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Hôtel de guerre, de Jean-Luc Outers

Parution : 03-03-2022

D 27 février 2022     A par Albert Gauvin - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



SOMMAIRE
1994
2021

Jean-Luc Outers
Hôtel de guerre

Collection L’Infini, Gallimard
Parution : 03-03-2022

« L’air frais s’engouffrait dans la pièce glaciale et, m’approchant de la fenêtre, je sentis le vide béant sous mes pieds. Sarajevo plongée dans l’obscurité s’étendait au loin. Comme l’imposait le couvre-feu, on ne distinguait aucune lumière scintillant au cœur de la ville. J’imaginai le cours lent de la rivière et au-delà les cimes des montagnes enneigées. Hormis le souffle timide de la brise, quelques rares tirs de snipers et d’éphémères boules de feu explosant sur la colline, le silence enveloppait la nuit. Je me sentais au cœur des ténèbres l’hôte minuscule d’une planète inhabitée, astre au milieu des astres dont l’unique mouvement était désormais la rotation dans l’infini de l’univers. »

Un écrivain séjourne à l’Holiday Inn, l’hôtel où sont regroupés les journalistes du monde entier durant le siège de Sarajevo. Il y retourne vingt-cinq ans plus tard, hanté par le souvenir d’Anna, une anesthésiste romaine rencontrée dans un hôpital.

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1994
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Il y avait du monde ce soir-là pour fêter mon anniversaire, les amis, les vieux amis, toujours les mêmes que Julie invitait chaque année à date fixe. Moi qui n’aime ni les fêtes, ni les anniversaires, j’avais bon gré mal gré fini par perpétuer ce rituel après notre séparation, histoire de préserver une trace de ces années où tout semblait aller de soi, y compris le bonheur. Pourquoi fêter l’anniversaire d’une naissance qui reste le fait du hasard, ou plutôt, si l’on y réfléchit, d’une succession de hasards ? Que je sache, il n’y a aucun mérite à naître. Pour la mère, c’est autre chose qui relève de la performance, de l’exploit, du don absolu. C’est donc à elle qu’il reviendrait de souffler sur les bougies et de se laisser étourdir par les embrassades et les chants entonnés en choeur.
Quel âge avais-je atteint ce jour-là, le 5 mars 1994 ? Quarante ans, si je me fiais à la soustraction de rigueur, le milieu de la vie, peut-être dépassé. Les chiffres ronds invitent aux bilans. Pour moi, tout avait été si vite. Sinon Julie, la naissance de nos deux fils, la séparation en douceur, la mort de mon père et quelques livres publiés dans l’indifférence générale, pas grand-chose à signaler. Quarante ans, l’occasion de faire table rase de ce temps qui ne reviendra plus et de repartir sur les chapeaux de roues ? Ces pensées qui me viennent à l’esprit à l’instant où j’écris ces lignes ne m’effleuraient pas, emporté par la bonne humeur ambiante qui prévaut d’ordinaire aux fêtes d’anniversaire au moment où sautent les bouchons et se remplissent les premiers verres.
Je fus surpris d’entendre la sonnette alors que les invités annoncés étaient tous présents et le faisaient savoir en levant leur verre. À la porte d’entrée, alors que le moteur de sa camionnette stationnée en double file continuait de tourner, un homme vêtu d’un blouson jaune et rouge paré du sigle de l’agence DHL Express me remit un colis dont l’emballage présentait toutes les apparences de l’urgence. L’expéditeur n’était autre que l’association Reporters sans frontières. Un cadeau d’anniversaire, scandaient des convives qui s’acharnaient à déballer le précieux paquet protégeant de plusieurs couches superposées un gilet bleu marine qu’intriguait son étrange lourdeur. Le plus futé d’entre eux ne mit pas longtemps à identifier le vêtement : un gilet pare-balles.
François qui, au temps où il existait encore, avait fait son service militaire dans l’armée belge, époque lointaine qui ne lui avait pas laissé que de bons souvenirs, lui qui par-dessus tout détestait ramper, convaincu que ce mode de progression était contraire à la nature humaine, posa le gilet sur la table et, d’une main experte, l’examina sous toutes les coutures. Absorbé durant de longues minutes, il finit par se tourner vers moi : « C’est du solide. Tu sens ceci ? Ce sont des plaques de titane qui ont été glissées dans les fibres, de quoi offrir une bonne protection du dos et du thorax. Prudence quand même, mon vieux, ce gilet ne dévie pas les balles mais stoppe les projectiles en absorbant l’énergie qu’ils dégagent. Tu vois ? Un peu comme les raquettes dans la neige qui répartissent le poids de la personne sur une surface étendue. » François avait réuni autour de lui un petit auditoire à qui il s’adressait avec l’assurance d’un expert en balistique. « Le gilet redistribue, en quelque sorte, l’énergie cinétique de la balle afin qu’elle ne pénètre pas le corps. Dans cette hypothèse, tu t’en sors avec un bleu ou au pire une lésion ou une fracture. Encore heureux qu’on ne t’ait pas fourgué le modèle utilisé par les gardiens de prison conçu pour contrer les coups de couteau mais totalement inefficace contre les tirs de carabine ou de kalachnikov. » Après avoir soupesé le gilet, il conclut : « C’est un peu lourd évidemment mais moins encombrant qu’une armure. Allez, montre-nous ce que ça donne. »
J’avais une drôle d’allure dans ce gilet enfilé sur mon pull. La fermeture Éclair comprimait mes côtes et mes poumons : j’avais du mal à respirer. Je fis quelques pas sous le regard amusé de l’assemblée. Allions-nous jouer à la guerre ? Certains fredonnaient des airs de fanfare militaire pour accompagner mon pas. D’autres simulaient des tirs nourris de mitraillette. Prenais-je la mesure de ce qui m’attendait, rejoindre dans deux jours une ville encerclée sur laquelle se déversait une pluie d’obus, trois cent vingt-neuf par jour en moyenne, avais-je lu dans le journal qui disposait d’un correspondant sur place, un correspondant de guerre, comme on les appelle ? Que peut bien un gilet pare-balles, fût-il du dernier cri, contre un obus tombant du ciel ? Je réalisais que je n’étais pas journaliste, encore moins baroudeur. De la guerre, je ne connaissais que les récits d’exode racontés par ma mère, ces convois chaotiques s’étirant sur les routes saturées qu’interrompaient des rafales de l’aviation allemande précipitant les fugitifs dans des caniveaux proches. Des soldats, je n’en avais vu qu’aux abords des casernes ou dans les parades militaires du 21 juillet, jour de la fête nationale où mon oncle, fervent patriote, emmenait ses neveux en bas âge. Dans leurs uniformes pimpants mais trop chauds pour la saison, marchant au pas, ils défilaient sans trop y croire au milieu de leur matériel qui n’avait jamais servi sauf dans quelque champ de manoeuvres où deux armées opposées font semblant de s’affronter. Je les imaginais mal en découdre avec un quelconque ennemi. Le roi en uniforme et les dignitaires du régime, juchés sur une estrade, faisaient mine de prêter attention à ce qui, à leurs yeux, devait représenter la quintessence de nos forces armées censées protéger la patrie contre l’envahisseur. Ces images étaient retransmises à la télévision comme un spectacle d’un autre temps qui ne nous concernait pas. Sinon quelques nostalgiques, qui pouvait bien regarder ça ? Même dans les chambres d’hôpital et les maisons de retraite où le désoeuvrement est prétexte à la moindre distraction, il se disait qu’on ne se précipitait pas sur sa télécommande.
De même, les guerres du Vietnam ou du Moyen-Orient, si meurtrières fussent-elles, semblaient se dérouler à l’autre bout du monde. Leurs instigateurs et les idéologues qui les entourent ne déclenchaient chez moi que colère et indignation. Même sous prétexte d’éliminer un dictateur, elles ne faisaient qu’engendrer la destruction, le chaos et la mort. Comme tout citoyen, il m’était arrivé de protester ou de manifester contre la violence absurde de la guerre et ses cohortes de victimes ou de réfugiés lancés sur les routes. Mais disons que le sentiment physique de la guerre m’était totalement étranger. Serré dans mon gilet pare-balles, j’en humais comme un avant-goût.
Au cours du repas composé de plats disparates apportés par les convives qui, à en juger par la profusion de salades et de desserts, ne s’étaient pas concertés, les questions fusèrent. Où allais-je m’égarer dans cet accoutrement ? Après un moment de silence, je prononçai le nom de Sarajevo qui retentit comme celui d’une ville existant par la seule résonance de son nom. Sarajevo, écartelée entre deux empires, quatre syllabes qui déclenchèrent les trois coups d’une tragédie embrasant l’Europe entière. L’histoire est connue qu’on me pressa de raconter. « L’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois, et son épouse Sophie, duchesse de Hohenberg, ont passé une nuit paisible dans un hôtel de la station thermale d’Ilidža, aux sources de la Bosna. Le convoi impérial s’ébranle vers le centre de Sarajevo, situé à une dizaine de kilomètres. La tension est extrême après l’effondrement de l’Empire ottoman et l’annexion récente de la Bosnie-Herzégovine par l’Empire austro-hongrois. Pour les Serbes, cette visite officielle est une provocation. Habitués aux soulèvements contre les Turcs, ils prétendent s’affranchir des tutelles impériales et vivre leur vie en toute indépendance, autrement dit étendre le Royaume de Serbie, phare de liberté au coeur des Balkans, aux territoires slaves qui le jouxtent. » Je repris mon souffle avant de poursuivre : « De jeunes idéalistes sont organisés en sociétés secrètes qu’aujourd’hui on appellerait organisations terroristes. La principale, soutenue discrètement par le gouvernement serbe, se nomme la Main noire (Crna Ruka), tout un programme. Certains pensent qu’elle a sa base arrière dans le sud-ouest de la France. Il est temps de frapper un grand coup et, ce 28 juin 1914, elle poste ses hommes de main, arrivés en train de Belgrade, le long du parcours que doit emprunter la voiture de l’archiduc. Chacun d’eux dispose de pistolets, de grenades et d’une capsule de cyanure en cas de capture. Les services secrets serbes entendent rester secrets. Le convoi impérial de six limousines longe la rivière Miljacka jusqu’à l’hôtel de ville de Sarajevo alors que les membres du commando se sont fondus dans la foule. Après le jet d’une bombe qui rebondit sur la voiture impériale et explose sur la voiture suivante, faisant une quinzaine de blessés, le convoi atteint l’hôtel de ville où l’archiduc, après quelques mots avec le gouverneur austro-hongrois responsable de sa sécurité, prononce un discours ovationné par le public. Tout va très vite. La tension monte d’un cran. Le couple impérial embarque dans son automobile. Ignorant les consignes, le chauffeur emprunte à nouveau le quai et, à hauteur du pont Latin, vire dans la rue Franz-Joseph. C’est là qu’est posté Gavrilo Princip dont le seul nom deviendra tout un symbole. Le véhicule s’arrête pour faire demi-tour à la demande du gouverneur. On entend plusieurs coups de feu tirés à bout portant. La première balle atteint le ventre de la duchesse Sophie, la seconde, la veine jugulaire de l’archiduc. L’automobile redémarre sous les cris où se mêlent l’agonie et l’effroi mais il est trop tard. Arrivé à la résidence du gouverneur, le couple impérial meurt aussitôt. Gavrilo Princip, âgé de dix-neuf ans, est arrêté. Prétendant lutter pour l’unité des peuples slaves du Sud, il a mis fin, sans le savoir, à une époque de l’histoire de l’humanité. Il mourra en prison de la tuberculose. Un mois après l’assassinat de l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie, Vienne déclare la guerre à la Serbie, provoquant, par le jeu des alliances, le déclenchement de la Première Guerre mondiale. On voyait bien qu’une époque de l’histoire de l’humanité prenait fin sans qu’on puisse pour autant entrevoir le commencement d’une autre. »
Je venais d’achever mon récit, serré dans mon gilet pare-balles qui, du moins en apparence, semblait plus efficace que le modèle en soie que portait l’archiduc lors de son assassinat à Sarajevo. C’était l’avis autorisé de François. Mais lorsqu’elle frappe aveuglément, la mort ne s’embarrasse guère des progrès de la technique. Surtout ne pas y penser.

*

On m’avait réservé un billet Amsterdam-Zagreb sur le vol 451 de la Croatia Airlines, compagnie fraîchement créée sur les ruines de la JAT Airways, la compagnie nationale yougoslave, fondée en 1927, dont la guerre civile et le démembrement de l’État avaient sonné le glas. On n’a jamais vu, en effet, une compagnie d’aviation nationale survivre à la disparition pure et simple du pays qu’elle représentait. Comment avais-je gagné l’aéroport de Schiphol, en train ou en avion ? Vingt-cinq ans après, je ne me rappelle plus. Mes notes sont muettes sur ce point. Mon premier souvenir correspond à la sensation délicieuse de prendre place sur le siège usé du Boeing 727 reconfiguré de la Croatia Airlines dont le logo avait en hâte été superposé à celui de la JAT Airways, comme sur ces serviettes de bain d’hôtels rachetés par des chaînes internationales qui, sous le logo imprimé de la chaîne, portent encore le nom brodé de leur ancien propriétaire. J’imaginais les palabres infinies entre Croates, Serbes et Slovènes au moment de la répartition des avions. La Bosnie-Herzégovine, qui pourtant fut jadis un royaume, n’avait pas eu droit au chapitre pour la simple raison que son indépendance serait postérieure au partage des bijoux de famille. L’ambiance ne devait pas être à la rigolade lors de cette liquidation générale où « tout doit disparaître » jusqu’au dernier écrou, jusqu’à la dernière goutte de kérosène, d’autant plus que, un peu partout dans le pays moribond, se créaient des lignes de front pour assurer des frontières pérennes, et que, sans lésiner sur les munitions, on se tirait abondamment dessus.
Mes bagages reposaient dans la soute. Les plaques de titane de mon gilet pare-balles avaient-elles déclenché l’alarme, créant l’affolement parmi les services de sécurité aéroportuaires ? Je me posais la question sans y attacher une importance excessive. Nous ne nous bousculions pas sur cette ligne tout juste mise en service, raison pour laquelle les hôtesses, pimpantes dans leurs uniformes créés, comme il se doit, par quelque grand couturier croate, ne ménageaient pas leurs efforts pour rendre le vol agréable à la poignée de passagers confortablement installés, parmi lesquels quelques militaires en treillis nous rappelant si nécessaire que notre avion effleurant les nuages appartenait à un pays en guerre. Ce vol gardait malgré tout les apparences d’un vol ordinaire avec ses consignes de sécurité, ses attentions prodiguées aux passagers par le personnel de cabine. On nous servit même du champagne qui, dès la première gorgée, se révéla être un mousseux de Slavonie orientale, à en croire mon voisin croate qui, levant à mon adresse sa coupe pétillante, voulait fêter en ma compagnie l’autonomie rudement conquise de sa jeune nation. Je restai d’autant plus sur la réserve qu’après la première rasade il coupa le vin blanc avec de l’eau plate. Mettre de l’eau dans son vin, était-ce une habitude locale ? Difficile, en effet, s’agissant des Croates, de démêler le fil tortueux qui sépare les résistants des Oustachis, de sinistre mémoire, car même leurs descendants n’en ont pas fini de brouiller les cartes, à l’instar de Franjo Tudjman, premier président élu de la république de Croatie, qui chaque matin, dit-on, remercie le ciel que son épouse ne soit « ni serbe ni juive ».
On nous servit un plateau-repas que semblaient savourer les militaires, le dernier sans doute digne de ce nom avant les gamelles et les rations distribuées aux soldats rangés en file indienne. J’aurais souhaité que ce vol ne finisse jamais tant je me sentais bien dans ce no man’s land ouaté entre deux mondes, tel un couffin suspendu au bec de la cigogne. « Wine or beer ? Coffee or tea ? A little bit more ? » Je n’avais surtout aucune idée de ce qui m’attendait. Invité par Reporters sans frontières à participer à l’opération Chaque jour pour Sarajevo, j’étais censé écrire un texte reflétant le point de vue d’un écrivain qui paraîtrait dans une douzaine de journaux européens et réaliser un court-métrage de quelques minutes qui serait diffusé à l’issue de mon séjour sur les antennes de la BBC et d’Arte.
Le programme de travail communiqué par Reporters sans frontières était plutôt vague : « Durant votre séjour à Sarajevo, vous allez réaliser un double reportage : le texte écrit doit être un reportage personnel, sans aucune obligation quant au choix du thème, du style ou du lieu. Il s’agit d’un texte plutôt littéraire (et non d’un commentaire sur l’actualité politique ou militaire). Le reportage audiovisuel est une carte blanche. Votre travail consiste à choisir le sujet de la séquence et à guider l’équipe de réalisation chargée de concrétiser votre idée. » Le document insistait sur le fait qu’aucune compétence n’était requise pour ce travail, notre contribution se limitant « à l’aspect rédactionnel et non technique ou cinématographique ». Mais sans la moindre expérience de la guerre, comment concevoir un projet fût-il écrit ou filmé ? J’avais donc décidé, d’entrée, de m’en remettre au hasard et à ce que me réserveraient les événements à venir. J’étais sans illusion sur l’horreur dont je serais l’infortuné témoin, surtout après le massacre du marché Markale où, quelques jours auparavant, un obus serbe avait fait soixante-huit victimes, toutes civiles. Les Serbes qui certes ne sont guère experts en balistique, arrosant la ville des collines environnantes, parlaient tantôt d’erreur, tantôt de provocation ennemie. Tout cela qui appartient à la propagande de guerre, je l’avais lu et relu dans les journaux dont les photos de la désolation s’étalaient en pleine page. Mais l’horreur n’est-elle pas un sentiment physique qui ne s’éprouve qu’au coeur même du bain de sang ?
« Pour qu’un siège ne se transforme pas en ghetto et notre impuissance en indifférence », prévenait dès les premières lignes le document de Reporters sans frontières qui précisait une à une les étapes de la mission à partir de l’arrivée à Zagreb jusqu’au départ de Sarajevo en avion militaire. Il se terminait par quelques conseils pratiques : l’adresse de l’Holiday Inn où je séjournerais, le seul hôtel ouvert de Sarajevo, les coordonnées de l’équipe de réalisation Saga-Point du jour et de l’immeuble de la Radio-Télévision bosniaque d’où devaient être expédiés mon article et mon reportage, quelques noms de personnes de référence travaillant dans les services de l’ONU, des femmes pour la plupart portant les prénoms délicieux de Patricia et Yarmila (Zagreb), Valeria (Ancône-Falconara), Sofia (PTT Building-Sarajevo). Il était recommandé d’emporter des vêtements chauds, sachant que l’hiver est rude à Sarajevo et qu’aucun édifice de la ville n’était chauffé. « Si vous avez le choix, optez pour des vêtements de couleur sombre (bleu marine, marron) mais proscrivez absolument toute tenue d’allure militaire, d’abord pour éviter toute confusion, ensuite parce que les militaires des deux camps seront tentés de vous en délester. » Décidément, les militaires ne reculaient devant rien. Le port du gilet pare-balles faisait l’objet d’un paragraphe détaillé exposant les consignes de sécurité « à lire très attentivement », étant entendu que ce séjour comportait « des contraintes et des risques particuliers ». Enfin, il était conseillé d’emporter une lampe de poche, un canif, une bougie, un briquet, chose que j’avais oublié de faire. En annexe, figurait la photocopie d’un plan détaillé du réseau d’eau et d’électricité de Sarajevo où différentes icônes indiquaient les Water supply lines, pumping stations and sources, reservoir, electricity supply lines, sub-stations, damaged lines, destroyed sub-stations, ces dernières représentées par une explosion au milieu d’un carré noir. Allais-je devoir m’approvisionner en eau à la source comme le font chaque jour les villageoises de l’Afrique subsaharienne ?

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2021

Jean-Luc Outers a écrit la préface des deux volumes des « Lettres à Philippe Sollers » de Dominique Rolin. Vous pouvez relire la préface du premier.

"Cinquante ans d’amour fou" - Communication de M. Jean-Luc Outers, membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, à la séance mensuelle du samedi 16 janvier 2021. Lire le texte de la communication ICI.

« J’ai choisi de vous parler de la correspondance amoureuse, 5 000 lettres environ, que se sont échangées durant 50 ans Dominique Rolin et Philippe Sollers. Cette correspondance (1958-2008) a fait l’objet d’une publication en 4 volumes (Gallimard) qui vient de s’achever avec le second tome des lettres de D.R, soit un volume par an depuis 2017. Au total 999 lettres publiées sur quelque 1 600 pages. C’est Frans De Haes et votre serviteur qui se sont attelés à cette tâche à la fois impressionnante et étrange car si l’on y réfléchit, on plonge dans une intimité qui, en fait, ne nous regarde pas. J’avoue qu’il m’ est arrivé, surtout en manipulant les lettres après les avoir extraites de leur enveloppe, de me sentir dans la position du voyeur. Nous avons d’emblée réparti les rôles, lui (Frans) ce serait Sollers et moi, Rolin puisque le choix éditorial a été de ne pas publier les correspondances croisées... »

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JEAN-LUC OUTERS SUR PILEFACE

VOIR AUSSI : Portraits de famille : les Outers, à père poète, fils graveur

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2 Messages

  • Albert Gauvin | 1er avril 2022 - 01:27 1

    Lisez-vous le belge ?
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    Où il est question d’amours, de guerres,
    de mémoires et de Sarajevo

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    Brunch littéraire
    avec Jean-Luc Outers & François Emmanuel

    Le samedi 9 avril à 11h00

    Centre Wallonie-Bruxelles | Paris
    CWB.FR

    Cinéma : 46 rue Quincampoix 75004 Paris

    Informations


  • Albert Gauvin | 7 mars 2022 - 12:26 2

    Alors que Poutine et son armée s’attaquent violemment à l’Ukraine, Jean-Luc Outers se souvient d’un autre conflit, celui qui ravagea Sarajevo dans les années 90. C’est en tant qu’écrivain relevant de Reporters sans frontières, organisme que soutenait l’ONU, qu’il se rendit en 1994 dans la ville martyrisée alors que les snipers serbes sévissaient encore et tiraient sur tout ce qui bougeait. Pour les écrivains comme pour les journalistes, il s’agissait de témoigner. Toujours est-il que se protéger d’un gilet pare-balles en ces circonstances n’était pas un luxe. L’expérience que mena Outers pendant quelques jours dans une ville déboussolée fut rude. Pour lui, la contribution professionnelle se réduisit à une émission de télévision de cinq minutes ainsi qu’à un article destiné aux presses européennes. Et c’était déjà beaucoup dans les conditions de désordre et de danger dans lesquelles chaque témoin tel que lui intervenait. Vivre comme il le fit dans le seul hôtel encore debout en ville, le Holiday Inn, dans lequel l’eau était rare et où les toilettes ne fonctionnaient plus, était toute une épreuve. LIRE ICI.