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Thibault Biscarrat, L’homme des grands départs

D 14 mai 2020     C 1 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

L’homme qui marche

« Qui suis-je ? » se demande le poète.« Mon nom est une énigme » répond-il en écho... Et l’on pense à Ulysse dont le nom est« Personne ». Mais d’où vient-il, lui,« L’homme des grands départs », et l’auteur de ce texte ? De lui, on ne sait pas grand-chose sinon qu’il vient de loin dans le Temps ...
« L’homme qui marche » tel une statue déchirante de Giacometti, ne tient pas à en dire plus... « Seul le texte doit parler » dit-il à mi-voix. Thibault Biscarrat porte un nom mystérieux, il est d’origine basque, et il a pas mal voyagé. On comprend l’Espagne, la Norvège, le Maroc, mais ce n’est pas ce qui compte le plus à ses yeux. Jeté sur les routes de l’exil, comme ses ancêtres avant lui, et comme tout un chacun naissant nu à la vie, comme Moïse, Jésus ou même, pourquoi pas,« le dieu aux yeux bleus d’orage et de foudre », il est ce poète nomade qui chemine avant tout sur les sentiers escarpés de la mémoire et des livres. Du Livre bien sûr, mais encore de tous les autres, qu’il dévore comme un ogre, assoiffé de connaissances, de chiffres, de lettres et de preuves. Comme un humble prophète aussi, du presque rien qui est tout et à qui la vie se révèle au fil des pages pour peu qu’il sache voir, jour après jour, nuit après nuit, les pierres et les fleurs et le feu sur sa route.
Cet homme n’est plus un jeune homme, c’est un homme jeune de quarante ans qui vit en poésie depuis toujours. Il avance par fragments, séquences et fulgurances, psalmodiant un chant d’amour ou de désastre, c’est selon. En quête d’ailleurs en tout cas, et de lui dans l’errance, pour se retrouver et renaître à la Parole, à l’origine de tout ce cheminement. Amant de la langue aimée, la cherchant dans l’abîme des mots incertains qui, au fil de la marche, s’assemblent, s’aimantent et se concertent dans un flamboiement désiré. Il s’attarde au désert, a soif d’ascèse, se cherche encore, se cherche toujours. « Je parle à la terre et je m’instruis. / Puis je dialogue avec les nuages. / Je tiens dans ma main une poignée de sable. / Tout vit, tout meurt, tout s’écoule, tout s’éloigne. / Je déchiffre le vol des oiseaux dans le ciel. » Et s’il prend enfin son envol loin des mammifères lourds, il entrevoit alors le paradis. Ce sera une cosmologie réinventée à volonté.« L’amour est fort comme la mort » se disent les amants dans « Le cantique des cantiques ». À chacun d’y puiser ses trésors. « Elle est retrouvée. / Quoi ? - L’Eternité » écrit Rimbaud. Il n’a pas dit l’immortalité, autre enfer des dieux grecs.« C’est la mer allée / Avec le soleil », répond le Poète. Autrement dit, la vie vécue, la vie rêvée, la vie donnée, impérieuse, tragique et tranquille, qui se souvient de l’exode des hommes. « Le silence est la secrète ponctuation » propose Biscarrat. « Je suis là,/ Présent au monde/ Et les sentiers brûlent sous mes pas. ».
D’autres épiphanies l’attendent.

Patricia Boyer de Latour

Voici le fragment de la page 25, juste au milieu du Livre, pierre d’angle ou pli à partir duquel se déploie l’ensemble du recueil.

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LIRE AUSSI :
Le Livre de mémoire, suivi de La lettre première, Thibault Biscarrat (par Philippe Chauché)

A.G., 14 mai 2020.