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À LA FOIS MORT ET VIVANT

Le chat de Shrödinger revisité par Philippe Forest

D 30 avril 2023     A par Michaël Nooij - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Ajouts pileface (V.K.) - partie 2.

PARTIE 1. La Tribune des lecteurs de Michaël Nooij
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Philippe Forest, attentif observateur du parcours de Philippe Sollers, raconte dans "Le Chat de Schrödinger" (Gallimard 2013) l’insoutenable paradoxe de l’univers quantique dans lequel les êtres et les choses à la fois sont et ne sont pas. Il se pose la question : comment l’être peut-il être et en même temps ne pas être, simultanément être apparent, descriptible, mesurable mais tout autant être imperceptible, indescriptible, immensurable ? Le fini, le visible, le palpable viendrait-il donc de l’invisible, du non-manifesté ? Le non-être engendrerait-il les particules de l’étant dans un va-et-vient, dans un jeu d’attraction et d’échange codé croisé ?

L’auteur se demande : c’est quoi le non-être ? "Un trou qui se creuse et s’élargit à l’infini ? Le tohu-bohu d’un désert désolé duquel toutes les formes demeurent captives, l’étendue étale d’un univers auquel une à une manqueraient toutes ses dimensions, une nappe de néant épaisse qui noie tout dans sa nuit ?"

Les suppositions quant à la nature du non-être de Philippe Forest paraissent trop sombres pour être justes : parce qu’il n’a pas besoin d’être pour être, le non-être est bien plus joie pure car freinée par nulle restriction, pesanteur ou limitation - une joie qui vit l’infini et la communique, la transmet, forme les dix-mille choses.
Le non-être précède l’être et le fait advenir dans l’amour de l’ouvrage bien fait, fleurs, femmes, parfums.

L’auteur écrit encore : "si les vivants deviennent des morts, il faut bien que les morts deviennent des vivants", ce qui amène à la résurrection des corps, thème sollersien s’il en est.

Pour l’instant, comme on voit, je m’entraîne à mourir, en espérant trouver la clé d’une résurrection radicale. C’est un peu compliqué, mais j’y arriverai.

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Dans Le Chat de Schrödinger (Gallimard, 2013) de Philippe Forest, tout part d’une anecdote des plus triviales : un soir, un chat perdu entre dans le jardin de la maison de campagne du narrateur. Ce micro-événement plonge l’auteur dans des réflexions, peu à peu abyssales, sur la rencontre ou, au contraire, l’étanchéité parallèle de deux (au moins) univers : celui de la vie animale et de la vie humaine, du jour et de la nuit, de la vie et de la mort, de l’être et de son reflet. Au point de glisser vers des méditations éclairantes et poétiques sur la physique quantique de Schrödinger, de Heisenberg et d’autres : « Le plus grand des mystères se tient dans le plus petit des replis du réel. Là règnent d’autres lois que celles que nous connaissons. Là s’étend un domaine de poussières où il n’est plus inconcevable qu’une chose soit et son contraire ». Grande fiction poético-philosophique, Le Chat de Schrödinger rouvre les possibles, défie les identités, redessine les points de fuite du réel et du désir. Après Le Siècle des nuages, Philippe Forest confirme là tout l’intérêt passionné que nous avons pour son œuvre.

Jean-Emmanuel Denave

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PARTIE 2. Plus sur le chat de Schrödinger de Philippe Forest-
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4e de couverture

"Attraper un chat noir dans l’obscurité de la nuit est, dit-on, la chose la plus difficile qui soit. Surtout s’il n’y en a pas. Je veux dire : surtout s’il n’y a pas de chat dans la nuit où l’on cherche. Ainsi parle un vieux proverbe chinois à la paternité incertaine. Du Confucius. Paraît-il. J’aurais plutôt pensé à un moine japonais. Ou bien à un humoriste anglais. Ce qui revient à peu près au même. Je croix comprendre ce que cette phrase signifie. Elle dit que la sagesse consiste à ne pas se mettre en quête de chimères. Que rien n’est plus vain que de partir à la chasse aux fantômes. Qu’il est absurde de prétendre capturer de ses mains un chat quand nul ne saurait discerner, même vaguement, sa forme absente dans l’épaisseur de la nuit." Schrödinger expliquait la théorie des particules par l’image d’un chat à la fois mort et vivant. S’amusant de ce paradoxe, Philippe Forest nous offre une méditation inspirée sur l’existence.

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A propos de de l’auteur

Philippe Forest est né en 1962 à Paris. Il a enseigné dans diverses universités d’Angleterre et d’Ecosse. Il est aujourd’hui professeur de littérature à l’université de Nantes. Auteur de nombreux essais consacrés à l’art et à la littérature, il collabore comme critique au magazine Art Press et est corédacteur de la N.R.F.

• Éditeur ‏ : ‎ FOLIO (30 octobre 2014)
• Poche ‏ : ‎ 368 pages
le livre sur amazon.fr

C’est quoi le chat de Schrödinger ?

Philippe Forest présente son ouvrage "Le chat de Schrödinger" aux éditions Gallimard. Rentrée littéraire janvier 2013.
Notes de Musique : SATIE Piano Works Aldo Ciccolini 7 - six Gnossiennes

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Rencontre-lecture avec Philippe Forest

10 nov. 2013. Rencontre-lecture avec Philippe Forest animée par Jacques Lindecker.
Philippe Forest se lance dans une fable philosophique brillante, à partir de l’expérience de pensée énoncée par un des pères de la physique quantique, Erwin Schrödinger. Il convie son lecteur à une méditation sur la condition humaine dans le temps et l’espace, sur les vies parallèles que nous pourrions vivre et les mondes possibles entre lesquels nous hésitons.

Le premier chapitre

Dans le premier chapitre Philippe Forest nous rappelle en quoi consiste cette expérience paradoxale de Schrödinger connue sous le nom du « chat de Schrödinger ». Il le fait en béotien éclairé, didactique avec même un zeste d’humour et d’autodérision

En témoignent les exergues :


Aux scientifiques
Avec toutes mes excuses


« Quand je lis un livre sur la physique d’Einstein
auquel je ne comprends rien,
ça ne fait rien : ça me fera comprendre autre chose. »
PICASSO

Ou bien ceci :

C’est du moins ce que j’ai compris.

Ou : cru comprendre.

Mais je ne garantis rien quant à l’exactitude de tout ce qui précède. Du reste, on connaît le mot par lequel, au terme d’un exposé portant sur les principes de la physique moderne, l’orateur s’adresse aux auditeurs en leur disant : « Si j’ai été clair, c’est que je me suis mal expliqué. »

Mais rassurez-vous sa présentation du chat de Schrödinger dans ses dimensions quantiques exprimées en langage courant, celui de l’écrivain, passe très bien la rampe. Jugez-en :


Philippe Forest
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Première partie

Chapitre 1

Il ÉTAIT DEUX FOIS

"Le chat de Schrödinger” est un peu à la mécanique quantique et à ses lois ce que la pomme de Newton est à la physique classique et à celles de la gravitation : une petite fable destinée aux profanes afin de les éclairer un peu sur ce que, de toute façon, ils ne comprendront pas. Disons : un roman, un poème.

Il s’agit d’une expérience de pensée dont personne, et certainement pas l’homme qui l’a conçue, n’a jamais sérieusement songé que, sous cette forme en tout cas, elle puisse être réalisée. Dans une boîte, on enferme un chat avec à ses côtés un mécanisme plutôt cruel. Celui-ci est constitué d’un dispositif conçu de sorte que l’émission d’une particule consécutive à la désintégration d’un atome, telle que peut l’enregistrer un compteur Geiger repérant la présence d’une source radioactive, entraîne la chute d’un marteau sur une fiole de verre contenant un poison foudroyant dont l’évaporation dans l’espace où il a été confiné fait instantanément passer l’animal de vie à trépas. Je ne dis rien du caractère baroque d’un tel bricolage qui explique pour beaucoup la fascination qu’il a exercée sur les esprits. L’essentiel est ailleurs. Le principe de l’opération se laisse exposer assez simplement : si au cours du temps imparti à l’expérience l’atome se désintègre, le chat meurt ; et, inversement, si l’atome ne se désintègre pas, le chat reste en vie. Sauf que, précisément, le propre du phénomène ainsi étudié conduit à compliquer assez sérieusement la donne de départ : au lieu de s’exclure l’une l’autre, les deux hypothèses envisagées doivent être en effet considérées comme s’appliquant conjointement à la situation concernée. Tant que dure l’opération et que l’observation ne la fait pas s’interrompre, il faut supposer en même temps que l’atome est et n’est pas désintégré, que le chat est mort et qu’il est vivant.

Dans l’idée de Schrödinger, le scientifique célèbre à qui l’on en doit l’invention, l’expérience visait vraisemblablement à faire apparaître à quels paradoxes intenables mène, si l’on en donne une interprétation trop littérale, la physique quantique avec son « principe de superposition ». Celui-ci affirme en effet que, tant qu’on n’a pas effectué sur elle une mesure qui la détermine et qui arrête ainsi sa position, sa vitesse ou n’importe laquelle de ses autres caractéristiques, une particule peut se trouver simultanément dans plusieurs états différents et qu’on dit : « superposés ». Et qu’ainsi, par exemple, jusqu’à ce que l’observation de celui-ci intervienne, un atome doit être considéré à la fois comme si sa désintégration avait eu et n’avait pas eu lieu.

Qu’une chose puisse à la fois être et ne pas être, exister simultanément sous différentes formes pourtant incompatibles les unes avec les autres, qu’ainsi être ou ne pas être cesse soudainement d’être la question, passera à juste titre pour une conception plutôt délirante tant elle va à l’encontre de toute logique, enfreignant les principes de base, ordinairement considérés comme assez intangibles, sur lesquels repose raisonnablement la pensée et qui veulent qu’une chose soit ce qu’elle est (principe d’identité), qu’elle ne soit pas le contraire de ce qu’elle est (principe de non-contradiction), et affirment que si une proposition est vraie il faut que la proposition inverse soit fausse (principe du tiers exclu).

Pourtant, c’est bien à de semblables certitudes que conduit à renoncer l’observation du monde subatomique auquel se consacre la physique quantique, celui où évoluent les particules élémentaires. Pour approcher un tel domaine, il convient d’accepter l’idée qu’il n’en est aucune traduction verbale ou visuelle qui tienne, aucune image qu’on puisse s’en faire et qui permettrait d’en exprimer la réalité sous une forme compatible avec l’expérience que nous nous faisons couramment du monde. Toute représentation est une approximation qui ne vaut guère que par sa valeur pédagogique. Ainsi lorsque, au collège, on figure les atomes à la manière de microscopiques systèmes solaires, avec les électrons gravitant sagement autour du noyau et semblables à des satellites sur leur orbite, comme si de l’infiniment petit à l’infiniment grand le même modèle commandait à l’univers. Personne bien entendu n’a jamais rien vu de tel avec ses yeux. Au mieux, il faudrait plutôt concevoir l’atome comme entouré par une sorte de nuage dont nul ne peut dire vraiment de quoi il se trouve fait : une sorte de minuscule poche de brouillard opaque qui se dérobe à l’intelligence et se défend contre toute velléité d’en construire aucune représentation mentale. Mais il s’agit là encore d’une image malgré tout : une image pour exprimer l’impossibilité de toute image.

Le plus grand des mystères se tient dans le plus petit des replis du réel. Là règnent d’autres lois que celles que nous connaissons. Là s’étend un domaine de poussières où il n’est plus inconcevable qu’une chose soit et son contraire.

Des théories qui conduisent à de telles conclusions, on apprend, il me semble bien, les rudiments au lycée. Ainsi à propos de la lumière dont on enseigne dès les classes terminales qu’elle est constituée à la fois de corpuscules et d’ondes. Ou plutôt qu’elle n’est ni corpusculaire ni ondulatoire mais qu’elle apparaît tantôt sous une forme et tantôt sous l’autre selon le type d’expérience auquel on la soumet.

Pour ce qu’en comprend quelqu’un comme moi d’assez peu versé dans ces disciplines, la physique quantique applique à la matière ce qui vaut pour la lumière et étend cette même manière de concevoir la réalité à toutes les particules. Selon le principe de superposition, celles-ci sont susceptibles d’être dotées de propriétés antagoniques entre lesquelles c’est le protocole expérimental par lequel elles se manifestent qui les force à choisir, leur conférant leur caractère effectif. L’observation seule — dite parfois, ne me demandez pas pourquoi, « réduction du paquet d’ondes » — fait cesser la superposition quantique et permet à la particule d’acquérir tel ou tel des états qui, auparavant, la caractérisaient en même temps.

Quelle que soit la portée qu’on lui donne, une pareille idée heurte bien sûr le sens commun, pour lequel il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée et qui considère qu’il importe peu pour qu’il en aille ainsi que quelqu’un soit dans la pièce ou pas pour constater la chose. Mais c’est précisément cette logique ordinaire qui cesse de prévaloir dans l’univers quantique de l’infiniment petit dont nous ne pouvons proposer aucune représentation qui soit adéquate mais dont les équations des physiciens réussissent assez bien à rendre compte puisqu’elles parviennent à prédire le comportement des entités qui le constituent.

Pour en revenir à la proposition de Schrödinger, il faut donc supposer que, tant que son état n’a pas été évalué et que la « réduction du paquet d’ondes » n’a pas opéré, l’atome dans sa boîte est et n’est pas désintégré. Ce qui signifie que, jusqu’à ce que quelqu’un ouvre le couvercle de ladite boîte et en examine le contenu, le chat qui se trouve à l’intérieur est en même temps mort et vivant.

Le bon sens s’insurge. Mais, en matière de sciences, on a fini par admettre qu’il n’était pas toujours de très bon conseil. Car c’est lui aussi qui nous dit, par exemple, que la terre est plate. Et pourtant qu’un chat puisse être à la fois doté et privé de vie apparaît bien difficile à avaler. Il y a une contradiction évidente entre ce qu’établit indubitablement la mécanique quantique — pour laquelle un atome peut être à la fois désintégré et ne pas l’être — et les lois non moins incontestables qui régissent l’univers dans lequel nous vivons — où il faut qu’un chat soit mort ou vivant —, lois que la physique classique nous permet de penser plus ou moins en accord avec les données immédiates de l’expérience courante.

Pour tenter de réduire ou de résoudre cette contradiction, l’ingéniosité des savants a cherché toutes sortes d’issues. Je les évoque telles que je les ai comprises. Certains, on peut les considérer comme des « réalistes » — et Schrödinger, comme Einstein, comptait parmi eux —, estiment que, bien que juste puisque la preuve en a été expérimentalement apportée, la mécanique quantique doit être considérée comme une théorie incomplète à laquelle manquent précisément les éléments qui lui permettraient de dépasser et de dissiper les paradoxes extravagants auxquels elle aboutit autrement. Mais d’autres — et c’est notamment le cas de Niels Bohr et de ses collègues de l’école dite de Copenhague — congédient tout simplement la question en arguant du fait que c’est la notion même de réalité qui, en sciences, est privée de toute pertinence. La physique, rappellent-ils, n’a pas pour vocation de produire de ce qui est une représentation conforme à nos critères spontanés du possible et du vraisemblable. Elle vise plutôt à trouver des procédures efficaces pour calculer — fût-ce sur une base apparemment absurde — les phénomènes, afin de les prévoir et d’agir sur eux : peu importe donc que le « principe de superposition » bafoue si ouvertement toute conception recevable de la réalité puisque s’y conformer n’a jamais été son ambition ; tout ce qui compte, c’est qu’il soit opératoire, il suffit qu’il marche pour ce à quoi on lui demande de servir.

Et c’est le cas.

Semble-t-il.

Tout le problème, on l’a vu, vient de la contradiction qui existe entre les règles qui régissent l’univers quantique et les principes qui valent dans l’univers classique. Sous le nom de « théorie de la décohérence », une solution très élégante par sa simplicité a été apportée à ce problème : elle consiste à expliquer que les objets quantiques perdent leurs propriétés — ou plutôt : acquièrent les propriétés qui leur manquent — en raison des interactions qui s’exercent spontanément avec leur environnement et les forcent à spécifier leur état, ces objets se dépouillant alors de leur caractère d’indétermination, de telle sorte que, lorsque l’on s’éloigne de l’échelle microscopique où il règne pour gagner le niveau macroscopique où s’applique la physique classique, le « principe de superposition » perd progressivement toute sa valeur. Et c’est pourquoi ce qui gouverne le comportement des photons, des électrons, des protons devient assez indifférent lorsqu’il s’agit de considérer la conduite des balles de ping-pong, des boules de pétanque ou des ballons de football. Ainsi cohabiteraient deux mondes avec pour chacun la théorie qui lui convient. Dans le cas du chat de Schrödinger, tout le paradoxe viendrait alors de l’hérésie par laquelle on fait tenir dans la même boîte les deux univers — micro- et macroscopique — en laissant entendre que les mêmes principes s’appliquent à eux alors qu’en fait, par le phénomène de la « décohérence », ils se trouvent totalement indifférents l’un à l’autre : et, dans de semblables conditions, ce qui vaut pour un atome ne saurait valoir pour un chat.

Mais si l’on s’en tient plus littéralement à ce que disent les équations et que l’on prend au sérieux le « principe de superposition », considérant qu’il gouverne tous les phénomènes quelle que soit leur échelle, l’on doit supposer au contraire que toute chose existe simultanément sous des formes opposées au sein de la réalité. On conçoit alors quel étrange sort est celui du chat de Schrödinger : suspendu entre la vie et la mort, ne tenant l’une ou l’autre que du regard qui se pose sur lui, susceptible d’exister ainsi sous deux formes opposées et d’engendrer deux figures de lui-même, comme l’est toute chose dans un univers qui doit nous apparaître alors comme le lieu où toute réalité se dédouble jusqu’à ce que prolifèrent des avatars à l’infini — en l’occurrence, donc, des chats démultipliés comme le serait leur image sous l’effet d’un jeu de miroirs et s’aventurant chacun sur l’un des sentiers divergents d’un temps qui se ramifie sans cesse et recèle alors la somme impensable de tous les possibles.

C’est du moins ce que j’ai compris.

Ou : cru comprendre.

Mais je ne garantis rien quant à l’exactitude de tout ce qui précède. Du reste, on connaît le mot par lequel, au terme d’un exposé portant sur les principes de la physique moderne, l’orateur s’adresse aux auditeurs en leur disant : « Si j’ai été clair, c’est que je me suis mal expliqué. »

La mécanique quantique se développe sur la base d’expériences et d’équations dont seules les prémices sont vaguement intelligibles pour qui n’a pas poussé trop loin l’étude des sciences, elle mobilise des technologies d’une grande sophistication dont rares sont ceux qui possèdent les rudiments, surtout elle repose sur le recours à un langage mathématique qui appréhende les données physiques à partir de pures créations très abstraites qui sont comme des objets mentaux, cohérents les uns par rapport aux autres, totalement justifiés au sein de l’espace formel où ils cohabitent mais dont, jusqu’au moment d’une hypothétique vérification, rien ne garantit a priori qu’ils entretiennent, en dehors de celui-ci, une quelconque relation avec la réalité. La seule chose qui ne soit pas explicable dans le monde, selon le mot profond d’Einstein, étant bien que le monde soit explicable et que les choses qui le composent se laissent apparemment convertir selon les termes souverainement arbitraires d’une mathématique pourtant dégagée de toute connivence avec la matière.

Une vraie révolution de pensée a lieu depuis presque un siècle, dont, en vérité, sinon par les effets qu’elle produit, personne n’a proprement conscience. Un peu partout de par le monde, dans les revues, les colloques, les laboratoires, tout un peuple de chercheurs s’affronte en des querelles qui, de loin, paraissent aussi byzantines que celles de la vieille théologie médiévale. Et le sort du chat de Schrödinger n’est pas un rébus moins redoutable pour la réflexion que le problème de l’existence de Dieu au temps où, dans les anciennes facultés, on débattait de celui-ci, cherchant la pierre philosophale d’une improbable preuve ontologique.

Le plus étonnant est que cette construction théorique si nouvelle semble reconduire la pensée du côté des sempiternelles questions que posa autrefois la philosophie et qui concernent le statut du réel, l’opposition de la conscience et de la matière, les relations de l’actuel et du virtuel, les fondements mêmes de la logique. L’opposition de la physique quantique et de la physique classique revêt ainsi parfois l’apparence d’une revanche prise sur la pensée aristotélicienne par la vieille vision héraclitéenne pour laquelle il n’était pas inconcevable qu’une chose soit à la fois elle-même et son contraire dans un univers au cœur duquel tout se transforme et se confond. De même, la question de la réalité qu’il y aurait à chercher — ou pas — derrière l’oracle sibyllin des équations mathématiques semble celle-là même qui, à l’époque de ces « philosophes illustres » dont Diogène Laërce relate les vies et rapporte les opinions, opposait les « dogmatiques » affirmant que le monde est compréhensible et les « éphectiques » leur répliquant qu’il n’en est rien. Aristote usant de son solide bon sens pour réfuter tous les sophismes du scepticisme : « Ceux qui se demandent si la neige est blanche ou non n’ont qu’à regarder. » Sans pour autant que ne désarment les objections de l’infatigable pyrrhonisme qui tient toutes les choses pour « indifférentes, immesurables, indécidables ». Tout cela au fond se trouvant très semblable aux controverses et aux spéculations qu’alimente depuis un siècle la science atomique.

Mais je m’arrête là avant de m’égarer moi-même trop piteusement.

Tout tourne au sein d’un cercle où s’échangent les mêmes arguments qui portent sur ce seul et insoluble problème concernant, en somme, la réalité du réel et la question de savoir si ce dernier existe en dehors de la représentation que s’en fait la conscience et sous quelle forme. Et peut-être se tient-on là devant quelque chose d’impossible à penser, si bien que les philosophes d’autrefois et les physiciens d’aujourd’hui se trouveraient au bout du compte semblablement démunis, parvenus exactement au même point de savoir et d’ignorance, les uns comme les autres exprimant leur impuissance identique dans le langage variable de leur époque. Et si c’est le cas, alors, il n’y a pas lieu d’être trop étonné si, at the end of the day, les savants en blouse blanche, au terme de leurs raisonnements, n’ont à produire au sortir de leurs laboratoires qu’une sorte de parabole paradoxale dont le héros est un chat, une petite histoire qui ne diffère pas beaucoup des fables à l’aide desquelles, à deux pas de l’agora, disputaient dans la poussière les penseurs drapés dans leur toge et dont rien n’interdit de penser qu’ils exhibaient également un chat pour démontrer que la réalité n’ existait pas. Ou alors : qu’elle existait.

Après tout, ils se servaient bien d’une tortue pour nier, contre toute évidence, que le mouvement fût.

Des contes. Dont l’efficacité, sans doute, n’est pas tout à fait la même pour agir sur la réalité mais qui, lorsqu’on en est à expliquer celle-ci, ne parviennent pas davantage les uns que les autres à en dire le dernier mot et dont la seule sagesse consisterait à reconnaître que tel ne peut pas, ne doit pas, être leur dessein.

Je doute qu’un seul scientifique, à supposer que l’expérience puisse être conduite, prenne vraiment le pari que le chat dans sa boîte est à la fois mort et vivant et que se tiennent ainsi imbriqués deux univers avec à l’intérieur de ceux-ci une créature morte et une autre vivante. Le « principe de superposition » n’a de statut, c’est du moins ainsi que je le comprends, qu’à la manière d’une hypothèse nécessaire afin de décrire une expérience portant exclusivement sur des particules soumises à un protocole très particulier, et de prévoir les résultats qu’elle produit : un pur calcul de probabilité, au fond. Et il perd beaucoup de

Une analyse du livre

Philippe Forest – Le chat de Schrödinger
Ecrit par Antoine Vitek/ Publié le 17 novembre 2017

Résumé :

Pour illustrer l’un des paradoxes de la physique quantique, Erwin Schrödinger invente une expérience de pensée : un chat est enfermé dans une boite contenant un atome dans un état instable. Si l’atome se désintègre, un appareil déclenche l’évaporation d’un poison qui tuera le chat. De fait, tant que l’on n’a pas ouvert la boite, le chat peut être considéré à la fois comme mort et vivant. Deux états incompatibles mais qui pour autant doivent être considérés simultanément.

Philippe Forest utilise cette expérience comme point de départ de son roman. Dans la nuit, le narrateur voit un chat qui va passer un an avec lui avant de disparaitre. Ce chat, à la fois mort et vivant, lui permet d’entamer une réflexion sur la relation que l’homme entretien avec le réel mais aussi – et surtout – sur tout ce qui aurait pu avoir lieu si nos choix avaient été différents. Un voyage poétique dans tous les univers parallèles des vies que nous aurions pu vivre, afin d’évoquer l’enfance, le destin, la mémoire, le désir ou encore le deuil.

Rassurez-vous ! Si le point d’entrée de ce livre est une expérience scientifique, il ne vous sera pas nécessaire d’avoir des connaissances en physique quantique pour pouvoir vous y plonger. Non, il ne s’agit pas d’un ouvrage scientifique mais bien d’un voyage poétique que nous propose Philippe Forest.

Mais quelle drôle d’idée de partir de la physique quantique ? En fait, c’est plutôt bien pensé ! Etudiant différents états possibles (par exemple qu’un chat puisse être à la fois mort et vivant), la physique quantique crée tout un tas d’univers parallèles dans lesquels se déroulent l’ensemble des phénomènes envisageables. Forest imagine donc que notre vie est l’un de ces univers, perdu parmi la multitude des chemins qu’elle aurait pu prendre si nos choix avaient été différents :

J’en viens à voir le monde comme s’il était très semblable à une grande boîte qui, elle-même, en contiendrait une infinité d’autres dont chacune aurait la propriété que lui prête l’expérience de Schrödinger : recelant donc, en suspension, tous les possibles à la fois dans l’état qui précède l’instant où ceux-ci se précipitent, s’effondrent, pour que se constitue l’apparence unique de ce désastre en forme de mirage qui passe pour la réalité.

Il arrive un moment dans la vie où l’on commence à regarder derrière soi. On a perdu l’innocence de l’enfance et on se demande si nos choix ont été les bons. Quels chemins notre vie aurait-elle pu prendre si nous avions agis différemment ? Le problème, c’est qu’à trop s’interroger sur ces sujets, on en vient à se demander quel est le sens de la vie. Toutes les journées ne sont pas un long fleuve tranquille et nous portons tous en nous des blessures plus ou moins profondes dont certaines ne guériront jamais. Comment se faire à l’idée que certaines personnes ne sont plus là et que toutes celles que vous aimez subiront un jour le même tragique destin ? Comment, dans ce contexte, trouver un sens au train-train quotidien certes nécessaire mais parfois si monotone ? Je repense alors à Céline et à ce passage du Voyage au bout de la Nuit :


C’est l’âge aussi qui vient peut-être, le traître, et nous menace du pire. On n’a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilà. Toute la jeunesse est allée mourir déjà au bout du monde dans le silence de vérité. Et où aller dehors, je vous le demande, dès qu’on a plus en soi la somme suffisante de délire ? La vérité, c’est une agonie qui n’en finit pas. La vérité de ce monde c’est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n’ai jamais pu me tuer moi.

Il ne faut pas être bien vieux pour savoir qu’il faut mettre de côté certains rêves et se contenter d’une réalité parfois douloureuse. Philippe Forest, sait de quoi il parle, il a vécu le drame de la perte sa fille lorsqu’elle était encore enfant (à ce sujet, je ne saurais que trop vous recommander la lecture de l’Enfant éternel). Difficile, donc, ne pas voir dans la disparition de ce chat une dimension autobiographique quand le narrateur s’interroge sur le voyage que peut faire le chat dans l’espace et dans le temps.

Sur la première moitié de ce livre, j’ai eu du mal à suivre Forest dans ses réflexions,. Mais la seconde moitié s’est avérée passionnante et je n’en suis pas ressorti indemne tant les mots de Forest ont pu faire écho en moi. Dans Le métier de vivre, Pavese disait que lorsque nous lisons, nous cherchons des pensées que nous avons déjà eues, à qui la page imprimée donne le sceau d’une confirmation et résonne en nous d’une façon particulière. Ce livre m’a fait cet effet là, Forest a réussi a mettre des mots là où j’en étais incapable. C’est un livre qui m’a beaucoup touché et qui restera encore longtemps dans mes souvenirs.

culturez-vous.com

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D’autres extraits

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Extrait 1 - (PROLOGUE) :

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Attraper un chat noir dans l’obscurité de la nuit est, dit-on, la chose la plus difficile qui soit. Surtout s’il n’y en a pas.

Je veux dire : surtout s’il n’y a pas de chat dans la nuit où l’on cherche.
Ainsi parle un vieux proverbe chinois à la paternité incertaine. Du Confucius. Paraît-il. J’aurais plutôt pensé à un moine japonais. Ou bien à un humoriste anglais. Ce qui revient à peu près au même.

Je crois comprendre ce que cette phrase signifie. Elle dit que la sagesse consiste à ne pas se mettre en quête de chimères. Que rien n’est plus vain que de partir à la chasse aux fantômes. Qu’il est absurde de prétendre capturer de ses mains un chat quand nul ne saurait discerner, même vaguement, sa forme absente dans l’épaisseur de la nuit.

Mais Confucius, si c’est de lui qu’il s’agit, ou bien le penseur improbable auquel on a prêté son nom, n’affirme pas que la chose soit impossible. Il dit juste que trouver un chat noir dans la nuit est le comble du difficile.

Et que le comble de ce comble est atteint si le chat n’est pas là.
J’ouvre les yeux dans le noir de la nuit. Des lignes, des taches, des ombres, le scintillement d’une forme qui fuit. Quelque chose qui remue dans un coin et envoie ses ondes ricocher au loin vers le vide qui vibre

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Extrait 2 :

Quand ma fille était encore en vie, qu’elle était toute petite, et que la maladie la tenait éveillée dans la nuit, qu’elle appelait, je montais jusqu’à elle, prenant le vieil escalier de bois rouge qui conduisait à sa chambre. Comme la souffrance parfois, malgré la morphine, l’empêchait de dormir, je m’allongeais près d’elle et je lui racontais des histoires. Des contes d’enfants qui lui parlaient d’elle et de nous. Je crois qu’elle n’attendait rien d’autre de moi que la musique régulière d’une voix familière chuchotant pour elle dans le noir. Et quand j’avais épuisé toutes les histoires que je connaissais, nous parlions encore longtemps avant que vienne enfin le répit du sommeil ou que le jour se lève, la lumière passant par l’unique fenêtre qui surplombait la pièce. Maintenant, je me dis, même si je sais que c’est absurde, qu’elle voulait, avant qu’il soit trop tard, que je lui raconte, comme si je les avais sues, toutes les histoires du monde : tout ce qui était, tout ce qui avait été, tout ce qui serait, tout ce qui aurait pu être. Depuis le commencement impensable des choses. Et comme ces histoires, je ne les connaissais pas, je les inventais.

Je crois que c’est à cette époque-là de ma vie que je me suis mis à parler. Il y a plus de quinze ans maintenant. Car avant, je n’avais jamais rien dit. Simplement pour l’accompagner avec les mots d’une voix amie. Incapable de faire autre chose pour elle. Je n’ai pas cessé depuis. Même si c’est d’une autre manière. Je fais les questions et les réponses. Je lui prête ma voix. C’est elle plutôt qui me prête la sienne. Je rêve de moins en moins souvent. Mais la nuit, parfois, cela fait quand même comme une sorte de petit conciliabule dans ma tête. Je reprends là où nous l’avions laissé le fil interrompu de la conversation. Je lui avais promis de lui dire l’histoire jusqu’au bout. Je tiens parole comme je peux. « Tenir parole », c’est drôle comme les mots disent vrai. On ne tient rien d’autre que des mots entre ses mains. Afin qu’ils ne tombent pas à terre avec tout le reste. Ou bien parce qu’il n’y a qu’à eux qu’on peut s’accrocher un peu. Afin de ne pas tomber soi-même dans le vide où tout vous entraîne.

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Extrait 3 :

Il y a bien des raisons de mourir. Sans doute y en a-t-il autant de vivre. C’est pourquoi les unes et les autres se tiennent plus ou moins en équilibre : on ne vit pas, on ne meurt pas, on se laisse vivre et puis on se laisse mourir. Moi, les quelques fois où j’avais pensé à me tuer, je sais ce qui m’avait conservé vivant, le motif vraiment dérisoire au regard de tout le reste et qui pourtant avait fait que j’étais toujours là : la curiosité, le désir très stupide de savoir ce qui allait suivre, l’avidité de connaître ce que serait le lendemain vide qui m’attendait. La cause la plus insignifiante peut vous pousser au suicide. Mais, inversement, c’est aussi la moins importante qui peut vous sauver la vie.

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Extrait 4 :

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Ce chat, je le prends comme professeur de désir. J’apprends de lui ce que c’est qu’aimer. Il m’enseigne qu’aimer vraiment, c’est aimer pour rien. D’un amour très sensuel mais totalement délivré, ou presque, de tout souci de réciprocité. Où personne ne se considère jamais comme le propriétaire d’autrui et n’estime en conséquence que l’affection qu’il donne doive être payée en retour d’une affection égale. Car il ne viendrait à l’esprit de quiconque qu’il est en droit d’exiger un chat une preuve d’amour. Ni même une marque d’affection. Ce qui n’ôte rien à l’intensité de l’affaire, au contraire, mais la libère seulement de tout marchandage de l’émotion. L’extorsion sentimentale.

– Tu m’aimes ? – Je t’aime. – Tu m’aimes vraiment ? – Je t’aime vraiment. – Tu n’aimes que moi ? – Je n’aime que toi. – Tu es toute à moi ? – Toute à toi.

Des choses qui se disent entre un homme et une femme. Même quand ceux-ci ont assez vécu pour savoir qu’elles ne signifient rien, que ces mots ont été dits déjà des milliers de fois. Et que, même si elles sont vraies, de telles paroles sont faites seulement pour la nuit où elles se perdent.

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Extrait 5  :

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Ma folie à moi, il me fallait le reconnaître, avait bien des affinités avec cette sorte de démence douce. On peut croire à une chose et, en même temps, ne pas croire en elle. L’esprit fonctionne simultanément selon différents programmes aux convictions incompatibles, voire carrément antagoniques. J’irai jusqu’à dire que c’est à cette seule condition que l’on échappe à la vraie folie, entretenant en soi plusieurs esprits de manière que l’on puisse, en cas de nécessité, en changer à sa guise et que, quelque part dans le cerveau et sans pour autant que soit menacé l’équilibre rationnel de celui-ci, on puisse trouver parfois le refuge absurde d’une conviction parallèle qui vous permet de supporter la réalité telle qu’elle est en vous figurant qu’elle est en même temps autre que ce qu’elle est.

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Extrait 6  :

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Je pense souvent à ce qu’aurait pu être ma vie, autrement.
Je me souviens, j’imagine.
Je me revois à tous les âges.
Tous ceux que chacun d’entre nous a été. Très semblable à eux. Tout à fait différent.
Des personnages.
Pas encore assez vieux, je ne le suis pas tout à fait, pour éprouver à leur égard de la nostalgie et m’attendrir sur le souvenir de ce qu’ils furent. Déjà assez, je le suis, pour ne plus trop leur en vouloir de ce qu’ils ont été.
Pas vraiment certain, d’ailleurs, de valoir davantage désormais qu’ils n’ont valu autrefois.
Et les autres.
Selon l’infinie possibilité des possibles.
Tous les si de la vie.

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Extrait 7 :

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« Faire comme si » est l’expérience de pensée dont, depuis l’enfance, procèdent toutes les autres. Même en sachant qu’il n’en est rien, on fait comme si le monde avait un sens de manière à ce que, pour occuper sa tête de rêveries amies, on puisse se raconter à soi-même l’histoire qui reliera tous ces événements dont le hasard souffle et éparpille la poussière, se disant pour soi-même l’histoire qui commence par le vieil « Il était une fois » de toujours, le sésame d’autrefois ouvrant la porte qui donne sans fin sur demain. Même si on choisit de dire du monde que le seul sens qu’il a est de n’en pas avoir – ce qui revient encore à lui accorder une autre signification, ni plus ni mois avérée qu’une autre –, faisant comme si tout autour de soi n’était que désordre et chaos, absurde carnage où le rien avale tout et n’enfante que des fables.

On invente une autre réalité afin de pouvoir considérer depuis le monde d’hypothèses que l’on se donne celui où l’on se tient, de jouer avec ce qu’il contient, désassemblant les pièces du puzzle pour voir si n’existerait pas une manière de les arranger autrement et de composer avec tous ces morceaux d’un monde en miettes une image plus juste de ce qui est.

Afin que l’histoire, la vieille histoire de toujours, ne s’achève jamais.
Et que tout se raconte éternellement.
De sorte que jamais ne vienne le moment du dernier mot.

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Extrait 8

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 :
A la faveur de la nuit, lorsque dans votre existence les ombres se sont épaissies, que la coupe de néant se trouve assez remplie pour qu’une goutte suffise, qui la fait déborder, si bien que le chagrin le plus infime vient vous révéler ce que vous avez toujours su : il n’y a rien d’autre à apprendre de la vie, la seule leçon qu’elle vous donne est celle qui dit que vous sera ôté tout ce que vous avez aimé, il faudrait ne s’attacher à rien ni à personne, et, pourtant, le prix de la perte ne se mesure jamais qu’au prix de ce que l’on a perdu

Philippe Forest - Le chat de Schrödinger

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1 Messages

  • Mathieu Baret | 3 mai 2023 - 22:09 1

    Une petite remarque, peut-être un peu hâtive, ou simplement naïve :

    L’expérience de pensée de Schrödinger n’a rien à voir avec l’être et le néant, mais avec la superposition quantique, qui prédit que les choses sont comme ceci et comme cela à la fois, c’est à dire indéterminées, tant que la mesure de l’une des situations possibles n’est pas effectuée . L’être et le non être sont deux notions à la racine de notre pratique de la raison, de l’établissement du tiers exclu de la logique à la partition des antagonismes universaux, qui assurent une identité stable aux phénomènes, et nous indique de distinguer le ceci du cela . Le chat de Schrödinger ouvre sur une possibilité absente de la métaphysique classique, en proposant non pas une alternative, mais une coexistence, soit à peu près l’inverse .

    Si le paradoxe de Schrödinger, qui ne concerne aucun chat réel, ouvre sur quelque chose, c’est sur la multiplicité des mondes, non pas possibles, mais réels .

    Prenons une droite et dessinons un point, combien de parallèles à la droite peuvent passer par ce point ? La réponse conventionnelle décrit une seule parallèle passant par ce point . Or il se trouve démontré qu’il est impossible qu’une seule droite ne puisse passer par ce point et être parallèle à notre droite, c’est un grand mathématicien qui a découvert cela, vous chercherez son nom .

    Ensuite, dans la série historique des interprétations de la physique quantique, un jeune étudiant avait lancé sans le vouloir un pavé dans la marre avant de quitter ses études, d’autres s’en sont emparé et en ont aperçu que lors de l’incertitude quantique, se formait un espace de bifurcation ouvrant peut-être sur des embranchements de mondes, tout proches, si inaccessibles, semblables à ces droites parallèles à notre point, réelles et impossibles à concevoir conventionnellement, dans lesquels toutes les possibilités de mesure existent exclusivement les uns des autres .

    Cette conjecture, des noms de ces deux savants, n’a pas d’existence car elle n’est pas écrite, mais la physique quantique envisagée ainsi décrit une multitude d’être, aucun non-être, et tous les éléments de notre monde aussi bien, dont la mort, la destruction, la disparition, la négativité ou le mal, un concept au nom de non-être, et les fantasmes post romantiques de nombreux auteurs .

    D’autres expériences de pensée permettent de comprendre que s’il n’est pas actuellement possible, sous les conditions normales de notre monde en tant qu’il est réduit au monde socio-politique, de passer d’un monde à un autre, c’est bien cela qui est en jeu, la multiplicité des mondes et l’art du changement .

    Comment passer d’un monde à un autre ? On ne peut pas choisir et retourner en arrière, donc, mais en avant, effectuer des actions décisives pour sauter d’un monde à un nouveau, si proche, si différent dans ses développements pourtant, oui .

    Chaque fois que nous sommes pris dans un dilemme ou une mesure quantique, nous passons, par les choix que nous faisons, d’un monde ancien à un nouveau .

    C’est pourquoi le chat de Schrödinger meurt sans doute de faim, car personne n’aurait le courage de risquer de tuer un chat, comme chacun sait . D’autres versions plus respectueuses de cette réalité proposent un dispositif pour simplement endormir le chat, et l’expérience de pensée fonctionne tout aussi bien .

    Nous ne savons pas ce qui constitue 96% de l’Univers, modestement, laissons penser que si le tout de ce qu’il y a et que nous détectons, matière physique ordinaire, superpositions quantiques incluses, ne représente que 4% de ce qui est, peut-être cette proportion d’inconnu héberge-t-elle la diversité des mondes déjà bifurqués, dont nous n’avons pas besoin pour vivre dans une réalité acceptablement stable, même et une .

    La question du non-être garde pourtant tout son intérêt, simplement, le “Chat de Schrödinger" est à la fois tout autre chose, et quelque chose de peut-être plus profondément inscrit dans la nature réelle du monde moderne, que la spéculation antique sur le dilemme héraclitéo-parmenidien .

    Voir en ligne : La Conjecture de Riemann-Everett