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Sollers vu du Japon

Tokyo Time Table

D 29 janvier 2024     A par Viktor Kirtov - Abe (Shizuko) - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Nous avons plaisir à partager la lettre d’information de janvier 2024 du site "Tokyo Time Table" de Michaël Ferrier dont nous avons publié récemment deux de ses dernières contributions sur Sollers :
- Philippe Sollers,
Studio / Lire Philippe Sollers
- Carnets de Chine - Shanghai

Et cette lettre de janvier lui est largement dédiée. La voici :

Tokyo Time Table, janvier 2024


Tokyo Time Table, photo Michaël Ferrier
ZOOM : cliquer l’image

Bonjour,

Tokyo Time Table vous souhaite une belle année, remplie de lectures, d’aventures et de jubilations.

Dans cette première livraison de 2024, nous revenons sur deux évènements majeurs de l’année écoulée : la mort de deux géants de la littérature, Philippe Sollers en France, Ôe Kenzaburô au Japon.

Quoiqu’ils soient exactement de la même génération (Ôe est né en 1935, Sollers en 1936), nul n’a encore songé à les comparer, voire à les rapprocher. Nous proposons donc dans ce numéro un texte inédit de Mitsubori Kôichirô, qui éclaire les deux œuvres l’une par l’autre et montre toute la justesse de cette comparaison.

Dans le concert d’éloges - et parfois de critiques - qui a suivi la mort de Sollers, peu ont laissé la place à des voix étrangères, et aucune à des voix japonaises. Tokyo Time Table rappelle donc ici l’importance de Sollers au Japon, avec deux textes inédits de l’universitaire Abe Shizuko et du poète Konuma Jun’ichi.

Nous vous souhaitons à nouveau une bonne année à tous, et de belles lectures !

N. Shirane,
pour le site Tokyo Time Table

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PHILIPPE SOLLERS ET ÔE KENZABURÔ

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PHILIPPPE SOLLERS
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ÔE KENZABURÔ

Les deux grands écrivains français et japonais décédés successivement ne semblent pas avoir de points de contact entre eux. Bien sûr, les deux hommes ont des thèmes divergents et l’atmosphère créée par leur style d’écriture unique est également dissemblable. Plus que tout, leur image en tant qu’écrivain est différente. Pourtant, leur trajectoire est étonnamment similaire.

Un texte inédit de Mitsubori Kôichi, spécialiste de la littérature française, traducteur de Sollers et de Queneau.

PHILIPPE SOLLERS ET ÔE KENZABURÔ

*

SOLLERS AU JAPON

En 1985, on annonça la venue de Sollers au Japon. La nouvelle de sa première visite au Japon, dans une situation où l’ancien porte-drapeau de l’avant-garde semblait bondir sur le devant de la scène du monde littéraire, a sans doute suscité beaucoup d’espérance chez ceux qui s’apprêtaient à l’accueillir. Mais Sollers n’est pas venu.

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Abe Shizuko,
photo ©Marie Gaboriaud

Dans ce texte inédit, l’universitaire

Abe Shizuko revient sur cet épisode insolite pour rappeler la place de Sollers dans le milieu littéraire japonais et s’interroger sur sa manière inimitable de dire "Non"..

« une empreinte considérable dans le monde littéraire japonais »
ABE Shizuko

 ; SOLLERS LOINTAIN ET PROCHE par ABE SHIZUO
(Inédit traduit du japonais par Michaël Ferrier)

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"IL Y A SOLLERS, SOLLERS EST LÀ"


ZOOM : cliquer l’image

Sollers, tête de cochon ?

À partir d’un reportage sur Sollers dans le magazine japonais Brutus, le poète et critique musical Konuma Jun’ichi dresse un portrait de l’influence de Sollers au Japon dans un texte inédit, drôle, à la fois incisif et instructif.

En retraçant sa découverte de l’écrivain, à l’époque où il était étudiant, jusqu’à son importance dans sa propre création et à son impact dans les milieux d’avant-garde japonais, Konuma décrit une œuvre à la fois dérangeante, inspirante et énigmatique, précieuse.

 : SOLLERS ; DES LOINTAINS AU PARADIS

*

STUDIO SOLLERS

La Revue La Règle du Jeu publie un dossier d’hommage intitulé « Lire Philippe Sollers ». On y trouve notamment un texte de Michaël Ferrier sur Studio, roman paru en 1997 aux éditions Gallimard.

Une lecture forte, précise, qui ouvre de nombreuses pistes sur l’œuvre de Sollers (ses titres, son art narratif, son style, les malentendus et les agacements qu’elle suscite, comme l’enthousiasme qu’elle peut provoquer) et sur sa conception de la littérature.

Disponible sur l’excellent site PileFace

STUDIO SOLLERS

*


SOLLERS LOINTAIN ET PROCHE par ABE Shizuko :

Traduit du japonais par Michaël Ferrier

« une empreinte considérable dans
le monde littéraire japonais »

ABE Shizuko


ZOOM : cliquer l’image

Un peu plus d’une semaine après la publication de mon essai « Une heure avec Philippe Sollers » dans le n°45 du bulletin Tomo no Kai  [1], j’ai reçu la nouvelle de la mort de Sollers. ]Certains ne le savent peut-être pas car cela n’a pas été largement rapporté dans les médias japonais, mais le 5 mai, Philippe Sollers est décédé à l’âge de 86 ans, après une vie qui fut faite à la fois de splendeur et de solitude. Cet écrivain rare, qui n’a cessé d’écrire avec vigueur à Paris, sur l’Île de Ré, à New York et à Venise, et qui laisse derrière lui une œuvre importante, a également laissé une empreinte considérable dans le monde littéraire japonais.

En 1985, on annonça la venue de Sollers au Japon, peu de temps après qu’il eut arrêté la revue Tel Quel, qui servait de base principale à ses activités, et lancé une nouvelle revue, L’Infini, et qu’il ait créé au même moment la controverse avec son roman Femmes, où il changeait complètement son style habituel. La nouvelle de sa première visite au Japon, dans une situation où l’ancien porte-drapeau de l’avant-garde semblait bondir sur le devant de la scène du monde littéraire, a sans doute suscité beaucoup d’espérance chez ceux qui s’apprêtaient à l’accueillir. Mais Sollers n’est pas venu. Il annula sa visite au Japon à la dernière minute, en raison d’une maladie soudaine [2]. Ainsi, le programme si bien rempli fut résilié et les conférences prévues furent supprimées. Ces deux conférences étaient respectivement intitulées « Le Nu, tradition française » et « La Liberté catholique ». On dit qu’à l’annonce de la nouvelle, un Français aurait prononcé les mots suivants : « Oh ! Voilà bien un Telqueliste ! »… dont on peut dire qu’ils étaient représentatifs de la réaction des gens à l’époque. Mais Sollers s’est-il jamais conduit de la manière dont on s’y attendait dans son entourage ?
 [3]


Portrait du joueur,
Édition japonaise, Asahi Shinbunsha, 1990

« Oh ! Voilà bien un Telqueliste !... »

Mais Sollers s’est-il jamais conduit de la manière dont on s’y attendait ?
On peut affirmer avec certitude que les actions de Sollers n’ont jamais rien moins visé qu’à détruire une harmonie prédéterminée, depuis que, peu après ses débuts, il eut renié sa première œuvre et commencé à publier une série de textes difficiles. Jacques Henric, l’un de ses rares alliés depuis l’époque de Tel Quel, parlant de Sollers dans Art Press, a déclaré que ce qui l’avait attiré chez lui était sa manière de dire « non », sa façon de toujours prendre une position opposée, du début à la fin. Et il a poursuivi : « Dans le domaine de la pensée et de l’art, la majorité a toujours tort (…). Le parcours de Sollers est cohérent. Dire la vérité fait partie d’un art de la guerre qui implique stratégie et tactique. » Si Henric dit vrai, la voie empruntée par Sollers a toujours été un combat contre la majorité, et cela, c’est sans doute Sollers lui-même qui l’a le mieux compris. ]Iwasaki Tsutomu, l’un des meilleurs connaisseurs de Sollers au Japon, qui n’a jamais douté de sa cohérence depuis le début, dit de son roman autobiographique Portrait du Joueur qu’il ne s’agit pas seulement d’un roman personnel (watakushi-shôsetsu  [4]), mais que « l’on peut y sentir l’intention de dévoiler minutieusement quelque chose et de surmonter quelque chose », et il se demande si l’annulation de sa visite au Japon n’est pas un acte qui s’inscrit dans le prolongement de cette démarche. Je pense que c’est exactement cela. J’aimerais penser qu’il y a là quelque chose qui ne pouvait s’exprimer qu’en disant « non ».

D’ailleurs, en annulant sa visite, il ne semble pas que Sollers se soit fait autant d’ennemis parmi les journalistes japonais qu’il n’en avait en France, ni qu’il ait perdu l’influence qu’il avait sur les lecteurs japonais depuis ses débuts. J’en veux pour preuve les tentatives de création inspirées par Nombres et Paradis, les articles dans des revues littéraires et les publications successives des traductions de ses nouveaux romans. En fait, on pourrait dire que c’est à cette période que Sollers fut le plus proche de notre pays, et il s’agit peut-être là d’une précieuse période de lune de miel entre cet écrivain que l’on disait « trop français » et le Japon. Même si Sollers, profondément dévoué à la culture et à la pensée de la Chine ancienne, ne partageait pas la compréhension de la société et de la culture japonaises de son mentor Roland Barthes.


Roland Barthes, Sollers écrivain,
Édition japonaise, Misuzu Shobo, 1986
<
« Je suis résolument hostile à la fausse vie.
C’est la guerre : la lutte est pour la poésie. »
Philippe Sollers

Ce qui ressort de ces nombreux ouvrages nés d’un vigoureux désir de création, dont on dit parfois qu’ils sont trop écrits, c’est la silhouette d’un écrivain qui, en menant hardiment la bataille de l’écriture, en s’ancrant solidement dans le catholicisme, et grâce à de puissants discours sur les idées, la littérature, l’art et la musique de pays et d’époques variées, à commencer par celle des Lumières, a essayé de mener une Renaissance à lui tout seul. On peut voir là l’ambition qu’il avait confiée dès ses débuts à son nom de plume, créé en combinant des mots latins : « Sollers » (« Tout entier art »).

Maintenant, ce que nous appelons « Sollers » s’est refermé pour l’éternité, et tout le bruit également associé à son nom est sur le point de devenir une chose du passé. Désormais, la question qui demeure est : « De quoi Sollers était-il le nom ? ». Quelqu’un l’a un jour décrit comme : « une vie dédiée à l’art, une vie qui s’aperçoit qu’elle s’achèvera peut-être sur un échec [5] » Sollers a dit : « Je suis résolument hostile à ce genre de vie, de fausse vie. C’est la guerre : la lutte est pour la poésie. (…) Et c’est gratuit, figurez-vous, la poésie c’est comme l’air, avant que tout soit pollué. Ce qui est gratuit est suspect. C’est comme l’amour, c’est gratuit [5]
 » Maintenant qu’une grande distance nous sépare de l’annulation de sa visite au Japon, le temps est venu de s’interroger sur le « Non » de Sollers.

ABE Shizuko

A PROPOS DE L’AUTEURE

ABE Shizuko est née à Tokyo en 1943. Elle est spécialiste de la littérature moderne française et a notamment enseigné à l’Université Keio. Elle est également traductrice (par exemple de Georges Bataille, Madame Edwarda, Tokyo, Getsuyosha, 2022). Parmi ses publications : Qu’ont fait les telqueliens ? – Un pont suspendu vers l’avant-garde (Tokyo, Keio University Press, 2011) ; La Chine sollersienne : au-delà de l’orientalisme (Tokyo, Suiseisha, 2022).

Ce texte a été publié dans la Lettre d’information des Amis du musée Suzuki Shintarô (2023) et est reproduit avec leur aimable autorisation.

Traduction : Michaël FERRIER

©2023 by Abe Shizuko/
Michaël Ferrier pour la traduction
Tokyo Time Table 2024

Références électroniques
http://www.tokyo-time-table.com/sollers-japon-abe

*

« Tokyo Time Table », Le site de Michaël Ferrier

Le dossier Sollers de Tokyo Time Table

Michaël Ferrier sur pileface

oOo

[1『友の会通信45号』, Lettre d’information des Amis du musée Suzuki Shintarô, 29 avril 2023. (Note du traducteur).

[2Iwasaki Tsutomu, « À propos de Sollers, qui n’est pas venu au Japon » (« Rainichi shinakatta sorerusu no koto »), Cahier de poésie contemporaine (Gendaishi Techô), numéro spécial « Au-delà de l’Avant-garde », juillet 1985, Shichôsha, p. 108-114. Les citations de Jacques Henric et d’Iwasaki ci-dessous sont tirées du même article. Note du traducteur.

[3« (Note du traducteur) »

[4Watakushi-shôsetsu (mot à mot : « roman-je ») : genre littéraire japonais complexe, Souvent écrit à la première personne (en anglais, on le traduit par I-novel), et que l’on compare souvent à l’autofiction.
(Note du traducteur).

[5] Frédéric Beigbeder,
« Pour saluer Sollers », dans Le Figaro magazine, 6 mars 2015.

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