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André Breton : « Fourier es-tu toujours là ? »

D 3 avril 2023     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


« Notre tort n’est pas, comme on l’a cru,
de trop désirer, mais de trop peu désirer... »
Charles Fourier

Charles Fourier, génie farfelu

Concordance des temps, samedi 25 mars 2023.

Philippe Régnier revient sur la vie, la pensée et l’oeuvre d’un homme qu’on a surchargé de ridicule et dont s’est révélé cependant peu à peu la capacité à développer d’assez stupéfiantes intuitions...

Avec Philippe Régnier, chercheur au CNRS, historien de la littérature française

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« J’ai choisi de vous parler d’un personnage dont l’actualité n’est pas conjoncturelle mais durable autant que forte. Une sorte de génie presque toujours étrange et parfois extravagant, un homme qu’on a surchargé de ridicule et dont s’est révélé cependant peu à peu, de génération en génération, et souvent à plus d’un siècle de distance, la capacité à développer d’assez stupéfiantes intuitions.

Il s’agit de Charles Fourier que nous allons essayer de faire surgir avec la complicité savante de Philippe Régnier, directeur de recherches au CNRS, spécialiste des socialistes qu’on est accoutumé d’appeler utopistes.

L’ambition intellectuelle de Fourier est si démesurée que personne n’a vraiment réussi, comme l’observe son biographe Jonathan Beecher, à assimiler tout à fait l’ensemble de sa doctrine.

Critique de la société, il prêche un écart absolu, comme il dit, par rapport à la civilisation qui l’entoure. Psychologue, il célèbre les passions qu’il ne faut sûrement pas, pense-t-il, combattre, mais honorer au contraire et servir comme source décisive du bonheur. Prophète d’un monde harmonieux, il planifie tout dans le phalanstère, collectivité rêvée, jusqu’aux plus menus détails. Moraliste, il est un précurseur visionnaire de toutes les exigences à nos yeux les plus légitimes du féminisme contemporain, et un dénonciateur implacable des hypocrisies des modes de vie bourgeois. Écologiste avant l’heure, il développe une mise en cause radicale de la « détérioration matérielle de la planète », selon son expression-même. Il me semble que cette simple énumération donne le goût d’aller y voir de plus près au cœur même de notre modernité. »

Jean-Noël Jeanneney

ARCHIVES DIFFUSÉES

Lecture d’un extrait de l’Ode à Charles Fourier d’André BRETON (1947) par André CAZALAS, dans le cadre de l’émission Poétique surréaliste, le 29 décembre 1973.
Lecture d’un extrait des Confidences de Charles FOURIER par Denis LLORCA, dans le cadre de l’émission Le pays d’ici, le 26 octobre 1988.
Extrait d’un entretien de Gilles LAPOUGE avec Roland BARTHES, dans le cadre de l’émission Culture française, le 23 mars 1971.
Lecture d’un extrait du Tableau des vices de Charles FOURIER par Michel BOUQUET, dans le cadre de l’émission Relecture, le 18 juin 1975.
Lecture d’un extrait de Vers la liberté en amour de Charles FOURIER par Michel BOUQUET, dans le cadre de l’émission Relecture, le 18 juin 1975.
Chanson « Les petits chapeaux » de Jean NOHAIN (paroles) et MIREILLE (musique), interprétée par MIREILLE en 1933.
Interview de Pierre BERRY, proviseur du lycée hôtelier de Poligny en Franche-Comté, par Marion THIBA, extrait d’un reportage diffusé dans le cadre de l’émission "Le pays d’ici", le 22 octobre 1993.
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BIBLIOGRAPHIE

Jonathan BEECHER, Fourrier : le visionnaire et son monde, Fayard, 1993.
Jonathan BEECHER, Victor Considerant : grandeur et décadence du socialisme romantique, Les presses du réel, 2012.
Philippe RÉGNIER et Nathalie COILLY (dirs.), Le Siècle des saint-simoniens : du Nouveau christianisme au canal de Suez, BNF, 2006.
Simone DEBOUT, L’utopie de Charles Fourier, Les Presses du réel, 1998.
René SCHÉRER, L’écosophie de Charles Fourier, Ed. Economica, 2001.
Charles FOURIER, Hiérarchie du cocuage, Les Presses du réel, 2000. LIRE ICI.
Consulter le site de la Colonie sociétaire de Condé-sur-Vesgre, ainsi que celui de l’Association des études fouriéristes et des Cahiers Charles Fourier.
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LIRE AUSSI : Le phalanstère, la folle utopie de Charles Fourier

Cette émission a été diffusée une première fois le samedi 7 avril 2012.

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André Breton, Ode à Charles Fourier, dit par Jean Vilar

Première diffusion sur France Culture le 3 octobre 1965.

ODE A CHARLES FOURIER

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André Breton, Ode à Charles Fourier, 1947.
Editions de la revue Fontaine. ZOOM : cliquer sur l’image.
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André Breton, Ode à Charles Fourier, 1947.
Editions de la revue Fontaine. ZOOM : cliquer sur l’image.
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André Breton, Ode à Charles Fourier, 1947.
Editions de la revue Fontaine. ZOOM : cliquer sur l’image.
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André Breton, Ode à Charles Fourier, 1947.
Editions de la revue Fontaine. ZOOM : cliquer sur l’image.
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André Breton, Ode à Charles Fourier, 1947.
Editions de la revue Fontaine. ZOOM : cliquer sur l’image.
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André Breton, Ode à Charles Fourier, 1947.
Editions de la revue Fontaine. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Baudet-Dulary, Portrait de Fourier
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Breton sur le portrait fait par Baudet
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Statue de Charles Fourier

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Statue de Fourier détruite

« En 1899, un monument à Charles Fourier est érigé au tout début du boulevard de Clichy, sur le terre-plein central juste en face de l’Hippodrome de Montmartre, à deux pas du cimetière Montmartre où il est enterré. Juché sur un socle de granit de 2,5 m de haut, un Charles Fourier de bronze, de son fauteuil, regarde la place. La statue a été financée par une souscription populaire – le fouriérisme avait donc des adeptes. Sur le socle, une plaque est apposée où on peut lire : "Association du capital du travail et du talent, Charles Fourier, révélateur des lois de l’harmonie universelle par l’association intégrale."
En 1941, le régime de Vichy déboulonne et fait fondre la statue de Fourier, comme il le fait de bien d’autres. Pendant des décennies, le granit reste nu, la plaque est même enlevée. »


André Breton fleurissant le socle de la statue de Fourier (1960).
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Manuscrit d’André Breton non daté, datant d’octobre 1960.


Manuscrit d’André Breton (1960).
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Descriptif

La scène est à Paris, en 1960. Le « présent régime », en la personne d’un conseiller municipal, menace de faire disparaître les vestiges d’une statue de Fourier fondue sur ordre des Nazis. Breton réagit, lançant une pique contre le gaullisme triomphant tout en rappelant l’importance que revêt à ses yeux l’œuvre de Fourier, qu’il a véritablement découverte à New York, en exil de la France occupée. [site Atelier André Breton, 2005]

Manuscrit autographe signé, 1960-1966 [octobre 1960].

1 page in-4° manuscrite à l’encre et signée par Breton d’un texte où il rapporte l’intention de René Thomas, conseiller municipal de Paris :
« À faire disparaître de "l’angle du boulevard et de la place de Clichy" ce qui subsiste (seulement le socle) du monument à Charles Fourier dont la statue a été fondue durant l’Occupation, sur l’ordre des Allemands. Ce serait en effet, la bonne manière de parachever leur travail. » [catalogue de la vente, 2003]

Transcription

Sous le titre « Avec son époque », le numéro de Combat des 1er-2 octobre rapporte qu’un certain René Thomas, conseiller municipal de Paris, exhorte le préfet de la Seine à faire disparaître de «  l’angle du boulevard et de la place de Clichy » ce qui subsiste (seulement le socle) du monument à Charles Fourier dont la statue a été fondue durant l’Occupation, sur l’ordre des Allemands. Ce serait, en effet, la bonne manière de parachever leur travail. Toujours est-il que la présence de cette pierre, à pareil endroit, offusque les yeux de cet édile distingué : « C’est un peu, dit-il, le symbole de ce qui reste du phalanstérisme. Tout cela n’est pas très esthétique (sic). » La bonne foi d’un tel individu peut se mesurer au fait qu’il n’est pas même capable de situer le vestige qu’il dénonce comme spécialement attentatoire à la beauté de Paris : en réalité il se tient à l’angle du boulevard de Clichy et de la rue Caulaincourt, devant le lycée Jules-Ferry. S’il était jamais passé devant et qu’il eût fait effort pour déchiffrer ses inscriptions «  illisibles  » (à coup sûr elles demanderaient, en 1960, à être ravivées), il eut notamment découvert que « les attractions sont proportionnelles aux destinées », dont ce serait sans doute trop lui demander que de faire son profit.

Le souvenir de Charles Fourier, de l’homme de génie qu’il fut, aussi bien que le recours à l’œuvre impérissable qu’il a laissée, ne sauraient être à la merci d’une pierre dressée à sa mémoire et que le présent régime laisse se dégrader symboliquement, non plus que de la levée de patte d’un chien.

André Breton [octobre 1960] [1]

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LIRE :
L’Ode à Charles Fourier d’André Breton
Breton à la rencontre de Fourier
Fourier dans l’œuvre d’André Breton
Un siècle d’avatars pour la statue de Charles Fourier (2 avril 2023)

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En juin 1971, alors que quelques écrivains de la revue Tel Quel crée « le Mouvement de juin 1971 », rompant par là leur compagnonnage avec le PCF pour saluer la révolution culturelle chinoise, Roland Barthes signe la préface d’un nouvel essai Sade, Fourier, Loyola qui sera publié en novembre de la même année dans la collection Tel Quel dirigée par Philippe Sollers. A la même date, sort le numéro 47 de Tel Quel dans lequel sont exposées les « Positions du Mouvement de juin » contre « l’hégémonie idéologique bourgeoisie-révisionnisme ». Ce numéro est dédié et entièrement consacré à... Roland Barthes. Dans l’art — éminemment stratégique — de brouiller les pistes, je ne suis pas sûr qu’on ait jamais fait mieux.

Sade, Fourier, Loyola

Roland Barthes

Quatrième de couverture de la première édition

Ce n’est pas par goût de la provocation que l’on a assemblé dans un même livre Sade, Fourier et Ignace de Loyola, !’écrivain maudit, le philosophe utopiste et le saint jésuite. C’est parce que tous trois ont été des classificateurs, des fondateurs de langues : langue du plaisir érotique, langue du bonheur social, langue de l’interpellation divine, chacun a mis dans la construction de cette langue seconde toute l’énergie d’une passion.
Cependant, inventer des signes (et non plus, comme nous le faisons tous, les consommer), c’est entrer paradoxalement dans cet après-coup du sens, qu’est le signifiant ; en un mot, c’est pratiquer une écriture. L’objet de ce livre n’est pas de revenir sur les propositions de contenu dont on crédite ordinairement nos trois auteurs, à savoir . une philosophie du Mal, un Socialisme utopique, une mystique de l’obéissance, mais de tenir Sade, Fourier et Loyola pour des formulateurs, des inventeurs d’écriture, des opérateurs de texte.
Je crois ainsi poursuivre un projet ancien, dont l’intention théorique pourra se lire à travers ces études concrètes et spéciales : jusqu’où peut­ on aller d’un texte en ne parlant que de son écriture ? Comment suspendre le signifié (historiciste, psycho­ logique, esthétique) du texte, de façon à libérer son déploiement matérialiste ? L’intervention sociale accomplie par un texte n’est-elle pas dans l’empor­ tement de son écriture, plutôt que dans l’engagement de son contenu, qui n’en serait finalement que la chute historique ? Comment faire rejoindre l’œuvre ancienne, figurative, lisible, en un mot « culturelle », et le commentaire nouveau au profit d’un texte infini, infiniment recommencé, déproprié ?

R.B.

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FEUILLETER LE LIVRE

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PRÉFACE

Extraits

De Sade à Fourier, ce qui tombe, c’est le sadisme ; de Loyola à Sade, c’est l’interlocution divine. Pour le reste, même écriture : même volupté de classification, même rage de découper (le corps christique, le corps victimal, l’âme humaine), même obsession numérative (compter les péchés, les supplices, les passions et les fautes mêmes du compte), même pratique de l’image (de l’imitation, du tableau, de la séance), même couture du système social, érotique, fantasmatique. Aucun de ces trois auteurs n’est respirable ; tous font dépendre le plaisir, le bonheur, la communication, d’un ordre inflexible ou, pour être plus offensif encore, d’une combinatoire. Les voilà donc réunis tous les trois, l’écrivain maudit, le grand utopiste et le saint jésuite. Il n’y a dans cet assemblage aucune provocation intentionnelle (s’il y avait provocation, ce serait plutôt de traiter Sade, Fourier et Loyola comme s’ils n’avaient pas eu la foi : en Dieu, en l’avenir, en la nature), aucune transcendance (le sadique, le contestataire et le mystique ne sont pas récupérés par le sadisme, la révolution, la religion) et j’ajoute (c’est le sens de cette préface) aucun arbitraire : chacune de ces études, quoique d’abord publiée (en partie) séparément, a été tout de suite conçue pour rejoindre ses voisines dans un même livre : le livre des Logothètes, des fondateurs de langues. [...]

Rien de plus déprimant que d’imaginer le Texte comme un objet intellectuel (de réflexion, d’analyse, de comparaison, de reflet, etc.). Le Texte est un objet de plaisir. La jouissance du Texte n’est souvent que stylistique : il y a des bonheurs d’expression, et ni Sade ni Fourier n’en manquent. Parfois, pourtant, le plaisir du Texte s’accomplit d’une façon plus profonde (et c’est alors que l’on peut vraiment dire qu’il y a Texte) : lorsque le texte "littéraire" (le Livre) transmigre dans notre vie, lorsqu’une autre écriture (l’écriture de l’autre) parvient à écrire des fragments de notre propre quotidienneté, bref quand il se produit une coexistence. L’indice du plaisir du Texte est alors que nous puissions vivre avec Fourier, avec Sade. Vivre avec un auteur ne veut pas dire forcément accomplir dans notre vie le programme tracé dans ses livres par cet auteur (cette conjonction ne serait pourtant pas insignifiante puisqu’elle forme l’argument du Don Quichotte ; il est vrai que Don Quichotte est encore une créature de livre) ; il ne s’agit pas d’opérer ce qui a été représenté, il ne s’agit pas de devenir sadique ou orgiaque avec Sade, phalanstérien avec Fourier, orant avec Loyola ; il s’agit de faire passer dans notre quotidienneté des fragments d’intelligible (des "formules") issus du texte admiré (admiré précisément parce qu’il essaime bien) ; il s’agit de parler ce texte, non de l’agir, en lui laissant la distance d’une citation, la force d’irruption d’un mot frappé, d’une vérité de langage ; notre vie quotidienne devient alors elle-même un théâtre qui a pour décor notre propre habitat social ; vivre avec Sade, c’est, à certains moments, parler sadien, vivre avec Fourier, c’est parler fouriériste (vivre avec Loyola ? — Pourquoi pas ? Encore une fois, il ne s’agit pas de transporter dans notre intériorité des contenus, des convictions, une foi, une cause, ni même des images ; il s’agit de recevoir du texte, une sorte d’ordre fantasmatique : savourer avec Loyola la volupté d’organiser une retraite, d’en napper le temps intérieur, d’en distribuer les moments de langage : la jouissance de l’écriture est à peine étouffée par le sérieux des représentations ignaciennes). [...]

Le plaisir du Texte comporte aussi un retour amical de l’auteur. L’auteur qui revient n’est certes pas celui qui a été identifié par nos institutions (histoire et enseignement de la littérature, de la philosophie, discours de l’Église) ; ce n’est même pas le héros d’une biographie. L’auteur qui vient de son texte et va dans notre vie n’a pas d’unité ; il est un simple pluriel de "charmes", le lieu de quelques détails ténus, source cependant de vives lueurs romanesques, un chant discontinu d’amabilités, en quoi néanmoins nous lisons la mort plus sûrement que dans l’épopée d’un destin ; ce n’est pas une personne (civile, morale), c’est un corps. Dans le dégagement de toute valeur produit par le plaisir du texte, ce qui me vient de la vie de Sade n’est pas le spectacle, pourtant grandiose, d’un homme opprimé par toute une société en raison du feu qu’il porte, ce n’est pas la contemplation grave d’un destin, c’est, entre autres, cette façon provençale dont Sade dénommait "milli" (mademoiselle) Rousset, ou milli Henriette, ou milli Lépinai, c’est son manchon blanc lorsqu’il aborda Rose Keller, ses derniers jeux avec la petite lingère de Charenton (dans la lingère, c’est le linge qui m’enchante), ce qui me vient de la vie de Fourier, c’est son goût pour les mirlitons (petits pâtés parisiens aux aromates), sa sympathie tardive pour les lesbiennes, sa mort parmi les pots de fleurs ; ce qui me vient de Loyola, ce ne sont pas les pèlerinages, les visions, les macérations et les constitutions du saint, mais seulement "ses beaux yeux, toujours un peu embués de larmes". Car s’il faut que par une dialectique retorse il y ait dans le Texte, destructeur de tout sujet, un sujet à aimer, ce sujet est dispersé, un peu comme les cendres que l’on jette au vent après la mort (au thème de l’urne et de la stèle, objets forts, fermées, instituteurs du destin, s’opposeraient les éclats du souvenir, l’érosion qui ne laisse de la vie passée que quelques plis) : si j’étais écrivain, et mort, comme j’aimerais que ma vie se réduisît, par les soins d’un biographe amical et désinvolte, à quelques détails, à quelques goûts, à quelques inflexions, disons : des "biographèmes", dont la distinction et la mobilité pourraient voyager hors de tout destin et venir toucher, à la façon des atomes épicuriens, quelque corps futur, promis à la même dispersion ; une vie trouée, en somme, comme Proust a su écrire la sienne dans son œuvre, ou encore un film, à l’ancienne manière, duquel toute parole est absente et dont le flot d’images (ce flumen orationis en quoi consiste peut-être la "cochonnerie" de l’écriture) est entrecoupé, à la façon de hoquets salutaires, par le noir à peine écrit de l’intertitre, l’irruption désinvolte d’un autre signifiant : le manchon blanc de Sade, les pots de fleurs de Fourier, les yeux espagnols d’Ignace.

"Seuls les gens qui s’ennuient ont besoin d’illusion", disait Brecht. Le plaisir d’une lecture garantit sa vérité. Lisant des textes et non des œuvres, exerçant sur eux une voyance qui ne va pas chercher leur secret, leur "contenu", leur philosophie, mais seulement leur bonheur d’écriture, je puis espérer arracher Sade, Fourier et Loyola à leurs cautions (la religion, l’utopie, le sadisme) ; je tente de disperser ou d’éluder le discours moral qu’on a tenu sur chacun d’eux ; ne travaillant, comme eux-mêmes l’ont fait, que sur des langages, je décolle le texte de sa motion de garantie : le socialisme, la foi, le mal. Par là-même j’oblige (c’est du moins l’intention théorique de ces études) à déplacer (mais non à supprimer ; peut-être même à accentuer) la responsabilité sociale du texte. Certains croient pouvoir en toute assurance situer le lieu de cette responsabilité : ce serait l’auteur, l’insertion de cet auteur dans son temps, son histoire, sa classe. Cependant un autre lieu reste énigmatique, échappe pour l’heure à tout éclaircissement : le lieu de la lecture. Cet obscurcissement se produit au moment même où l’on vitupère le plus l’idéologie bourgeoise sans jamais se demander de quel lieu on parle d’elle ou contre elle : est-ce l’espace du non-discours ("ne parlons pas, n’écrivons pas : militons") ? Est-ce celui d’un contre-discours ("discourons contre la culture de classe"), mais fait alors de quels traits, de quelles figures, de quels raisonnements, de quels résidus culturels ? Faire comme si un discours innocent pouvait être tenu contre l’idéologie revient à continuer de croire que le langage peut n’être que l’instrument neutre d’un contenu triomphant. En fait, il n’y a aujourd’hui aucun lieu de langage extérieur à l’idéologie bourgeoise : notre langage vient d’elle, y retourne, y reste enfermé. La seule riposte possible n’est ni l’affrontement ni la destruction, mais seulement le vol : fragmenter le texte ancien de la culture, de la science, de la littérature, et en disséminer les traits selon des formules méconnaissables, de la même façon que l’on maquille une marchandise volée. Face à l’ancien texte, j’essaye donc d’effacer la fausse efflorescence, sociologique, historique ou subjective des déterminations, visions, projections ; j’écoute l’emportement du message, non le message, je vois dans l’œuvre triple le déploiement victorieux du texte signifiant, du texte terroriste, laissant se détacher, comme une mauvaise peau, le sens reçu, le discours répressif (libéral) qui veut sans cesse le recouvrir. L’intervention sociale d’un texte (qui ne s’accomplit pas forcément dans le temps où ce texte paraît) ne se mesure ni à la popularité de son audience ni à la fidélité du reflet économico-social qui s’y inscrit ou qu’il projette vers quelques sociologues avides de l’y recueillir, mais plutôt à la violence qui lui permet d’excéder les lois qu’une société, une idéologie, une philosophie, se donnent pour s’accorder à elles-mêmes dans un beau mouvement d’intelligible historique. Cet excès a nom : écriture.

Juin 1971.

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FOURIER

Extrait, Seuil, coll Tel Quel, p.86-96

LE CALCUL DE PLAISIR

Le mobile de toute construction (de toute combinaison) fouriériste n’est pas la justice, l’égalité, la liberté, etc., c’est le plaisir. Le fouriérisme est un eudémonisme radical. Le plaisir fouriériste (appelé bonheur positif) est très facile à définir : c’est le plaisir sensuel : « la liberté amoureuse, la bonne chère, l’insouciance et autres jouissances que les Civilisés ne songent même pas à convoiter, parce que la philosophie les habitue à traiter de vice le désir des biens véritables [2]. »

La sensualité fouriériste est surtout orale. Certes les deux grandes sources du plaisir sont à . égalité l’Amour et la Nourriture, mis sans cesse en parallèle ; mais si Fourier revendique en faveur de la liberté érotique, il ne la décrit pas sensuellement ; tandis que la nourriture est fantasmée amoureusement dans le détail (compotes, mirlitons,
melons, poires, limonades) ; et la parole même de Fourier est sensuelle, elle progresse dans l’effusion, l’enthousiasme, le comblement verbal, la gourmandise du mot (le néologisme est un acte érotique, ce pour quoi il soulève immanquablement la censure des cuistres).

Ce plaisir fouriériste est commode, il se découpe : isolé sans peine du fatras hétéroclite des causes, effets, valeurs, protocoles, habitudes ; alibis, il se présente partout dans sa pureté souveraine : la manie (celle du pille-talon, du mange-vilénie, du vieux poupon sentimental) n’est jamais saisie que par le plaisir qu’elle procure aux partenaires et ce plaisir ne s’encombre jamais d’autres images (ridicules, inconvénients, difficultés) ; bref, aucune métonymie ne l’attache : le plaisir est ce qu’il est, rien d’autre. La cérémonie emblématique de cette découpe d’essence serait l’orgie de musée : elle consiste dans une exposition simple du désirable, « séance où les notables amoureux exposent à nu ce qu’ils ont de plus remarquable. Telle femme qui n’a que la gorge de belle n’expose que la gorge et se revêt par en bas... » (ne· commentons pas le caractère fétichiste de cet encadrement, assez évident ; son intention n’étant pas analytique, mais seulement éthique, Fourier se moquerait de prendre le fétichisme dans une construction symbolique, réductrice : ce serait simplement une manie à côté des autres, et non pas au-dessus ou au-dessous d’elles.

Le plaisir fouriériste ne se pénètre d’aucun mal : il n’intègre pas la vexation, à la façon sadienne, mais au contraire l’évapore ; son discours est celui de la « bienveillance générale » : par exemple, dans la guerre d’amour (jeu et théâtre), par délicatesse, pour ne pas vexer, les drapeaux et les chefs ne sont pas capturés. Si cependant, en l’Harmonie, on en vient à souffrir, c’est toute la société qui s’emploie à vous étourdir : avez-vous eu quelque fiasco d’amour, avez-vous été éconduit, les Bacchantes, Aventurières et autres corporations de plaisir vous entourent et vous entraînent, effacent immédiatement le dol dont vous avez été victime (elles exercent, dit Fourier, la philanthropie). Mais si l’un a la manie de vexer ? Faut-il le laisser faire ? Le plaisir de vexer est dû à un engorgement ; or !’Harmonie désengorgera les passions, le sadisme sera résorbé : Dame Strogonoff avait la méchante habitude de vexer sa belle esclave en lui perçant le sein d’épingles ; c’était en fait contre-passion : Dame Strogonoff était amoureuse de sa victime sans savoir : l’Harmonie, en autorisant et favorisant les amours saphiques, l’eût débarrassée de son sadisme. Dernière menace cependant : la satiété : comment soutenir le plaisir ? « Comment faire pour avoir un appétit qui se renouvelle sans cesse ? Voilà où gît le secret de la politique harmonienne. » Ce secret est double : d’une part, changer la race et, par les bienfaits généraux du régime sociétaire (à base de viandes et de fruits, sans presque de pain), former des hommes physiologiquement plus forts, aptes au renouvellement des plaisirs, capables de digérer plus vite, d’avoir faim plus souvent ; et d’autre part varier sans cesse les plaisirs (jamais plus de deux heures à une même occupation), et de tous ces plaisirs successifs faire un seul plaisir continu.

Voici donc le plaisir seul et triomphant, il règne sur tout. Le plaisir n’a pas de mesure, il n’est pas soumis à la quantification, le trop est son être (« notre tort n’est pas, comme on l’a cru, de trop désirer, mais de trop peu désirer... ») ; il en est lui-même la mesure : « le sentiment » dépend du plaisir : « la privation du nécessaire sensuel dégrade le sentiment », et « la pleine satisfaction du matériel est le seul moyen d’élever le sentiment » : contre-freudisme : le « sentiment » n’est pas le transformation sublimante d’un manque, mais au contraire l’effusion panique d’un comblement. Le plaisir soumet la Mort (dans l’autre vie les plaisirs seront sensuels), il est le Fédérateur, celui qui opère la solidarité des vivants et des morts (le bonheur des défunts ne commencera qu’avec celui des vivants, les uns devant en quelque sorte attendre les autres : point de morts heureux tant que sur terre les vivants ne le seront pas ; vue d’une générosité, d’une « charité » dont aucune eschatologie religieuse n’a eu l’audace). Le plaisir est enfin le principe pérenne de l’organisation sociale : soit que, négativement, il induise à condamner toute société, fût-elle progressiste, qui l’oublie (telle l’expérience d’Owen à New-Lamarck, dénoncée comme « trop sévère » parce que les sociétaires y vont pieds nus) , soit que, positivement, les plaisirs soient déclarés affaires d’État (les plaisirs, et non les loisirs : c’est ce qui sépare — heureusement — l’Harmonie fouriériste de l’Etat moderne, où l’organisation pieuse des loisirs correspond à la censure impitoyable des plaisirs) ; le plaisir relève, en effet, d’un calcul, opération qui est pour Fourier, est la forme la plus haute d’organisation ou de maîtrise sociales ; ce calcul est celui-là même de toute la théorie sociétaire, dont la pratique est de transformer le travail en plaisir (et non de suspendre le travail au profit du loisir) : la barre qui oppose en Civilisation le travail au plaisir tombe, il y a effondrement paradigmatique, conversion philosophale de l’immonde en attrayant (on paiera les impôts « avec autant d’empressement qu’en met une mère à vaquer aux soins immondes mais attrayants qu’exige son nourrisson »), et le plaisir lui-même devient une valeur d’échange, puisque l’Harmonie reconnaît et honore, par le nom d’Angélicat, la prostitution collective : il est en quelque sorte la monade énergétique qui assure dans sa relance et son étendue le mouvement sociétaire.

Le plaisir étant l’Unique, révéler le plaisir est une charge elle-même unique : Fourier est seul contre tous (notamment contre tous les Philosophes, contre toutes les Bibliothèques), il a seul raison, et cette raison est elle-même la seule désirable : « N’est-il pas à désirer que j’ai seul raison contre tous ? De l’Unique vient le caractère incendiaire du plaisir : en parler brûle, saisit, effraie : combien de déclarations sur le saisissement mortel qu’apporterait la révélation trop brusque du plaisir ! Que de précautions, de préparations d’écriture ! Fourier éprouve une sorte d’obligation prophylactique de froideur (mal observée d’ailleurs : il s’imagine que ses « calculs » sont ennuyeux et s’en rassure, alors qu’ils sont délicieux) ; d’où une retenue incessante du discours : « craignant de vous faire entrevoir l’immensité de ces plaisirs, je n’ai disserté que sur... etc. » : le discours de Fourier n’est jamais que propédeutique, tant son objet, son centre est brûlant de splendeur [3], articulé par le plaisir, le monde sociétaire est éblouissant.

Le champ du Besoin est le Politique, le champ du Désir, c’est ce que Fourier appelle le Domestique. Fourier a choisi le Domestique plutôt que le Politique, il a édifié une utopie domestique (mais une utopie peut-elle être autre chose ? une utopie peut-elle jamais être politique ? la politique n’est-elle pas : tous les langages moins un, celui du Désir ? En mai 1968, on proposa à l’un des groupes qui se constituaient spontanément à la Sorbonne d’étudier l’Utopie domestique — on pensait évidemment à Fourier ; à quoi il fut répondu que l’expression était trop « recherchée », donc « bourgeoise » ; le politique est ce qui forclôt le désir, sauf à y entrer sous forme de névrose : la névrose politique ou, plus exactement : la névrose de politisation.

L’ARGENT FAIT LE BONHEUR

En Harmonie, non seulement la richesse est sauvée, mais encore elle est magnifiée, elle entre dans un jeu de métaphores heureuses, fournissant aux démonstrations fouriéristes tantôt le brio cérémonial des pierreries (« le crachat de diamant en triangle radieux », déco­ ration de la sainteté amoureuse, c’est-à-dire de la prostitution générale), tantôt la modestie du sou (« 20 sous à Racine pour sa tragédie de Phèdre » : il est vrai multipliés par tous les cantons qui ont décidé d’honorer le poète) ; les opérations attachées à l’argent sont elles aussi motifs d’un jeu délectable : celui, dans la guerre d’amour, de la rédemption (du rachat) des captifs. L’argent participe de la brillance du plaisir (« Les sens ne peuvent prendre le plein essor indirect sans l’entremise de l’argent ») : l’argent est désirable, comme aux plus beaux jours de la corruption civilisée, au-delà de laquelle il se perpétue à titre de fantasme splendide et « incorruptible ».

Curieusement détaché du commerce, de l’échange, de l’économie, l’argent fouriériste est un métal analogique (poétique), le chiffre du bonheur. Son exaltation est évidemment’ une contre-marche : c’est parce que toute la Philosophie (civilisée) a condamné l’argent, que Fourier, destructeur de la Philosophie et critique de la Civilisation, le .réhabilite : l’amour des richesses étant un topos péjoratif (au prix d’une constante hypocrisie : Sénèque, l’homme aux quatre-vingts millions de sesterces, déclarait qu’il fallait se défaire de ses richesses à l’instant), Fourier retourne le mépris en louange [4] : les noces, par exemple, sont une cérémonie ridicule [5], sauf « lorsqu’un homme épouse une femme très riche ; alors il y a lieu de se réjouir » ; tout, quant à l’argent, semble pensé en vue de ce contre-discours, propre­ ment scandaleux par rapport aux contraintes littéraires de l’admonition : « Recherchez les richesses mobiles, l’or, l’argent, les valeurs métalliques, les pierreries et objets de luxe méprisés par les philosophes [6]. »
Ce fait de discours, cependant, n’est pas rhétorique : il a cette énergie de langage qui fait basculer le discours en écriture, il fonde la transgression majeure, celle qui ameute contre elle tout le. monde : les chrétiens, les marxistes, les freudiens, pour qui l’argent continue d’être matière damnée, fétiche, excrément : qui oserait défendre l’argent ? Il n’est aucun discours avec lequel l’argent soit compatible. Parce qu’elle est absolument solitaire (Fourier ne trouverait sur ce point, parmi ses confrères, les « agitateurs littéraires », aucun comanien), la transgression fouriériste dénude le point le plus secret de la conscience civilisée. Fourier exaltait l’argent parce que pour lui l’image du bonheur était de droit fournie par le mode de vie des gens riches : vue scandaleuse, aujourd’hui, aux yeux des contestataires eux-mêmes, qui condamnent tout plaisir induit du modèle bourgeois. On le sait, la métonymie (la contagion) est le ressort de la Faute (de la religion) ; le matérialisme radical de Fourier tient à son refus constant, vigilant, de toute métonymie. Pour lui, l’argent n’est pas un conducteur de maladie, mais seulement l’élément sec, pur, d’une combinatoire à réordonner.

INVENTEUR, NON ÉCRIVAIN

Pour refaire le monde (y compris la Nature), Fourier a mobilisé : une intolérance (celle de la Civilisation), une forme (le classement), une mesure (le plaisir), une imagination (la « scène »), un discours (son livre). Tout cela définit assez bien l’action du signifiant — ou le signifiant à l’action. Cette action fait lire sans cesse un manque éblouissant, qui est celui de la science et de la politique, c’est-à-dire du signifié [7] Ce que Fourier manque (d’ailleurs volontairement) désigne en retour ce que nous manquons nous-mêmes lorsque nous refusons. Fourier : ironiser sur Fourier, c’est toujours — à si juste raison que ce soit du point de vue de la science — censurer le signifiant. Politique et Domestique (c’est le nom du système de Fourier) [8], science et utopie, marxisme et fouriérisme sont comme deux filets dont les mailles ne coïncident pas. D’un côté, Fourier laisse passer toute la science, que Marx recueille et développe ; du point de vue politique (et surtout depuis que le marxisme a su donner un nom indélébile à ses manques), Fourier est tout à fait à côté : irréel et immoral. Mais en face, l’autre filet laisse passer le plaisir, que Fourier recueille [9]. Désir et Besoin se laissent fuir, comme si les deux filets, se superposant alternativement, jouaient à la main chaude. Le rapport du Désir et du Besoin n’est cependant pas complémentaire (en les emboîtant l’un dans l’autre, tout serait parfait), mais supplémentaire : chacun est le trop de l’autre. Le trop : ce qui ne passe pas. Par exemple, vu d’aujourd’hui (c’est-à-dire après Marx), le politique est une purge nécessaire ; Fourier est l’enfant qui se détourne de la purge, qui la vomit.

Le vomissement du politique, c’est ce que Fourier appelle l’Invention. L’invention fouriériste (« Pour moi, je suis inventeur et non orateur ») vise le nouveau absolu, ce dont on n’a encore jamais parlé. La règle d’invention est une règle de refus : douter absolument (bien plus que Descartes qui, pense Fourier, n’a jamais fait du doute qu’un usage partiel et déplacé), être en opposition avec tout ce qui a été fait, ne traiter que de ce qui n’a pas été traité, s’écarter des « agitateurs littéraires », des gens du Livre, prôner ce que l’Opinion répute impossible. C’est en somme, pour cette raison purement structurale (ancien/nouveau), et par l’effet d’une simple contrainte du discours (parler seulement là où il n’y a pas encore eu de parole) que Fourier tait le politique. L’invention fouriériste est un fait d’écriture, un déploiement du signifiant. Ces mots doivent s’entendre au sens moderne : Fourier répudie l’écrivain , c’est-à-dire le gestionnaire attitré du bien-écrire, de la littérature, celui qui cautionne l’union décorative et donc la séparation fondamentale du fond et de la forme ; en s’affirmant inventeur (« Je ne suis pas écrivain, mais inventeur »), il se porte à la limite du sens, que nous appelons aujourd’hui Texte. Peut-être, suivant Fourier, nous faudrait-il désormais appeler inventeur (et non écrivain ou philosophe) celui qui amène au jour de nouvelles formules et investit ainsi, à coup de fragments, immensément et en détail, l’espace du signifiant.

LE MÉTA-LIVRE

Le méta-livre est le livre qui parle du livre. Fourier passe son temps à parler de son livre en sorte que l’œuvre de Fourier que nous lisons, mêlant indissolublement les deux discours, forme finalement un livre autonyme, dans lequel la forme dit sans cesse la forme.

Fourier accompagne son livre très loin. Par exemple, il imagine un dialogue entre le libraire et le client. Ou encore, sachant que son livre sera mis en procès, il établit tout un système institutionnel de défense (tribunal, jury, avocats) et de diffusion (le lecteur riche qui voudra s’éclaircir sur quelques doutes appellera l’auteur en leçons payées, comme celles des sciences et des arts :« c’est un genre de relations sans conséquence, comme avec un marchand de qui l’on achète » : après tout, c’est un peu ce que fait aujourd’hui l’écrivain qui part en tournées de conférences pour redire en paroles ce qu’il a dit en écriture).

Quant au livre lui-même, il suppose une rhétorique, c’est-à-dire l’adaptation des types de discours à des types de lecteurs : l’exposition s’adresse aux « Curieux » (c’est-à-dire aux hommes studieux) ; les descriptions (aperçus sur les jouissances des Destinées privées) s’adressent aux Voluptueux ou Sybarites ; la confirmation, pointant les bévues systématiques des Civilisés en proie à l’Esprit Commercial, s’adresse aux Critiques. On distinguera des morceaux de perspective et des morceaux de théorie (1,160) ; il y aura des aperçus (abstraits), des abrégés (à moitié concrets), des dissertations approfondies (corps de doctrine). Il s’ensuit que le livre (vue en quelque sorte mallarméenne), non seulement est morcelé, articulé (structure banale), mais encore mobile, soumis à un régime d’actualisation intermittente : on invertira des chapitres, on précipitera (marche expéditive) ou on ralentira la lecture, selon la classe de lecteurs dans laquelle on désire se ranger ; à la limite, le livre n’est fait que de sauts, troué, comme les manuscrits mêmes de Fourier (notamment le Nouveau Monde amoureux), où des mots manquent sans cesse, rongés par les souris, portés de la sorte aux dimensions d’un cryptogramme infini, dont la clef sera donnée plus tard.

Ceci n’est pas sans rappeler le mode de lecture du moyen âge, fondé sur le discontinu légal de l’œuvre : non seulement le texte antique (objet de la lecture médiévale) était cassé et les fragments en étaient ensuite diversement combinables, mais encore il était normal de tenir sur un sujet deux discours indépendants et concurrents, placés sans vergogne dans un rapport de redondance : ars minor (abrégé) et ars major (développé) de Donat, modi minores et modi majores des Modistes ; c’est l’opposition fouriériste de l’aperçu-abrégé et de la dissertation. Cependant l’effet de ce doublage est retors, paradoxal. On s’attendrait à ce que, comme toute redondance, il couvre complète­ ment le sujet, le remplisse et le ferme (qu’ajouter à un discours qui essentialise son propos sous forme d’un résumé et qui le développe sous forme d’une dissertation approfondie ?). Or c’est tout le contraire ; la duplicité du discours produit un interstice, par où le sujet fuit : Fourier passe son temps à retarder l’énoncé décisif de sa doc­ trine, il n’en livre jamais que des exemples, des séductions, des « appetizers » ; le message de son livre est l’annonce d’un message à venir : attendez encore un peu, je vous dirai l’essentiel très bientôt. Cette manière d’écrire pourrait s’appeler la contre-paralipse (la paralipse est cette figure de rhétorique qui consiste à dire qu’on ne va pas dire, et donc à dire cela que l’on prétend taire : je ne parlerai pas de... : suivent trois pages). La paralipse implique la conviction que l’indirect est un mode rentable du langage ; mais la contre-marche de Fourier, outre qu’elle traduit sans doute l’effroi névrotique du fiasco (tel celui d’un homme qui n’ose pas sauter — ce que Fourier, transférant sur le lecteur, énonce comme la crainte mortelle du plaisir), montre du doigt le vide dµ langage pris dans les rets du méta-livre, son livre est sans sujet : le signifié en est dilatoire, retiré sans cesse plus loin : seul s’étend à perte de vue, dans le futur du livre, le signifiant.

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Roland Barthes dialogue

Avec Pierre Barbier, Stanislas Fumet, Hubert Juin, Luc Estang.

Tribune des critiques, 29 décembre 1971.

« Sade, Fourier et Ignace de Loyola ont été des classificateurs, des fondateurs de langues : langue du plaisir érotique, langue du bonheur social, langue de l’interpellation divine, chacun a mis dans la construction de cette langue seconde toute l’énergie d’une passion.

Cependant, inventer des signes (et non plus, comme nous le faisons tous, les consommer), c’est entrer paradoxalement dans cet après-coup du sens, qu’est le signifiant ; en un mot, c’est pratiquer une écriture. L’objet de ce livre n’est pas de revenir sur les propositions de contenu dont on crédite ordinairement nos trois auteurs, à savoir une philosophie du Mal, un Socialisme utopique, une mystique de l’obéissance, mais de tenir Sade, Fourier et Loyola pour des formulateurs, des inventeurs d’écriture, des opérateurs de texte.

Je crois ainsi poursuivre un projet ancien, dont l’intention théorique pourra se lire à travers ces études concrètes et spéciales : jusqu’où peut-on aller d’un texte en ne parlant que de son écriture ? » — R.B.

LIRE :
« Fourier inutilisé » : chutes et rebuts du Fourier de Roland Barthes

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L’hommage à Charles Fourier, rue Moncey à Besançon.
Photo ER /Franck LALLEMAND

Un homme une ville : Charles Fourier

Les après-midi de France Culture

Par Jean Montalbetti.
Réalisation Danielle Fontanarosa et André Mathieu.

Partie 1 : à Besançon (1ère diffusion : 11/04/1980). Avec Joëlle Pontefract et Dominique Desanti

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LIRE AUSSI :
Charles Fourier, l’illuminé de Besançon
La quatrième vie de Charles Fourier

Partie 2 : à Paris (1ère diffusion : 18/04/1980). Avec Dominique Desanti, Simone Debout, René Scherer.

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Partie 3 : à Paris (1ère diffusion : 25/04/1980). Henri Desroche.

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Charles Fourier, le rêveur sublime.

Une vie une oeuvre. Par Christine Goémé et François Caunac.
Émission diffusée sur France Culture le 08.10.2002.

Intervenants : Simone Debout, Michel Giroud, Patrick Tacussel, René Scherer

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Phalanstère et Harmonie universelle

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Simone Debout & André Breton Correspondance 1958-1966

Suivie de «  Mémoire. D’André Breton à Charles Fourier   : la révolution passionnelle  » & de «  Rétrospections  », par Simone Debout .

Si Fourier doit être –enfin !– interrogé passionnément, comme il l’exige, et non plus du bout des lèvres (passion­nément, comme on interroge Rimbaud, que vous citez toujours si juste, par exemple), c’est à vous qu’il le devra –et vous savez que, lorsque je vous dis cela, il y va, à mes yeux, de l’avenir du monde. 
André Breton à Simone Debout 15 septembre 1958

Rassembler des lettres d’André Breton et une correspondance vieille de plus d’un demi-siècle (de 1958 à la mort d’André Breton en 1966), c’est réunir les moments successifs d’un échange, d’une double fervente attention et d’un enthousiasme commun pour Charles Fourier. Des témoignages et plus, la mémoire réelle enclose comme une belle au bois dormant, consignée dans des lettres et les lettres des mots que le lecteur réveille et réanime : au présent, le double bonheur de découvrir Fourier et de rencontrer André Breton. Simone Debout Mai 2019

Simone Debout, née en 1919, est l’éditrice des Œuvres complètes de Charles Fourier (Anthropos, 1966-1968  ; Presses du réel, 1998-2013). Avec la révélation du Nouveau Monde amoureux (Anthropos, 1967  ; Presses du réel, 1998), elle a notamment permis la redécouverte du philosophe dans ses dimensions politiques et sensuelles les plus subversives, celles restées inaperçues pendant plus d’un siècle.

Dans « griffe au nez » (Anthropos, 1974   ; Payot, 1999) ou dans L’Utopie de Charles Fourier (Payot, 1978  ; Presses du réel, 1998), Simone Debout a exploré les voies d’une émancipation des désirs où la réalisa­tion passionnée du singulier donne corps aux mouvements du collectif.

Après la Seconde Guerre mondiale qu’il a passée essentiellement à New-York, André Breton (1896-1966) est revenu en 1946 à Paris, où il relance le mouvement surréaliste. Il publie en février 1947 un long poème, l’Ode à Charles Fourier, et voit, moins de dix ans plus tard, de vrais passionnés de l’œuvre du «  rêveur sublime  » le rejoindre, dont la résistante Simone Debout…

«  Transformer le monde  » avec Marx, «  changer la vie  » avec Rimbaud et «  refaire de toutes pièces l’entendement humain  » avec Fourier   : ces maximes devenues indissociables dans l’esprit d’André Breton, peuvent alors trouver à s’incarner, et même à lui survivre.

Édition établie, annotée et présentée par Florent Perrier, avec le concours d’Agnès Chekroun.
Parution  : novembre 2019
288 pages 12x17 cm
63 photographies et fac-similés couleur
Coll. «  Tiré-à-part  »
Premier tirage offset quadrichromie à 400 ex., sur Olin Regular crème mat 100 gr. et sous couverture Gmund Color Matt 200 gr.
PVP  : 35 €.
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LIRE AUSSI :
Simone Debout, Sur un manuscrit inédit de Charles Fourier : Le nouveau monde amoureux In : L’Homme et la société, n° 4,
1967, pp. 233-240.
Un révolutionnaire brut : Charles Fourier. Un texte de Simone Debout

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La hardiesse du désir : Breton, Éluard, Fourier

André Breton Paul Éluard, Correspondance 1919-1938, Gallimard (457 pages, 32 €)
Simone Debout & André Breton, Correspondance 1958-1966, suivie de Mémoire. D’André Breton à Charles Fourier : La révolution passionnelle et de Rétrospections, Éditions Claire Paulhan (286 pages, 35 €)

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L’histoire du surréalisme n’a plus de secret pour qui s’intéresse aujourd’hui à ce grand moment d’effervescence littéraire et artistique. L’intérêt des correspondances de ceux qui en furent les acteurs est de nous faire suivre cette aventure à vif, au jour le jour.

Les échanges épistolaires entre Breton et Éluard commencent en mars 1919. Paulhan en est à l’origine, qui fait savoir à Breton qu’un jeune poète du même âge que lui, Breton, pourrait écrire dans Littérature. Il s’appelle Paul Eugène Grindel, dit Paul Éluard. La grande boucherie de 14-18 vient de prendre fin, Dada est en pleine action. Tzara, Picabia sont les deux plus furieux agitateurs. On suit, dans l’échange de lettres entre Breton et Éluard, les motivations qui amènent les deux poètes à se séparer peu à peu de Dada. De leur rupture, naît et prend son envol le surréalisme.

Les chers petits

On trouve toujours chez Breton, dans les lettres à ses amis, des propos à la fois touchants et agaçants. Ainsi, là où l’on attend le Breton chef de guerre à la tête d’une phalange de durs à cuire semant la terreur dans les arts et les lettres, on rencontre un papa attentionné (ou un fiston dévoué, les rôles sont interchangeables), soucieux de constituer une petite famille soudée, solidement protégée. Entre lui et Éluard, ce ne sont que des : « Mon cher petit », « Cher petit Paul », « Cher petit André », « Mes chers petits enfants ». Où ça devient irritant, c’est quand une femme arrive dans les parages, avec le rôle que la fratrie mâle leur fait jouer, ou qu’elles-mêmes imposent. Et le ballet des femmes est étourdissant sur la scène surréaliste où l’addiction à « l’amour fou » est largement partagée. Les compagnes et épouses interviennent dans les débats et les querelles, mettent leur grain de sel dans les aventures sentimentales, les peines de cœur des uns et des autres. À la fin des missives, il est de bon de présenter des « hommages » à une mère, Madame Grindel, la maman du Petit Paul, ou les saluts aux dernières conquêtes féminines de ces messieurs. Ils sont bien élevés, polis, sentimentaux, usant d’un langage châtié, les deux poètes, et puis soudain, ça déraille, notamment quand les conflits politico-littéraires se précisent. Alors, c’est l’invective, l’injure, la grossièreté (Breton y excelle), un tel le « fait chier », tel autre, Aragon, est une « canaille », Dali un « élément fasciste », la femme qui vient de quitter le Petit André un « chef-d’œuvre de l’ordure ».

La porcelaine bat des mains

Parfois, ils en viennent aux mains. Breton balance une gifle à son ex-copain Soupault. On se bagarre facilement (cf. la rixe lors du fameux banquet Saint-Pol-Roux à la Closerie des Lilas) ; on perturbe et tente d’empêcher le spectacle d’un ami devenu un « traître » (le malheureux Max Ernst en a fait les frais pour sa participation aux Ballets russes de Serge Diaghilev). Reconnaissons que ces empoignades, parfois musclées, ne sont pas ce qu’il y a de plus déplaisant dans les actions publiques des surréalistes.

Les lettres des deux poètes sont rédigées dans une prose classique, mais dès que l’un d’eux s’exprime avec des poèmes, bonjour les dégâts ! « Une chanson de porcelaine bat des mains / Puis en morceaux mendie et meurt ». C’est du Éluard. Essayez de visualiser la chose.

La correspondance prend fin en 1938. Les conflits politiques, jusque là larvés entre les deux épistoliers, atteignent un point de non-retour. Chacun a choisi son camp : Staline pour Éluard, Trotski pour Breton. Leur amitié, qui fut profonde, n’y survivra pas.

Belle et forte femme

La correspondance que publie Claire Paulhan, Simone Debout & André Breton, est d’une tout autre nature. Nous sommes en 1958. Breton a soixante-deux ans. Revenu de son exil aux Etats-Unis après l’armistice, il écrit en 1947 un long poème, l’Ode à Charles Fourier. Dans ces années d’après-guerre, l’œuvre de celui que Breton appelle « le rêveur sublime » ne suscite plus d’intérêt. C’est dix ans après avoir écrit son Ode qu’il apprend qu’une jeune femme, Simone Debout, travaille sur Fourier. Il lui écrit le 30 Juillet 1958, se disant d’abord touché par le « si beau bleu » de son regard (toujours galant avec les jolies femmes, le poète), puis dans une lettre suivante il lui déclare qu’avec son étude en cours sur le grand utopiste du 19ème siècle il y va à ses yeux « de l’avenir du monde ».

Belle femme, mais forte femme, Simone Debout la bien-nommée, qui, toute admirative qu’elle soit de Breton, ne s’en laisse pas conter par lui quand il tente, avec amis surréalistes de la dernière génération et autres intellectuels trotskisants, de l’embrigader dans l’aventure de la revue 14 Juillet dont les attaques violentes contre de Gaulle, désigné comme un nouveau dictateur (nous sommes en 1958), ne sont pas le signe d’une grande lucidité politique. Leur inflation verbale agace Simone Debout. « Ce grand homme (De Gaulle), répond-t-elle à Breton, est un accident du pourrissement socialiste », « les partis communistes et socialistes, eux sont à réinventer ». À en juger aujourd’hui, on ne pas dire qu’elle ait été entendue.

Dans une postface à leur correspondance, Simone Debout, après la mort d’André Breton en 1966, revient dans un très beau texte sur les circonstances de leur rencontre, sur leurs engagements politiques respectifs, sur Sade et l’importance de Freud, sur « l’irréductibilité du mal », sur leurs conceptions de l’amour et du sexe et plus précisément sur la place qu’auront à tenir les femmes dans les combats à venir sur ces terrains-là.

« Fourier libère la hardiesse du désir ». Qu’elle soit entendue en un moment de notre histoire où le mot « désir » est banni.

Jacques Henric, art press, publié le 27/02/2020.

LIRE AUSSI :
Charles Fourier, Simone Debout & André Breton, une correspondance
Correspondance Breton-Debout
Simone Debout, spécialiste de l’œuvre de Charles Fourier, est morte

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Tombe de Fourier au cimetière Montmartre

[2Rappelons d’un mot que dans le lexique fouriériste, Civilisation a un sens précis (nombré) : le mot désigne la 5° période de la première phase (Enfance de l’humanité), qui advient entre la période du patriarcat fédéral (naissance de la grande industrie agricole et manufacturière) et celle du garantisme ou demi­-association (industrie par association). De là un sens plus large : Civilisation est chez Fourier, synonyme de barbarie malheureuse et désigne l’état de son propre temps (et du nôtre) ; elle s’oppose à L’Harmonie universelle (2e et 3e phases de l’humanité). Fourier pensait être à la charnière de la Civilisation-Barbarie et de !’Harmonie.

[3Si nous pouvions voir subitement cet Ordre combiné, cette œuvre de Dieu tel qu’il sera dans sa pleine activité... il est hors de doute que beaucoup de Civilisés seraient frappés de mort par la violence de leur extase. La seule description [de la 8e Société] pourra causer à plusieurs d’entre eux, et surtout aux femmes, un enthousiasme qui tiendra de la manie ; elle pourra les rendre indifférents aux amusements, inhabiles aux travaux de la Civilisation.

[4« De là naît une conclusion qui va sembler une facétie et qui pourtant sera démontrée rigoureusement ; c’est que dans les 18 sociétés d’Ordre combiné, la qualité la plus essentielle pour le triomphe de la vérité, c’est l’amour des richesses » (I, 70). « La gloire et la science sont bien désirables, sans doute, mais, bien insuffisantes quand elles ne sont pas accompagnées de la fortune. Les lumières, les trophées ’et autres illusions ne conduisent pas au bonheur, qui consiste avant tout dans la possession des richesses... » (I, 14).

[5« li faut être né en Civilisation pour supporter l’aspect de ces indécentes coutumes qu’on appelle les Noces, où l’on voit intervenir à la fois le magistrat et le sacerdoce avec les plaisants et ivrognes du quartier » (I, 174).

[6L’avènement de !’Harmonie étant imminent, Fourier conseille aux Civilisés de profiter tout de suite des quelques biens de la CivilisatIon ; c’est Je thème millénariste (à l’envers, c’est-à-dire positif) : vivez pleinement aujourd’hui, demain sera nouveau, il est inutile d’épargner, de garder, de transmettre.

[7« ... ne chercher le bien que dans des opérations qui n’eussent aucun rapport avec l’administration ni le sacerdoce, qui ne reposassent que sur des mesures industrielles ou domestiques et qui fussent compatibles avec tous les gouvernements sans avoir besoin de leur intervention » (1, 5).

[8« ...·démontrer l’extrême facilité de sortir du labyrinthe civilisé sans secousse politique, sans effort scientifique, mais par une opération purement domestique » (1, 126).

[9« ... les sophistes nous donnent le change sur leur impéritie en calculs de politique amoureuse ou mineure, et nous occupent exclusivement de politique ambitieuse ou majeure... » (IV, 51).

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