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Histoire de l’antisémitisme

Nouvelle diffusion

D 29 octobre 2023     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


De l’Antiquité jusqu’à nos jours, le dense récit de deux millénaires d’intolérance et de persécution à l’égard des juifs, étayé par les éclairages passionnants d’une pléiade de chercheurs.

La série réalisée par Jonathan Hayoun — quatre épisodes — passait sur arte le mardi 12 avril 2022. Elle a été rediffusée le 11 octobre 2023 après le véritable pogrom perpétré par le Hamas en Israël le 7 octobre. Plutôt bien faite et pédagogique, toujours d’actualité.

Fondée sur les travaux de nombreux chercheurs – historiens, théologiens, islamologue, psychanalyste, anthropologue… –, cette traversée de deux millénaires d’antisémitisme impressionne par sa riche iconographie, son érudition et sa densité. Elle accable aussi, tant l’histoire se répète. Aux brèves accalmies (la période Al-Andalus, la Pologne des XVIe et XVIIe siècles…) succèdent des torrents de haine, le fléau voyageant à travers l’Europe. Battant en brèche l’idée d’un rejet immémorial, la série montre par quels ressorts l’antisémitisme, instrumentalisé pour des raisons religieuses, politiques ou économiques, s’est construit et recyclé à travers le temps. Les nazis ont par exemple puisé dans l’imagerie moyenâgeuse pour stigmatiser leurs contemporains. Mais ces persécutions ont paradoxalement renforcé l’existence de la communauté juive, qui s’est structurée à force d’être ramenée à une identité fantasmée. Cette histoire des discriminations est donc aussi celle d’une émancipation et d’une résistance, des protestations du philosophe Philon au Ier siècle à l’épithète rageuse de Robert Badinter (interviewé dans la série) contre le négationniste Robert Faurisson, qualifié de "faussaire de l’histoire", en passant par le poème du Russo-Israélien Haïm Bialik en réaction au pogrom de Kichinev de 1903. Cette œuvre littéraire, pour une fois suivie d’effet, exhortait les juifs à "se réveiller" et provoqua un exode massif vers des terres plus hospitalières.

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Entretien avec Jonathan Hayoun

Sonia Devillers, L’Instant M, 11 avril 2022.

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Aux origines, 38-1144

Les historiens situent le premier massacre en 38, à Alexandrie, qui abritait une communauté juive florissante, ce qui déchaîna la fureur des Égyptiens. Dès le IIe siècle, l’ardeur du prosélytisme ruine l’entente entre chrétiens et juifs, les premiers accusant les seconds de déicide. En 413, saint Augustin publie La cité de Dieu. Ce livre influera durant près d’un millénaire sur la place dans la morale chrétienne des juifs, "peuple témoin" qu’il s’agit à la fois de protéger et d’assujettir, une idée reprise ensuite par les musulmans. Aux XIe et XIIe siècles se déroulent les premières croisades, qui combattent les musulmans mais aussi les juifs, vus comme l’ennemi intérieur.

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Le temps du rejet, 1144-1791

Aux XIIe et XIIIe siècles, la situation des juifs en Europe se dégrade. Les souverains durcissent les règles sous l’influence d’une chrétienté qui s’étend et leur confère une légitimité. Ils vont s’astreindre à rendre visibles des juifs que rien ne distinguait du reste de la population, à travers une iconographie délirante (nez crochus, chapeaux pointus…) et des mesures discriminatoires, tel le port de la rouelle, anneau jaune dont la couleur, symbole de traîtrise, resurgira sous l’ère nazie. En 1290, les premières expulsions surviennent en Angleterre avant de gagner l’Europe de l’Ouest.

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De l’émancipation à la Shoah, 1791-1945

Sous l’influence des révolutionnaires français, de nombreux juifs accèdent à la citoyenneté en Europe. Mais l’essor industriel amène de nouvelles formes d’hostilité. Le poids de la religion diminuant, l’antisémitisme s’appuie désormais sur des théories raciales. Les juifs servent aussi de bouc émissaire à un courant socialiste populiste qui réactive le cliché moyenâgeux du "juif homme d’argent" et leur impute la misère ouvrière. Sous l’impulsion du journaliste Theodor Herzl émerge le mouvement sioniste et la revendication d’un État refuge. En 1903, le pogrom russe de Kichinev indigne la communauté internationale. Le XXe siècle est aussi marqué par l’avènement du régime hitlérien, à la doctrine ouvertement antisémite.

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Les nouveaux visages de l’antisémitisme, 1945 à nos jours

Après la Shoah, la communauté internationale découvre avec stupeur l’extermination de 6 millions de juifs. Pourtant, l’antisémitisme n’a pas disparu, comme en témoigne le pogrom de Kielce, en Pologne, où des rescapés des camps sont massacrés. Après la proclamation de l’État d’Israël en 1948, les populations juives doivent, en majorité, quitter les pays arabes. En 1965, à l’issue du concile Vatican II, l’Église met fin à deux mille ans d’antijudaïsme. Après une période d’accalmie dans les années 1960, l’antisémitisme adopte de nouveaux visages.

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Sur Arte, une très complète « Histoire de l’antisémitisme »

A travers des moments clés, la série documentaire en quatre volets raconte les discriminations contre le peuple juif, du premier massacre en Egypte à la haine post-Shoah.

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Face à l’absence d’archives pour les premiers épisodes,
la série utilise des images d’animations.

par Virginie Bloch-Lainé

Cette série épatante commence par une remarque qui semble évidente mais ne l’est pas  : l’antisémitisme n’est pas multiséculaire, il n’est pas inhérent à l’existence du peuple juif. Affirmer le contraire reviendrait à dire  : « Vous avez toujours été haï, donc il y a un problème chez vous. » Ce sont les va-et-vient, les creux et les pleins, les crises et non la ligne droite de la haine virale contre les Juifs que mettent en valeur ces quatre documentaires sur l’histoire de l’antisémitisme. Ils s’ouvrent en 38 après J.-C. à Alexandrie et se terminent aujourd’hui ou presque, tant les événements récents se bousculent, la tuerie de Toulouse (2012), celle de l’Hyper Cacher (2015), l’attentat contre le musée juif de Bruxelles (2014), contre la synagogue de Pittsburgh (2018) et le carnaval d’Alost en Belgique. Entre les deux il y eut des périodes de coexistence pacifique.

Outre des entretiens menés en face-à-face avec des historiens, les images de synthèse et d’animation pallient l’absence d’archives dans les deux premiers épisodes qui se terminent avec la Révolution française. Le premier massacre de Juifs se situe à Alexandrie, ville cosmopolite sous domination romaine. Chacun vit selon ses rites et en bonne intelligence. Les Juifs ont obtenu de ne pas rendre de culte à l’Empereur dans les synagogues. Jaloux de ce privilège, les Egyptiens relaient des rumeurs sur les Juifs  : ils feraient des sacrifices humains et seraient la cause de tous les moments difficiles traversés par le pays. Les fantasmes sont en marche. Le gouverneur romain d’Alexandrie autorise la foule à s’attaquer aux Juifs.

Chaque volet met en valeur les moments de bascule, les premières fois : premier texte s’élevant contre la haine des Juifs à la suite de ce massacre d’Alexandrie, signé Philon d’Alexandrie, témoin des événements ; première représentation d’un Juif au nez crochu en 1170 en Allemagne. Avant cela, on ne leur attribue pas de traits particuliers. La première caricature d’un Juif avec une mappemonde à la place du ventre apparaît en Allemagne encore, en 1845. Rothschild devient le symbole de l’homme à abattre.

Entre les deux, l’Inquisition est développée pour traquer les marranes, ces convertis au catholicisme qui vivent leur judaïsme en secret. L’expulsion des Juifs de la péninsule ibérique fait de la Pologne, en 1600, le pays où résident 90% des Juifs européens. La ville d’Auschwitz est alors l’hôte parfaite pour ces émigrés et leurs descendants. Les nobles polonais ont besoin des marchands et des artisans juifs. Autre moment important : l’affaire Mortara, qui se déroule à Bologne en 1858. Un garçon juif baptisé par sa nourrice est enlevé à sa famille afin qu’il reste dans le giron du catholicisme. Les autorités pontificales le gardent. Lincoln et Napoléon III interviennent personnellement afin que l’enfant soit rendu à sa famille et la Ligue contre l’antisémitisme, la Lica, voit le jour.

Après la Shoah, il faut trouver de nouveaux moyens d’exprimer cette haine bien spécifique. Ce sera l’antisionisme, selon lequel le projet israélien représente une menace contre la paix dans le monde. En 1975, l’Assemblée générale des Nations unies adopte une résolution déclarant que le sionisme est une forme de racisme. Le secrétaire général des Nations unies s’appelle Kurt Waldheim, ancien gradé nazi. La résolution est révoquée en 1991 mais l’association sionisme-racisme est installée. Chaque volet se termine par une brève intervention de Robert Badinter. A la fin du troisième épisode, il dit ces quelques mots : « Hitler a génocidé les sources vives du judaïsme européen. C’est un monde mort, c’est ainsi. »

Histoire de l’antisémitisme, série documentaire en quatre parties réalisée par Jonathan Hayoun, diffusée ce mardi sur Arte à 20 h 55, écrite par Jonathan Hayoun, Laurent Jaoui, Judith Cohen-Solal et produite par Simone Harari Baulieu.

Libération, 12 avril 2022.

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