 février 2024, par Henri Guette
Gazette Drouot

Vente le 23 mars 2024 - Domaine de Lacoste, avenue de la Côte-des-Roses - 11100 Narbonne

Première œuvre de l’artiste à lui valoir une reconnaissance officielle, Sakountala a connu divers états et plusieurs noms. C’est aujourd’hui L’Abandon, l’une de ses versions en bronze redécouverte, qui passe sous le feu des enchères.


Camille Claudel (1864-1943), L’Abandon, petit modèle, fonte exécutée entre 1905 et 1937, modèle réalisé vers 1886. Épreuve en bronze à patine brun-rouge nuancé de vert, fonte au sable, signée sur la terrasse, cachet du fondeur « EUG. BLOT PARIS » et numéro « 7 », h. 43 cm.
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Estimation : 200 000 / 300 000 €

L’Abandon  : le titre est évocateur et la sculpture, qui montre un couple enlacé, a tout d’une allégorie. Il a été donné par le fondeur et éditeur Eugène Blot, que Camille Claudel avait rencontré en 1900. Cinq ans plus tard, année de la présentation au Salon du marbre intitulé Vertumne et Pomone, il en édite une épreuve en bronze sous le titre plus universel de L’Abandon. Il décline le sujet en deux formats, tous deux pensés comme des objets d’art à disposition des collectionneurs. Le plus grand, haut de 62 cm et tiré à dix-huit exemplaires, a connu lors d’une vente chez Artcurial en 2017 un score de 1,2 M€, doublant son estimation basse. Le modèle qui nous occupe aujourd’hui, avec ses 43 cm de haut, fit l’objet de quatorze épreuves, sur les vingt-cinq annoncées. Celle-ci, numérotée « 7 » et réalisée entre 1905 et 1937, est une redécouverte. Elle est en soi un événement, alors que trois se trouvent dans des collections publiques et que les autres sont non localisées ou en mains privées. La qualité de la patine, avec ses nuances brun-rouge, donne un effet de chair au niveau du dos et des épaules, quand les touches de vert antique offrent un aspect naturaliste au tronc d’arbre et à la terrasse, comme le souligne l’expert Alexandre Lacroix. Cette fonte au sable, solide, robuste dans la réunification qu’elle propose des deux personnages fondus séparément, est aussi particulièrement soignée. Le brossage donne enfin une vibration aux muscles, l’attention de l’artiste tout comme celle du fondeur concourant à restituer l’instant.

Le plâtre, plus grand que nature, fait référence à un poème hindou de Kâlidâsa écrit au IVe ou Ve siècle, alors récemment retraduit en français.

De Sakountala à L’Abandon

Les premières esquisses en terre où apparaissent cette femme debout et l’homme à genoux, la soutenant en même temps qu’il l’attire à lui, datent de 1886. Camille Claudel travaille alors dans l’atelier de Rodin. Comme l’écrit Chloé Ariot, conservatrice du musée Rodin, l’histoire de l’œuvre a tout du drame en trois actes. Dans la genèse qu’elle retrace pour le catalogue accompagnant les expositions Claudel de l’Art Institute de Chicago et du Getty Museum de Los Angeles, elle revient autant sur l’inspiration initiale que sur les différents noms et états sous lesquels est connu le groupe. En 1888, Camille Claudel présente au Salon des artistes français Sakountala. Le plâtre, plus grand que nature, fait référence à un poème hindou de Kâlidâsa écrit au IVe ou Ve siècle, alors récemment retraduit en français. Son argument, applaudi sur les scènes parisiennes du milieu du XIXe siècle, tient en quelques lignes : le roi Douchmanta et la jeune Sakountala sont amoureux, mais à la suite d’une malédiction, sont éloignés l’un de l’autre et frappés d’oubli, un anneau retrouvé permettant finalement de les réunir. On ne peut au travers de la sculpture identifier un moment précis du récit, qui serait ou l’introduction ou le dénouement. La sculpture montre néanmoins un mouvement dépassant la narration, une tension peut-être universelle qui lui vaut une mention honorable et plusieurs critiques positives dans la presse.


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Défendue par Paul Claudel

Cette première reconnaissance publique du travail personnel de Camille Claudel est prometteuse. L’artiste de 24 ans cherche alors des moyens pour transposer son œuvre dans le marbre ou le bronze et, à défaut d’une commande, porte une demande d’aide à l’État, soutenue par Rodin. Parallèlement, elle fait don du plâtre au musée Bertrand de Châteauroux, où il se trouve toujours et où se déploie un débat sur la moralité de l’œuvre. Plusieurs personnalités prennent alors sa défense dont Lucien Jouve, qui met en avant sa valeur esthétique et compile les recensions positives, comme celle de Paul Leroi vantant un « groupe chastement passionné ». Quand plusieurs critiques établissent des parallèles avec Rodin et par exemple L’Éternelle Idole ou Le Baiser, voire Le Printemps, Paul Claudel est le plus juste dans son observation, qui, tout en notant des similarités, défend une véritable indépendance de Camille, avec un style et un langage propres : « Dans le groupe de ma sœur, l’esprit est tout, l’homme à genoux, il n’est que désir, le visage levé, aspire, étreint avant qu’il n’ose le saisir, cet être merveilleux, cette chair sacrée, qui, d’un niveau supérieur, lui est échue. Elle cède, aveugle, muette, lourde, elle cède à ce poids qu’est l’amour, l’un des bras pend, détaché, comme une branche terminée par le fruit, l’autre couvre les seins et protège ce cœur, suprême asile de la virginité. Il est impossible de voir rien à la fois de plus ardent et de plus chaste. Et comme tout cela, jusqu’aux frissons les plus secrets de l’âme et de la peau, frémit d’une vie indicible ! La seconde avant le contact. »

Le thème du couple est récurrent chez Claudel comme chez Rodin en cette fin du XIXe siècle. Tous deux se sont rencontrés en 1882 et, dès l’année suivante, Camille a intégré son atelier. La relation amoureuse, cette « passion dévorante » qui a contribué aux mythes des deux artistes – au travers notamment du film de Bruno Nuytten –, se surimpose à la lecture que l’on peut avoir de ces « amoureux parfaits » que l’artiste décrit dans sa correspondance. Ils rompent en 1898 et la sculpture continue son histoire. La comtesse de Maigret, la « seule acheteuse » de Camille Claudel, du moins la seule non issue du cercle de collectionneurs de Rodin, commande un marbre à partir du plâtre. La sculpture dans cette transposition, et avec quelques modifications, est présentée au public au Salon de 1905. Le titre choisi, Vertumne et Pomone, est inspirée cette fois par la mythologie gréco-romaine, les Métamorphoses d’Ovide et les goûts de la commanditaire. Eugène Blot en décidera d’un autre, qui fera date…

Les sculptures de Camille Claudel au Musée d Orsay

2018. Reportage d’Ingrid Gallou, José Sousa et Simon Lamare Intervenants : François Claudel, Petit-fils de Paul Claudel, Pascal Faracci, Directeur du Musée Sainte-Croix de Poitiers, Bruno Gaudichon, Directeur du Musée la piscine à Roubaix et Ex-conservateur du Musée Sainte-Croix et Marie-Christine Labourdette, Directrice des musées de France

La rétrospective Camille Claudel de 2008 au Musée Rodin

Le Musée Rodin (Paris), fort du lien entre Auguste Rodin et Camille Claudel, a consacré une rétrospective exceptionnelle à cette artiste, du 15 avril au 20 juillet 2008, l’essentiel de l’œuvre de l’artiste : plus de 80 sculptures en marbre, terre cuite, plâtre, onyx et bronze, ainsi qu’une dizaine de gravures et dessins provenant de collections publiques et privées. Certains documents, comme la correspondance de Rodin et Camille Claudel et des photographies d’époque, complètent cet ensemble.

Voir enfin les sculptures dans leur vérité

Cette rétrospective éclaire d’un jour nouveau le parcours artistique ponctué de chefs d’oeuvres d’une artiste aujourd’hui plus connue pour sa vie privée que pour ses propres créations. Après avoir été longtemps jugé en référence à Rodin, l’art de Camille Claudel apparaît profondément original, intense et rayonnant. Cette exposition a pour ambition d’appréhender l’oeuvre de cette insoumise en dehors de la passion qui l’unit à Rodin.
Quelle place occupe l’oeuvre de Camille Claudel dans le courant artistique de la fin du XIXème siècle ? Camille Claudel a-t-elle réussi à créer une sculpture résolument moderne en marge de l’oeuvre de Rodin ? Comment a-t-elle évolué en tant que femme élève-sculpteur dans un atelier ? Autant de questions auxquelles cette exposition s’efforce de répondre…

Une œuvre animée « par un souffle épique, enivrant voire tragique (B. Gaudichon)

L’oeuvre de Camille Claudel est connue pour être marquée par l’influence de Rodin. Le maître a largement inspiré l’élève. L’inverse est également vrai, à tel point qu’il est parfois difficile de déterminer le travail de chacun d’eux. Mais, l’oeuvre de Camille Claudel témoigne également d’une incroyable puissance créatrice.
L’exposition permet de découvrir ou redécouvrir les oeuvres qui ont fait la renommée du sculpteur : La Valse où un couple de danseurs passionnément enlacés semble emporté dans un tourbillon ; L’Âge mûr, oeuvre autobiographique symbole de sa rupture avec Rodin ; La Vague ou Les Causeuses, exemples représentatifs de sculptures où Camille Claudel s’affranchit du maître pour réaliser des oeuvres plus personnelles, fortement influencées par les arts décoratifs et le japonisme.

Certaines oeuvres sont quant à elles présentées pour la première fois au public comme le plâtre de La Niobide Blessée, déposé par l’Etat français au musée de Bejaia, en Algérie, en 1935, ou encore des petites études en terre cuite provenant des collections du musée et récemment réattribuées à Camille Claudel.

La Valse


Camille Claudel, La ValseBronze et patine dorée, musée Rodin
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La Valse est une des sculptures majeures de la sculptrice Camille Claudel (1864-1943), réalisée entre 1883 et 1901 et éditée en 1905 en plusieurs exemplaires en plâtre, puis en bronze, exposés entre autres au musée Rodin. Cette œuvre autobiographique traite le sujet personnel du « point de rupture de son amour et de sa folle passion pour son maître et amant Auguste Rodin »

Description

L’œuvre d’origine en plâtre représente un couple de danseurs de valse nus, amoureusement et érotiquement enlacés dans leur passion, entraînés par leur élan dans un tourbillon représenté par le mouvement du drapé, la danseuse est suspendue à son cavalier, à la limite du point de rupture de son équilibre. La passion anime cette valse.

Critiques de l’époque

En 1892 le critique d’art Armand Dayot condamne l’œuvre dans un rapport à la direction des Beaux-arts : « cette œuvre ne peut être acceptée (…). Le violent accent de réalité qui s’en dégage lui interdit, malgré son incontestable valeur, une place dans une galerie ouverte au public. Le rapprochement des sexes est rendu avec une surprenante sensualité d’expression qui exagère considérablement la nudité absolue de tous les détails humains »[réf. nécessaire]. L’écrivain Jules Renard cite à propos de l’œuvre « et ce groupe de la Valse où le couple semble vouloir se coucher et finir la danse par l’amour »

Versions

A la suite des critiques jugeant son œuvre indécente, Camille drape la danseuse à mi-corps, pour une version sensuelle moins érotique. En 1893, elle expose une nouvelle version en plâtre au salon de peinture et de sculpture de la société nationale des beaux-arts.

Vente

La version en bronze haute de 46,7 cm avec la femme portant une jupe longue a été adjugée 1,18 million d’euros aux enchères le 11 juin 2017 à la petite nièce de Camille, Reine-Marie Paris.

Crédit : d’après Wikipedia

L’Âge mur


Camille Claudel, L’Age mur Vers 1902
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Groupe en bronze en trois parties
H. 114 ; L. 163 ; P. 72 cm ; poids. 327 kg
© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

Après la rupture entre Camille Claudel et Rodin, ce dernier essaya de l’aider par personne interposée et obtint du directeur des Beaux-Arts une commande de l’Etat. L’âge mûr fut commandé en 1895, exposé en 1899, mais le bronze ne fut jamais commandé et le plâtre ne fut jamais livré par Camille Claudel. C’est le capitaine Tissier qui finalement commanda le premier bronze en 1902.

Le groupe évoque l’hésitation de Rodin entre son ancienne maîtresse, qui devait l’emporter, et Claudel qui, pour le retenir, se penche en avant. Au-delà de son histoire personnelle, la sculpteuse réalise une oeuvre symbolique qui entraîne une méditation sur les rapports humains. Elle-même s’y incarne sous les traits d’un personnage qu’elle nomme l’Implorante, marquant ainsi le tragique attaché à sa destinée.

L’homme à la fin de sa maturité est vertigineusement entraîné par l’âge tandis qu’il tend une main inutile vers la jeunesse. Les figures nues sont entourées de draperies volantes qui accentuent la rapidité de la marche. Les grandes obliques fuient. Paul Claudel en parlait ainsi : "Ma soeur Camille, Implorante, humiliée à genoux, cette superbe, cette orgueilleuse, et savez-vous ce qui s’arrache à elle, en ce moment même, sous vos yeux, c’est son âme".

Crédit : Musée d’Orsay

La Vague

VOIR ICI Musée Rodin

D’autres sculptures de Camille Claudel

Sur une musique de Keith Jarrett : Jarrett "The Cure - Body And Soul"

Camille Claudel. Une vie, une œuvre

L’or de Camille Claudel (1864-1943) : Une vie, une œuvre (France Culture / 1994). Émission “Une vie, une œuvre”, proposée par Bénédicte Niogret qui retrace à travers une série d’interviews, d’archives et de lectures, la vie et l’œuvre de Camille Claudel. Réalisation : Christine Bernard-Sugy. Textes lus par les comédiens André Marcon et Christelle Wurmser. Diffusion sur France Culture le 10 février 1994. Avec la collaboration de Claire Poinsignon, Nathalie Salles et Annelise Signoret. Camille Claudel, photographie anonyme (avant 1883).

Élève, puis amante d’Auguste Rodin, sa vie et son œuvre prendront un tout autre sens à la suite de leur rupture. Artiste et génie sans conteste, Camille Claudel n’obtiendra qu’une reconnaissance posthume. L’enfance de Camille Claudel s’inscrit dans un réseau familial dont le frère Paul est la pointe ardente. Le père Louis Prosper Claudel est receveur de l’enregistrement des impôts et la mère Louise Athanaïse Cerveaux assure les tâches matérielles de la maison. « Tout le contraire d’une femme du monde », selon Paul Claudel.

En 1876 à Nogent-sur-Seine la jeune Camille se passionne pour le modelage et Alfred Boucher lui donne ses premières leçons de sculpture. À l’été 1886 elle rencontre Rodin dont elle sera modèle, puis praticienne. Leur aventure passionnée tourne au drame et conduit à la séparation.

Elle s’installe sur l’île Saint-Louis et de 1893 à 1908 vit des années de création solitaire ; mais dès 1901 Maurice Pottecher écrit : « Elle est fatiguée jusqu’au désespoir. Elle veut abandonner son art et elle a déjà brisé une partie de ses moules. Son caractère ombrageux et un peu bizarre explique sans doute en partie la solitude, l’abandon et la quasi détresse matérielle où elle est réduite après avoir connu toutes les promesses d’un beau succès. »

Enfin durant 30 années, cette vie sous le signe de la sculpture, du japonisme et de l’onyx se termine à l’asile psychiatrique de Montdevergues dans le Vaucluse.

Crédit : #LeSémaphore

VOIR AUSSI sur pileface

Le premier musée Camille Claudel

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