En ces périodes de guerres déclarées, ouvertes, plus ou moins tièdes, larvées, voire... secrètes, il est un personnage oublié que nous pourrions évoquer avec profit comme fin connaisseur de la chose, et d’autres encore... à ranger parmi les combattants qui se sont livrés à quelques réflexions sur le sujet, mais, nous semble-t-il, d’une façon singulière qui pourrait laisser penser qu’il s’agissait pour l’intéressé d’une affaire très personnelle... En secret ?
Que reste-t-il donc du Maréchal de Saxe ? Un mausolée baroque à Strasbourg par Pigalle ? Une arrière petite fille célèbre sous le nom de George Sand ? Un nom de caserne à Blois ?
Fils naturel de l’électeur de Saxe et roi de Pologne, Auguste II dit Le Fort, Maurice de Saxe, né en 1696 en Basse Saxe, apprend dès l’âge de 13 ans le métier des armes. Il s’illustrera ainsi durant cette première moitié du XVIIIe siècle au cours des différentes campagnes que le jeu des alliances impliquera régulièrement entre la Russie, la Pologne, la Prusse, l’Autriche, l’Angleterre, la France... qu’il défendra en se mettant au service de Louis XV dès 1720. Maréchal en 1744, vainqueur à Fontenoy en 1745...Voltaire parle à son propos de « héros de la France » ; Frédéric II, de « Turenne saxon ». Quentin de La Tour, son ami, en fait de nombreux portraits...
Le Maréchal de Saxe est encore connu pour d’autres conquêtes, féminines cette fois, telles que l’actrice Adrienne Lecouvreur, la duchesse de Bouillon, Mademoiselle Dangeville, Madame de la Pouplinière, Madame Favart.
“Ma vie n’est qu’un rêve, le mien a été court mais beau” aurait murmuré Maurice de Saxe en mourant à Chambord en 1750. C’est que dans cette vie, le rêve aura en effet pris une large part.
Sous cet aspect particulier, l’homme ne manque pas de nous intéresser. Au cours du mois de décembre 1732, et durant treize nuits de fièvre, Maurice de Saxe rédige en français un ouvrage (le seul qu’il ait écrit) consacré à la guerre et à la tactique. Vingt trois chapitres en deux Parties (dites de « détail » et « sublimes ») le composent. A priori, exercice presque ordinaire pour un militaire de haut rang, sauf à observer que, curieusement, outre ses conditions d’écriture, l’ouvrage est seulement destiné à son père (le roi de Pologne meurt deux mois plus tard) et à quelques conseillers militaires, et n’est publié qu’après la mort de son auteur, soit près de 25 ans après sa rédaction, en 1756. Autre singularité : pour un ouvrage structuré qui appelle généralement des développements froids, précis, logiques, le titre n’est autre ici que Mes rêveries ou mémoires sur l’art de la guerre. Etonnant « mélange des genres ». Comme si pour lui donc, la guerre vécue à plein, en direct, au premier plan, avait commencé à lui dévoiler ses règles, ses arcanes, ses ruses qu’il fallait mettre à plat, sans toutefois les divulguer. En somme, par la fièvre, découverte d’une science, en rêves, et par eux ? Affaire très personnelle, la guerre, à garder résolument pour soi ? Dans les secrets de la guerre, le Maréchal de Saxe ? Dans les secrets de sa guerre ?
A leur parution, important succès de Mes rêveries...
L’année de la mort du Maréchal de Saxe, en 1750, le Prince de Ligne, âgé de quinze ans compose un Discours sur la profession des armes. Bien plus tard, il écrira Fantaisies militaires et plus tard encore des Mélanges militaires, littéraires et sentimentaires... On sait alors que des composants peuvent se mêler naturellement...
En cet automne 2007, sont donc parus des livres de Philippe Sollers (notamment Guerres secrètes), de Yannick Haenel et de François Meyronnis. Observons ici que le premier roman de Yannick Haenel avait pour titre Les petits soldats quand celui de François Meyronnis en s’intitulant Ma tête en liberté rappelait évidemment le Prince de Ligne auteur de Mes écarts ou ma tête en liberté...