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Utopie situationniste ?

Sur la propriété intellectuelle

D 24 mars 2008     A par Viktor Kirtov - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


« Peut être librement reproduit, traduit ou adapté,
même sans indication d’origine. »
...

Mention indiquée par A.G. à la fin de l’Index des titres des Sommaires de Tel Quel ici.

A.G. ne cite pas l’origine de sa citation, se conformant, là, au principe de sa source, celui qu’affichait la Revue Internationale Situationiste de Guy Debord et ses amis (12 numéros de la revue entre 1958 et 1969). Un micro-groupe qui a laissé sa trace. Et Debord, ce subversif que l’on évoque en ce quarantenaire de Mai 68, comme un précurseur du mouvement...

« Tel Quel », aussi, un titre emprunté dans la filiation de Paul Valéry avec son recueil de pensées « Tel Quel », Nietzsche avec cette citation en exergue du N°1 :

« Je veux le monde et le veux TEL QUEL,
et le veux encore
le veux éternellement,
et le crie insatiablement : bis !
et non seulement pour moi seul,
mais pour toute la pièce et tout le spectacle ;
et non pour tout le spectacle seul,
mais au fond pour moi,
parce que le spectacle m’est nécessaire
- parce qu’il me rend nécessaire -
- parce que je lui suis nécessaire -
et parce que je le rends nécessaire. »

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Revue politique n°5, 1947

Du côté la filiation ascendante, Tel Quel avait été aussi le titre d’un hebdomadaire politique de 1945 à 1948.

Côté filiation descendante on peut noter l’essaimage du nom dans les pays francophones avec un hebdomadiare Tel Quel au Maroc, un numéro spécial d’une revue de développement au Niger.

Et que dire du plagiat parodique de Jean-Pierre Faye qui claque la porte de "Tel Quel", en 1967, pour créer une revue concurrente. Titre : Change.

La propriété intellectuelle littéraire, musicale, qu’est-ce que c’est ? Au moment où Internet la bouscule avec les téléchargements audio et video, et demain les livres. Au moment où les majors de l’industrie de la musique sont en train de penser de nouveaux modèles économiques. Le téléchargement au morceau à 0,99 ? n’est pas un franc succès. Déjà, on expérimente le modèle d’achat à l’abonnement avec libre accès à tout le répertoire d’une Major, et demain des royalties forfaitaires prélevées directement sur les appareils d’écoute, baladeurs MP3, IPOD en tous genres.

Royalties, « droit d’usage », c’est bien normal, tout travail mérite salaire ou contrepartie. Mais parler de « propriété intellectuelle » est-ce bien le bon vocable ? Une création se situe consciemment ou pas dans une filiation, ce n’est pas un bien en propre. Reconnaissons, cependant une valeur ajoutée pour lequel existe déjà un modèle qui a fait ses preuves : la TVA. Oui, il est logique que le droit d’auteur soit rétribué par une taxe ! Au titre de la valeur ajoutée, bien sûr, mais sûrement pas au titre de « propriété » fût-elle intellectuelle ?
La seule propriété qui existe, c’est celle du support papier. Point.
Justement, que restera t-il de propriété quand de papier point ne sera besoin ? Pour la génération des post lecteurs en gestation. N’est-ce pas le comble de cette société multimédia que de se virtualiser à mort jusqu’au zéromédia !
Pensées d’un candide soumises aux juristes en train d’élaborer le droit de demain.

...les projets se concrétisent. Aors, tout ce que la France compte d’auteurs, auteures, écrivains, écrivaines, penseurs, penseures (?), philosophes de tout genre... tout ce que la France compte de poids lourds de la plume est descendu dans la rue pour manifester.
Un slogan est scandé par la foule : « Droits d’auteur/ au géniteur... ».
Avisés, tous ne réclament plus que la « Taxe à la Valeur Ajoutée ». La TVA multimedia était née. Prélèvement à la source sur tout matériel d’affichage et d’écoute.

—oOo—

...Une partie de la taxe sera versée à l’auteur(e) ...
- Une partie seulement ?
- Mais oui l’ère de l’individualisme à tout prix est terminée. Nous sommes passés à l’ère du partage à tiers prix.
- A « tiers prix », c’est quoi cette histoire ?
- Un tiers pour rembourser la dette, un autre grand tiers pour les dépenses courantes de l’Etat, un petit tiers pour les investissements et un grand tiers pour toi.
- Mais ca fait quatre tiers ! ...C’est la recette du mandarin-citron-curaçao de Marius [1] !
- Mais oui, nous sommes en France et si tu l’as oublié César, nous ne sommes plus en Cinquième République.
- Tu es sûr ?
- Oui. Oui ! Cassandre, la copine de Léotard l’avait bien dit : « Ca a mal fini ». Réveille-toi César, il y a eu la Restauration du Tiers Etat, on enseigne Pagnol en Primaire : l’arithmétique : les proportions, un obstacle que tous ne franchissent pas !
- La colère grondait dans les maisons d’édition, les pamphlets se multipliaient sur les écrans. Le Secrétaire d’Etat chargé des écrans, avait été promu Ministre d’Etat avec des pouvoirs renforcés. Sollers la Fronde avait repris du service et tirait avec des pavés, calibre 68, de son Fort de l’Ile de Ré. Une grosse fronde automatique, à l’image des armes de guerre inventées par Léonard de Vinci, et dont IBM a sponsorisé la réalisation à partir de ses dessins. Elles sont visibles au Clos de Lucé à côté de Tours. Là, François Ier hébergeait les artistes. Une villa Médicis à la française. Et Léonard de Vinci y a passé les trois dernières années de sa vie. C’est là qu’il mourut.
Un pavé siffla à mes oreilles, un autre roulait à mes pieds ...Mon bras avait réagi en mode automatique dans un mouvement rapide pour me protéger le visage, emportant au passage le réveil posé sur ma table de nuit. C’est lui qui s’était écrasé au bord du lit... Les aiguilles indiquaient trois heures du matin, une lueur de pleine lune filtrait par les trous du store. Nous étions le Lundi de Pâques et je pouvais me rendormir.

—oOo—

Le futur est déjà là. Après l’ère des téléchargements sauvage en masse, la brève ère du téléchargement à 0, 99 ? l’unité qui ne remplissait pas les caisses, on expérimente l’abonnement forfaitaire à tout le catalogue d’une Major de la musique avant de passer à la taxation à la source . Supports papier, CD, DVD remplacés par le support écran. Le matériel au secours de l’immatériel !


Utopie, délire... des mots un peu cousins ! Redonnons la parole à un spécialiste, Guy Debord, avec son Mode d’Emploi du Détournement. C’était en mai 1956, à croire que les mois de mai sont favorables au jaillissement de la contestation. Déjà, il abordait cette question de la propriété littéraire :
[...]
« Il va de soi que l’on peut non seulement corriger une oeuvre ou intéger divers fragments d’oeuvres périmées dans une nouvelle, mais encore changer le sens de ces fragments et truquer de toutes les manières que l’on jugera bonnes ce que les imbéciles s’obstinent à nommer des citations.
[...]
« On sait que Lautréamont s’est avancé si loin dans cette voie qu’il se trouve encore partiellement incompris par ses admirateurs les plus affichés. Malgré l’évidence du procédé appliqué dans « Poésies », particulièrement sur la base de la morale de Pascal et Vauvenargues, au langage théorique - dans lequel Lautréamont veut faire aboutir les raisonnements, par concentrations successives, à la seule maxime - on s’est étonné des révélations d’un nommé Viroux, voici trois ou quatre ans, qui empêchaient désormais les plus bornés de ne pas reconnaître dans « les Chants de Maldoror » un vaste détournement, de Buffon et d’ouvrages d’histoire naturelle entre autres. Que [...] Viroux lui-même, ait pu y voir une occasion de diminuer Lautréamont, et que d’autres aient cru devoir le défendre en faisant l’éloge de son insolence, voilà qui ne témoigne que de la débilité intellectuelle de vieillards des deux camps, en lutte courtoise. Un mot d’ordre comme « le Plagiat est nécessaire, le progrès l’implique » est encore aussi mal compris, et pour les mêmes raisons, que la phrase fameuse sur la poésie qui « doit être faite par tous. »
[...]
« Outre le langage, il est possible de détourner par la même méthode le vêtement, avec toute l’importance affective qu’il recèle. Là aussi, nous trouvons la notion de déguisement en liaison étroite avec le jeu. Enfin, quand on en arrive à construire des situations, but final de toute notre activité, il sera loisible à tout un chacun de détourner des situations entières en en changeant délibérément telle ou telle condition déterminante. »
Guy-Ernest Debord et Gil J. Wolman

Mode d’Emploi du Détournement, mai 1956.

Un autre cas de détournement, ici.

Autre spécialiste du détournement : Andy Warhol coupable de "maltraitance" de l’original dans la multiplication de reproductions de Mao, Marylin..., que Cécile Guilbert couche sur sa paillasse à dissection dans Warhol Spirit.
Vous pouvez retrouver ceux-là, ici.

—oOo—

Gallimard, 2004

Présentation de l’éditeur
Les situationnistes sont un groupe d’insurgés utopistes, de théoriciens radicaux, d’artistes novateurs, d’activistes déterminés qui, dès les années 1950, ont dénoncé les mécanismes d’aliénation de la société de consommation. A l’heure où la notion de " société des loisirs " émerge, Guy Debord, figure de proue des situationnistes, oppose celle de " société du spectacle ", le spectacle étant défini comme " le règne autocratique de l’économie marchande ayant accédé à un statut de souveraineté irresponsable ". Etre situationniste consiste à lutter sans trêve contre l’aliénation sous toutes ses formes - une lutte révolutionnaire qui a connu son heure de gloire en mai 1968. Il semblait alors possible que l’utopie se réalise. Laurent Chollet raconte ici l’histoire de cette poignée d’hommes et de femmes à l’ambition et à la détermination illimitées, à l’origine d’une pensée dissidente implacable, dont le mouvement a influencé nombre d’événements collectifs et de parcours individuels. Aujourd’hui encore, les théories situationnistes révèlent leur pertinence. En ce début du XXIe siècle, l’utopie serait-elle de retour ?

Sur amazon.fr


Guy Debord sur pileface


[1_ CÉSAR
...Tu ne sais même pas doser un mandarin-citron-curaçao.
Tu n’en fais pas deux pareils !

MARIUS
Comme les clients n’en boivent qu’un à la fois,
ils ne peuvent pas comparer.

CÉSAR
Ah ! Tu crois ça ! Tiens le père Cougourde, un homme admirable qui buvait douze mandarins par jour, sais-tu pourquoi il ne vient plus ?
Il me l’a dit. Parce que tes mélanges fantaisistes risquaient de lui gâter la bouche.

MARIUS
Lui gâter la bouche ! Un vieux pochard qui a le bec en zinc.

CÉSAR
C’est ça ! Insulte la clientèle au lieu de te perfectionner dans ton métier ! Eh bien, pour la dixième fois, je vais te l’expliquer, le picon-citron-curaçao. (Il s’installe derrière le comptoir.) Approche-toi !
(Marius s’avance et va suivre de près l’opération. César prend un grand verre, une carafe et trois bouteilles. Tout en parlant, il compose le breuvage.) Tu mets d’abord un tiers de curaçao. Fais attention : un tout petit tiers. Bon. Maintenant, un tiers de citron. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un BON tiers de Picon. Regarde la couleur. Regarde comme c’est joli. Et à la fin, un GRAND tiers d’eau. Voilà.

MARIUS
Et ça fait quatre tiers.

CÉSAR
Exactement. J’espère que cette fois, tu as compris.
(Il boit une gorgée du mélange).

MARIUS
Dans un verre, il n’y a que trois tiers.

CÉSAR
Mais, imbécile, ça dépend de la grosseur des tiers !

MARIUS
Eh non, ça ne dépend pas.
Même dans un arrosoir, on ne peut mettre que trois tiers.

CÉSAR (triomphal)
Alors, explique moi comment j’en ai mis quatre dans ce verre.

MARIUS
Ça, c’est de l’arithmétique.

CÉSAR
Oui, quand on ne sait plus quoi dire, on cherche à détourner la conversation.

Marcel Pagnol
Marius

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2 Messages

  • Marie Gabrielle | 28 mars 2008 - 10:21 1

    Pour la jeunesse dont je suis, c’est passionnant. Ce qui révèle, relève et réveille un peu tout, est bien dans le paradoxal échange des points de vue. Ainsi se voit détruite la "société du spectacle" en même temps que sa promesse fine de loisirs feints, tandis que nous lisons avec un bon plaisir la fleur de ce spectacle rapproché de l’avenir par le poème vital légué par Paul Valéry. C’est incroyable... -ment beau !

    Nous voudrions une suite.

    Je crois que la question du plagiat se trouve reléguée proche de celle de la solitude. En effet, un être vécu seul vivra de sa jeunesse au contact "tamponné" de l’adversité étrange... et c’est cela l’amour. Pas vrai ?

    Les droits... défendons-les ! Quant aux devoirs... déclarons-les céans.


  • A.G. | 24 mars 2008 - 23:30 2

    L’exergue du n°4 de Tel Quel est de Paul Valéry :

    " Celui qui regarde, s’il regarde les choses tel qu’il est, il les voit nécessairement telles qu’elles sont. "

    CQFD.