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La marque Louvre à l’assaut d’un plus grand public

D 20 février 2021     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Par Marine Vazzoler

Le Quotidien de l’Art, Édition N°2110, 18 février 2021


La pyramide du Louvre. © Edi Nugraha via Pixabay.
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Depuis 2019, le musée du Louvre développe commercialement sa marque.
Quelques exemples des récents partenariats tissés avec des créateurs ou du prêt-à-porter grand public : Off-White, Officine Buly, Swatch, Uniqlo et la Maison Sarah Lavoine.

Ses portes sont closes, comme celles de l’ensemble des musées du territoire français. Mais malgré les restrictions liées à la pandémie de Covid-19, le musée du Louvre est là : sur les réseaux sociaux, dans sa nouvelle boutique en ligne et… dans les magasins de la marque Uniqlo (propriété de la société Fast Retailing). Le 4 février, le musée français et la marque de prêt-à-porter japonaise ont en effet inauguré leur collection Louvre X Uniqlo, imaginée par le designer Peter Saville et premier maillon d’une collaboration de quatre ans. Dès le lancement de la collection, les premières réactions ne se sont pas fait attendre : d’aucuns interrogeaient la pertinence d’avoir créé des lignes distinctes pour les femmes et les hommes, ces derniers ayant droit aux t-shirts ornés de numéros d’inventaires tandis que pour les femmes, Peter Saville propose une collection « représentant la diversité des portraits féminins figurant parmi les collections d’art du Louvre ». D’autres se demandent pourquoi le musée, qui réfléchit depuis quelques années à sa durabilité et travaille à être davantage écoresponsable, s’est associé à l’industrie de la mode, l’une des plus polluantes au monde. […] De son côté, le consultant en stratégie de marque Emmanuel Delbouis explique que « dès 2015, le ministère de la Culture a établi un recueil des principes à respecter autour du développement des marques culturelles ». Il ajoute : « On ne peut pas faire n’importe quoi avec sa marque mais il est également nécessaire que les musées testent, innovent. De nombreuses enseignes pratiquent déjà l’"arketing" et il semble important que les musées puissent gérer eux-mêmes leur image de marque en choisissant avec qui ils souhaitent s’associer. »

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Palais des rois de France et musée de la Révolution

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« Pour nous, l’un des principaux enjeux des collaborations avec des marques commerciales, c’est de faire savoir que le Louvre est un lieu d’inspiration et de création pour elles, détaille Yann Le Touher.Nous souhaitons envoyer un signal fort pour montrer à des enseignes telles que Off-White ou Officine Buly qu’elles peuvent s’associer avec nous. »Timide à ses débuts, le Louvre adopte désormais une démarche plus offensive tout en restant sélectif : il ne faudrait pas risquer de dévoyer la marque Louvre. Et Yann Le Touher de préciser : « Nous nous attachons à deux valeurs dans notre choix d’enseignes. L’ouverture au plus grand nombre et l’accessibilité nous importent beaucoup. Les marques Swatch comme Uniqlo ont un large réseau de distribution qui correspond à nos visiteurs du monde entier. L’excellence et le savoir-faire font aussi partie des pré-requis. Dans ces cas-là, les gammes de prix des produits sont plus élevés car nous proposons aussi l’exclusivité de la marque. »

Du luxe, des produits de niche mais aussi d’autres, plus accessibles, sont dans le viseur de la marque Louvre. « Le Louvre, c’est à la fois le palais des rois de France et le musée de la Révolution, ouvert à tous, analyse Yann Le Touher. Cela, nous devons le retrouver dans la stratégie de développement de la marque du musée. » Avec ces différentes collaborations, le Louvre espère pouvoir continuer ses missions de diffusion et de rayonnement de l’histoire du palais et « exposer les œuvres de nos collections par un autre biais », ajoute Yann Le Touher, avant de préciser : « Nous mettons un QR code sur l’étiquette des produits de la marque Louvre qui renvoie vers des notices d’histoire de l’art. » Que ce soit avec Off-White, Swatch, la Maison Sarah Lavoine (dont la collection imaginée pour le Louvre est sortie le 18 février) ou Uniqlo, les partenariats avec des marques ont le même but, « la diffusion des collections », affirme Yann Le Touher. Une diffusion qui se poursuit ensuite sur les réseaux sociaux : « Les posts Instagram Off-White xLouvre et Uniqlo xLouvre fonctionnent très bien et attirent un public jeune. »


La pyramide du Louvre. © Edi Nugraha via Pixabay.
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Parrainage

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Pourtant, le musée a mis quelques années à s’intéresser au prêt-à-porter grand public. Emmanuel Delbouis raconte : « J’ai fait beaucoup de veille à l’international, pris beaucoup d’exemples de pratiques à l’étranger pour en informer les musées français. » Avant de collaborer avec le Louvre, Uniqlo l’avait fait avec le MoMA de New York. « En 2014, lorsque j’ai parlé pour la première fois de ce type de partenariat aux directeurs et directrices de musées français, ils n’ont pas caché leur surprise, poursuit celui qui pilote le groupe marque au ministère de la Culture. Il y a beaucoup de marques de luxe en France et une tradition de partenariat avec celles-ci… J’ai observé un vrai sentiment d’incrédulité de la part des institutions culturelles françaises, sur le fait que des collaborations avec des marques "grand public" puissent fonctionner ici. »

Il aura fallu près de huit ans pour que le musée du Louvre fasse le grand saut et lance une collaboration avec Uniqlo, très similaire à celle nouée par la marque avec le MoMA. Ainsi, le partenariat entre le Louvre et Uniqlo s’articule autour de l’idée de« démocratisation culturelle, car l’enseigne de prêt-à-porter propose des vêtements à une gamme de prix abordable », détaille Emmanuel Delbouis, mais aussi parcequ’il est durable. « Ce partenariat de long terme donne tout son sens au terme collaboration, s’enthousiasme le consultant. Pendant quatre ans, les équipes du musée et celles de l’enseigne japonaise vont pouvoir échanger régulièrement, être dans une vraie logique de création de produit. » Enfin, comme avec le MoMA, on est dans une logique de sponsoring : Uniqlo est désormais parrain du programme de médiation « Visites Mini – Découvertes » lancé par le Louvre en juillet dernier, qui propose un tour du musée en 20 minutes pour les familles.

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Vers une diversification des ressources

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En ces temps moroses de pandémie, le développement et la commercialisation de la marque Louvre a permis au musée de voir ses finances rester à l’équilibre. La valorisation de la marque a, en effet, rapporté près de 4,5 millions d’euros en 2020, soit pratiquement le double de l’année précédente. Et pour Emmanuel Delbouis,« en plus de développer leurs ressources propres, il faudrait que les musées français les diversifient davantage. Le système de parrainage est peu exploité par les musées qui lui préfèrent le mécénat. Il faudrait que ces deux sources de revenus coexistent au sein des institutions culturelles ». Il voit donc le parrainage avec Uniqlo d’un très bon œil. « C’est un bon signal que leLouvre envoie. Il montre qu’il y a de nombreuses façons de développer sa marque vers le grand public. D’une certaine manière la série Arsène Lupin, sur Netflix, y participe aussi. »

Ainsi la location de certains espaces du musée participe de cette même stratégie d’accessibilité et de visibilité de la marque Louvre. Et Yann Le Touher de préciser : « Nous développons nos finances propres et activons ce nouveau levier qu’est la valorisation commerciale de la marque Louvre. Nous nous devons de ne pas la dévaloriser et n’allons pas faire des développements tous azimuts. Cette stratégie doit rester dans le cadre de nos missions et va, très certainement, devenir une source de revenus importante du musée. » Avant de conclure que « le Louvre reste un musée national avec des missions d’intérêt général dont le premier financeur reste l’État, et cela, très largement ».

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