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Sollers à la lumière de Dante (suite)

Un vrai roman, Mémoires

D 21 janvier 2022     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Notre billet « Voyage dans les dits et écrits de Sollers, en quête de Dante » sous titré « Sollers à la lumière de Dante » se terminait ainsi :

On lira aussi le chapitre qu’il consacre à Dante dans ses mémoires : Un vrai roman, mémoires, Paris, Plon, 2007, p. 227-237, en particulier.

Eh bien, voici l’extrait en question de : « Un vrai roman, mémoires » pour clore ce dossier.

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Divine comédie

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Je reviens à la fin du vingtième siècle. Tout le monde est étonné d’en arriver là, quand une grande tempête traverse ln France en 1999. La maison de l’île de Ré, celle qui a été rasée par les Allemands au début des années 1940, puis reconstruite, est dévastée par le vent, ainsi que le jardin, cèdre centenaire abattu, pin parasol qui me protégeait l’été. Je suis donc obligé de revivre cette histoire de destruction des maisons, celle du bord de l’océan, celles de Bordeaux, avec leur parc, les rêves se chargeant chaque fois de reconstruire les lieux, les couleurs, le temps.
A Ré, salle de séjour explosée, malgré le rideau de fer qui la ferme pendant l’hiver. Le cyclone, car c’en était un, a bizarrement tranché, comme un sabre, à travers le jardin : à droite et à gauche, rien, mais sur le passage de la trombe d’acier, plus rien.

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C’est le moment où, sur la proposition de mon ami Benoît Chantre, je commence un de mes meilleurs livres, je crois : La Divine Comédie, à partir de Dante.
Dante est une vieille obsession, je le lis depuis longtemps, Je me suis familiarisé avec l’italien pour l’entendre, je cherche partout ses traces, au début des années 1960, lors de mes premiers voyages en Italie, Florence, Ravenne (lieu de son tombeau). Aucun écrivain (mais c’est beaucoup plus qu’un écrivain) ne m’aura autan retenu, attiré, réattiré à travers le temps, au point que je suis conduit à imaginer que je vis sous sa protection, ou plutôt sa grâce. Mon premier essai sur lui date de 1965 : Dante et la traversée de l’écriture. C’est l’année où je publie Drame, où sa présence se fait sentir. Elle est, bien entendu, beaucoup plus marquée, et transformée, dans Paradis, souffle continu sans ponctuation.

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Intérêt érudit ? Mais non, pas du tout, expérience intérieure urgente et directe. Sept siècles après (1300), quelqu’un vous parle de votre actualité la plus brûlante : c’est une voix très claire et très ferme, un sommet de poésie, un incroyable roman.
Si j’étais né en Italie, cet intérêt, après tout, aurait paru normal, bien qu’aucun Italien n’ait fait d’acte vraiment créateur à ce sujet. Mais en France, ignorance, silence radio. Pas un mot chez les curés, pas un mot à l’école laïque ni à l’université. Il faut donc supposer qu’une foi intense d’enfance fait écouter à travers les murs et la censure du monde. L’enfer ? Mais oui, on ne vo it que lui. Le purgatoire ? Evident. Le paradis ? Il existe. Dieu ? Il va de soi. Les damnés, les purgés, les bienheureux, les saints, les saintes, la Vierge, la Trinité, l’amour qui meut le soleil et les autres étoiles ? Perception constante, alertée, parfois fulgurante. J’ai vécu dans La Divine Comédie avant de la lire, je vous ai déjà dit que j’étais fou, c’est-à-dire, pour moi, au comble de la raison, nouvelle raison, nouvel amour. J’insiste sur comédie, c’est le nœud du problème. Impossible de m’en tenir au modèle de Béatrice, même si un certain nombre de cas confluent vers l’amour unique, mais là, c’est plutôt de « Dieu » qu’il s’agit. Il est arrivé bien des choses à la substance féminine depuis Dante, il m’a demandé de le corriger, je l’ai fait.
Moi aussi, autrefois, j’ai perdu la Voie, et je l’ai retrouvée, seul, dans une forêt obscure. Cela signifie qu’elle était là, et qu’elle est d’ailleurs toujours là.

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D’emblée, je n’ai rien compris au catholicisme borné et doloriste de mon époque, Tout me semblait, au contraire, devoir porter, dans cette région, à l’exaltation et à la joie. « Introïbo ad altare Dei, ad Deum, qui laetificat juventutem meam. » Ce n’est pas un hasard si Joyce, sous le manteau de la parodie (nécessaire dans les temps obscurs), convoque, en latin, au commencement d’Ulysse, cette invocation du début de la messe : « J’irai vers l’autel de Dieu, du Dieu qui réjouit ma jeunesse, » Ce dieu qui enchante ma jeunesse (pas l’âge, mais la verve printanière intime) m’a semblé, spontanément, le meilleur, quoique très mal servi par ses serviteurs. Etre un saint extatique, en lévitation, me paraît, à 10 ou 12 ans, la moindre des choses. La messe, les rites, les vitraux, les ornements, les fleurs, la musique, me semblent parfaitement naturels. Le Diable rôde ? Qu’à cela ne tienne, on va s’en servir, et d’ailleurs mon ange gardien me soutient. Le Diable n’est pas malin.

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L’eucharistie, l’hostie, le ciboire levé au ciel, le pain qui devient corps, le vin sang, bref la transsubtantiation, quoi de plus normal, puisque la chair se fait verbe, et le verbe chair ? Les mots s’incarnent, l’incarnation parle. L’adoration du saint sacrement, la prière parlée intérieure, le silence qui l’accompagne, l’ostensoir, l’encens, les cierges, les murmures, l’orgue, les chants, tout m’a touché au plus profond et m’émeut encore (en Italie, du moins). Première communion, confirmation, communion solennelle, rai traversé ces régions avec ferveur et délectation. Cul-bénit ? Mon œil. Je ne renie rien, le sarcasme ou les convulsions à ce sujet m’ont toujours semblé ridicules, relevant, comme les fausses dévotions, de la psychiatrie ou de l’exorcisme. Mon Dieu, mon Dieu, quel foutoir psychique et libidinal, quel bazar antique, somatique, oblique, pathétique ! Je hais la religiosité névrotique, mais je hais tout autant le sommeil et la surdité qu’on appelle (à tort) raison. Les mortels me paraissent appelés par Dieu ou les dieux, le divin en tout cas, et le sacré en prime. Vous êtes profane ? Ça vous regarde, mais laissez-moi circuler.

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Il ne faut jamais renier sa jeunesse (rebelle), et encore moins son enfance (magique). Foi d’enfance, donc, très lumineuse, et amplement justifiée par la secrète et exubérante nature. Il n’y a que les humains qui ne sont pas nets. Pourquoi ? On va le savoir assez vite, et on ira voir pour quelles raisons, en eux, ça ne marche pas.
Dieu est amour, même s’il faut lui ajouter une bonne dose d’humour, et souvent d’humour noir, en plus d’une complexité infinie et imprévisible. Contrairement à ce qu’on dit, ses voies sont très pénétrables, et sainte Thérèse d’Avila l’a vu : « L’enfer est un lieu où l’on n’aime pas. » J’ai mes nuits et mes visions d’enfer : abîme sans fond, prison étouffante, perte de l’orientation et de la communication, marches et démarches inutiles, tonneau des Danaïdes, rocher qui retombe, cimetières à ciel ouvert, voix de chiourme et d’horreur, vous connaissez le disque et le film, ils sont diffusés chaque petit matin dans votre sommeil. Les cauchemars sont là pour vous faire sentir le miracle des réveils, le rai de lumière, la joyeuse musique d’un bruit réel.

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Le pape Benoît XVI a bien raison de réinjecter un peu de latin dans la foire catholique. Geste pas du tout « intégriste », comme on se plaît à le dire, mais hommage à tout ce qui s’est écrit et chanté dans cette langue, de saint Augustin à Monteverdi ou à Mozart. Comment voulez-vous comprendre une énorme partie de la bibliothèque et de la discothèque sans savoir que c’est du latin ? Vous écoutez une messe classique sans comprendre les paroles ? « Incarnatus » ne vous dit rien ? « Miserere  » et « Gloria non plus ? « Et in saecula saeculorum » pas davantage ? Dommage.
« Celui qui ne comprend rien, dit Maistrc par provocation, comprend mieux que celui qui comprend mal. » Vérification facile, et raison pour laquelle, sans doute, ma jolie petite concierge catholique portugaise me comprend beaucoup mieux que mes connaissances, mes proches et la plupart de mes amis.

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L’ignorance militante dans laquelle est tenu le Paradis est stupéfiante. Dante, une fois pour toutes, doit incarner l’enfer, et encore l’enfer. Les poètes restent secs sur le sujet. Claudel l’évacue vite, et ne l’a pas vraiment lu, Saint-John Perse fait semblant. On ne le retrouve nullement chez Breton, Aragon, Artaud, Char, Ponge, Michaux. Hugo, lui, se prend pour Dante, identification brouillonne. Mallarmé dit que la « destruction fut sa Béatrice », contresens majeur. li apparaît chez Beckett (toujours l’enfer, un peu de purgatoire), et chez Debord (mais toujours l’enfer, puisque nous tournons en rond dans la nuit et sommes consumés par le feu) .
Après sept siècles (durée ésotérique d’occultation), Dante permet comme jamais de juger le nihilisme ambiant. C’est ce qui m’est apparu, peu à peu, de l’intérieur de ma propre expérience.

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Qu’est-ce qui nous cache Dante ? Tout, ou presque, à commencer par la fausse cathédrale Hugo. La saison en enfer dure depuis très longtemps, et il n’y a aucune raison qu’elle s’achève. Sauf dans un saut, pour celui qui y est poussé malgré lui. C’est ce qui m’est arrivé, et continue de m’arriver aujourd’hui.
Ne dites pas à un critique littéraire ou à un philosophe universitaire, et encore moins à quelqu’un qui se prétend « poète » de nos jours, que Paradis (premier volume, 1981, deuxième, 1986) est de loin le plus grand poème du vingtième siècle : ils vous riraient au nez en croyant que vous plaisantez.,
Le film de Dehord, In girum imus nocte et consumimur igni (« Nous tournons en rond dans la nuit et sommes consumés par le feu »), est un palindrome latin, c’est-à-dire qu’il peut se lire aussi bien de gauche à droite que de droite à gauche. La tonalité est dantesque, mais infernale. Un habitant du paradis de Dante dira, au contraire (non plus en latin, mais en italien) : nous planons en plein jour, et, comme le phénix, nous sommes vivifiés par le feu. Du latin de Virgile à l’italien de Dante, treize siècles. De l’italien au français, sept.


Bénédiction papale par un futur saint, Sollers est aux anges !
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Sur la photo avec Jean-Paul II on aperçoit le haut de la couverture du livre remis au pape.
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La Divine Comédie [1] paraît donc en 2000, et, en octobre, je vais l’offrir à Rome à Jean-Paul II. Il y a des photos : grand scandale dans les sacristies intellectuelles. La remise du livre a lieu, en audience publique, place Saint-Pierre. Je rappelle au pape que je lui ai déjà envoyé, sept ans auparavant, un livre tournant autour de l’attentat dont il a été l’objet (Le Secret), et, en effet, il hoche la tête, et là, geste inattendu, il tend le bras et appuie longuement sa main droite sur mon épaule gauche, tout en me regardant droit dans les yeux. Rituel militaire plus qu’étrange, d’autant plus que l’intensité du regard est du genre laser rayon vert. Pas un mot, la main sur l’épaule, silence de vie criant, félicitations pour mon activité de mousquetaire libre, absolution· de mes péchés (et Dieu sait). Archivé. Par la suite, envoi d’une lettre très élogieuse sur le bouquin, avec hyperbénédictions à travers la Mère de Dieu : pour un assassiné-ressuscité, c’est un comble.

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Dante ne s’est pas gêné avec les papes de son temps, il en a même mis quelques-uns en enfer. En 1921, Benoît XV, pour le six centième anniversaire de la mort de ce monumental poète occidental, lui rend déjà un vibrant hommage. Ce Benoît XV est trop méconnu. Pacifiste, bien entendu, il tient à prévenir les Allemands et les Français que s’ils continuent à s’égorger de la sorte (1914-1918), ils vont finir par provoquer en Europe une énorme catastrophe. Sur quoi, il se fait insulter par les deux camps, traître » pour les Allemands, « pape boche » pour les Français. Douze ans après ce rappel solennel de Dante, avec demande de l’étudier à fond, l’infernal Hitler est au pouvoir, sciemment aidé par l’infernal Staline. Plus de Pologne, donc. D’où, sans doute, en 1978, un pape polonais, vite visé par le KGB.

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Entre-temps, la controverse autour de Pie XII, suspect de « nazisme » (Le Vicaire, etc.), occupe, et occupe encore, beaucoup les esprits, propagande dont on saura de mieux en mieux comment elle a été décidée par Moscou, avec la signature de Khrouchtchev, pour « décrédibiliser l’Eglise catholique ». Ce n’est pas l’Eglise orthodoxe qui gêne, mais celle-là, la romaine universelle. Le successeur de Jean-Paul II, Benoît XVI, étant allemand, il doit donc être plus ou moins « hitlérien ». Tiens, lui aussi repart de Dante, et même (enfin !) du commencement du dernier chant du Paradis. Vous voyez bien, quel archaïsme  ! Et de plus, circonstance aggravante, il fait savoir qu’il aime jouer au piano des sonates de Mozart, son musicien préféré. Ce nouveau pape a décidément tout faux : il défie l’Islam, il remet une couche de latin dans son vin, il précise que son Eglise est la seule légitime (tête des protestants et des orthodoxes), il va ruiner son entreprise en écœurant ses fidèles découragés. Aucune ouverture sexuelle, donc c’est un fou. Adaptez-vous à la demande, nom de Dieu ! Non, nein, niet, quel caillou.
Dante et Mozart, c’est pourtant, à mon humble avis, un pari gagnant. Des églises vides ? Et alors ? On y entendra mieux la Parole.

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Je choque le lecteur dévot, le laïcard, l’« humaniste » ? Je m’en fous. Le pape n’a pas jugé bon de me demander des nouvelles de ma sexualité, il a pris la peine d’ouvrir (ou de faire ouvrir) mon livre, et, naturellement, il l’a trouvé, comme moi, excellent. Mon ami Benoît Chantre y intervient, me pousse dans mes retranchements, m’encourage, et résiste, en bon Français gallican. Il tente courageusement de défendre Péguy, dont l’Eve laborieuse me barbe, et Simone Weil, dont la poésie est terriblement datée, alors que celle de Dante est, à chaque instant, éclatante, crue, d’une mer¬veilleuse fraîcheur. Le point fort de Chantre est Pascal, mais là nous sommes d’accord, à ceci près que la musique des espaces infinis me plaît.
Où donc sont passés les cinq sens en sept siècles ? Ça ne va pas bien, ou plutôt, comme dit Baudelaire en entrant dans une brasserie avec des amis : « Ça sent la destruction. »
Faut-il rappeler que la Comédie de Dante, dans son rythme même, applique la superposition de quatre sens, de l’historique à l’anagogique ? Mais, là, je perds mon lecteur, je reviens à lui.
La Divine Comédie, mon livre, va donc au paradis en détail. Réactions ? Nulles, ou presque. Mais ce livre, celui sur Mozart (béni par Benoît XVI), ainsi que Le Secret, et le Dictionnaire amoureux de Venise sont conservés à Rome. Où pourraient-ils l’être mieux ? Je ne vois pas.

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La photo avec Jean-Paul II n’a pas plu. Du tout. Des remarques caustiques ou acerbes, et même des fureurs, des brouilles. Au lieu d’être félicité pour cette séquence hautement surréaliste, et, ô combien, situationniste, des gênes, des embarras, des pâleurs, des lèvres pincées. Et le livre ? Quel livre ? Il y avait un livre ? Où ça ? A droite, là, saisi courtoi¬sement par un cardinal. Un livre ? Sur Dante ? Mais qu’est-ce qu’on a à foutre de Dante ?
L’ensemble de l’opération pourrait avoir comme titre : La nouvelle lettre volée. La police croit tout voir, et elle est aveugle.

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Pauvre Jean-Paul II, si sportif en 1978, quand je le vois surgir sur CBS à New York, et si ravagé, en 2000… Comme beaucoup de monde en ce monde, j’ai suivi avec émotion ses funérailles en direct, avec les pancartes brandies par la foule « Santo subito ! » . Les ignorants ! Comme si on pouvait être décrété saint « subito » par acclamation populaire !
La béatification de ce pape est probable, sa canonisation possible, avec miracles à la dé. J’aurai donc, à ce moment-là, reçu l’encouragement d’un saint. Il y a eu, dans l’Eglise catholique, des docteurs angéliques ou subtils. Je prétends au titre de « Doctor in peccato », docteur en péché, donné, évidemment, sans aucune publicité, « in petto ».

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Un de mes bons amis était indigné. « Comment, me dit-il. ton père ne t’a pas appris qu’il ne faut plier le genou devant personne ? » Je lui ai répondu que je ne voyais pas ce que mon père venait faire dans cette histoire. Sans parler de mes sentiments personnels, il s’agit du protocole, voilà tout. Je ne tape pas sur l’épaule de la reine d’Angleterre, je ne me vois pas non plus offrir un cadeau calculé au pape en le prenant par le cou et en lui criant « Alors, vieux, ça va ? ». Remarquez que j’aurais peut-être fait alors la une d’un journal de gauche.
A Rome, l’ambassadeur de France, pas renseigné, n’est pas content, la spécialiste de Dante n’est pas contente, la journaliste communiste est très fâchée, le correspondant de L’Express ironise, la Loge P2, ou ce qu’il en reste, est consternée, le cardinal culturel, pas mis au courant, est très froissé - bref, le bide. A Paris, c’est pire. Tout le monde me fait la gueule, sauf quelques amis qui savent lire, et ont gardé le sens de l’humour.
Par où est-il passé, cet écrivain français douteux, à Rome ?
Par les toits.

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Tout cela pourrait être anecdotique, sauf qu’on peut vérifier, dans ce genre de situation, le profond désir de séparation générale, la volonté de maintenir l’étanchéité des identités et des places, le contrôle des territoires et des chasses gardées (fussent-elles minuscules), le labyrinthe des douanes, les taxes plus ou moins symboliques, et, pour tout dire, les marchands du Temple au cœur de la gratuité.
Réaction quasiment unanime ; Mao, et maintenant le pape ! Ça suffit !

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Pour Mao, je l’ai déjà dit, aucun regret, aucune culpabilité, aucun crime, folie passagère, passion pour la Chine mal contrôlée. J’ai d’ailleurs appliqué une règle de Mao lui-même : si une erreur a été commise, on doit l’aggraver [2] , car si on ne l’aggrave pas, on ne peut pas la rectifier. Je l’ai rectifiée, elle était intérieure. Pour La Divine Comédie, c’est encore plus simple : à qui offrir un tel livre, sinon à un pape, puisqu’il y est question de sa fonction jusqu’à lui ?
Je me moque, au début de Paradis, d’une adaptation gro-tesque de Dante à la télévision française. Dans Le Cœur absolu, j’ai imaginé le casse-tête d’un projet envisagé par la télévision japonaise : comment expliquer la civilisation catholique à une Asiatique d’aujourd’hui (c’est le problème de demain). Pour l’enfer, pas trop de problèmes, c’est le même partout, qu’on soit juif, islamiste ou bouddhiste. Mais pour le paradis, et la Vierge, fille de son fils, en rose céleste ? Compliqué, d’autant plus qu’il faut rétroagir sur l’hébreu, traverser le grec, le latin, l’italien, penser à s’exprimer en anglais pour une version sous-titrée japonaise. Dans le roman, le projet échoue, mais je voudrais le reprendre en chinois, en le dédiant au fabuleux jésuite Matteo Ricci, dont la tombe à Pékin est très bien entretenue, prudence.
On sonne un matin chez moi : c’est un coursier épuisé qui m’apporte les vingt kilos (ou plus) du grand dictionnaire chinois-français, en plusieurs volumes, le Ricci, une première mondiale. Je pourrais y passer dix vies. Cadeau de la Société de Jésus. Merci.

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L’idée du film est la suivante : l’action commence sur un toit de New York, encombré, comme une forêt compacte et sombre, d’antennes de télévision. Le narrateur est là, mal lavé, hirsute, et ne se souvient pas de ce qui l’a amené en ce lieu perdu. Là-dessus, des terroristes islamistes lancent trois Avions sur la tour où il se trouve : elle explose, elle s’ effondre. Sauvé par miracle, le narrateur, sonné et hagard, erre dans les décombres.


Dante par Giotto .
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Soudain, Dante lui apparaît, visage effilé, tendu, pourtant rayonnant (s’inspirer de son portrait par Giotto), et s’adresse à lui d’une voix d’abord presque inaudible, à cause de sept cents ans de silence. Le reste s’en suit, enfer, purgatoire, paradis, avec effets spéciaux, mais collant au texte. C’est très beau, et j’attends le financement du scénario.
En exergue du film (mais je crains une censure de la production), une phrase de Heidegger :
« Le langage sera le langage de l’être, comme les nuages sont les nuages du ciel. »

Dante ou Voltaire ? Casanova ou Heidegger ?
Je revois le cher et vieux René Pomeau, le grand spécialiste de Voltaire, dans son petit pavillon de banlieue, sous la pluie, me disant : « En somme, vous êtes un voltairien atypique. » Mais oui, mais oui, je suis « atypique » en tout.
Qu’est-ce qui est irrécupérable ? La contradiction, elle seule.


[1de Sollers

[2cf. dans l’actualité : la contrition publique de Boris Johnson à propos de ses écarts festifs en plein confinement COVID

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