Nota : illustration pileface (V.K.)

Cher Viktor, dans la foulée de la disparition de l’ami Sollers, disons tout haut combien celui-ci fut catholique, non pas pour agrandir sa renommée, acquise de toute façon, mais pour aider celles des personnes éprises d’esprit et d’aventure qui voudraient, avant d’entamer la lecture de ses livres, en savoir plus sur leur impulsion fondamentale, d’avance être informés de leur orientation transdimensionnelle.

Mais d’abord, comparer les éléments de cette œuvre avec les pierres des fameux murs incas est très juste, le joyeux joyau Philippe Pierre Gérard Joyaux de Bordeaux se donna pour mission de présenter les grands esprits de la culture européenne en une mosaïque séduisante, instructive ...avant que les rouleaux de lumière de ces phares ne soient définitivement évidés, dévitalisés, engloutis dans les insatiables algorithmes néantisants des robots dévoreurs.

Mieux que personne il sentait le danger, voyait l’inculture progresser, triompher, régner, en souffrait - aussi allait-il dans ses ouvrages faire vivre les grands hommes de la civilisation de l’Ouest, comme une résistance à l’oubli, un ultime rappel de la quintescence humano-divine d’Europe.

Et quelles pierres ! Toutes se rejoignent en un puzzle harmonieux, le mystérieux Mozart avec Casanova l’admirable, le Philosophe Inconnu, Saint-Simon et Picasso, Dante au rang supérieur, Claudel avec Rimbaud, le Cavalier du Louvre Vivant Denon et Hegel - grâce à l’infatigable Bordelais ils sont toujours vivants, il a voulu dire l’essence de leur être et y est parvenu, chacun peut cueillir son bouquet au parfum frais, entêtant, énergique.

Louable effort !

Maintenant mieux, la main, l’idée qui structure cet assemblée de pierres, le désir réel, le véritable sens de l’œuvre est d’ordre transcendental à l’accent catholique, universel - battre le diable, voilà le programme [1] fut bien le titre du blog de Ph. S.
Dans sa tête il avait fait la connexion entre la Révélation et les réalités du monde, pour lui derrière les apparences la Trinité pulsait l’humanité vers plus haut, plus fort, plus fin, divin, spécialement en ces temps d’apocalypse-ci car n’est-ce pas, grandir dans les ruines de la Deuxième Guerre mondiale oblige à se relever du néant, à ré-inventer tous les codes, à revisiter ceux qui ont fait leur preuve, le vieux fond biblique, les Prophètes - eux au moins donnaient la clé pour faire reculer le satané, de renaître la tête haute au cœur de l’abomination.

Un mao devient catho ? Sollers oui, sans gêne, assumant ses choix, il n’y a rien à faire, le catholicisme reste pour moi la voix royale [2]
Sa génuflexion devant saint Jean-Paul II en dit long, il lui offre son livre sur Dante parce que le divin Florentin l’a éclairé et mis sur le bon chemin très tôt dans la vie - un geste de reconnaissance, d’humilité ...tout en poursuivant sa vie d’homme dégagé de tout moins l’essentiel.
À Venise il assiste à la messe, discute dans un palace de Rome avec sa maîtresse sur la résurrection d’un corps humain mort il y a deux mille ans de ça au Proche-Orient, viens mon ange n’aie pas peur entre ici dans mon paradis, la mort est une catégorie de l’être et pas du néant, nous sommes des dieux [3].

Un dieu bien païen que le sien certes et cependant catholique avant toute chose, ce doux et dur désir qui dure d’incarner de l’infini dans le fini, l’incarnation dans le souffle, j’ai crié vers toi ma prière est allée jusqu’à toi j’ai appelé tu m’as répondu j’ai eu confiance en toi je me suis tu je me suis rendu tu m’as avalé digéré tu m’as recraché reconnu [4]

Derrière le bouffon télévisuel se tenait bien cachée cette âme-là vivant malicieusement les réalités supérieures au milieu des masses - que voulez-vous les finis ils en doutent de leur infini ça leur paraît trop gros trop inouï alors que c’est simplement tout petit. [5].

Concluons : après Châteaubriand, Hugo, Huysmans, Bloy, Bernanos, Mauriac l’influence de la liturgie sur les écrivains français [6] se perpétue pleinement chez le rusé Sollers et c’est très bien ainsi.