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Notre monde s’est intoxiqué

Yannick Haenel, Charlie Hebdo, le 25 mars 2020

D 25 mars 2020     A par Albert Gauvin - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Je ne vais pas vous infliger un journal de confinement. Il y a des époques où le ridicule devient obscène  ; c’est le cas. Je voudrais juste penser notre solitude. Car elle est revenue, nous en avons de nouveau une : une immense solitude, individuelle, collective, pleine d’angoisse et d’empathie, de solidarité, et peut-être d’amour.

Ceux et celles qui sont infectés par le virus, ceux et celles qui les soignent, ceux et celles qui sont confinés à la maison, ceux et celles qui n’ont pas de maison, ceux et celles qui vont dans les usines, sur les chantiers au péril de leur vie : notre solitude est ce qui les relie.

Il aura fallu en arriver à ce point où nous ne pouvons plus nous toucher, et à peine nous rencontrer, pour que nous reprenions conscience que nos façons de vivre relèvent de l’absurdité, celle qui vient de la fuite en avant insensée d’un capitalisme toujours au bord de la rupture, et d’une destruction de nos rapports les plus intimes. La planétarisation du travail, l’horreur économique, la pollution atmosphérique ont créé les conditions de cette épidémie qui bouleverse nos vies parce qu’elles sont elles-mêmes une épidémie, parce que le dispositif qui nous astreint à son rapport de force ne cesse de nous étouffer, de ravager notre langage, de broyer notre liberté, de nous priver de temps, de nous empêcher ­d’aimer, de nous tuer.

Un esclavage économique planétaire

L’épidémie de coronavirus n’est sans doute comparable à rien, et elle exige que nous en fassions l’expérience avec humilité  ; mais rien ne nous interdit de penser qu’elle est aussi le symptôme effroyable de cette épidémie plus générale qu’est notre esclavage économique planétaire : le monde était déjà irrespirable  ; et l’on en mourait déjà – même si cela n’avait pas pris la forme extrême de la calamité qui nous touche à présent.

En attendant que la quarantaine fasse son effet, et pendant que des vies sont sauvées grâce aux services médicaux, rien ne nous empêche de penser que depuis des dizaines d’années les victimes du capitalisme intégré se comptent par milliers. Notre monde s’est intoxiqué : il a fait du profit une idole, et du rendement une mise à mort, au point de pourrir la terre et de s’habituer à faire mourir une partie de la population pour qu’une autre vive bien.

Les migrants qui crèvent en traversant la Méditerranée, les demandeurs d’asile confinés dans leurs bidonvilles à Lesbos, les enfants-esclaves de la mondialisation : pour eux, il n’y a pas, il n’y aura pas de soins d’urgence.

Après nous avoir dépouillés à mort, les politiques – et par exemple l’autre soir Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics – déclarent à présent que nos vies sont une priorité : « Peu importe ce que ça nous coûtera », précisent-ils. Nous qui ne cessons de payer leur infamie, nous leur coûtons cher  ? C’est la meilleure.

Yannick Haenel, Charlie Hebdo, le 25 mars 2020.

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1 Messages

  • anonyme | 26 mars 2020 - 17:20 1

    « Notre monde s’est intoxiqué »
    Il est des gens naïfs qui croient que l’histoire est le récit exact des faits du passé. Ils semblent ignorer que le monde est, depuis longtemps, régi par le mensonge et que le désordre de la société actuelle en est la conséquence.
    La dissolution des Etats, c’est-à-dire le désordre, commença quand certains hommes, troublés par le mauvais esprit qui engendre l’orgueil, voulurent mettre leur personnalité au-dessus des autres, s’affranchir des lois établies et dominer les faibles. Cette révolte fut le commencement de l’erreur sociale, c’est-à-dire de l’injustice.
    Et c’est l’absence de Vérité, c’est le règne du mensonge, de l’envie, de la lâcheté, qui créent le malaise général dont souffrent les sociétés modernes.
    Croire que telle ou telle réforme dans le gouvernement des nations peut changer la vie morale de l’homme serait une étrange illusion ; on peut lui donner des progrès matériels, des réformes économiques avantageuses aux masses, on n’atteindra pas les profondeurs de sa vie psychique.
    Or, ce sont les souffrances morales qui rendent l’existence amère. L’homme porte en lui une blessure profonde qui a été faite, dans le passé, à la tête et au cœur de l’humanité par ses criminels ancêtres. Ce sont eux qui, en étouffant la Vérité, en avilissant la Femme, en donnant à leurs descendants l’exemple de toutes les lâchetés, ont été la cause première de toutes les souffrances accumulées pendant des siècles sur la tête des générations montantes. L’homme actuel en est la victime. Il naît esclave d’un atavisme lointain qui le sollicite à refaire la terrible expérience du mal, malgré les cataclysmes sociaux qui en ont démontré les redoutables conséquences.
    Cependant, la maladie dont souffre l’humanité n’est pas fatalement mortelle ; on peut la guérir, car, si le mal a souvent triomphé, le bien aussi a évolué, et ses Victoires, quoique moins bruyantes que celles de son terrible adversaire, ont laissé une profonde empreinte dans la Nature humaine.
    Aujourd’hui, la lutte est décisive : ou l’effondrement des nations dans la dégénérescence des masses, ou la brillante renaissance depuis si longtemps annoncée !
    Suite : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/2017/07/livres-de-femmes-livres-de-verites.html

    Voir en ligne : Introduction