En contrepoint du long article Houellebecq face à Sollers (ici), voici la relation d’un déjeuner, un mois avant la parution de l’article dans le Nouvel Observateur, trouvée dans L’Année du Tigre. Un déjeuner préparatoire ? [1]
Mercredi 9 septembre
[...]
Déjeuner avec Houellebecq. Type concave, faux doux, il sait ce qu’il dit. Lui aussi a tendance à penser par « générations », mais il a quand même l’air de douter du concept (génération/corruption). Curieux mélange de lucidité expérimentale et de connaissances dispersées. Il a conscience de cela, il faudra beaucoup lire (par exemple Melville, qu’il ne connaît pas). Point positif : ne fait pas semblant de savoir quand il ne sait pas.
Il a son livre dans son sac, le sort pour me souligner des passages ; a un petit carnet de notes ; me montre la photo d’une fille de 13 ans, sa belle-fille je crois, qu’il trouve éblouissante. La « beauté » de la jeunesse à l’air de le fasciner et de l’accabler. Il s’étonne qu’il n’en soit pas de même pour moi.
Me dit qu’il a recommencé à boire. Mange une douzaine d’huîtres et demande un graves blanc. Propose de partager l’addition. Mais non, voyons.
En somme, sympathique, sérieux. On n’a parlé que littérature. Bonne chance dans la durée de l’enfer social.
[...]L’Année du Tigre - Journal de l’année 1998, p195-196, Editions du Seuil
[1] C’est une pratique que Sollers utilise aussi avec Kirk Douglas, préalablement à leur passage à Apostrophes (voir article)