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Charlie hebdo cinq ans après

Nouvelles censures, nouvelles dictatures

D 7 janvier 2020     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



Numéro spécial, 5 ans après : Nouvelles censures, nouvelles dictatures

Les proches des disparus se souviennent
Laure Daussy enquête sur les sensitivity readers
Richard Malka sur la liberté d’expression

En kiosque et sur sur charliehebdo.fr

« Cinq ans après l’attaque qui a décimé la rédaction de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, le journal satyrique (sic) sort une édition spéciale sur les nouvelles censures. À l’intérieur, des témoignages de proches de victimes. Maryse Wolinski, veuve du célèbre dessinateur prend la parole et décrit une vie "d’après" comme n’ayant "ni couleur ni saveur".

Riss, le directeur de la rédaction du journal dénonce les nouveaux visages de la censure à travers un édito. "Ceux qui d’un clic se transforment en prophète de leur propre religion et lancent des fatwa contre des blasphémateurs qui s’ignorent. Tous ceux qui pérorent à longueur de pétitions débiles et qui se croient les rois du monde derrière le clavier de leurs smartphones. La morale qu’ils croient défendre n’est en réalité qu’un moralisme de plus." signale t-il.

Riss poursuit "Hier on disait merde à Dieu, merde à l’armée, à l’État. Aujourd’hui il faut apprendre à dire merde aux associations tyranniques, au minorités nombrilistes, aux blogueurs et blogueuses (...) Ne pas se laisser impressionner par cette meute de mâchoires prêtent à vous déchiqueter. Au contraire, amusons nous à les faire hurler ces loups, puisqu’il suffit de leur tirer la queue pour qu’ils se mettent à couiner."

Un véritable hymne à la liberté d’expression donc, pour ce cinquième anniversaire. Le directeur de la rédaction termine par cette citation : "Vivre, est une chance, mais vivre libre est devenu un luxe. Le seul que revendique Charlie Hebdo".

Et page suivante, comme en écho à cet éditorial, l’avocat du journal, Richard Malka met en garde contre notre société, qui semble peu à peu vouloir réduire la liberté d’expression. Il cite plusieurs exemples récents de politiques ou de philosophes qui ont été interdits de s’exprimer dans des universités. Les pièces de théâtre censurées, ou les films et livres expurgés. "On n’en finirai pas d’égrainer les milles et une manifestations du tyranniquement correct ambiant (...) Le seul combat que l’on gagne en instaurant la peur de parler, c’est celui de la démocratie, pas celui d’une minorité quelconque." » (RTL)

Extraits

Edito

Les nouveaux visages de la censure

Riss, le 7 janvier 2020

« Les nouveaux visages de la censure ». Le titre est ronflant et inquiétant. Nous serions donc de nouveau menacés par des forces inédites hostiles à notre liberté d’expression.

En 2015, Charlie Hebdo était victime d’un attentat qui avait pour but de le faire taire à jamais. Cinq ans après, Charlie Hebdo est toujours vivant. Au grand regret de ceux qui espéraient le voir disparaître, au grand regret aussi de ceux qui l’avaient toujours détesté.

Après cinq années d’efforts épuisants pour toute l’équipe, le journal est toujours là, et sa liberté d’esprit aussi. Ceux qui pensaient que son massacre le rendrait plus humble et plus discret ont été déçus. Beaucoup avaient soutenu Charlie Hebdo pour qu’il ne meure pas, et ainsi mettre en échec les islamistes, mais pas forcément pour que Charlie Hebdo retrouve sa liberté de parole. Or, depuis cinq ans, le journal a retrouvé progressivement sa liberté, et plus il se la réappropriait, plus il faisait de mécontents. Charlie Hebdo n’a pas signé le pacte faustien, où, pour avoir le droit de revivre, il aurait dû en échange renoncer à sa liberté. Charlie Hebdo a repris les deux : la vie et la liberté. Car si vivre est une chance, vivre libre est devenu un luxe. Le seul que revendique Charlie Hebdo.

Mais pendant ces cinq années où Charlie Hebdo réapprenait à faire usage de sa liberté d’expression émergeaient autour de lui des idéologies in­édites. Nous avons cru que seules les religions avaient le désir de nous imposer leurs dogmes. Nous nous étions trompés.

La suite dans Charlie (en kiosque !)

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Gauguin, le prédateur sexuel

Philippe Lançon

Jusqu’au 26 janvier, on expose à la National Gallery de Londres des portraits faits par Gauguin. L’exposition est organisée en collaboration avec le musée d’Ottawa. On prévient le visiteur : «  Il a eu des relations sexuelles avec des jeunes filles, en a épousé deux, a eu des enfants avec elles. Gauguin a sans aucun doute usé de son statut d’Occidental privilégié pour profiter d’un maximum de liberté sexuelle.  » Les études féministes et postcoloniales sont passées par là. Dans Géographies de Gauguin (Éditions Bréal), un livre précis et distancié sur l’imaginaire de l’artiste, Jean-François Staszak le constatait : «  Depuis la fin des années 80, le soupçon pèse sur Gauguin. Des chercheuses américaines, situant la démarche du peintre dans le cadre d’une société indubitablement impérialiste et phallocratique, inter­prètent celle-ci comme une exploitation de la culture et des femmes tahitiennes, et mettent en cause sa légitimité comme sa réussite. »

À Londres, quelqu’un dit ainsi qu’il a été «  déçu  » de découvrir que son « besoin irrésistible de faire de l’art a conduit Gauguin à blesser ou à traiter aussi mal tant de gens ». Méchant, méchant Gauguin  ! Ce quelqu’un n’est ni présidente d’un club Tupperware du Midwest, ni révérend mormon, ni un quelconque naïf enguirlandé de vertu : c’est l’un des commissaires de l’exposition et du musée londonien, estimable Canadien de 69 ans. L’expression « besoin irrésistible de faire de l’art » est intéressante. En effet, Gauguin est un artiste et, comme tel, il exploite tout ce qu’il croise, tout ce qu’il vit, pour le transformer au gré de ses visions, de ses intuitions, de ses fantasmes, en œuvre d’art. La morale de son œuvre n’est pas dans sa vie, certes pas celle rêvée d’un ange, mais dans les formes qu’il crée. La censure – et l’imbécillité qu’inévitablement elle exige et produit – commence lorsqu’on se met à confondre les deux, au point de prétendre ne pouvoir regarder celles-ci qu’à la lumière de celle-là. Ce sont ces formes, pourtant, qui survivent à tout, à la vie difficile et souvent misérable de Gauguin, à ses combats, à son caractère, à ses passions, à ses pulsions, à la société dans laquelle il a vécu. Ce sont ces formes, si neuves, si puissantes, si mystérieuses, si transgressives, qui survivront, espérons-le, à la censure morale de notre époque. Ce sont elles qui enrichissent et approfondissent nos consciences, nos perceptions, notre inconscient. Elles nous font visiter des espaces que nous habitons sans le savoir, ou sans vouloir le savoir.
L’estimable commissaire ajoute qu’il y a vingt ou trente ans, la même exposition aurait justement insisté sur ces formes, tandis que maintenant « on nuance davantage ». Il suffit d’ouvrir le merveilleux catalogue de l’exposition consacrée à Gauguin au Grand Palais en 1989 pour com­prendre où se trouvaient les nuances. Il est vrai qu’on n’y multipliait pas les mises en garde contre le colon pédo­phile. On se contentait de décrire et d’analyser les œuvres, avec un luxe d’informations, de les comprendre à la lu­mière de la vie et des écrits de leur créateur. Le moralisme s’accompagne toujours de ce qui manquait aux textes de ce catalogue comme on n’en fait quasiment plus : le bavardage emphatique, les pleins phares idéologiques et l’appel à la vertu.
Dans certains musées américains, il est désormais question d’indiquer que Gauguin était pédophile. On pour­rait aussi, pourquoi pas, interdire aux mineurs les salles où ses tableaux se trouvent, et même les interdire à tout le monde. Quelques privilégiés obtiendraient le droit de les voir. Ne doutons pas que, parmi les élus ayant accès à ce nouvel « enfer », il y aurait pas mal de pédophiles : rien ne vaut l’interdit ou l’étiquette infamante pour attirer les vicieux. Gauguin, et vingt autres génies avant ou après lui, pourrait enfin être condamné, sans que son œuvre soit vue, par le premier imbécile venu. Quand on prend les gens pour des cons, on finit par les rendre aveugles. C’est l’un des vieux principes d’action des censeurs moraux. C’est ce que, dans L’École des femmes, Arnolphe voulait faire d’Agnès. Par chance, il a échoué. Et moi, j’aimerais plutôt savoir ce que Houellebecq pense de Gauguin.


Paul Gauguin, Nature morte à L’Espérance 1901.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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LIRE : Philippe Lançon, cinq ans après « Charlie » : « Les tueurs passent, la création continue »
L’article en pdf

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Le sexe, encore et toujours

Yannick Haenel

Soyons clairs : la censure porte toujours sur le sexe. Qu’elle soit politique ou religieuse, qu’elle se dissimule sous le masque d’une injonction idéologique ou morale, qu’elle en appelle à corriger un travers ou à contrôler un débordement, en réalité, c’est contre le sexe que s’exerce depuis toujours la censure.
Bien sûr, du sexe, on ne voit que ça : la société ne cesse d’en diffuser publicitairement l’image, elle en a fait un marché pour mieux vendre ses produits, elle est même devenue pornographe, voire pornophile, occupant nos esprits avec ce nouvel opium du peuple.
Mais en nous voulant tous obsédés sexuels, la société n’arrête pas pour autant de nous réprimer : car c’est précisément par son libéralisme pornophile (et l’hypocrisie qui, bien sûr, lui fait démentir un tel penchant) qu’elle cherche à nous tenir – à occuper avec du cul notre temps de cerveau humain disponible. Manière de noyer le poisson (le sexe, l’intimité du désir) dans les grandes eaux de la vulgarité.
Aucune contradiction : c’est parce qu’on est grossier qu’on est puritain (ou l’inverse) ; le défoulement et la pro­hibition vont de pair, et les Américains ont trouvé le moyen d’accomplir histo­riquement la coïncidence monstrueuse de ces deux notions en la personne d’un puritain pervers — ainsi dérape-t-on tout en s’offusquant.
Le sexe est évidemment ce qui rend fou ce pays ; et avec lui la planète entière. Mais grâce à la libération de la parole féminine, qui est le grand événement de ce début de siècle, on se rend enfin compte à quel point cette folie est criminelle : ce que dissimulait la censure (masculine), ce qu’elle continue à obscurcir par son mensonge (patriarcal), c’est l’existence du viol.
Je viens de lire le petit libelle d’un philosophe, Cédric Lagandré : Du contrat sexuel (éd. PUF). En une centaine de pages très claires et décapantes, partant du juridisme américain et des mobilisa­tions internationales comme #Metoo ou #BalanceTonPorc, Cédric Lagandré essaie de penser la possibilité d’un contrat qui garantirait le consentement préalable entre les personnes engagées dans une relation sexuelle : « La forme contractuelle, écrit-il, prétend affran­chir le commerce amoureux des conditions troubles et difficilement déchiffrables de la séduction. »
Un tel contrat semble à ses yeux une aporie : n’y a-t-il pas dans la sexualité, qu’elle soit féminine ou masculine, quelque chose qui résiste à la négociation et déborde toute clause ? Cette chose, aussi dangereuse que merveilleuse, s’appelle le désir. Un désir consenti, choisi, aimé, mais incontrôlable.

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Hommage à "Charlie Hebdo" :
regardez le documentaire "C’est dur d’être aimé par des cons" de Daniel Leconte

A l’occasion des cinq ans de l’attaque meurtrière contre le journal satirique, franceinfo diffuse deux films signés Daniel Leconte. Le premier revient sur l’affaire Mahomet et le procès qui suivit la publication des caricatures danoises.

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Hommage à "Charlie Hebdo" :
regardez le documentaire "L’Humour à mort" de Daniel Leconte

Le deuxième revient sur l’attaque sanglante qui a décimé la rédaction en janvier 2015.

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