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Variations sur le libertinage

D 9 mai 2014     C 1 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Variations sur le libertinage
Ovide et Sollers

de Pierre Marlière

Collection L’Infini, Gallimard
Parution : 05-05-2014

« L’étymologie latine du nom a le mérite de nous renseigner sur l’essence du libertinage. On découvre en son coeur l’idée directrice de liberté qui implique le passage d’un état à un autre, celui d’esclave à homme libre. Il y a à la racine du libertinage le principe premier d’affranchissement, un libertin serait donc avant tout un individu qui a su briser les chaînes qui l’entravaient. Le dérèglement des mœurs qu’on lui attribue de nature n’est en fait que la conséquence directe de cette double libération, autant de corps que d’esprit. Pour reprendre le mythe épicurien du clinamen, on pourrait comparer le libertin à cet atome libre dont la course dérivée contredit la pluie régulière et ordonnée de la matière. »

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Le point de vue de Stéphane Guégan

« Nous étions avec Ovide, restons-y. Nous l’écoutions chanter la tiédeur de la couche et les plaisirs de bouche. Le bonheur même de chanter… En marge des Fastes, non exempts d’ambiguïté déjà, il y a Les Amours et L’Art d’aimer, où se niche la face heureuse, peu rustique, ni martiale, des temps d’Auguste. Pierre Marlière vient de relire le poète romain avec des yeux d’aujourd’hui, déniaisés, en somme. Renouant avec Baudelaire, qui aimait à associer dandysme et libertinage et montrer leur commune éthique du plaisir distinctif, son essai retourne aux sources d’une aristocratie qui traverse l’histoire. Aucun droit de naissance n’y préside, et seuls y accèdent les amis de la vérité, ceux pour qui la pensée a un corps, l’écrivain des désirs plus ou moins avouables, et les mots un pouvoir à flétrir les impostures. Ovide n’est pas du genre décliniste ou râleur. Le passé ne lui semble pas préférable au présent, fût-il soumis à l’autorité despotique. C’est qu’il la sait éphémère, vulnérable, faillible. Ovide, partisan en tout de la corde raide, s’accommode en apparence de l’Empire pour mieux dire ce qui échappe à son contrôle, l’art, les tableaux, les lieux de drague, le verbe frondeur sous les fleurs de rhétorique. Quand il dit le théâtre « dangereux pour la chaste pudeur », l’on comprend qu’il désigne le lieu plus que la scène. Le siècle d’Auguste, comme les temps à venir, n’est qu’écarts, traverses et défi à ceux qui ont le courage d’assouplir les règles à leur usage. Ils formeraient une grande famille, selon Marlière, qui s’intéresse autant à Ovide qu’à ses émules. Passons sur Debord, contempteur assommant du simulacre et du spectacle généralisés, l’anti-poète par excellence, le cuistre pincé, dont Molière n’aurait fait qu’une bouchée. À l’évidence, pour qui interroge la postérité ovidienne, Sollers présente de meilleurs états de service, une verve et une drôlerie inépuisables. Prosateur hors-pair, comme Médium l’a rappelé en 2013 au terme d’une année noire pour le roman français, érotomane raffiné, étanche à la banale pornographie, l’auteur de Femmes et du Cœur absolu, chose rare, montre cette attention au « beau sexe » qu’Ovide inaugure en se souciant de ses partenaires et de leurs émois. [...] »

Stéphane Guégan.

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